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31/10/2000 | SUISSE | N°6S.652/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 octobre 2000, 6S.652/2000


«/2»

6S.652/2000/mnv

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

31 octobre 2000

Composition de la Cour : M. Schubarth, Président, Prési-
dent du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly,
Juges. Greffier : M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représenté par Me Aba Neeman, avocat à Mon-
they,

contre

le jugement rendu le 22 août 2000 par la Cour d'appel pé-
n

ale II du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du B a s -
V a l a i s;

...

«/2»

6S.652/2000/mnv

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

31 octobre 2000

Composition de la Cour : M. Schubarth, Président, Prési-
dent du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly,
Juges. Greffier : M. Denys.
______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représenté par Me Aba Neeman, avocat à Mon-
they,

contre

le jugement rendu le 22 août 2000 par la Cour d'appel pé-
nale II du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du B a s -
V a l a i s;

(art. 19 ch. 2 let. c LStup)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants :

A.- Par jugement du 27 mai 1999, le Tribunal du
IIIème arrondissement pour le district de Martigny a con-
damné A.________, pour violation grave de la loi fédérale
sur les stupéfiants (art. 19 ch. 2 let. c LStup), à seize
mois d'emprisonnement, sous déduction de la détention
préventive subie, peine complémentaire à celle infligée
le 17 septembre 1997 par le Tribunal correctionnel de
Bourg-en-Bresse (France), et à 10'000 francs d'amende.
Le Tribunal du IIIème arrondissement a en outre prononcé
contre ce dernier une créance compensatrice (art. 59 ch.
2 CP) de 20'000 francs.

B.- Par jugement du 22 août 2000, la Cour d'ap-
pel pénale II du Tribunal cantonal valaisan a rejeté
l'appel de A.________ et confirmé la décision de première
instance.

En bref, il en ressort ce qui suit :

A.________ et d'autres associés ont constitué
en novembre 1995 la société à responsabilité limitée
B.________ dont le but était d'"étudier, développer, fa-
briquer et commercialiser tous les produits dérivés di-
rectement ou indirectement du chanvre de manière compati-
ble avec les dispositions légales suisses". A.________ a
été inscrit au registre du commerce comme gérant avec si-
gnature individuelle. Elément moteur de la société, il a
pris toutes les décisions. Il a été retenu que A.________
avait cultivé ou fait cultiver du chanvre à haute teneur
en THC - variété de type Sativa qui présentait un taux
oscillant entre 0,7 et 2,9 % - en vue de la production de

stupéfiants, qu'il avait vendu cette substance sous la
forme de coussins prétendument thérapeutiques, contenant
uniquement les sommités florifères de la plante, ou en
vrac. En 1996, il a ainsi réalisé un chiffre d'affaires
de plus de 100'000 francs pour la mise sur le marché
d'une quantité de chanvre de 319 kilos au minimum.
A.________ a sciemment exercé cette activité dans le but
de vendre du chanvre à des toxicomanes désireux de le fu-
mer.

C.- A.________ se pourvoit en nullité au Tribu-
nal fédéral contre ce jugement. Il conclut, avec suite de
frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de
cassation contrôle l'application du droit fédéral (art.
269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement ar-
rêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al.
1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit donc être
mené sur la base des faits retenus dans la décision atta-
quée, dont le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF
126 IV 65 consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des con-
clusions du recourant (art. 277bis PPF). Les conclusions
devant être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités), le
recourant a circonscrit les points litigieux.

2.- Le recourant conteste l'application de
l'art. 19 ch. 2 let. c LStup à son cas.

a) Il a été retenu en fait, de manière à lier le
Tribunal fédéral (art. 277bis al. 1 PPF), que le recou-
rant avait, sous la forme de coussins ou en vrac, commer-
cialisé du chanvre à forte teneur en THC en sachant que
cette substance allait être fumée par les acheteurs. Il
tombe ainsi sans conteste sous le coup de l'art. 19 ch. 1
LStup (ATF 126 IV 60 consid. 2 p. 62/63).

L'infraction doit notamment être qualifiée de
grave lorsque l'auteur se livre au trafic de stupéfiants
par métier et qu'il réalise ainsi un chiffre d'affaires
ou un gain important (art. 19 ch. 2 let. c LStup). La no-
tion correspond à celle de l'art. 305bis ch. 2 let. c CP
en matière de blanchiment d'argent (ATF 122 IV 211 con-
sid. 2d p. 216).

b) Selon la jurisprudence, l'auteur agit par mé-
tier lorsqu'il résulte du temps et des moyens qu'il con-
sacre à ses agissements délictueux, de la fréquence des
actes pendant une période déterminée, ainsi que des reve-
nus envisagés ou obtenus, qu'il exerce son activité cou-
pable à la manière d'une profession, même accessoire; il
faut que l'auteur aspire à obtenir des revenus relative-
ment réguliers représentant un apport notable au finance-
ment de son genre de vie et qu'il se soit ainsi, d'une
certaine façon, installé dans la délinquance (ATF 123 IV
113 consid. 2c p. 116 et les arrêts cités).

En l'espèce, le recourant a mis sur pied une en-
treprise commerciale qui a cultivé ou fait cultiver du
chanvre et qui, en 1996, en a livré, soit sous forme de
coussins ou en vrac, plus de 300 kilos à de nombreux
clients répartis dans toute la Suisse. Au vu de tels

faits, il n'est pas contestable que le recourant s'est
livré au trafic par métier. Contrairement à ce qu'il sem-
ble penser, le chanvre n'est pas dépourvu de danger pour
la santé (ATF 120 IV 256 consid. 2c p. 260) et rien ne
saurait exclure que le trafic de cette substance puisse
réaliser le cas grave du métier (ATF 117 IV 314 consid.
2h p. 323/324).

c) aa) Pour que les conditions de l'art. 19 ch. 2
let. c LStup soient données, il faut en plus que le tra-
fic ait permis de réaliser un chiffre d'affaires ou un
gain important; par là, il faut entendre le revenu brut,
respectivement le bénéfice net du trafic (ATF 122 IV 211
consid. 2d p. 216). Le chiffre d'affaires ou gain impor-
tant doit avoir été réellement obtenu, l'auteur doit donc
avoir encaissé le montant correspondant (Albrecht, Kom-
mentar Strafrecht, Berne 1995, note 194 ad art. 19 LStup;
Corboz, Les principales infractions, Berne 1997, p. 394
no 105 in fine).

Le Tribunal fédéral n'a pas fixé de limites pré-
cises, applicables dans tous les cas, à partir desquelles
un chiffre d'affaires ou un gain doit être considéré com-
me important. Il a toutefois observé qu'il était légitime
d'exiger une somme plus importante pour le chiffre d'af-
faires que pour le bénéfice, dès lors qu'il faut tenir
compte des frais d'acquisition.

Dans un arrêt rendu à une époque où prévalait
encore l'ancienne notion du métier, le Tribunal fédéral
a retenu que l'importance du chiffre d'affaires devait
être appréciée notamment en regard de la période durant
laquelle il avait été réalisé; dans le même arrêt, il
a laissé ouverte la question de savoir si un gain de
1'600 francs devait être qualifié d'important (ATF 106
IV 227 consid. 7d p. 234/235). Dans un arrêt postérieur,

il a retenu qu'un chiffre d'affaires de 110'000 francs
était d'emblée important dès lors qu'il dépassait le
seuil prévu par l'art. 54 ORC (ATF 117 IV 63 consid.
2 p. 65/66; 122 IV 211 consid. 2d p. 216/217); selon
cette dernière disposition, les entreprises commerciales
atteignant une recette brute annuelle de 100'000 francs
doivent être inscrites au registre du commerce. Dans un
arrêt récent enfin, le Tribunal fédéral, dans un obiter
dictum, a estimé qu'un chiffre d'affaires de
193'500 francs et un gain de 21'500 francs étaient ma-
nifestement importants, sans mettre ces montants expres-
sément en relation avec la période de huit mois durant
laquelle ils avaient été acquis (ATF 124 IV 286 consid.
4b p. 295/296).

Comme le relève Albrecht, l'exigence d'un chiffre
d'affaires ou gain important a beaucoup perdu de sa por-
tée depuis que le Tribunal fédéral, en 1990 (ATF 116 IV
319), a modifié sa jurisprudence relative au métier
(Albrecht, op. cit., note 191 ad art. 19 LStup). Cette
exigence légale subsiste toutefois. Trechsel propose
d'admettre qu'elle est remplie si l'auteur, sur une an-
née, a réalisé un chiffre d'affaires de 100'000 francs
ou un gain de 10'000 francs (Trechsel, Kurzkommentar,
2ème éd., Zurich 1997, art. 305bis n. 25).

L'exigence d'un chiffre d'affaires ou gain im-
portant a été introduite afin de restreindre la portée
de l'ancienne jurisprudence du Tribunal fédéral relative
à la notion de métier, dans le but d'éviter que le cas
grave ne soit retenu lorsque l'auteur, nonobstant son
état d'esprit et la répétition des actes, n'a retiré que
peu d'argent de son activité délictueuse (ATF 117 IV 63
consid. 2a p. 65; 106 IV 227 consid. 7c p. 234); il
s'agissait, selon les termes utilisés, d'épargner les
petits poissons (BO CN 1974 II 1453), ceux qui, avec

deux ou trois transactions, ont gagné quelques francs
(BO CE 1974 597).

bb) Selon les constatations cantonales, qui lient
le Tribunal fédéral (art. 277bis al. 1 PPF), le recourant
a réalisé en l'espace d'une année un chiffre d'affaires
supérieur à 100'000 francs. Selon lui, il conviendrait de
s'écarter du seuil de 100'000 francs prévu par l'art. 54
ORC et qui a notamment servi de référence dans l'ATF 122
IV 211 consid. 2d p. 216/217 précité. Il note que cet ar-
rêt a été rendu en 1996, que, compte tenu d'une inflation
moyenne de 3 %, ce montant devrait être aujourd'hui de
112'000 francs et qu'en outre, l'art. 54 ORC date de
1971, donc d'une trentaine d'années. Conformément aux
développements qui précèdent, il ne s'agit cependant pas
d'apprécier si le chiffre d'affaires est important en
fonction d'une limite arithmétique préétablie. L'art. 54
ORC est à cet égard uniquement un élément utile d'orien-
tation. On ne saurait pas déduire du texte de la loi ni
de son but qu'un montant déterminé devrait avoir été en-
caissé durant une période limitée pour être qualifié de
revenu brut ou de bénéfice net important. A l'instar de
ce qu'admet Trechsel, il n'apparaît en tout cas pas qu'un
revenu brut de 100'000 francs puisse être qualifié autre-
ment que comme important. La Cour d'appel n'a donc pas
violé le droit fédéral en admettant que le trafic avait
permis de réaliser un chiffre d'affaires important.

3.- Le pourvoi doit ainsi être rejeté.

Le recourant, qui succombe, sera condamné aux
frais (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le pourvoi.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 francs à
la charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du Bas-Valais et
à la Cour d'appel pénale II du Tribunal cantonal valai-
san.

Lausanne, le 31 octobre 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.652/2000
Date de la décision : 31/10/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-31;6s.652.2000 ?
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