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30/10/2000 | SUISSE | N°5C.149/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 octobre 2000, 5C.149/2000


«/2»
5C.149/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

30 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président,
Bianchi et Raselli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Y.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Philippe Nordmann, avocat à Lausanne,

et

La Caisse X.________, défenderesse et intimée;

(contrat d'assurance; réticence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les

f a i t s suivants:

A.- Y.________, né en 1945, a adhéré le 21 novembre
1997 à la Caisse X.________ au titre de l'assurance-mala...

«/2»
5C.149/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

30 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les juges Reeb, président,
Bianchi et Raselli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

Y.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Philippe Nordmann, avocat à Lausanne,

et

La Caisse X.________, défenderesse et intimée;

(contrat d'assurance; réticence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Y.________, né en 1945, a adhéré le 21 novembre
1997 à la Caisse X.________ au titre de l'assurance-maladie
sociale. Dans la demande d'affiliation qu'il a signée à
cette
occasion, il a indiqué, en réponse à des questions précises
sur son état de santé, être en traitement pour le dos auprès
du Dr Z.________, généraliste à Nyon.

B.- Le 11 février 1998, Y.________ a adressé à la
Caisse X.________ une proposition d'assurance-maladie selon
la LCA - désignée comme proposition de modification de
police
- pour une couverture perte de gain de 211 fr. par jour dès
le 90e jour, couverture pour laquelle il a été admis dès le
1er mars 1998. Dans le questionnaire de santé annexé à cette
proposition, il a répondu par la négative aux questions sui-
vantes: "Êtes-vous actuellement en traitement ou sous contrô-
le médical?" (1.2); "Avez-vous été en traitement
hospitalier,
en cure ou victime d'un accident ces 10 dernières années?"
(1.3); "Souffrez-vous ou avez-vous souffert durant ces 10
dernières années des maladies suivantes? (...) affections
dorsales, de la colonne vertébrale, hernie discale, sciati-
que, etc." (2.10); "Souffrez-vous ou avez-vous souffert
d'une
maladie ou d'un trouble non mentionné ci-dessus?" (2.25). À
la question "Avez-vous subi une incapacité de travail de
plus
de 4 semaines ces 5 dernières années?" (1.9), il a répondu
avoir subi une incapacité de travail de 4 semaines pour une
opération au doigt consécutive à un accident.

C.- Le 27 juin 1998, Y.________ est tombé malade et
a adressé les certificats médicaux idoines à l'assureur.
Après avoir dans un premier temps alloué ses prestations, la
Caisse X.________ a écrit le 26 janvier 1999 à Y.________
qu'elle excluait de son contrat l'assurance complémentaire
d'indemnités journalières, pour le motif qu'elle avait été

amenée à constater que l'affection dont son assuré souffrait
actuellement était déjà existante lors de la signature de la
proposition du 11 février 1998 et qu'elle n'avait pas été
mentionnée dans les réponses au questionnaire; elle
réclamait
en outre le remboursement des prestations déjà servies par
2'254 fr.

L'assuré a par la suite appris que l'assureur avait
recueilli des renseignements notamment auprès du Dr
Z.________, qui avait répondu par lettre du 24 octobre 1998,
complétée le 9 janvier 1999 sur demande de l'assureur. Dans
son premier rapport, le Dr Z.________ a indiqué que l'assuré
souffrait d'une hernie discale, que ses plaintes remontaient
au 26 juin 1998 et qu'il ne s'agissait pas d'une récidive;
il
a en outre mentionné qu'il avait traité ce patient de temps
en temps pour des lombalgies et que des radiographies lombai-
res avaient été effectuées en 1993. Dans son second rapport
du 9 janvier 1999, le Dr Z.________ a précisé que l'assuré
souffrait depuis octobre 1993 de blocages lombaires, qui
avaient nécessité un arrêt de travail du 12 novembre au 14
décembre 1993; le diagnostic posé à l'époque avait été, cli-
niquement, celui de lombalgies non spécifiques et, radiologi-
quement, d'une discrète arthrose de la colonne, débutante;
s'agissant des radiographies lombaires effectuées en 1993,
il
a précisé que celles-ci avaient été demandées suite à un
accident qui avait entraîné un arrêt de travail du 22 juin
au
25 juillet 1993.

D.- Le 12 mai 1999, Y.________ a actionné la Caisse
X.________ devant le Tribunal des assurances du canton de
Vaud. Il concluait à ce qu'il soit prononcé que la défende-
resse n'est pas en droit d'invoquer la réticence (I), que le
demandeur ne doit pas rembourser à la défenderesse les indem-
nités versées par 2'254 fr. (II) et que dès le 1er janvier
1999, la défenderesse doit fournir les prestations assurées
selon la police du 11 février 1998 (III). La défenderesse a

conclu au rejet des conclusions de la demande et a pris re-
conventionnellement les conclusions inverses.

Par jugement du 31 janvier 2000, le Tribunal des
assurances a rejeté les conclusions du demandeur et condamné
celui-ci à payer à la défenderesse la somme de 2'254 fr.

E.- Agissant par la voie du recours en réforme au
Tribunal fédéral, le demandeur sollicite la réforme de ce
jugement dans le sens de l'admission des conclusions de la
demande. La défenderesse propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le litige relatif à des prétentions fondées sur
l'assurance complémentaire à l'assurance-maladie proposée
par
une caisse maladie constitue une contestation civile portant
sur des droits de nature pécuniaire au sens de l'art. 46 OJ
(ATF 124 III 44 consid. 1a/aa, 229 consid. 2b).
Contrairement
à ce que prescrit l'art. 51 al. 1 let. a OJ, le jugement
attaqué ne constate pas si la valeur litigieuse exigée par
l'art. 46 OJ est atteinte. Cette omission n'affecte
toutefois
pas la recevabilité du recours; en effet, le demandeur a
mentionné dans son recours, conformément à l'art. 55 al. 1
let. a OJ, que la valeur litigieuse était atteinte, ce qui
résulte du dossier et est admis par la défenderesse (ATF 81
II 413 consid. 1; cf. ATF 109 II 491 consid. c/ee). Formé en
temps utile contre une décision finale prise par un tribunal
suprême d'un canton et qui ne peut pas être l'objet d'un
recours ordinaire de droit cantonal, le recours est donc
recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- a) La cour cantonale a considéré que le deman-
deur avait commis une réticence, au sens de l'art. 6 LCA (RS
221.229.1), en ne mentionnant pas, en réponse à la question

1.9 du questionnaire du 11 février 1998, qu'il avait été en
arrêt de travail pendant plus de 4 semaines en juin/juillet
1993 à la suite d'un accident - qui aurait également dû être
mentionné en réponse à la question 1.3 - puis en novembre/
décembre 1993 en raison de lombalgies. Elle a en outre
estimé
que les troubles dorsaux présentés par le demandeur depuis
1993 auraient dû être annoncés en réponse à la question
2.10,
que ces troubles soient qualifiés de lombalgies, de lumbagos
ou de maux de dos (jugement attaqué, consid. 3a-b p. 7-9).

b) Les juges cantonaux ont relevé que si le deman-
deur avait fait état de ses problèmes de dos dans le ques-
tionnaire du 21 novembre 1997, il n'y avait pas déclaré, en
réponse à la question 1.3, l'accident de 1993, ni, en
réponse
à la question 1.9, les deux arrêts de travail de plus de 4
semaines en 1993 (jugement attaqué, consid. 3c p. 9/10).

c) La cour cantonale a retenu que la défenderesse,
par sa lettre du 26 janvier 1999, s'était départie du
contrat
dans les quatre semaines dès la connaissance de la
réticence,
conformément à l'art. 6 LCA. En effet, les indications don-
nées par le Dr Z.________ dans son rapport du 24 octobre
1998
ne permettaient à la défenderesse que de présumer
l'existence
d'une réticence; en particulier, le rapport ne la
renseignait
pas sur les raisons pour lesquelles une radiographie dorsale
avait été effectuée en 1993, le diagnostic de l'affection,
le
traitement s'y rapportant et les incapacités de travail en
découlant. Ce n'est qu'à réception du rapport complémentaire
établi le 9 janvier 1999 qu'elle a été dûment renseignée sur
les éléments constitutifs de la réticence (jugement attaqué,
consid. 4 p. 10-12).

3.- a) Le demandeur fait valoir que la "déclaration
de réticence" du 26 janvier 1999 ne fait référence qu'aux
lombalgies et non aux périodes d'incapacités de travail de
plus de quatre semaines survenues en 1993. De plus, même les

lombalgies n'avaient rien à voir avec le motif de réticence
invoqué, à savoir une hernie discale. Or à l'instar des mo-
tifs invoqués par un bailleur dans une notification de
hausse
de loyer, les motifs de réticence invoqués par l'assureur
lieraient définitivement celui-ci.

Ces critiques sont dénuées de pertinence. En effet,
il suffit que l'assureur qui entend se prévaloir de l'art. 6
LCA ait, dans le délai prévu, contesté en termes non équivo-
que son obligation de payer, en faisant état des fausses dé-
clarations du proposant; si l'assureur se réfère à une cause
précise de réticence lors même qu'il n'est pas tenu d'indi-
quer les motifs de sa décision, il ne se prive pas de la
possibilité d'en faire valoir d'autres devant le juge
(Viret,
Droit des assurances privées, 3e éd., 1991, p. 103; cf. ATF
53 II 167). Par ailleurs, il n'est pas nécessaire qu'il exis-
te un lien de causalité entre le fait caché ou inexactement
déclaré et le sinistre (ATF 92 II 342 consid. 4; Viret, op.
cit., p. 102; Maurer, Schweizerisches Privatversicherungs-
recht, 3e éd., 1995, p. 255/256).

b) Le demandeur reproche aux juges cantonaux d'avoir
omis à tort d'appliquer l'art. 8 ch. 3 LCA, selon lequel
l'assureur ne peut se départir du contrat s'il connaissait
ou
devait connaître le fait qui n'a pas été déclaré. Or le de-
mandeur avait déjà évoqué ses maux de dos dans le précédent
questionnaire de santé du 21 novembre 1997.

Même si la défenderesse devait se voir imputer une
connaissance antérieure des lombalgies qui n'ont pas été
déclarées dans le questionnaire de santé du 11 février 1998,
il n'en demeure pas moins qu'elle n'avait aucune
connaissance
de l'accident de 1993 ni des deux périodes d'incapacités de
travail de plus de quatre semaines survenues en 1993. Or il
s'agissait également de faits au sujet desquels l'assureur
avait posé par écrit des questions précises, non équivoques,

et qui étaient dès lors réputés importants au sens des art.
4
et 6 LCA. L'omission de les déclarer permettait ainsi à la
défenderesse de se départir du contrat, lors même qu'elle
l'a
fait sans invoquer précisément ces causes de réticence dans
sa lettre du 26 janvier 1999 (cf. consid. 3a supra).

c) Le demandeur soutient que la question 2.10 du
questionnaire de santé ("Souffrez-vous ou avez-vous souffert
durant ces 10 dernières années des maladies suivantes? (...)
affections dorsales, de la colonne vertébrale, hernie disca-
le, sciatique, etc.") n'était pas suffisamment précise et
univoque pour embrasser les "banales lombalgies" dont il
avait souffert par le passé, qui ne seraient ni une "affec-
tion", ni une "maladie".

Ce grief est sans pertinence dès lors que les autres
omissions de déclarer des faits importants - à savoir l'acci-
dent de 1993 et les incapacités de travail de plus de quatre
semaines en 1993 - permettaient en elles-mêmes à la défende-
resse de se départir du contrat (cf. consid. 3b supra); il
est au surplus dénué de fondement. En effet, selon la défini-
tion communément admise, on entend par maladie toute
atteinte
à la santé qui n'est pas due à un accident et qui exige un
examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité
de
travail (cf. art. 2 al. 1 LAMal, RS 832.10). Or il est cons-
tant que les "banales lombalgies" dont le demandeur avait
souffert par le passé, et qui constituaient indubitablement
selon le sens commun des "affections dorsales", avaient no-
tamment provoqué une incapacité de travail de plus d'un mois
en novembre/décembre 1993.

d) Selon le demandeur, les juges cantonaux auraient
omis à tort d'appliquer l'art. 8 ch. 1 LCA, qui exclut que
l'assureur puisse se départir du contrat si le fait qui a
été
l'objet de la réticence a cessé d'exister avant le sinistre.
Or en l'espèce, les problèmes dorsaux du demandeur étaient
en

rémission depuis un certain temps, de sorte qu'il pouvait de
bonne foi répondre négativement à la question y relative.

Outre le fait que le demandeur avait manifestement
considéré les choses de manière différente à peine trois
mois
plus tôt en mentionnant en réponse au questionnaire de santé
du 21 novembre 1997 des maux de dos traités jusqu'à fin no-
vembre 1997, la jurisprudence qu'il cite à l'appui de son
grief ne lui est d'aucun secours. En effet, dans l'arrêt du
Tribunal fédéral des assurances publié in SZS 1998 p. 372,
qui concernait des problèmes dorsaux en rémission depuis
neuf
mois, la question à laquelle le proposant avait soi-disant
donné une réponse inexacte ne portait pas sur le point de
savoir s'il avait souffert durant ces dix dernières années
d'affections dorsales, mais s'il se considérait comme étant
en bonne santé ("gesund") et pleinement capable de
travailler
("voll arbeitsfähig"). Il en allait de même dans l'arrêt du
Tribunal fédéral des assurances publié in SZS 1998 p. 310,
ainsi que selon toute vraisemblance dans l'arrêt genevois
résumé in SJ 1998 p. 431 n° 78.

e) Selon le demandeur, le délai de quatre semaines
de l'art. 6 LCA courait dès la réception du rapport du Dr
Z.________ du 24 octobre 1998, qui évoquait clairement des
problèmes dorsaux en 1985 et en 1993, pour lesquels le rap-
port complémentaire du 9 janvier 1999 n'apportait aucun élé-
ment nouveau. Dès lors, l'invocation de la réticence par
l'assureur, qui date du 26 janvier 1999, serait tardive.

Le délai de péremption de l'art. 6 LCA ne commence à
courir que lorsque l'assureur est complètement orienté sur
tous les points concernant la réticence et qu'il en a une
connaissance effective complète, un simple doute à cet égard
étant insuffisant (ATF 118 II 338 consid.
3; 116 V 229 con-
sid. 6a). Lorsque l'assureur a connaissance successivement,
à
des dates différentes, de diverses réticences concernant des

faits importants et distincts, un délai autonome court pour
chacune des réticences, à partir du moment où l'assureur en
a
connaissance; même si le délai pour invoquer une certaine
réticence n'a pas été respecté, l'assureur conserve le droit
de se départir du contrat en se fondant sur une autre réti-
cence portant sur un fait important et distinct, dans un
nouveau délai partant dès le jour où il en a connaissance
(ATF 109 II 159 consid. 2c).

En l'espèce, il est constant que ce n'est que par le
rapport complémentaire établi le 9 janvier 1999 par le Dr
Z.________ que la défenderesse a eu connaissance de l'acci-
dent de 1993 ainsi que des deux périodes d'incapacités de
travail de plus de quatre semaines survenues en 1993, qui,
comme on l'a vu (cf. consid. 3b supra), constituaient des
causes de réticence distinctes permettant à la défenderesse
de se départir du contrat. Or celle-ci s'est prévalu de la
réticence dans un délai de quatre semaines dès la connais-
sance de ces nouveaux éléments. Comme il a déjà été exposé
(cf. consid. 3a-b supra), peu importe qu'elle n'ait pas in-
voqué précisément ces causes de réticence dans sa lettre du
26 janvier 1999.

4.- En définitive, le recours se révèle mal fondé et
doit être rejeté, ce qui entraîne la confirmation du
jugement
attaqué. Le demandeur, qui succombe, supportera les frais
judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). En revanche, il n'aura pas
à
verser une indemnité de dépens à la défenderesse, qui n'est
pas représentée par un avocat et n'a pas réclamé le rembour-
sement de débours, ni fait valoir des circonstances particu-
lières justifiant l'octroi d'une indemnité pour perte de
temps ou de gain (art. 159 al. 1 et 2, art. 160 OJ, art. 1er
al. 2 et art. 2 du tarif pour les dépens alloués à la partie
adverse dans les causes portées devant le Tribunal fédéral
[RS 173.119.1]; ATF 113 Ib 353 consid. 6b p. 357).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement
attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du demandeur.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Tribunal des assurances du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 30 octobre 2000
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.149/2000
Date de la décision : 30/10/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-30;5c.149.2000 ?
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