La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/10/2000 | SUISSE | N°2A.451/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 octobre 2000, 2A.451/2000


«/2»

2A.451/2000/viz

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
*********************************************

30 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,

Hartmann et Meylan, suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

A.________, né le 27 février 1965, domicilié à Lausanne,
représenté par Me Jean Lob, avocat à Lausanne,

contre

la décision prise le 13 septembre 2000 par le Département

fédéral de justice et police;

(art. 7 et 10 LSEE; refus d'approuver le renouvellement
d'une autorisation de séjour et ...

«/2»

2A.451/2000/viz

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
*********************************************

30 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,

Hartmann et Meylan, suppléant. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

A.________, né le 27 février 1965, domicilié à Lausanne,
représenté par Me Jean Lob, avocat à Lausanne,

contre

la décision prise le 13 septembre 2000 par le Département
fédéral de justice et police;

(art. 7 et 10 LSEE; refus d'approuver le renouvellement
d'une autorisation de séjour et renvoi de Suisse)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________, de nationalité algérienne, est entré
illégalement en Suisse en 1988. Il a épousé le 12 octobre
1990 une ressortissante suisse. Il a obtenu de ce fait une
autorisation de séjour pour vivre auprès de son épouse, la-
quelle a donné naissance le 28 décembre 1996 à une fille
prénommée B.________.

Par ordonnance du 12 décembre 1990, le Juge informateur
de Lausanne a condamné A.________ à une peine de dix-neuf
jours d'emprisonnement pour infraction à la loi fédérale du
3 octobre 1951 sur les stupéfiants (LStup; RS 812.121). Le
24 juin 1991, le même juge l'a condamné pour recel à dix
jours d'emprisonnement.

Le 2 juillet 1992, l'intéressé a été condamné par le
Tribunal de police de Lausanne à la peine de cinq jours
d'arrêt pour contravention à la LStup. Par jugement du 17
juin 1996, le Tribunal correctionnel de Lausanne a condamné
A.________ à quatorze mois d'emprisonnement, peine assortie
du sursis pendant cinq ans, et à l'expulsion du territoire
suisse pour une durée de sept ans, avec sursis, pour infrac-
tion grave et contravention à la LStup. Il lui était notam-
ment reproché de s'être livré à un trafic d'héroïne portant
sur une quantité de 70 grammes au moins.

Par prononcé du 30 avril 1998, le Préfet du district de
Lausanne a infligé à l'intéressé une amende de cinq cents
francs pour contravention à la LStup.

B.- Le 14 septembre 1998, l'Office cantonal de la poli-
ce des étrangers du canton de Vaud a refusé d'octroyer une

autorisation d'établissement à A.________, mais s'est décla-
ré prêt à lui prolonger l'autorisation de séjour, sous ré-
serve d'approbation des autorités fédérales compétentes.

Le 23 mars 1999, l'Office fédéral des étrangers a refu-
sé de donner son approbation au renouvellement de l'autori-
sation de séjour de A.________ et prononcé son renvoi de
Suisse, au motif que, depuis son arrivée en Suisse, l'inté-
ressé avait commis de nombreuses infractions, qu'il n'avait
pratiquement jamais travaillé et qu'il ne subvenait à ses
besoins que grâce à l'aide sociale. Le même jour, l'Office
fédéral des étrangers a prononcé à l'encontre de l'intéressé
une interdiction d'entrée en Suisse pour une durée indéter-
minée.

Le 16 avril 1999, A.________ a recouru contre ces deux
décisions.

Le 26 août 1999, le Tribunal de police de Lausanne a
renoncé à révoquer le sursis accordé à l'intéressé selon
jugement du 17 juin 1996, tout en constatant que sa situa-
tion s'était détériorée et que des nouvelles consommations
de drogues dures étaient avérées. Le 18 décembre 1999,
A.________ a fait l'objet d'un rapport de dénonciation de la
police municipale de Lausanne pour avoir été en possession
de haschisch. Une amende de 200 fr. a été prononcée de ce
chef le 26 mai 2000. Le 27 juin 2000, il a été interpellé
par la police, alors qu'il inhalait de l'héroïne.

A.________ a averti les autorités que, depuis juin
2000, il vivait séparé de son épouse, mais qu'il voyait sa
fille B.________ au moins une fois par semaine.

Statuant le 13 septembre 2000 par un seul prononcé, le
Département fédéral de justice et police a confirmé les deux
décisions de l'Office fédéral des étrangers du 23 mars 1999.

C.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, A.________ demande au Tribunal fédéral de réformer
la décision du 13 septembre 2000 du Département fédéral de
justice et police en ce sens qu'il est mis au bénéfice d'une
autorisation de séjour et qu'aucune interdiction d'entrée en
Suisse n'est prononcée à son encontre.

Le Département fédéral de justice et police conclut au
rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

D.- Par ordonnance présidentielle du 16 octobre 2000,
la requête d'effet suspensif a été admise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Dans la mesure où il porte sur l'interdiction
d'entrée en Suisse et sur le renvoi de Suisse, le présent
recours de droit administratif est irrecevable en applica-
tion de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 1 et 4 OJ.

b) Il en va différemment en ce qui concerne la décision
refusant d'approuver le renouvellement de l'autorisation de
séjour. D'après l'art. 7 al. 1 de la loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE;
RS 142.20), le conjoint étranger d'un ressortissant suisse a
en principe droit à l'octroi et à la prolongation de l'auto-
risation de séjour, à moins qu'il n'existe un motif d'expul-
sion.

En l'espèce, le recourant est formellement marié à une
Suissesse. Le recours de droit administratif est donc rece-
vable en vertu de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ. Point
n'est donc besoin d'examiner s'il est également recevable

sous l'angle de l'art. 8 CEDH. Savoir si les conditions pour
la délivrance d'une autorisation de séjour sont, ou non,
remplies, est une question de fond et non de recevabilité
(ATF 120 Ib 6 consid. 1 p. 8).

2.- a) L'art. 7 al. 1 in fine LSEE prévoit que le droit
à l'octroi de l'autorisation de séjour s'éteint lorsqu'il
existe un motif d'expulsion. Selon l'art. 10 al. 1 LSEE, un
étranger peut être expulsé de Suisse, notamment, lorsqu'il a
été condamné par une autorité judiciaire pour crime ou délit
(lettre a) ou si sa conduite, dans son ensemble, et ses ac-
tes permettent de conclure qu'il ne veut pas s'adapter à
l'ordre établi dans le pays qui lui offre l'hospitalité ou
qu'il n'en est pas capable (lettre b). L'expulsion ne sera
cependant prononcée que si elle respecte le principe de la
proportionnalité, c'est-à-dire si elle paraît appropriée à
l'ensemble des circonstances (art. 11 al. 3 LSEE). Pour en
juger, l'autorité tiendra notamment compte de la gravité de
la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour
en Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa fa-
mille du fait de son expulsion (art. 16 al. 3 du règlement
d'exécution du 1er mars 1949 de la LSEE [RSEE; RS 142.201]).

b) Il découle de cette réglementation que la seule
existence d'un délit ou crime n'est pas suffisante pour re-
fuser de délivrer ou de prolonger ou encore d'approuver une
autorisation de séjour; encore faut-il que ce refus résulte
d'une complète pesée de tous les intérêts en présence. Il en
va d'ailleurs de même sous l'angle de l'art. 8 CEDH: le
droit au respect de la vie familiale (par. 1) n'est pas ab-
solu. En effet, une ingérence dans l'exercice de ce droit
est possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, "pour autant que
cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue
une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessai-
re à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-
être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la

prévention des infractions pénales, à la protection de la
santé ou de la morale, ou à la protection des droits et li-
bertés d'autrui" (cf. ATF 120 Ib 6 consid. 4 p. 13; arrêt du
Tribunal fédéral du 13 mai 1993, reproduit in ZBl 93/1992 p.
569, consid. 2a).

c) Lorsque le motif d'expulsion est la commission d'une
infraction, la peine infligée par le juge pénal est le pre-
mier critère s'agissant d'évaluer la gravité de la faute et
de procéder à la pesée des intérêts. Selon la jurisprudence
du Tribunal fédéral applicable au conjoint étranger d'un
ressortissant suisse, une condamnation à deux ans de priva-
tion de liberté constitue la limite à partir de laquelle, en
général, il y a lieu de refuser l'autorisation de séjour
lorsqu'il s'agit d'une demande d'autorisation initiale ou
d'une requête de renouvellement d'autorisation déposée après
un séjour de courte durée (ATF 120 Ib 6 consid. 4b p. 14 se
référant à l'arrêt Reneja, ATF 110 Ib 201). Ce principe vaut
même lorsque l'on ne peut pas - ou difficilement - exiger de
l'épouse suisse de l'étranger qu'elle quitte la Suisse, ce
qui empêche de fait les conjoints de vivre ensemble d'une
manière ininterrompue. Pour la pesée des intérêts, l'inten-
sité du lien conjugal constitue un autre critère très impor-
tant. Plus ce lien est intense, plus le refus de délivrer
une autorisation de séjour doit être prononcé avec retenue
(Alfred Koller, Die Reneja-Praxis des Bundesgerichts, in ZBl
86/1985 p. 513 n. 4 p. 517; arrêt non publié du 21 mars 1997
en la cause Sliti c. canton de Genève, consid. 3b).

3.- En l'espèce, il ne fait pas de doute que le motif
d'expulsion au sens de l'art. 10 al. 1 lettre a LSEE est
réalisé, puisque le recourant a commis de nombreux délits:
le 17 juin 1996, il a notamment été condamné à la peine de
quatorze mois d'emprisonnement, avec sursis pendant cinq
ans, et à l'expulsion du territoire suisse pour une durée de

sept ans, avec sursis, pour infraction grave à la loi fédé-
rale sur les stupéfiants. Certes, cette peine est inférieure
de dix mois à la limite des deux ans de privation de liberté
évoquée ci-dessus. Cependant, ce seuil n'est qu'indicatif;
lorsqu'il n'est pas atteint, le principe de la proportionna-
lité ne fait pas forcément obstacle au renvoi de l'intéres-
sé. Une condamnation isolée pour des faits relativement peu
répréhensibles ne permettra normalement pas de refuser l'au-
torisation de séjour. En l'occurrence toutefois, il s'agit
d'une condamnation pour des faits graves. Le recourant s'est
livré au trafic de drogue, n'hésitant pas à mettre en danger
la santé de nombreuses personnes. Or, au vu des ravages de
la drogue dans la population, et spécialement parmi les jeu-
nes, il se conçoit sans peine que les autorités fassent
preuve d'une grande fermeté à l'égard de ceux qui contri-
buent activement à la propagation du fléau (arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme en la cause C. c. Belgique
du 7 août 1996, § 35). De plus, le risque de récidive est
bien réel. Il ressort en effet du dossier que le recourant a
été interpellé à maintes reprises par la police (la dernière
fois le 27 juin 2000) pour avoir consommé de la drogue. A
cela s'ajoute que, depuis son arrivée en Suisse, le recou-
rant n'a pratiquement jamais occupé un emploi stable et
n'est financièrement pas autonome.

D'un autre côté, il est vrai que le recourant vit en
Suisse depuis une dizaine d'années, qu'il est marié à une
citoyenne suisse et qu'il a une enfant suisse. Enfin, il est
incontesté que l'on ne peut raisonnablement pas exiger de
l'épouse et de sa fille qu'elles suivent le recourant en Al-
gérie. Il convient toutefois de relever que le lien conjugal
n'est pas très intense, les époux vivant séparés depuis juin
2000. Par contre, le recourant dit rendre régulièrement vi-
site à sa fille. Il est indéniable que la mesure incriminée
rendrait pratiquement impossible les rencontres avec son

enfant, eu égard notamment à la distance qui sépare l'Algé-
rie de la Suisse et au fait que le recourant est sous le
coup d'une interdiction d'entrée en Suisse.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, surtout de
la gravité du danger représenté pour l'ordre et la sécurité
publics par celui qui se livre au trafic de drogue, il y a
lieu toutefois de conclure que l'intérêt public à éloigner
le recourant l'emporte sur son intérêt privé à demeurer en
Suisse pour avoir notamment des contacts directs avec sa
fille. A cet égard, le Tribunal fédéral a souligné qu'il
existait un intérêt public prépondérant à expulser de Suisse
les étrangers qui ont commis des infractions à la législa-
tion fédérale sur les stupéfiants d'une certaine gravité
(cf. ATF 122 II 433 consid. 2c).

La mesure incriminée respecte ainsi le principe de la
proportionnalité. La décision attaquée ne viole ni l'art. 7
LSEE ni l'art. 8 CEDH.

4.- Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté dans la mesure où il est recevable. Quant à la re-
quête d'assistance judiciaire gratuite au sens de l'art. 152
al. 1 et 2 OJ, elle doit être admise, étant donné que les
chances de succès du recours n'apparaissaient pas d'emblée
vouées à l'échec et que le recourant se trouve dans le be-
soin. Il convient donc de statuer sans frais et de désigner
le mandataire du recourant comme avocat d'office, auquel il
sera versé une indemnité équitable à titre d'honoraires.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1.- Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble.

2.- Admet la demande d'assistance judiciaire.

3.- Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.- Dit que Me Jean Lob, avocat à Lausanne, est désigné
comme avocat d'office du recourant et que la Caisse du Tri-
bunal fédéral lui versera une indemnité de 1'500 fr. à titre
d'honoraires.

5.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant et au Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 30 octobre 2000
LGE

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.451/2000
Date de la décision : 30/10/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-30;2a.451.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award