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27/10/2000 | SUISSE | N°4P.86/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 octobre 2000, 4P.86/2000


«/2»

4P.86/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

27 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, à Genève,

contre

la décision prise le 7 mars 2000 par la Commission de taxa-
tion des honoraires d'avocat du canton de Genève dans la
cause qui oppose la recourante à A.Y.________, à
Collonge-Belleriv

e;

(art. 9 et 29 al. 2 Cst.; honoraires d'avocat)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

...

«/2»

4P.86/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

27 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, à Genève,

contre

la décision prise le 7 mars 2000 par la Commission de taxa-
tion des honoraires d'avocat du canton de Genève dans la
cause qui oppose la recourante à A.Y.________, à
Collonge-Bellerive;

(art. 9 et 29 al. 2 Cst.; honoraires d'avocat)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Me X.________, avocate à Genève, a négocié
une remise de dette pour le compte de A.Y.________ avec la
banque Spär qui était créancière du premier nommé pour un
montant de 3 700 000 fr. Elle a obtenu une remise de dette à
concurrence de 3 600 000 fr. et a réclamé pour ses presta-
tions 73 000 fr. d'honoraires, soit un peu plus de 2% de la
remise de dette. Le montant des honoraires a fait l'objet
d'une reconnaissance de dette. Aussi l'avocate n'a-t-elle
pas
sollicité la taxation de sa note d'honoraires.

b) Par la suite, Me X.________ a encore négocié un
assainissement de la situation financière de son client au-
près de l'UBS, créancière hypothécaire de A.Y.________ et de
B.Y.________, l'épouse de celui-ci, pour la villa familiale
du couple. Ultérieurement, l'avocate a été mandatée par
B.Y.________.

Les négociations ont abouti à un accord théorique,
mais elles ne furent pas concrétisées pour des raisons rele-
vant de la sphère privée de B.Y.________.

Pour ses services couvrant la période du 14 juin
1996 au 24 novembre 1997, l'avocate a comptabilisé 99 heures
de travail au tarif horaire de 800 fr. en lieu et place des
1600 fr. correspondant, selon elle, au tarif horaire admis
par l'Ordre des avocats genevois (ci-après: ODA) pour une
valeur litigieuse de plus de 2 000 000 fr. Trente de ces heu-
res ont été mises à la charge de B.Y.________ qui s'est ac-
quittée du montant de la facture y relative. Me X.________
réclame à A.Y.________ un solde de frais et honoraires de 54
500 fr. après déduction de 6493 fr.75 de provisions.

L'examen du "time-sheet" de l'avocate révèle que
l'essentiel de l'activité notée concerne des téléphones et
des conférences avec les clients et les représentants de la
banque créancière.

B.- Le 10 janvier 2000, Me X.________ a saisi la
Commission de taxation des honoraires d'avocat du canton de
Genève (ci-après: la Commission de taxation) d'une demande
visant à faire taxer ses notes de frais et honoraires
concernant les démarches accomplies par elle auprès de l'UBS
en vue de l'assainissement de la situation financière de son
client.

A.Y.________ a contesté le montant des honoraires
facturés, s'en prenant aussi bien au nombre d'heures portées
en compte qu'au tarif horaire appliqué par l'avocate. Il a
exposé avoir négocié lui-même et mené à chef un assainisse-
ment avec l'UBS après la résiliation du mandat de Me
X.________, ce qu'il a démontré par les pièces produites.

Statuant le 7 mars 2000, la Commission de taxation
a arrêté à 5506 fr.25 le solde des frais et honoraires factu-
rés par Me X.________ à A.Y.________.

C.- Me X.________, agissant par la voie du recours
de droit public, demande au Tribunal fédéral d'annuler la
décision de la Commission de taxation.

L'intimé conclut au rejet du recours et réclame une
indemnité de 10 000 fr. pour ses frais, tandis que la Commis-
sion de taxation se réfère aux motifs énoncés dans sa déci-
sion.

La recourante a produit, le 30 août 2000, une copie
d'une plainte pour calomnie qu'elle a déposée à cette date à
Genève contre l'intimé en raison de certaines allégations

prétendument attentatoires à son honneur contenues dans la
réponse au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Lorsqu'il statue sur un recours de droit pu-
blic, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés (ATF 122 I
70 consid. 1c, 121 IV 317 consid. 3b).

Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours
doit contenir un exposé des faits essentiels et un exposé
succinct des droits constitutionnels ou des principes juridi-
ques violés, précisant en quoi consiste la violation
alléguée
(ATF 117 Ia 393 consid. 3). Le Tribunal fédéral, saisi d'un
recours de droit public, ne doit ainsi examiner que les
griefs exposés de manière claire et détaillée (ATF 115 Ia
183
consid. 3 et les arrêts cités). Lorsque la décision attaquée
se fonde sur plusieurs motifs indépendants, alternatifs ou
subsidiaires, tous suffisants, le recourant doit, à peine
d'irrecevabilité, démontrer que chacun d'entre eux viole ses
droits constitutionnels (ATF 119 Ia 13 consid. 2). S'il invo-
que une violation de l'art. 9 Cst., le recourant ne peut se
contenter de prétendre que la décision entreprise est arbi-
traire. Il lui faut démontrer que la décision attaquée est
manifestement insoutenable, qu'elle est en contradiction fla-
grante avec la situation de fait ou viole gravement un prin-
cipe de droit incontesté ou encore contredit de manière cho-
quante le sentiment de la justice (ATF 116 II 21 consid. 5,
114 Ia 25 consid. 3b, 216 consid. 2a, 111 Ia 17 consid. 2 et
les arrêts cités). Une critique de nature purement appella-
toire est irrecevable (ATF 107 Ia 186). Au demeurant, sauf
exceptions non réalisées en l'espèce, la présentation de nou-
veaux moyens de fait, de preuve ou de droit est irrecevable

dans un recours de droit public (ATF 124 I 208 consid. 4b p.
212, 121 I 367 consid. 1b p. 370, 113 Ia 225 consid. 1b/bb
p.
229 et les arrêts cités).

b) En l'occurrence, le recours ne satisfait guère à
ces exigences. Sous le titre "Exposé des faits essentiels et
pertinents", la recourante se borne, en effet, à soumettre
au
Tribunal fédéral sa version des faits, comme si elle
plaidait
devant une juridiction d'appel, sans tenter de démontrer,
avec preuves à l'appui, que la Commission de taxation aurait
constaté ou omis de constater arbitrairement des faits perti-
nents pour la solution du litige. Cette remarque s'applique
à
la quasi-totalité des allégations figurant sous le titre
"Préambule" de l'acte de recours. En particulier, il importe
peu au Tribunal fédéral de connaître les modalités du
premier
assainissement, puisqu'il n'a pas fait l'objet de la requête
de taxation examinée par l'autorité intimée, non plus que le
rôle joué dans cette affaire par l'épouse de l'intimé et le
frère de celle-ci, lequel exerce la profession d'avocat et
aurait également défendu les intérêts de sa soeur dans le ca-
dre de la procédure d'assainissement.

Le Tribunal fédéral ne tiendra aucun compte de la
copie de la plainte pénale produite par la recourante,
s'agissant d'une pièce nouvelle et, comme telle, irrecevable
dans la procédure du recours de droit public.

2.- Dans un premier moyen, la recourante reproche à
la Commission de taxation d'avoir violé grossièrement les us
et coutumes genevois en matière de fixation des honoraires
d'avocat. Elle allègue, à l'appui de ce grief, que le
montant
retenu par l'autorité intimé (12 000 fr., frais inclus) équi-
vaut à un tarif horaire de 149 fr.95 si on le divise par les
69 heures qu'elle dit avoir consacrées au traitement du dos-
sier de l'assainissement UBS pour A.Y.________ ([12 000 fr.
-
1653 fr.75 de frais] : 69 h). Un tel tarif horaire, à en
croire la recourante, ne couvrirait que le 40% environ du
coût actuel de l'avocat à Genève, qu'elle estime à 313
fr.45,
et se situerait nettement en dessous du tarif minimum de
l'ODA (400 fr./h).

a) Selon l'art. 40 de la loi du canton de Genève
sur la profession d'avocat, du 15 mars 1985 (LPAv), les hono-
raires sont, sous réserve des décisions de la Commission de
taxation, fixés par l'avocat lui-même compte tenu du travail
qu'il a effectué, de la complexité et de l'importance de
l'affaire, de la responsabilité qu'il a assumée, du résultat
obtenu et de la situation de son client. Les us et coutumes
de l'ODA ne disent pas autre chose, comme le souligne la Com-
mission de taxation.

La rémunération de l'avocat doit demeurer dans un
rapport raisonnable avec la prestation fournie. Elle ne doit
pas rendre onéreux à l'excès le recours à l'avocat qui, s'il
n'est pas exigé par la loi, est nécessaire en fait pour la
quasi-totalité des justiciables, peu familiarisés avec les
règles de la procédure (ATF 93 I 116 consid. 5a p. 122). La
décision de l'autorité de modération ne sera annulée que si
le montant global alloué à l'avocat apparaît comme ayant été
fixé de manière arbitraire (ATF 125 II 129 consid. 5b p.
134;
124 I 247 consid. 5 p. 250; 123 I 1 consid. 4 p. 5 et les ar-
rêts cités).

b) Le raisonnement que tient la recourante repose
sur une prémisse erronée, à savoir le nombre d'heures effec-
tuées par l'avocate pour le compte de l'intimé. La
recourante
feint d'ignorer que la Commission de taxation n'a pas retenu
les 69 heures qu'elle a facturées à son client, mais un
total
de 30 heures seulement. Il en résulte une rémunération horai-
re de 400 fr. (12 000 fr. : 30 h), si l'on fait abstraction
des frais - la Commission de taxation les a inclus dans son
décompte, sans que la recourante élève sur ce point un grief

dûment motivé - ou de 345 fr. si l'on déduit les 1653 fr.75
des 12 000 fr. retenus par l'autorité intimée. Cette rémuné-
ration est nettement supérieure au coût horaire de l'avocat
allégué par la recourante (313 fr.45). Elle n'a rien d'insou-
tenable ni de manifestement choquant, d'autant moins que le
coût horaire a été réactualisé à son niveau de février 2000,
alors que les différents mandats confiés à la recourante ont
été exécutés à une époque bien antérieure.

3.- Le deuxième grief formulé par la recourante vi-
se à démontrer que la décision de la Commission de taxation
serait arbitraire dans son résultat. Il ne consiste, en réa-
lité, que dans la conclusion tirée par l'intéressée à partir
du raisonnement sous-tendant son premier grief. Par consé-
quent, il y a lieu de lui réserver le même sort. On
relèvera,
en passant, que la recourante confond manifestement la rému-
nération des services de l'avocat avec les frais généraux
d'une étude - 40% à 50% du revenu professionnel brut (ATF
109
Ia 107 consid. 3d in fine p. 112; SJ 1996 p. 667 ss consid.
3b) - lorsqu'elle soutient qu'avec les honoraires fixés par
la Commission de taxation, son étude finance les affaires de
ses clients à concurrence de 11 282 fr. ([313 fr.45 x 69 h]
-
[12 000 fr. - 1653 fr.75]).

4.- Sous chiffre III, la recourante se plaint d'une
mauvaise appréciation des preuves. Elle perd de vue, ce fai-
sant, que l'art. 9 Cst. ne sanctionne pas la mauvaise appré-
ciation des preuves, mais uniquement l'appréciation arbitrai-
re, c'est-à-dire insoutenable, de celles-ci.

Pour le surplus, la recourante s'emploie à démon-
trer que la Commission de taxation aurait dû calculer ses ho-
noraires en fonction de la "valeur litigieuse" qui corres-
pond, selon elle, à la différence entre l'endettement de ses
clients envers l'UBS, soit plus de 6,61 millions de francs
selon ses dires, et leurs actifs estimés à quelque 4,55 mil-

lions de francs. Le problème qu'elle soulève n'a rien à voir
avec l'appréciation des preuves. Il ressort, en effet, de la
décision attaquée que l'autorité intimée a procédé, sur ce
point, à une interprétation de la notion de "valeur litigi-
euse", telle qu'elle est définie par les us et coutumes de
l'ODA. Le grief touchant l'appréciation des preuves est, dès
lors, irrecevable en tant qu'il a trait à cette question.

5.- Dans un dernier moyen, la recourante invoque la
violation de son droit d'être entendue. Elle se plaint de ce
qu'elle n'a pas pu préciser la nature et l'ampleur de ses
activités dans le dossier de la procédure d'assainissement
UBS, ni présenter le dossier complet y relatif, alors que
des
explications complémentaires de sa part et la production de
documents auraient été d'autant plus nécessaires que "les
membres siégeant à la Commission ne connaissent
manifestement
pas les procédures d'assainissement".

a) Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29
al. 2 Cst. comprend, de manière générale, le droit pour l'in-
téressé de prendre connaissance du dossier, d'obtenir l'admi-
nistration des preuves pertinentes et valablement offertes,
de participer à l'administration des preuves essentielles et
de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature
à influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 consid. 2a
p. 16 et les arrêts cités). L'exercice d'un tel droit est
soumis aux règles générales de la bonne foi (ATF 120 Ia 19
consid. 2c/aa p. 24 et les arrêts cités).

b) Appliqués au cas particulier, ces principes ju-
risprudentiels commandent le rejet du dernier grief.

Il ressort du dossier cantonal que, dans sa requête
du 10 janvier 2000, la recourante a indiqué que "le dossier
relatif à l'assainissement UBS [pouvait] être déposé à pre-
mière demande". Par lettre du 7 février 2000, la recourante
a

informé la présidente de la Commission de taxation qu'elle
était prête à déposer le dossier en question, mais que celui-
ci comportait des informations précises et exhaustives au su-
jet de la situation financière globale des époux Joye. Pour
cette raison, elle laissait à la Commission de taxation le
soin de déterminer si elle devait déposer le dossier relatif
à l'assainissement UBS. Il lui fut répondu, par téléphone du
10 février 2000, qu'en l'état la Commission de taxation re-
nonçait au
dépôt de ce dossier. La Commission de taxation a
siégé le 7 mars 2000 en présence des parties. La recourante
n'allègue pas et, en tout cas, ne démontre pas avoir
formulé,
lors de cette audience, une requête expresse tendant à la
production du dossier complet de la procédure d'assainisse-
ment UBS. L'autorité intimée a rendu sa décision le jour mê-
me. Par lettre du 8 mars 2000, la recourante a sollicité
l'autorisation de déposer l'intégralité du dossier en cause.

L'énoncé chronologique de la procédure d'instruc-
tion suivie par la Commission de taxation permet à lui seul
d'écarter le grief de violation du droit d'être entendu sou-
levé par la recourante. Il en appert que celle-ci n'a pas re-
quis formellement le dépôt du dossier de la procédure d'as-
sainissement UBS durant la période qui s'est écoulée entre
la
réponse téléphonique du 10 février 2000 et la séance du 7
mars 2000, ni à l'occasion de l'audience tenue ce jour-là,
bien qu'elle se fût rendu compte, au cours de cette
audience,
que la Commission de taxation ne pouvait pas connaître l'am-
pleur du travail nécessité par un assainissement sans
prendre
connaissance du dossier y afférent; en fait, la recourante
n'a accompli semblable démarche qu'après que la Commission
de
taxation eut rendu sa décision.

Dans ces conditions, l'autorité intimée ne saurait
se voir reprocher, sur ce point, une violation du droit
d'être entendu.

6.- Cela étant, il y a lieu de rejeter le recours
dans la mesure où il est recevable. Son auteur devra suppor-
ter les frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ).
Quant à l'intimé, qui agit sans l'assistance d'un avocat, il
n'a pas droit à des dépens, car il n'a pas démontré en quoi
les conditions strictes posées par la jurisprudence pour
l'octroi exceptionnel d'une indemnité de ce chef en pareille
hypothèse seraient réalisées en l'espèce (ATF 113 Ib 353 con-
sid. 6b, 110 V 72 consid. 7, 132 consid. 4d).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Commission de taxation des honoraires d'avocat du
canton de Genève.

___________

Lausanne, le 27 octobre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.86/2000
Date de la décision : 27/10/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-27;4p.86.2000 ?
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