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27/10/2000 | SUISSE | N°4P.133/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 octobre 2000, 4P.133/2000


«AZA 1/2»

4P.133/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

27 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Godat Zimmermann.

_________________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

César F e r n a n d e z, à Meyrin, représenté par Me Jean-
Franklin Woodtli, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 15 mai 2000 par la Chambre d'appel en matiè-
re de baux et loyers du canton

de Genève dans la cause qui
oppose le recourant à la Coopérative d'habitation 15-15bis
rue des Gares, à Genève, représentée par...

«AZA 1/2»

4P.133/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

27 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Godat Zimmermann.

_________________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

César F e r n a n d e z, à Meyrin, représenté par Me Jean-
Franklin Woodtli, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 15 mai 2000 par la Chambre d'appel en matiè-
re de baux et loyers du canton de Genève dans la cause qui
oppose le recourant à la Coopérative d'habitation 15-15bis
rue des Gares, à Genève, représentée par Me Jean-Pierre Gar-
bade, avocat à Genève;

(art. 9 Cst.; appréciation arbitraire des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Depuis 1974, César Fernandez était locataire
d'une arcade avec arrière et deux pièces à l'entresol ainsi
que d'un appartement de quatre pièces dans l'immeuble sis
15,
rue des Gares, à Genève.

En 1994 ou 1995, le preneur a restitué au bailleur
l'appartement de quatre pièces. Le loyer a alors été réduit
à
400 fr. par mois.

A une date indéterminée, la Ville de Genève est de-
venue propriétaire de l'immeuble susmentionné. Par acte nota-
rié des 17 décembre 1996 et 15 janvier 1997, elle a accordé
à
la Coopérative d'habitation 15-15bis rue des Gares
(ci-après:
la coopérative) un droit de superficie d'une durée maximale
de 99 ans commençant le 3 septembre 1996; pour sa part, la
coopérative a repris tous les droits et obligations de la
Ville de Genève à l'égard de Fernandez. Lors d'une séance te-
nue le 3 mars 1994 devant la Commission de conciliation en
matière de baux et loyers, le locataire s'était du reste en-
gagé à payer le loyer à la future superficiaire dès l'entrée
en force du droit de superficie.

Göhner Merkur S.A. était le gérant de l'immeuble de
la rue des Gares avant que la coopérative n'en devienne la
superficiaire. En 1996 et 1997, Fernandez a versé à Göhner
Merkur S.A. les montants suivants:

- 400 fr. en janvier 1996
- 400 fr. en février 1996
- 1200 fr. en mai 1996
- 400 fr. en juin 1996
- 400 fr. en juillet 1996

- 400 fr. en août 1996
- 400 fr. en septembre 1996
- 400 fr. en octobre 1996
- 400 fr. en novembre 1996
- 400 fr. en décembre 1996
- 400 fr. le 10 janvier 1997
- 800 fr. le 18 février 1997
- 400 fr. le 26 février 1997.

Par lettre du 10 mars 1997, Göhner Merkur S.A. a
fait savoir à la coopérative qu'elle allait lui verser le
montant de 2000 fr., correspondant aux loyers payés par Fer-
nandez pour les mois de septembre 1996 à janvier 1997; elle
précisait que le locataire avait réglé le loyer de janvier
1997 en date du 26 février 1997.

Le 17 mai 1998, la coopérative a adressé à Fernan-
dez un avis comminatoire, assorti d'une menace de résilia-
tion, le mettant en demeure de payer dans les trente jours
le
montant de 13 200 fr., représentant l'arriéré de loyers et
de
charges au 31 mai 1998, soit 16 mois à 825 fr.; elle
ajoutait
que si le locataire prouvait ne devoir plus qu'un loyer men-
suel de 400 fr., le montant dû s'élevait alors à 6400 fr.,
soit 16 mois à 400 fr.

Le 18 juin 1998, Fernandez a versé à la bailleresse
le montant de 6000 fr., soit 15 fois 400 fr.

Le 2 juillet 1998, la coopérative a résilié le bail
pour cause de demeure du locataire, sans indiquer la date à
laquelle le congé prenait effet. Pour le cas où cet avis
n'aurait pas été valable, elle a, parallèlement, résilié le
bail pour le terme ordinaire du 31 décembre 1998. Enfin, le
29 juillet 1998, la bailleresse a répété son avis de résilia-
tion pour cause de demeure, en précisant que le congé était
donné pour le 31 août 1998.

B.- Par requête déposée le 15 septembre 1998 devant
la Commission de conciliation en matière de baux et loyers,
la coopérative a requis l'évacuation de Fernandez des locaux
de la rue des Gares 15. A la suite de l'échec de la concilia-
tion, la bailleresse a introduit action devant le Tribunal
des baux et loyers du canton de Genève, qui a rejeté la re-
quête par jugement du 13 janvier 1999.

Statuant le 15 mai 2000 sur appel de la coopérati-
ve, la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du
canton
de Genève a annulé le jugement de première instance et con-
damné Fernandez à évacuer immédiatement de sa personne, de
tout tiers et tous biens l'arcade et ses annexes, ainsi que
la cave situées 15, rue des Gares.

C.- Fernandez interjette un recours de droit pu-
blic. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au ren-
voi de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle statue
dans le sens des considérants du Tribunal fédéral.

La coopérative propose le rejet du recours.

Invitée à se prononcer sur le recours, la cour can-
tonale se réfère aux considérants de son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec
une pleine cognition la recevabilité des recours qui lui
sont
soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83, 207 consid. 1; 126 III
274 consid. 1 p. 275; 125 I 253 consid. 1a p. 254, 412 con-
sid. 1a p. 414).

De jurisprudence constante, le recours de droit pu-
blic a, sauf exceptions non réalisées en l'espèce, une fonc-
tion purement cassatoire; le recourant ne peut ainsi
conclure
qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 125 I 104 con-
sid. 1b p. 107; 124 I 231 consid. 1 p. 232; 123 I 87 consid.
5 p. 96). Cependant, les conclusions demandant le simple ren-
voi à l'autorité précédente sont admissibles, car cette mesu-
re est inhérente à l'annulation de la décision; en revanche,
il n'en va pas de même de celles qui entendent prescrire le
sens dans lequel l'autorité devra trancher (ATF 125 I 104
consid. 1b p. 107 et les arrêts cités). Le recours est dès
lors irrecevable dans la mesure où il tend à obtenir le ren-
voi pour nouvelle décision au sens des considérants.

2.- a) Invoquant l'art. 9 Cst., le recourant se
plaint d'arbitraire dans l'appréciation des preuves. Il re-
proche à la cour cantonale de n'avoir pas admis que le verse-
ment de 6000 fr. effectué le 18 juin 1998 comprenait le
loyer
de mai 1998. En effet, selon le recourant, la Chambre
d'appel
s'est, de manière inadmissible, fondée sur la lettre de Göh-
ner Merkur S.A. du 10 mars 1997 mentionnant le versement de
400 fr. du 26 février 1997 pour retenir que, pour 1997, seul
le loyer de janvier avait été réglé avant le rattrapage du
18
juin 1998, alors qu'il est établi par pièces que des verse-
ments de 400 fr. et de 800 fr. ont été effectués le 10 jan-
vier 1997, respectivement le 18 février 1997.

b) L'interdiction de l'arbitraire, déduite de
l'art. 4 aCst., est expressément consacrée à l'art. 9 Cst.,
en vigueur lors du prononcé de l'arrêt attaqué. Selon la ju-
risprudence rendue sous l'ancien droit et toujours valable
actuellement (ATF 126 I 169 consid. 3a), une décision n'est
pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution pourrait
se
défendre, voire même être préférable. Le Tribunal fédéral
n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est ma-

nifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction
évidente avec la situation de fait, qu'elle viole gravement
une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou en-
core lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité. Par ailleurs, il ne suffit pas
que
la motivation critiquée soit insoutenable; encore faut-il
que
la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 125
I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b
p. 134; 124 I 247 consid. 5 p. 250; 124 V 137 consid. 2b).

En matière d'appréciation des preuves, il y a arbi-
traire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans
raison
sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la
décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur le sens et la portée
d'un tel élément, ou encore lorsqu'elle tire des constata-
tions insoutenables des éléments recueillis. Il appartient
au
recourant de chercher à démontrer, par une argumentation pré-
cise, que la décision incriminée est insoutenable (art. 90
al. 1 let. b OJ; ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73; 119 Ia 197
consid. 1d p. 201; 117 Ia 393 consid. 1c p. 395; 110 Ia 1
consid. 2a p. 3); le Tribunal fédéral n'entre pas en matière
sur les griefs motivés de façon insuffisante ou sur des cri-
tiques purement appellatoires (ATF 125 I 492 consid. 1b p.
495; 117 Ia 412 consid. 1c p. 415).

3.- a) Selon l'arrêt attaqué, il résulte de la let-
tre de Göhner Merkur S.A. du 10 mars 1997 que le versement
du
27 (recte: 26) février 1997 réglait le loyer de janvier
1997.
La cour cantonale en déduit que les quinze versements du 18
juin 1998 correspondaient à onze loyers de 1997 ainsi qu'aux
six (recte: quatre) premiers loyers de 1998. Elle conclut
qu'«il manquerait le mois de mai» [1998].

b) L'utilisation du mode conditionnel à propos du
non-paiement du loyer de mai 1998 peut donner à penser que
la

Chambre d'appel n'a pas tenu ce fait pour établi. Il faut
pourtant admettre que tel est le cas puisque, à lire l'arrêt
attaqué, la bailleresse a valablement résilié le bail pour
cause de demeure du locataire.

Ceci posé, il faut convenir avec le recourant que
le raisonnement de la cour cantonale repose sur une constata-
tion arbitraire. En effet, la Chambre d'appel retient sans
autre explication la version de Göhner Merkur S.A. selon la-
quelle le paiement du 26 février 1997 a éteint la dette de
loyer de janvier 1997, alors qu'elle constate par ailleurs
que le locataire a effectué antérieurement, en janvier et
février 1997, deux versements pour 1200 fr. au total en
mains
de Göhner Merkur S.A. Or, l'arrêt attaqué ne fournit aucun
élément permettant de connaître l'affectation de ces deux
paiements, dûment établis. Il n'est au demeurant nullement
exclu qu'ils correspondent au règlement de trois mois de
loyer de 1997 puisqu'il ressort des constatations incontes-
tées de la décision entreprise que tous les loyers de 1996
avaient été payés.

La question est pertinente pour résoudre le cas sur
le plan juridique. En effet, si le recourant s'était bel et
bien engagé à verser le loyer à l'intimée dès l'entrée en
force du droit de superficie, ce moment, fixé au 3 septembre
1996, résulte en fait de l'acte notarié sur lequel les signa-
tures des représentants de la Ville de Genève n'ont été appo-
sées que le 15 janvier 1997. Dans ces conditions, la cour
cantonale ne pouvait en tout cas pas, sans tomber dans l'ar-
bitraire, faire abstraction du versement de 400 fr. du 10
janvier 1997, intervenu avant la seconde date figurant sur
l'acte notarié. Au surplus, on ignore quand l'acte octroyant
le droit de superficie a été inscrit au registre foncier et
quand le locataire en a été informé. Or, ces éléments
étaient
importants pour juger si le recourant était encore en droit

de payer le loyer à Göhner Merkur S.A. en date du 18 février
1997 et, partant, pour déterminer s'il était encore en demeu-
re après le règlement de quinze loyers le 18 juin 1998.

Sur le vu de ce qui précède, il convient d'admettre
la première conclusion du recours et d'annuler l'arrêt atta-
qué.

4.- L'intimée, qui succombe, supportera les frais
de la procédure et versera au recourant une indemnité à
titre
de dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours partiellement et annule l'arrêt
attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de l'intimée;

3. Dit que l'intimée versera au recourant une in-
demnité de 3000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

____________

Lausanne, le 27 octobre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.133/2000
Date de la décision : 27/10/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-27;4p.133.2000 ?
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