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26/10/2000 | SUISSE | N°5P.189/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 octobre 2000, 5P.189/2000


«/2»
5P.189/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

26 octobre 2000

Composition de la Cour : M. Reeb, Président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, Juges. Greffière: Mme Jordan.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame F.________, représentée par Me Jean-Jérôme Crittin,
avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 31 mars 2000 par le Juge II des dis-
tricts d'Hérens et Conthey dans la cause qui oppose la recou-
rante à Dame L.________, représentée

par Me Hildebrand de
Riedmatten, avocat à Sion;

(art. 9 Cst.; conséquences du défaut
en procédure sommaire valaisan...

«/2»
5P.189/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

26 octobre 2000

Composition de la Cour : M. Reeb, Président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, Juges. Greffière: Mme Jordan.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame F.________, représentée par Me Jean-Jérôme Crittin,
avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 31 mars 2000 par le Juge II des dis-
tricts d'Hérens et Conthey dans la cause qui oppose la recou-
rante à Dame L.________, représentée par Me Hildebrand de
Riedmatten, avocat à Sion;

(art. 9 Cst.; conséquences du défaut
en procédure sommaire valaisanne)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 6 décembre 1999, le Juge de la Commune de
Nendaz a admis l'action en revendication et bornage introdui-
te par dame L.________ contre dame F.________. Il a fondé sa
décision sur l'art. 286 al. 2 du Code de procédure civile va-
laisan du 24 mars 1998, entré en vigueur le 1er janvier
1999,
selon lequel, si le défendeur ne comparaît pas sans motif
suffisant [...], les faits présentés par le demandeur sont
réputés exacts dans la mesure où leur inexactitude ne
ressort
pas du dossier. En l'occurrence, dame F.________ avait omis
de comparaître à l'audience du 29 octobre 1999, sans justi-
fier son absence.

Par exploit du 6 janvier 2000, dame F.________ a de-
mandé au magistrat prénommé le relief de ce jugement. Le 14
janvier suivant, le juge de commune a retourné cette
écriture
à l'intéressée, l'avisant qu'il ne pouvait y donner suite,
les dispositions du Code de procédure civile valaisan sur le
relief étant inapplicables en procédure sommaire.

Statuant le 31 mars 2000, le Juge II des districts
d'Hérens et Conthey a rejeté le pourvoi en nullité interjeté
par dame F.________ contre cette décision.

B.- Dame F.________ forme un recours de droit public
au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation du jugement
cantonal.

L'autorité cantonale et l'intimée n'ont pas été in-
vitées à répondre.

C.- Par ordonnance du 14 juin 2000, le Président de
la IIe Cour civile a accordé l'effet suspensif au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile - compte tenu de la
règle de l'art. 32 al. 2 OJ et des féries de Pâques (art. 34
al. 1 let. a OJ) - contre une décision finale rendue en der-
nière instance cantonale (art. 22 al. 5 et 289 al. 2
CPC/VS),
le recours est recevable selon les art. 86 al. 1, 87 (a con-
trario) et 89 al. 1 OJ.

2.- La recourante se plaint d'une violation du droit
d'accès aux tribunaux garanti implicitement par les art. 29
et 30 Cst., 6 CEDH et 14 du Pacte II ONU. Elle n'établit tou-
tefois pas avoir déjà soulevé ce grief en instance
cantonale;
il ne ressort par ailleurs pas de l'arrêt attaqué que tel au-
rait été le cas. Invoqué pour la première fois dans le re-
cours de droit public, ce moyen est donc nouveau et,
partant,
irrecevable au regard de l'art. 86 al. 1 OJ (ATF 123 I 87
consid. 2b p. 89; 119 II 6 consid. 4a p. 7; 119 Ia 88
consid.
1a p. 90/91; 118 III 37 consid. 2a p. 39 et les arrêts ci-
tés). Il en va de même du grief pris de la privation de la
garantie de la double instance.

Le recours n'est pas plus recevable, dans la mesure
où il tend à qualifier de formalisme excessif le refus du
juge de commune de reporter la séance du 29 octobre 1999. Ce
faisant, la recourante ne s'en prend en effet pas aux consi-
dérations de l'autorité cantonale selon lesquelles un tel re-
fus ne peut faire l'objet que d'une plainte pour déni de jus-
tice matériel au sens de l'art. 248 CPC/VS et est, dès lors,
irrecevable dans le cadre d'un pourvoi en nullité.

3.- La recourante reproche au juge de district
d'avoir arbitrairement interprété les art. 282 ss CPC/VS en

considérant que la voie du relief n'est pas ouverte en procé-
dure sommaire. Elle soutient que, dans ce domaine, le légis-
lateur valaisan a rattaché les effets d'un jugement contuma-
cial au défaut de comparution du défendeur, en sorte que le
relief pourrait être demandé. A l'appui de son
argumentation,
elle se réfère à la note marginale et à la teneur de l'art.
285 CPC/VS, à la similitude entre les art. 286 al. 2 et 102
al. 1er CPC/VS, au renvoi de l'art. 282 al. 2 CPC/VS aux dis-
positions ordinaires de procédure, ainsi qu'au Commentaire à
l'usage des autorités judiciaires communales, dont l'annexe
14b mentionne la possibilité du relief. Elle conteste en
outre la pertinence de la jurisprudence valaisanne rendue
sous l'empire de l'ancien droit, dès lors que celle-là repo-
sait, pour l'essentiel, sur des règles spéciales contenues
dans des lois d'application. Pour étayer cette assertion,
elle cite - sans pour autant donner de références précises -
la jurisprudence rendue dans le cadre de la mainlevée d'oppo-
sition. A cet égard, elle affirme que l'absence de relief se
comprend dans la mesure où le débiteur "défaillant" peut fai-
re valoir son droit dans le cadre d'une action en libération
ou en reconnaissance de dette, donc auprès d'une autorité
disposant d'un plein pouvoir d'examen.

a) Se référant à Ducrot (Le contentieux civil selon
le code de procédure civile, la loi d'application du code ci-
vil et la loi sur le travail, Martigny 1998, p. 41) et aux
travaux préparatoires (BSGC 1996 p. 545 (recte 556) et 1998
p. 761 ss), l'autorité intimée a considéré que les conséquen-
ces du défaut font l'objet d'une réglementation particulière
en procédure sommaire, en ce sens que le défaut de comparu-
tion ne donne pas lieu à un jugement contumacial susceptible
de relief (art. 286 CPC/VS). Le législateur valaisan aurait
repris les principes arrêtés par la jurisprudence sous l'em-
pire de l'ancien code (RVJ 1972 p. 45 et 1984 p. 210), la-
quelle a toujours exclu, en la matière, l'application des
conséquences ordinaires du défaut (art. 113 ss aCPC/VS); il
aurait par ailleurs calqué les nouveaux art. 282 ss CPC/VS,
et particulièrement l'art. 286 CPC/VS, sur les dispositions
de la procédure civile zurichoise (§§ 207 et 208 ZPO), les-
quelles prévoient, s'agissant des suites du défaut en procé-
dure sommaire, une réglementation spéciale dérogeant à celle
prévalant en procédure ordinaire, excluant ainsi tout renvoi
aux règles régissant cette dernière. L'application des art.
108 ss CPC/VS - de même que le prononcé d'un jugement contu-
macial - serait ainsi, comme par le passé, exclu en
procédure
sommaire. Le juge de district a enfin qualifié de non perti-
nente l'indication - qui résulterait d'une inadvertance ma-
nifeste - de la voie du relief dans le Commentaire à l'usage
des autorités judiciaires communales.

b) Ces considérations résistent au grief de la re-
courante. Il ne suffit en effet pas qu'une autre solution
que celle de l'autorité cantonale soit concevable, voire
préférable; une décision n'est arbitraire que si elle est
manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou
un principe juridique clair et incontesté, ou encore heurte
de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équi-
té (ATF 125 II 129 consid. 5b p. 134). Or, en l'espèce, il
résulte effectivement des travaux préparatoires que l'art.
286 CPC/VS s'inspire des §§ 207 et 208 ZPO/ZH, qui régissent
de façon particulière les conséquences du défaut en
procédure
sommaire zurichoise (cf. Frank/Sträuli/Messmer, Kommentar
zur
zürcherischen Zivilprozessordnung, 3e éd., ad §§ 207 et
208),
et reprend les principes posés en la matière par la jurispru-
dence valaisanne. Celle-ci excluait expressément, en procé-
dure sommaire, le prononcé d'un jugement contumacial et, par-
tant, l'application des art. 113 ss aCPC/VS réglant les "sui-
tes du défaut" en procédure ordinaire (notamment: RVJ 1984
206 consid. 2b p. 210, 1987 176 consid. 1a p. 177; Roland
Fux, Die Walliser Zivilprozessordnung, Leuk-Stadt 1988, p.
190). Si, pour partie, cette jurisprudence a certes été ren-
due sur la base de règles découlant de lois d'application
(cf. RVJ 1987 précitée), il n'en demeure pas moins que le lé-
gislateur valaisan a apparemment entendu étendre le régime
adopté dans ces domaines particuliers aux causes dont le
juge
connaît définitivement en vertu de l'art. 21 al. 2 CPC/VS et
qui sont soumises à la procédure sommaire (art. 282 al. 1
let. c CPC/VS). Dans ce contexte, il s'agit moins de déter-
miner si le juge de district a arbitrairement interprété la
loi que d'examiner si la volonté du législateur ne viole pas
des garanties fédérales, ce qu'a fait valoir sans succès la
recourante (cf. supra, consid. 2).

L'argument pris de la lettre et de la systématique
de la loi n'est, par ailleurs, pas de nature à démontrer le
caractère arbitraire de l'opinion de l'autorité cantonale.
Il
n'est en effet pas manifestement insoutenable de considérer
que les art. 108 ss CPC/VS, qui régissent le relief du ju-
gement contumacial, ne s'appliquent pas en procédure sommai-
re. Le jugement contumacial est en effet la conséquence,
"sauf disposition contraire", d'un deuxième défaut des par-
ties (art. 100 CPC/VS). Il est défini à l'art. 102 al. 1er
CPC/VS, selon lequel "les faits allégués et les conclusions
de la partie non défaillante sont admis à moins qu'il ne ré-
sulte du dossier ou de la situation juridique que la préten-
tion est manifestement irrecevable ou infondée". En
procédure
sommaire, l'art. 285 CPC/VS dispose en revanche que le
défaut
est encouru déjà en cas d'inobservation d'un unique délai ou
lors de la non-comparution à l'audience. L'art. 286 CPC/VS
en
définit les suites: si le demandeur ne comparaît pas, il est
statué sur la base du dossier, les faits présentés par le dé-
fendeur étant réputés exacts dans la mesure où leur inexacti-
tude ne ressort pas du dossier (al. 1); si, comme en l'espè-
ce, le défendeur est défaillant, les faits présentés par le
demandeur sont réputés exacts dans la mesure où leur inexac-
titude ne ressort pas du dossier (al. 2). Ainsi, alors même
que l'art. 102 al. 1er CPC/VS prévoit non seulement l'admis-
sion des faits allégués, mais aussi celle des conclusions de
la partie non défaillante, sous réserve de la prétention qui
serait manifestement irrecevable ou mal fondée, et ne distin-
gue pas la position du demandeur de celle du défendeur,
l'art. 286 CPC/VS opère cette dernière distinction et, en
cas
de défaut du défendeur (al. 2), ne pose que la présomption
d'exactitude des faits présentés par le demandeur. Il n'est
ainsi pas insoutenable de considérer qu'en procédure
sommaire
le défaut et ses conséquences ont reçu une réglementation
particulière, qui, au vu de la réserve de l'art. 282 al. 2
CPC/VS, exclut l'application des autres règles de procédure
et, en particulier, de celles régissant le relief d'un juge-
ment contumacial au sens de l'art. 102 al. 1er CPC/VS. Le
fait qu'en procédure accélérée l'art. 306 CPC/VS prévoit le
prononcé d'un jugement contumacial en cas de défaut des par-
ties à la première audience et réserve les dispositions sur
le relevé du défaut et le relief constitue un indice en ce
sens.

Enfin, que le Commentaire à l'usage des autorités
judiciaires communales mentionne la voie du relief ne signi-
fie pas encore que l'opinion du juge de district serait in-
soutenable, ce d'autant plus lorsqu'un autre auteur soutient
- il est vrai sans aucune motivation - la thèse contraire
(Ducrot, op. cit., et plus récemment in: Le droit judiciaire
privé valaisan, Martigny 2000, p. 415); il ne suffit en
effet
pas qu'une autorité s'écarte d'un avis pour s'exposer au re-
proche d'arbitraire.

4.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui suc-
combe, supportera les frais de la procédure (art. 156 al. 1
OJ). Il n'y a, en revanche, pas lieu d'allouer de dépens à
l'intimée qui n'a pas été invitée à répondre (art. 159 al. 1
et 2 OJ; Poudret, Commentaire de la loi fédérale d'organisa-
tion judiciaire, vol. V, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et au Juge II des districts d'Hérens et
Conthey.

Lausanne, le 26 octobre 2000
BRU/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE,
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.189/2000
Date de la décision : 26/10/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-26;5p.189.2000 ?
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