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25/10/2000 | SUISSE | N°4C.215/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 octobre 2000, 4C.215/2000


«AZA 1/2»

4C.215/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Massimo Bianco, à Bellevue, demandeur et recourant, représen-
té par Me Dominique Lévy, avocat à Genève,

et

Banque Cantonale de Genève, à Genève, défenderesse et inti-
mée, représentée par Me Jean-Luc Bochatay, avocat à G

enève;

(prêt de consommation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 28 novembre 19...

«AZA 1/2»

4C.215/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Massimo Bianco, à Bellevue, demandeur et recourant, représen-
té par Me Dominique Lévy, avocat à Genève,

et

Banque Cantonale de Genève, à Genève, défenderesse et inti-
mée, représentée par Me Jean-Luc Bochatay, avocat à Genève;

(prêt de consommation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 28 novembre 1988, la Banque Hypothécaire du
canton de Genève, devenue Banque Cantonale de Genève (ci-
après: la banque), a accordé un prêt de 1 500 000 fr. à MD
Perspectives S.A.; quatorze actionnaires de cette société se
sont engagés en qualité de codébiteurs solidaires, au nombre
desquels figurait Massimo Bianco.

Le 1er avril 1997, le compte de MD Perspectives
S.A. auprès de la banque présentait un découvert de
2 336 740 fr.75, de sorte que le prêt fut dénoncé par cour-
rier du 16 mai 1997.

La banque a ensuite passé une transaction avec cha-
cun des débiteurs solidaires, par laquelle elle acceptait de
renoncer à la solidarité et de diviser sa créance. Dans ce
contexte, la banque et Bianco ont signé une convention,
datée
du 8 décembre 1997, à teneur de laquelle ce dernier recon-
naissait devoir la somme de 169 935 fr.35 et prenait l'enga-
gement de présenter une proposition de règlement dans un dé-
lai de quatre semaines.

B.- Cette somme étant restée impayée à l'issue de
ce délai, la banque a introduit une poursuite contre Bianco.
La mainlevée provisoire de l'opposition ayant été prononcée,
le poursuivi a ouvert action en libération de dette. Il pré-
tend que la banque aurait conservé par devers elle un
montant
total de 325 000 fr. dû à GA Groupement d'Architectes S.A.
dont notamment Bianco était administrateur, alors qu'il au-
rait été convenu avec la banque que cette somme devait être
imputée sur sa dette ainsi que sur celle de trois autres dé-
biteurs de l'établissement bancaire. Selon Bianco, sa dette
devrait ainsi être réduite de 81 250 fr.

(1/4 de 325 000 fr.). La banque défenderesse a conclu au dé-
boutement du demandeur et à sa condamnation au paiement de
169 935 fr.35 plus intérêt à 5% dès le 9 décembre 1997, la
mainlevée définitive de l'opposition étant prononcée.

Par jugement du 25 novembre 1999, le Tribunal de
première instance de Genève a fait entièrement droit aux con-
clusions de la défenderesse.

Saisie d'un appel du demandeur, la Chambre civile
de la Cour de justice du canton de Genève, par arrêt du 19
mai 2000, a confirmé le jugement attaqué; sur l'appel inci-
dent de la défenderesse, la cour cantonale a modifié la dé-
cision sur les dépens. En substance, la Cour de justice a
retenu que l'accord invoqué par le demandeur pour justifier
la déduction de 81 250 fr. n'était pas venu à chef. Ainsi,
la
lettre de la banque sur laquelle il se fondait, datée du 4
octobre 1996, où devait être apposée en particulier la si-
gnature de GA Groupement d'Architectes S.A., n'a jamais été
contresignée. La cour cantonale en a déduit que la banque
avait manifesté la volonté de ne s'engager qu'en la forme
écrite, c'est-à-dire moyennant la signature des intéressés.
Comme GA Groupement d'Architectes S.A. n'avait pas signé
pour
accord le document qui lui avait été envoyé, aucune conven-
tion n'avait été passée, si bien qu'il n'était pas possible
d'affecter une éventuelle créance de cette société au paie-
ment des dettes personnelles du demandeur. Il en irait de
même d'un projet de convention adressé à la banque le 24
janvier 1997, qui n'a pas été dûment signé par toutes les
parties intéressées. En outre aucun rapport d'assignation ne
s'est instauré entre GA Groupement d'Architectes S.A. et la
défenderesse, dès lors que la première a refusé le paiement
qu'elle devait effectuer en vue d'éteindre pour partie la
dette du demandeur. De toute manière, le demandeur, en con-
cluant avec la banque l'accord du 8 décembre 1997, a passé

une transaction extrajudiciaire qui instaurait une source
d'obligations nouvelle et autonome.

C.- Bianco recourt en réforme au Tribunal fédéral.
Il se prévaut d'une violation de l'art. 8 CC et conclut à
l'annulation de l'arrêt cantonal, la cause étant renvoyée à
la Cour de justice afin que des enquêtes soient ouvertes et
ordonnées.

Des déterminations n'ont pas été requises.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et li-
brement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126 I 81 consid. 1, 207 consid. 1; 126 III 274 consid. 1;
125
III 461 consid. 2).

En l'espèce, le recourant n'a pas pris de conclu-
sions chiffrées, comme le requiert l'art. 55 al. 1 let. b
OJ.
Le recours est néanmoins recevable, car le Tribunal fédéral,
s'il admettait les moyens du recourant, ne serait pas à même
de réformer l'arrêt déféré, faute d'un état de fait
suffisant
(ATF 125 III 412 consid. 1b et les références).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 123 III 337 consid. 3b, 395 consid. 1b,
414 consid. 3c).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus

dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et
les
arrêts cités). Dans la mesure où un recourant présente un
état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée sans se prévaloir de l'une des exceptions qui vien-
nent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir comp-
te. Il ne peut être présenté de griefs contre les constata-
tions de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux
(art. 55 al. 1 let. c OJ).

Si le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ),
il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63
al. 1 OJ), pas plus que par ceux de la décision cantonale
(art. 63 al. 3 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246
consid. 2).

2.- Pour tout grief, le recourant invoque une vio-
lation de l'art. 8 CC.

a) L'art. 8 CC règle, pour tout le domaine du droit
civil fédéral (ATF 123 III 35 consid. 2d), la répartition du
fardeau de la preuve et, partant, les conséquences de
l'absence de preuve. Il confère, en outre, à la partie char-
gée du fardeau de la preuve la faculté de prouver ses alléga-
tions dans les contestations relevant de ce domaine, pour au-
tant que les faits allégués soient juridiquement pertinents
et que l'offre de preuve correspondante satisfasse, quant à
sa forme et à son contenu, aux exigences du droit cantonal.
De la même disposition découle, enfin, le droit à la contre-

preuve, c'est-à-dire la faculté, pour la partie opposée au
plaideur chargé du fardeau de la preuve, d'établir l'existen-
ce de faits susceptibles d'infirmer le bien-fondé des alléga-
tions formant l'objet de la preuve principale (ATF 126 III
315 consid. 4a; 125 III 78 consid. 3b).

Le juge cantonal enfreint cette règle générale du
droit fédéral en matière de preuve s'il tient pour exactes
les allégations non prouvées d'une partie, nonobstant leur
contestation par la partie adverse, ou s'il refuse toute ad-
ministration de preuve sur des faits pertinents en droit.
L'art. 8 CC est également violé par le juge qui refuse à la
partie libérée du fardeau de la preuve le droit de rapporter
une contre-preuve concrète, quand bien même il s'est fondé
uniquement sur l'expérience générale de la vie, sur une pré-
somption de fait ou sur des indices pour conclure à l'exis-
tence du fait allégué par la partie chargée du fardeau de la
preuve (ATF 115 II 305).

En revanche, lorsque l'appréciation des preuves
convainc le juge qu'une allégation de fait a été prouvée ou
réfutée, la question de la répartition du fardeau de la preu-
ve ne se pose plus et le grief de violation de l'art. 8 CC
devient sans objet (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223-224;
119 II 114 consid. 4c; 118 II 142 consid. 3a). Le Tribunal
fédéral, statuant dans le cadre de la procédure du recours
en
réforme, ne peut pas revoir cette appréciation des preuves,
qui ressortit au juge du fait (ATF 125 III 78 consid. 3a,
368
consid. 3 in fine). Le refus de certaines preuves ne viole
alors pas l'art. 8 CC; il peut tout au plus être attaqué par
la voie du recours de droit public fondé sur la violation
des
art. 9 et 29 al. 2 Cst., pour arbitraire dans l'appréciation
des preuves ou dans l'application du droit cantonal, ou enco-
re pour violation du droit d'être entendu (ATF 114 II 289
consid. 2a; 109 II 26 consid. 3b; 106 II 170 consid. 6b). Au
demeurant, l'art. 8 CC n'exclut ni l'appréciation anticipée

des preuves ni la preuve par indices, pas plus qu'une admi-
nistration limitée des preuves lorsque celle-ci emporte la
conviction du juge au point qu'il tient une allégation pour
exacte (ATF 122 III 219 consid. 3c; 120 II 58 consid. 4d).

b) In casu, le recourant, qui a pu alléguer les
faits dont la preuve lui incombe et produire ses pièces, fon-
de sa demande d'imputation sur une lettre de la banque du 4
octobre 1996. Examinant ce document produit lors des enquê-
tes, la cour cantonale en a déduit que la défenderesse n'en-
tendait s'engager que si la pièce était contresignée pour ac-
cord. A supposer qu'il s'agisse là d'une interprétation ob-
jective selon le principe de la confiance (cf. ATF 126 III
25
consid. 3c, 59 consid. 5b; 125 III 305 consid. 2b p. 308;
123
III 165 consid. 3a), on ne voit pas en quoi elle pourrait
transgresser le droit fédéral, du moment qu'il est établi
souverainement (art. 63 al. 2 OJ) que le document n'a jamais
été contresigné. En effet, il est de jurisprudence constante
que si l'une des parties envoie à l'autre des exemplaires du
contrat pour qu'elle les signe, on doit présumer qu'elle
n'entend s'engager que dans la forme écrite (ATF 105 II 75
consid. 1 in fine p. 79 et les arrêts cités). Le recourant a
été incapable de détruire la présomption de l'art. 16 al. 1
CO. C'est ainsi en parfaite conformité avec le droit fédéral
que l'autorité cantonale a admis qu'aucun accord n'était
venu
à chef.

Comme ce raisonnement imparable repose tout entier
sur des faits tenus pour établis, notamment par l'apprécia-
tion de la force probante des pièces produites, il n'y a
plus
de place pour une violation de l'art. 8 CC (ATF 125 III 78
consid. 3a, 368 consid. 3 in fine). Et, on l'a déjà dit, la
décision de refuser d'autres mesures probatoires par une ap-
préciation anticipée des preuves apportées ne peut être exa-
minée en instance de réforme (cf. ATF 122 III 219 consid.
3c).

Puisqu'il ne ressort nullement des constatations
cantonales que le recourant aurait allégué des circonstances
d'où il ressortirait que les parties se considéraient liées
déjà avant que la forme réservée soit observée, le
recourant,
à défaut d'allégations régulières selon les formes de la pro-
cédure cantonale, ne peut faire valoir une violation de son
droit à la preuve (cf. ATF 122 III 219 consid. 3c).

Le grief de violation de l'art. 8 CC est privé de
tout fondement.

c) Dans une motivation alternative, la Cour de jus-
tice a considéré que l'accord du 8 décembre 1997 devait être
qualifié de transaction extrajudiciaire à effet novatoire.
Le
recourant le conteste en mettant en exergue des termes qui
réserveraient une compensation ultérieure. On peut se dispen-
ser d'examiner la question, car cette motivation est subsi-
diaire, de sorte qu'une décision différente sur ce point ne
pourrait pas modifier l'issue du litige (ATF 121 III 46 con-
sid. 2).

3.- En définitive, le recours doit être rejeté,
l'arrêt attaqué étant confirmé. Vu l'issue du litige, les
frais doivent être mis à la charge du recourant qui succombe
(art. 156 al. 1). En revanche, il n'aura pas à verser de dé-
pens à sa partie adverse, qui n'a pas été invitée à se déter-
miner.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 4500 fr. à la
charge du recourant;

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

____________

Lausanne, le 25 octobre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.215/2000
Date de la décision : 25/10/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-25;4c.215.2000 ?
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