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19/10/2000 | SUISSE | N°1P.568/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 octobre 2000, 1P.568/2000


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1P.568/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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19 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

G.________, représenté par Me Philippe Bauer, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 19 juillet 2000 par la Chambre d'accusation
du canton de Neuchâtel, dans la cause qui oppo

se le
recourant
au Ministère public du canton de Neuchâtel;

(opposition à une ordonnance de condamnation;
noti...

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1P.568/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

19 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

G.________, représenté par Me Philippe Bauer, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 19 juillet 2000 par la Chambre d'accusation
du canton de Neuchâtel, dans la cause qui oppose le
recourant
au Ministère public du canton de Neuchâtel;

(opposition à une ordonnance de condamnation;
notification; droit d'être entendu)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par ordonnance pénale du 23 mai 2000, le Minis-
tère public du canton de Neuchâtel a condamné G.________ à
20
jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à
1000
fr. d'amende, peine complémentaire à une précédente condamna-
tion prononcée le 20 avril 2000.

B.- Par lettre du 14 juin 2000, postée le lendemain,
G.________ a formé opposition contre cette ordonnance, qu'il
indiquait avoir reçue le 29 mai 2000.

Par décision du 16 juin 2000, le Ministère public a
déclaré l'opposition irrecevable: l'ordonnance pénale avait
été notifiée le 25 mai 2000, de sorte que l'opposition, for-
mée après l'échéance du délai de 20 jours prévu à l'art. 13
du code de procédure pénale neuchâtelois (CPP/NE), était tar-
dive.

C.- Par acte du 26 juin 2000, G.________ a recouru
auprès de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal neu-
châtelois. Il relevait que l'ordonnance de condamnation, pos-
tée le 24 mai 2000, n'était parvenue à l'office de poste de
Villars-sur-Glâne que le 26 mai suivant, selon le cachet
apposé sur l'enveloppe, et n'avait donc pu lui être notifiée
le 25 mai. La notification avait eu lieu le 29 mai 2000, de
sorte que l'opposition avait été formée à temps.

Par arrêt du 19 juillet 2000, la Chambre d'accusa-
tion a rejeté le recours, en considérant que l'accusé de ré-
ception portait bien la date du 25 mai 2000.

D.- G.________ forme un recours de droit public
contre ce dernier arrêt. Il en demande l'annulation, ainsi

que le renvoi de la cause à l'autorité intimée pour nouvelle
décision au sens des considérants.

La Chambre d'accusation et le Ministère public
concluent au rejet du recours, sans formuler d'observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours de droit public est interjeté en
temps utile, contre un arrêt final rendu en dernière
instance
cantonale. Le recourant expose en effet que l'arrêt attaqué
n'est pas susceptible d'un pourvoi en cassation cantonal se-
lon l'art. 241 CPP/NE. La qualité pour agir du recourant
(art. 88 OJ) ne fait pas de doute.

2.- Le recourant se plaint d'arbitraire. Selon lui,
l'appréciation de la cour cantonale selon laquelle l'ordon-
nance de condamnation aurait été notifiée le 25 mai 2000,
serait contredite par les pièces du dossier, soit notamment
l'enveloppe portant la date de réception à la poste de
Villars-sur-Glâne le 26 mai 2000. La cour cantonale ne pou-
vait pas se dispenser d'instruire sur la question
essentielle
de la date de notification, sans violer le droit d'être en-
tendu du recourant.

Celui-ci produit par ailleurs une attestation du bu-
reau de poste de Villars-sur-Glâne, datée du 9 août 2000, et
des photocopies de documents de la poste. Il en ressort que
l'acte judiciaire aurait été déposé le 26 mai 2000 et retiré
le 29 mai suivant. Ces pièces, postérieures au prononcé atta-
qué, sont irrecevables dans le cadre du recours de droit pu-
blic. Cela ne change toutefois rien à l'issue de la cause.

Le recourant invoque également l'art. 6 par. 1 CEDH.
Il estime avoir été indûment privé de l'accès à un juge. Le
grief n'a toutefois pas de portée propre car, comme le
relève

le recourant, l'accès à un tribunal est garanti dès lors que
celui qui fait l'objet d'une condamnation par ordonnance pé-
nale peut, s'il forme opposition, être jugé selon la procédu-
re ordinaire. Ce droit doit toutefois être exercé conformé-
ment aux règles de procédure, en particulier dans le respect
des délais posés par le droit cantonal (cf. ATF 126 I 36 con-
sid. 1b p. 39-40). Or, le recourant ne soutient pas, avec
raison, que la règle de procédure appliquée en l'espèce se-
rait, en soi, contraire à l'art. 6 CEDH. Dès lors, le
recours
se limite d'une part à l'appréciation des preuves et,
d'autre
part au respect du droit d'être entendu, cette dernière ques-
tion devant être résolue en premier lieu, compte tenu de son
caractère formel.

3.- Le droit d'être entendu, garanti par l'art. 29
al. 2 Cst., comprend de manière générale le droit de prendre
connaissance du dossier, d'obtenir l'administration des preu-
ves pertinentes et valablement offertes, de participer à
l'administration des preuves essentielles et de se
déterminer
sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la
décision à rendre (ATF 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2;
122 I 109 consid. 2a; 114 Ia 97 consid. 2a et les références
citées). Ce droit implique aussi pour l'autorité
l'obligation
de prendre position sur les arguments pertinents qui lui
sont
valablement soumis, et de motiver sa décision de manière à
permettre à l'administré de comprendre les raisons ayant con-
duit au prononcé (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103 et les
arrêts cités).

En l'espèce, le recourant faisait valoir que l'or-
donnance pénale ne lui avait été notifiée que le 29 mai
2000,
et non le 25 comme indiqué par erreur sur l'accusé de récep-
tion. Il relevait que le pli n'avait été reçu à l'office de
poste de Villars-sur-Glâne que le 26 mai, comme en attes-
taient les cachets figurant au dos de l'enveloppe, de sorte
que l'inscription manuscrite était forcément erronée.

La cour cantonale s'est bornée à constater, dans son
arrêt, que l'accusé de réception a été signé le 25 mai 2000.
Elle ne s'est en revanche nullement déterminée sur les argu-
ments qui lui étaient soumis. Ceux-ci étaient pourtant sé-
rieux: l'enveloppe ayant contenu l'ordonnance pénale porte
en
effet deux cachets datés du 26 mai 2000 (date pouvant corres-
pondre à la réception par l'office de poste, et à la présen-
tation infructueuse), ainsi qu'un cachet daté du 29 mai 2000
(date pouvant correspondre au retrait du pli). La mention du
délai de garde, échéant au 2 juin 2000, permettait aussi de
penser que le pli n'était parvenu à l'office de Villars-sur-
Glâne que le 26 mai précédent. En présence d'une inscription
manuscrite que le recourant estimait erronée, et de mentions
contradictoires résultant des cachets officiels, la cour can-
tonale devait à tout le moins indiquer pour quelles raisons
elle a retenu que la première était exacte.

Dépourvu de motivation suffisante, l'arrêt attaqué
doit être annulé pour violation de l'art. 29 al. 2 Cst. La
cour cantonale devra en conséquence rendre une nouvelle déci-
sion motivée, respectant le droit d'être entendu du recou-
rant.

4.- L'admission du recours, pour un motif formel,
dispense le Tribunal fédéral d'examiner l'appréciation des
preuves opérée par la cour cantonale. Le recourant, qui ob-
tient gain de cause, a droit à des dépens, à la charge du
canton de Neuchâtel. Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ, il
n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.

2. Alloue au recourant une indemnité de dépens de
1000 fr., à la charge du canton de Neuchâtel.

3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Ministère public et à la Chambre d'accu-
sation du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 19 octobre 2000
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.568/2000
Date de la décision : 19/10/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-19;1p.568.2000 ?
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