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19/10/2000 | SUISSE | N°1A.112/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 octobre 2000, 1A.112/2000


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1A.112/2000
1P.192/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

19 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Mme le Juge suppléant Pont Veuthey.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur les recours de droit administratif
et de droit public formés par

la propriété par étages "X.________" et A.________, tous
deux représentés par Me Philippe-Edouard Journot, avocat à
Lausanne,

contre



l'arrêt rendu le 24 février 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud dans la cause opposant les reco...

«»

1A.112/2000
1P.192/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

19 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Mme le Juge suppléant Pont Veuthey.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur les recours de droit administratif
et de droit public formés par

la propriété par étages "X.________" et A.________, tous
deux représentés par Me Philippe-Edouard Journot, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 24 février 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud dans la cause opposant les recourants
à la Caisse de pensions de l'Etat de Vaud, à Lausanne, à la
Commune de L a u s a n n e , représentée par Me Denis
Bettems, avocat à Lausanne, ainsi qu'au Département des
infrastructures du canton de V a u d ;

(création d'un bar-dancing; protection contre le bruit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La Caisse de pensions de l'Etat de Vaud est pro-
priétaire de la parcelle n° 10'242 du registre foncier de la
commune de Lausanne, à l'angle de l'avenue de l'Université
et
de la rue de la Barre. Ce bien-fonds de 554 mètres carrés
est
classé dans la zone urbaine de l'ordre contigu régie par les
art. 7 et suivants du règlement communal concernant le plan
d'extension du 3 novembre 1942 (RPE). Il accueille un bâti-
ment locatif dont la façade est se trouve à moins de sept mè-
tres de l'axe de la rue de la Barre, en violation de l'art.
36 al. 1 let. c de la loi cantonale sur les routes, du 10 dé-
cembre 1991 (LR). Cet immeuble, sis au n° 1 de la rue de la
Barre, abrite au sous-sol une salle voûtée qui était exploi-
tée jusqu'au 30 septembre 1997 comme théâtre-buvette de 50
places, à l'enseigne de l"Espace Barré", au bénéfice d'une
autorisation d'ouverture jusqu'à 01h00, du dimanche au
jeudi,
et jusqu'à 02h00, le vendredi et le samedi.

B.- Le 24 août 1998, la Caisse de pensions de l'Etat
de Vaud a requis de la Municipalité de Lausanne l'autorisa-
tion de procéder à diverses transformations intérieures du
bâtiment sis au n° 1 de la rue de la Barre visant à réaliser
un bar de 50 places au rez-de-chaussée et un dancing en sous-
sol.

Mis à l'enquête publique du 25 septembre au 15 octo-
bre 1998, ce projet a suscité l'opposition de la propriété
par étages "X.________" (ci-après: la PPE "X.________"), pro-
priétaire de la parcelle sise en face du bâtiment litigieux,
et de A.________, copropriétaire pour une demie avec
B.________ de quatre lots de propriété par étage correspon-
dant à deux appartements, situés dans l'immeuble sis au n° 5
de la rue de la Barre, et à deux places de parc.

Le dossier a été mis en consultation auprès des di-
vers services cantonaux concernés par le projet. A la
requête
du Service cantonal de l'environnement et de l'énergie, la
Caisse de pensions de l'Etat de Vaud a confié au bureau d'in-
génieur Gilbert Monay, à Lausanne, le soin de procéder à une
expertise acoustique. Au terme de son rapport établi le 29
décembre 1998, l'expert parvient à la conclusion qu'une limi-
tation du niveau sonore de la musique à 79 dB(A) dans le bar
et à 92 dB(A) à l'intérieur du dancing garantirait le
respect
des valeurs limites fixées par le Service cantonal de l'envi-
ronnement et de l'énergie, dans les chambres et les apparte-
ments voisins, tant pour le bruit transmis par voie solidien-
ne que pour celui transmis par voie aérienne, moyennant la
réalisation d'un sas d'entrée, composé de deux portes possé-
dant une isolation de 30 dB, la pose d'une absorption acous-
tique dans les lieux d'accès au bar et au dancing, ainsi que
dans le dancing proprement dit, et une isolation renforcée
des ventilations et de la porte de secours sise au
nord-ouest
de l'immeuble.

Les préavis et autres autorisations des services
cantonaux concernés ont été communiqués le 9 février 1999 à
la Municipalité de Lausanne par la Centrale des
autorisations
du Département cantonal des infrastructures. L'Office canto-
nal de la police du commerce a notamment délivré l'autorisa-
tion spéciale requise en application des art. 8 et 31 de la
loi vaudoise sur les auberges et les débits de boissons
(LADB) sous diverses conditions, dont notamment celles préco-
nisées par l'expert en matière de protection contre le bruit
et reprises telles quelles par le Service cantonal de l'envi-
ronnement et de l'énergie dans son préavis. S'agissant des
nuisances sonores directes dues aux discussions de la clien-
tèle quittant l'établissement, il a considéré qu'il ne se
justifiait pas de fixer des mesures préventives, mais il
s'est réservé le droit d'imposer l'engagement d'une personne
à l'entrée de l'établissement afin de réduire les bruits de

comportement aux abords immédiats du dancing en cas de plain-
tes répétées. Quant aux nuisances liées au trafic automobile
généré par l'exploitation du dancing, il a précisé qu'elles
n'entraient pas en ligne de compte puisque les parkings
étaient répartis de manière uniforme autour de l'établisse-
ment projeté, dont les heures de fermeture ont été fixées
par
la Municipalité de Lausanne à 04h00, avec une prolongation
possible à 05h00.

Par décision du 18 mars 1999, notifiée aux opposants
le 25 mars 1999, la Municipalité de Lausanne a écarté les op-
positions et accordé le permis de construire sollicité,
après
avoir approuvé l'attribution d'un degré de sensibilité III
au
bruit à la parcelle concernée. Elle a retenu en substance
que
les transformations projetées et la nouvelle affectation en-
visagée étaient conformes aux dispositions réglementaires de
la zone et que les conditions posées aux art. 80 et 82 de la
loi vaudoise du 4 décembre 1985 sur l'aménagement du terri-
toire et les constructions (LATC) étaient respectées.

C.- La PPE "X.________" et A.________ ont recouru
contre les décisions municipale et cantonales auprès du
Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après, le Tribu-
nal administratif), en concluant à leur annulation. Ils pré-
tendaient qu'un degré de sensibilité II au bruit aurait dû
être attribué au quartier de la Barre et que les valeurs li-
mites de planification applicables pour un tel degré ne
seraient pas respectées. Ils faisaient valoir en outre que
le
projet ne pouvait être autorisé au regard de l'art. 80 al. 2
LATC en tant qu'il aggravait les inconvénients pour le voisi-
nage.

Statuant par arrêt du 24 février 2000, le Tribunal
administratif a rejeté le recours et confirmé les décisions
attaquées. Il a considéré en substance que les travaux proje-
tés n'aggravaient pas l'atteinte à la réglementation en vi-

gueur ni les inconvénients qui en résultaient pour le voisi-
nage, au sens de l'art. 80 al. 2 LATC, dans la mesure où ils
respectaient les conditions posées par le droit fédéral en
matière de protection contre le bruit. Il a par ailleurs ex-
clu toute immission excessive pour le voisinage sur la base
du préavis favorable au projet émis par le Service cantonal
de l'environnement et de l'énergie.

D.- Agissant simultanément par la voie du recours de
droit public et par celle du recours de droit administratif,
la PPE "X.________" et A.________ demandent au Tribunal fédé-
ral d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif du 24
février
2000 ainsi que la décision de la Municipalité de Lausanne du
25 mars 1999 et de renvoyer, le cas échéant, la cause à l'au-
torité municipale ou cantonale pour instruction et nouvelle
décision dans le sens des considérants. Dans le cadre de
leur
recours de droit administratif, ils prétendent que l'attribu-
tion d'un degré de sensibilité III au bruit ne
correspondrait
pas aux activités déployées dans le quartier de la Barre et
consacrerait une violation de l'art. 43 al. 1 de
l'ordonnance
fédérale sur la protection contre le bruit du 15 décembre
1986 (OPB; RS 814.41). Ils reprochent à l'expert
acousticien,
à la Municipalité de Lausanne et au Service cantonal de l'en-
vironnement et de l'énergie de s'être référés à tort aux va-
leurs limites de planification fixées à l'Annexe 6 de l'OPB;
cette violation du droit fédéral aurait dû conduire à l'annu-
lation de la décision de la Municipalité de Lausanne et au
renvoi de la cause à l'autorité communale ou cantonale pour
qu'elle procède à une nouvelle évaluation du bruit induit
par
l'exploitation du bar-dancing litigieux tenant compte d'un
degré de sensibilité II. A l'appui du recours de droit pu-
blic, ils reprochent à l'autorité intimée d'avoir retenu ar-
bitrairement et en violation de l'art. 80 al. 2 LATC que les
travaux projetés n'aggraveraient pas les inconvénients pour
le voisinage en l'absence d'une étude de bruit qui
conclurait
au respect des exigences du droit fédéral en matière de pro-

tection de l'environnement, compte tenu d'un degré de sensi-
bilité II au bruit attribué à la zone.

La présente affaire a été enregistrée d'une part
comme recours de droit administratif (cause 1A.112/2000) et,
d'autre part, comme recours de droit public (cause
1P.192/2000).

Le Tribunal administratif conclut au rejet des re-
cours. La Caisse de pensions de l'Etat de Vaud n'a pas
déposé
d'observations. Le Département cantonal des infrastructures,
au nom des services concernés de l'Etat de Vaud, et la Com-
mune de Lausanne concluent au rejet des recours dans la mesu-
re où ils sont recevables.

L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et
du paysage (ci-après: l'OFEFP) a communiqué ses observations
sur les griefs relevant du recours de droit administratif.
Les parties et les autorités intéressées ont pu faire part
de
leurs déterminations à ce propos.

L'effet suspensif a été accordé aux recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les recours, présentés dans une seule écriture,
sont intentés par les mêmes personnes contre le même arrêt
cantonal et présentent des griefs complémentaires; il sied
par conséquent de joindre les deux procédures et de statuer
par un seul arrêt (art. 40 OJ en relation avec l'art. 24
PCF;
ATF 123 II 16 consid. 1 p. 20; 113 Ia 390 consid. 1 p. 394).

2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126

I 81 consid. 1 p. 83; 126 III 274 consid. 1 p. 275 et les ar-
rêts cités). Lorsque, comme en l'espèce, les recourants agis-
sent simultanément par la voie du recours de droit public et
celle du recours de droit administratif, la règle de la sub-
sidiarité du recours de droit public énoncée à l'art. 84 al.
2 OJ commande d'examiner en premier lieu la recevabilité du
recours de droit administratif (ATF 124 I 223 consid. 1a p.
224; 123 II 231 consid. 1 p. 233; 122 II 373 consid. 1b p.
375; 122 I 267 consid. 1a p. 269/270).

a) Selon les art. 97 et 98 let. g OJ, mis en rela-
tion avec l'art. 5 PA, la voie du recours de droit adminis-
tratif est ouverte contre les décisions des autorités canto-
nales de dernière instance et qui sont fondées sur le droit
fédéral - ou qui auraient dû l'être - pour autant qu'aucune
des exceptions prévues aux art. 99 à 102 OJ ou dans la légis-
lation spéciale ne soit réalisée. Le recours de droit admi-
nistratif est aussi recevable contre les décisions
cantonales
fondées à la fois sur le droit fédéral et sur le droit canto-
nal dans la mesure où la violation de dispositions du droit
fédéral directement applicables est en jeu (cf. art. 104
let.
a OJ; ATF 125 II 10 consid. 2a p. 13 et les arrêts cités).
En
revanche, c'est la voie du recours de droit public qui est
ouverte contre des décisions fondées sur le droit cantonal
autonome, ne présentant aucun rapport de connexité avec l'ap-
plication du droit fédéral (ATF 126 V 30 consid. 2 p. 32 et
les arrêts cités).

aa) A l'appui de leur recours de droit administra-
tif, les recourants font valoir que l'attribution d'un degré
de sensibilité III au bruit à la parcelle n° 10'242
violerait
les normes fédérales en matière de protection contre le
bruit
et, plus particulièrement, les dispositions de l'art. 43
OPB.
Ils sont d'avis qu'au vu des activités déployées dans le
quartier de la Barre, un degré de sensibilité II aurait dû
être fixé et requièrent le renvoi du dossier à la Municipa-

lité de Lausanne pour qu'elle procède à une nouvelle étude
de
bruit et fixe de nouvelles valeurs limites d'immission en te-
nant compte de l'application du degré de sensibilité II. Se-
lon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, c'est
par
la voie du recours de droit administratif - effectivement
choisie en l'occurrence - qu'un tel grief doit être invoqué
(ATF 121 II 72 consid. 1b in fine p. 75/76, 235 consid. 1 p.
237; 120 Ib 287 consid. 3c/dd p. 298; 119 Ib 179 consid. 1a
p. 182; ZBl 95/1996 p. 407 consid. 1a p. 408; Pra 2000 n° 64
p. 386 consid. 1a p. 388).

bb) Dans le cadre de leur recours de droit public,
les recourants dénoncent une application arbitraire de
l'art.
80 al. 2 LATC, qui autorise notamment la transformation des
bâtiments existants non conformes aux règles de la zone à
bâtir dans les limites des volumes existants pour autant que
les travaux n'aggravent pas les inconvénients qui en résul-
tent pour le voisinage. Ils ne contestent pas la motivation
de l'arrêt attaqué suivant laquelle la question de l'aggra-
vation des inconvénients devait être exclusivement résolue
au
regard du droit fédéral. Ils reprochent à l'autorité intimée
de l'avoir tranchée par la négative en l'absence d'une étude
de bruit permettant d'admettre que les exigences du droit
fédéral en matière de protection de l'environnement seraient
satisfaites, compte tenu
d'un degré de sensibilité II au
bruit attribué à la zone. Tel qu'il est formulé, le grief
tiré d'une application arbitraire de l'art. 80 al. 2 LATC
n'a
pas de portée propre par rapport à celui de la violation du
droit fédéral, de sorte que le recours de droit public est
irrecevable pour ce motif, sans qu'il soit nécessaire d'exa-
miner s'il répond au surplus aux exigences de l'art. 90 al.
1
let. b OJ (cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts
cités).

Vu ce qui précède, le recours de droit administratif
est seul recevable en l'espèce.

b) Les membres de la PPE "X.________" sont proprié-
taires d'appartements en propriété par étages dans un immeu-
ble voisin du bâtiment dans lequel le bar-dancing projeté de-
vrait prendre place et sont ainsi directement exposés aux
nuisances provoquées par son exploitation. Ils ont qualité
pour recourir en vertu de l'art. 103 let. a OJ (cf. ATF 119
Ib 179 consid. 1c p. 184/185; 111 Ib 159). Les autres condi-
tions de recevabilité du recours de droit administratif sont
réalisées, la clause d'exclusion de l'art. 99 let. e OJ ne
s'appliquant pas en l'espèce (cf. ATF 117 Ib 12 consid. 1a
et
les références citées). Il convient donc d'entrer en matière
sur le fond.

3.- Les recourants requièrent la fixation d'un degré
de sensibilité II au bruit en lieu et place du degré de sen-
sibilité III attribué par la Municipalité de Lausanne. Ils
demandent le renvoi de la cause à l'autorité communale ou
cantonale pour qu'elle examine la compatibilité du projet
avec les normes fédérales en matière de protection contre le
bruit, compte tenu d'un degré de sensibilité II.

a) Les degrés de sensibilité au bruit indiquent le
niveau d'immissions à partir duquel les nuisances sonores
sont ressenties comme incommodantes par la population de la
zone concernée. Ce niveau doit être respecté par toute ins-
tallation fixe nouvelle ou existante. L'art. 43 al. 1 OPB
détermine les degrés de sensibilité selon l'intensité des
nuisances tolérées dans la zone. Cette disposition commande
en particulier l'attribution d'un degré de sensibilité II
dans les zones où aucune entreprise gênante n'est autorisée,
notamment dans les zones d'habitation ainsi que dans celles
réservées à des constructions et installations publiques
(let. b), et d'un degré de sensibilité III dans les zones ou-
vertes aux entreprises moyennement gênantes, telles les
zones
d'habitation et artisanales (zones mixtes) et les zones agri-
coles (let. c). Cette classification doit être respectée par

les autorités cantonales et communales dans l'exercice du
pouvoir d'appréciation qui leur est reconnu en la matière
(ATF 120 Ib 287 consid. 3c/bb p. 295, 456 consid. 4b p. 460;
119 Ib 179 consid. 2a p. 186; ZBl 97/1996 p. 407 consid. 4b
p. 411). L'attribution des degrés de sensibilité dépend
avant
tout des caractéristiques de la zone dans laquelle se trou-
vent les locaux à usage sensible au bruit et de l'intensité
des nuisances qui y sont tolérées, indépendamment de sa déno-
mination; ainsi, une zone à vocation mixte ne requiert pas
nécessairement l'attribution d'un degré de sensibilité III
si
elle n'est pas destinée à des activités moyennement gênantes
pour le voisinage (cf. Anne-Christine Favre, Quelques ques-
tions soulevées par l'application de l'OPB, RDAF 1992 p. 289
ss, spéc. p. 311 et la jurisprudence citée).

b) En l'espèce, le règlement communal concernant le
plan d'extension ne définit pas l'affectation de la zone ur-
baine de l'ordre contigu, dont fait partie le quartier de la
Barre. En pareil cas, il convient d'attribuer les degrés de
sensibilité en fonction des activités effectivement
déployées
dans la zone et du niveau existant des nuisances sonores. Le
quartier de la Barre n'est pas exclusivement voué à l'habita-
tion, mais comporte un café-restaurant en face du bâtiment
litigieux, une école ainsi que différents commerces. Par ail-
leurs, l'immeuble dans lequel l'intimée entend réaliser son
projet a accueilli successivement le Foyer Restaurant Univer-
sitaire jusqu'en 1987, puis le théâtre-buvette "Espace
Barré"
jusqu'au 30 septembre 1997, avec des heures de fermeture ana-
logues à celle d'un café-restaurant. Il est donc inexact de
prétendre que le quartier de la Barre serait essentiellement
voué à l'habitation ou à des activités non gênantes pour le
voisinage. Par ailleurs, il est situé à proximité immédiate
de la place du Tunnel, qui accueille des établissements pu-
blics analogues à celui projeté. Dans ces conditions, on ne
saurait dire que le quartier de la Barre bénéficie d'une si-
tuation tranquille que la Municipalité de Lausanne devrait

impérativement préserver en lui attribuant un degré de sen-
sibilité II au bruit (cf. DEP 1999 p. 731). S'agissant au
contraire d'une zone mixte à proximité immédiate du centre
ville, dans laquelle s'implantent des activités moyennement
gênantes pour le voisinage, l'attribution du degré de sensi-
bilité III est conforme à l'art. 43 al. 1 let. c OPB et ne
procède pas d'un abus ou d'un excès du pouvoir
d'appréciation
(cf. ZBl 91/1990 p. 509; ATF 117 Ib 125 consid. 4c).

4.- Pour le surplus, les recourants font valoir que
les autorités cantonales et communale se seraient basées à
tort sur les valeurs de planification de l'annexe 6 de l'OPB
pour apprécier les nuisances induites par l'exploitation du
bar-dancing et qu'elle n'aurait opéré aucune distinction
selon les périodes d'évaluation du bruit.

a) Il est constant que le bar-dancing que l'intimée
entend exploiter dans le bâtiment sis au n° 1 de la rue de
la
Barre est une installation fixe au sens des art. 7 al. 7 LPE
et 2 al. 1 OPB à laquelle s'appliquent les règles de la lé-
gislation fédérale sur la protection de l'environnement en
matière de limitation des nuisances sonores (cf. ATF 123 II
325 consid. 4a; DEP 1999 p. 264 consid. 3a p. 266; DEP 1997
p. 197 consid. 2 p. 199/200; Anne-Christine Favre, Le bruit
des établissements publics, RDAF 2000 I p. 3).

En l'occurrence, l'autorité intimée n'a pas tranché
la question de savoir si le bar-dancing projeté constitue
une
installation nouvelle, dont les émissions de bruit devraient
être limitées de façon à ne pas dépasser les valeurs de pla-
nification dans le voisinage (cf. art. 25 al. 1 LPE et 7 al.
1 let. b OPB), ou s'il s'agit d'une installation fixe exis-
tante notablement modifiée, selon l'art. 8 al. 3 OPB, qui ne
devrait respecter que les valeurs limites d'immission en ver-
tu de l'art. 8 al. 2 OPB. Cette question peut rester
indécise
car les exigences plus sévères des art. 25 LPE et 7 al. 1

let. b OPB seraient de toute manière respectées si la réali-
sation du bar-dancing dans les locaux du bâtiment sis au n°
1
de la rue de la Barre devait être assimilée à une installa-
tion nouvelle (cf. arrêt du 20 novembre 1998 reproduit in
DEP
1999 p. 264 consid. 3a p. 267; ATF 123 II 325 consid. 4c/aa
p. 329).

b) A teneur de l'art. 11 LPE, les pollutions atmos-
phériques, le bruit, les vibrations et les rayons sont limi-
tés par des mesures prises à la source en vue de la limita-
tion des émissions (al. 1); indépendamment des nuisances
existantes, il importe, à titre préventif, de limiter les
émissions dans la mesure que permettent l'état de la techni-
que et les conditions d'exploitation et pour autant que cela
soit économiquement supportable (al. 2); les émissions
seront
limitées plus sévèrement s'il appert ou s'il y a lieu de pré-
sumer que les atteintes, eu égard à la charge actuelle de
l'environnement, seront nuisibles ou incommodantes (al. 3).
L'évaluation des atteintes nuisibles ou incommodantes se
fait
au regard des valeurs limites d'immissions édictées par le
Conseil fédéral (art. 13, 14 et 15 LPE; cf. ATF 123 II 74
consid. 4a p. 82).

c) Pour atteindre les objectifs de limitation de
bruit assignés à l'art. 1 al. 1 et al. 2 let. b OPB, il con-
vient de prendre en compte tous les bruits provoqués par
l'utilisation normale, conforme à sa destination, de l'ins-
tallation en cause, que ces bruits proviennent de
l'intérieur
des locaux considérés, ou de l'extérieur de ceux-ci (ATF 123
II 325 consid. 4a/bb p. 327/328; 123 II 74 consid. 3b p.
79).
Selon la jurisprudence, la notion d'exploitation doit être
interprétée largement: tous les bruits directement liés à
une
installation, qui peuvent se révéler nuisibles ou incommo-
dants pour les voisins, sont soumis aux prescriptions sur la
limitation des nuisances des art. 11ss LPE (ATF 123 II 74
consid. 3d p. 81); cela concerne notamment les bruits prove-

nant des allées et venues des clients aux abords des bars et
des dancings (nuisances liées au trafic, conversations,
éclats de voix, etc.). Selon la jurisprudence, l'autorité
d'exécution ne peut évaluer le bruit provenant d'établisse-
ments publics, tels que le bar-dancing projeté, au regard
des
seules annexes de l'OPB (ATF 123 II 74 consid. 4b p. 83, 325
consid. 4d/aa p. 333). Faute de valeurs spécifiques, l'auto-
rité d'exécution doit faire application de l'art. 15 LPE, à
teneur duquel les valeurs limites d'immissions concernant le
bruit et les vibrations sont fixées de manière que, selon
l'état de la science et de l'expérience, les immissions infé-
rieures à ces valeurs ne gênent pas de manière sensible la
population dans son bien-être (ATF 123 II 325 consid. 4d/bb
p. 334). Dans cette appréciation, l'autorité tient compte du
type de bruit en question, de son moment et de sa fréquence,
ainsi que des caractéristiques de la zone où se trouve l'ins-
tallation (ATF 123 II 325 consid. 4d/bb p. 335).

d) En l'occurrence, l'intimée a procédé, à la re-
quête du Service cantonal de l'environnement et de
l'énergie,
à une expertise acoustique qui, s'agissant des nuisances so-
nores causées par la musique, aboutit à la conclusion qu'une
limitation du niveau sonore intérieur de 79 dB(A) dans le
bar
et de 92 dB(A) à l'intérieur du dancing permettra de respec-
ter les valeurs limites fixées par le Service cantonal de
l'environnement et de l'énergie, dans les appartements voi-
sins, tant pour le bruit transmis par voie solidienne que
pour celui transmis par voie aérienne, moyennant la réalisa-
tion des différentes mesures de construction et d'équipement
assorties à l'autorisation de construire.

Les valeurs limites fixées par le Service cantonal
de l'environnement et de l'énergie ne correspondent pas à
celles définies dans l'Annexe 6 de l'OPB, mais à celles plus
sévères préconisées par la section romande du groupement des
responsables cantonaux pour la protection contre le bruit

dans sa directive du 10 mars 1999 relative à la
détermination
et à l'évaluation des nuisances sonores liées à l'exploita-
tion des établissements publics, même si ce document n'avait
pas encore été adopté lorsque le projet a été soumis à la
consultation des services cantonaux concernés (cf. RDAF 2000
1 p. 21). Le projet n'a donc pas, comme l'affirment les re-
courants, été apprécié au regard des valeurs de
planification
de l'Annexe 6 de l'OPB, s'agissant des émissions sonores cau-
sées par la musique. L'expert se réfère sur ce point aux va-
leurs de planification au bruit de l'industrie et des arts
et
métiers uniquement à titre de comparaison. Pour le surplus,
les recourants ne formulent aucune critique concernant l'ex-
pertise acoustique ou les valeurs limites fixées par le Ser-
vice cantonal de l'environnement et de l'énergie. L'OFEFP a
considéré, à ce sujet, comme suffisantes les mesures préven-
tives des émissions exigées par les autorités cantonales et
reprises dans le permis de construire. Le Tribunal fédéral
n'a dès lors aucune raison de mettre en doute cette apprécia-
tion au vu des pièces du dossier.

S'agissant des nuisances sonores directes dues aux
discussions de la clientèle quittant l'établissement, l'auto-
rité intimée a fait siennes les considérations de l'Office
cantonal de la police du commerce selon lesquelles il ne se
justifiait pas de fixer des mesures préventives, mais qu'il
convenait de réserver la possibilité d'imposer l'engagement
d'une personne à l'entrée de l'établissement afin de réduire
les bruits de comportement aux abords immédiats du dancing
en
cas de plaintes répétées. Elle a en outre admis que le
projet
n'entraînerait pas une utilisation accrue des voies de commu-
nication au sens de l'art. 9 OPB dans la mesure où il existe
une offre suffisante en places de parc à proximité immédiate
de l'établissement. L'OFEFP a également souscrit à cette ap-
préciation sur laquelle le Tribunal fédéral n'a aucune
raison
de revenir en l'absence de tout grief à ce propos.

Enfin, dans la mesure où les valeurs limites d'im-
mission fixées par le Service cantonal de l'environnement et
de l'énergie étaient respectées pour la période comprise en-
tre 22h00 et 07h00, selon l'expertise de bruit réalisée par
la constructrice à la requête des autorités cantonales, l'au-
torité intimée pouvait sans violer le droit fédéral renoncer
à imposer à titre préventif des mesures plus restrictives
sous la forme d'une restriction des horaires d'ouverture du
bar-dancing (cf. arrêt du 20 novembre 1998, in DEP 1999 p.
264 consid. 4f p. 273).

e) Vu ce qui précède, l'évaluation des immissions
faites par les autorités cantonales conformément à l'art. 40
al. 3 OPB n'est dès lors pas critiquable.

5.- Le recours de droit administratif doit ainsi
être rejeté (le recours de droit public étant irrecevable -
cf. supra, consid. 2a/bb). L'émolument judiciaire doit être
mis à la charge des recourants qui succombent (art. 156 al.
1
OJ). Il n'y a pas lieu d'octroyer des dépens à l'intimée qui
n'a pas présenté d'observations, ni aux autorités concernées
et à la Commune de
Lausanne, censée disposer d'une adminis-
tration suffisamment développée pour procéder sans l'assis-
tance d'un mandataire extérieur (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Joint les causes 1A.112/2000 et 1P.192/2000.

2. Rejette le recours de droit administratif.

3. Déclare le recours de droit public irrecevable.

4. Met à la charge des recourants un émolument ju-
diciaire global de 5'000 fr..

5. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

6. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
au Département des infrastructures et au Tribunal administra-
tif du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office fédéral de l'envi-
ronnement, des forêts et du paysage.

Lausanne, le 19 octobre 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.112/2000
Date de la décision : 19/10/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-19;1a.112.2000 ?
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