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17/10/2000 | SUISSE | N°K.76/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 octobre 2000, K.76/00


«AZA 7»
K 76/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Meyer et Ferrari, Maeschi, suppléant; Beauverd, Greffier

Arrêt du 17 octobre 2000

dans la cause

G.________, recourant,

contre

SUPRA Caisse-maladie, chemin de Primerose 35, Lausanne,
intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- G.________ est assuré contre les maladies auprès
de la caisse-maladie SUPRA. Différents traitements den-
tair

es, consistant notamment dans la pose d'implants, lui
ont été prodigués de décembre 1995 à décembre 1996 par la
doctoresse T._______...

«AZA 7»
K 76/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Meyer et Ferrari, Maeschi, suppléant; Beauverd, Greffier

Arrêt du 17 octobre 2000

dans la cause

G.________, recourant,

contre

SUPRA Caisse-maladie, chemin de Primerose 35, Lausanne,
intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- G.________ est assuré contre les maladies auprès
de la caisse-maladie SUPRA. Différents traitements den-
taires, consistant notamment dans la pose d'implants, lui
ont été prodigués de décembre 1995 à décembre 1996 par la
doctoresse T.________, dentiste, et, du 12 août au
10 septembre 1996, à l'Institut de médecine dentaire de

l'Université X.________. G.________ en a demandé la prise
en charge à sa caisse-maladie en alléguant qu'il s'agissait
des suites d'accidents. Dans les déclarations d'accidents
qu'il a remplies en octobre 1997, il a invoqué un accident
de ski en 1975 et un accident domestique en 1988.
Par décision du 19 août 1998, la SUPRA a refusé la
prise en charge des traitements dentaires résultant des
deux accidents annoncés, acceptant d'intervenir pour les
conséquences d'un accident avec lésion dentaire survenu en
1997.
A la suite de l'opposition de l'assuré, la caisse-
maladie a confirmé, le 7 octobre 1998, son refus de prise
en charge.

B.- G.________ a déféré cette décision au Tribunal des
assurances du canton de Vaud. Par jugement du 3 novembre
1999, son recours a été partiellement admis dans la mesure
où la décision portant sur les suites de l'accident de 1997
a été annulée d'office. Pour le surplus, la juridiction
cantonale a confirmé la décision de la caisse-maladie.

C.- L'assuré interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont il demande implicitement l'annula-
tion. Il conclut à ce que la caisse-maladie soit tenue de
prendre en charge les suites de ces accidents selon des
modalités à déterminer.
La SUPRA a conclu au rejet du recours, alors que
l'Office fédéral des assurances sociales n'a pas présenté
de détermination.

Considérant en droit :

1.- Dans la procédure juridictionnelle administrative,
ne peuvent être examinés et jugés, en principe, que les
rapports juridiques à propos desquels l'autorité adminis-
trative compétente s'est prononcée préalablement d'une
manière qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans
cette mesure, la décision détermine l'objet de la contes-
tation qui peut être déféré en justice par voie de recours.
En revanche, dans la mesure où aucune décision n'a été
rendue, la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur
le fond ne peut pas être prononcé (ATF 119 Ib 36 con-
sid. 1b, 118 V 313 consid. 3b et les références citées).
En l'espèce, le litige porte sur la prise en charge
des frais de traitement dentaire par la caisse intimée. En
revanche, dans la mesure où le recourant paraît également
solliciter la prise en charge des frais résultant d'une
affection à l'ouïe, ses conclusions sont irrecevables.

2.- Le droit d'être entendu est une garantie consti-
tutionnelle de caractère formel, dont la violation doit
entraîner l'annulation de la décision attaquée, indépen-
damment des chances de succès du recourant sur le fond (ATF
124 V 183 consid. 4a, 122 II 469 consid. 4a et les arrêts
cités).
La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, en
particulier, le droit pour le justiciable de s'expliquer
avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui
de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer
sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier,
celui de participer à l'administration des preuves, d'en
prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF
124 I 51 consid. 3a, 242 consid. 2, 124 II 137 consid. 2b,
124 V 181 consid. 1a, 375 consid. 3b et les références).

Dans le cas particulier, alors que le litige déterminé
par la décision sur opposition ne portait que sur le refus
de la caisse intimée de prendre en charge les frais de
traitement dentaire liés aux accidents annoncés de 1975 et
1988, les premiers juges ont annulé d'office la décision de
la caisse qui acceptait de prendre en charge les consé-
quences d'un accident de 1997, sans même avoir donné à
l'assuré l'occasion de s'exprimer sur cette question. Cette
violation manifeste du droit d'être entendu entraîne l'an-
nulation du jugement cantonal sur ce point, en particulier
du chiffre II du dispositif.

3.- Sous le régime de la LAMA, les mesures dentaires
ne constituaient pas, en principe, des traitements médicaux
au sens de l'art. 12 al. 2 ch. 1 et 2 LAMA, de sorte
qu'elles n'étaient pas à la charge des caisses-maladie au
titre de l'assurance des soins médicaux et pharmaceutiques.
Le nouveau droit de l'assurance-maladie a apporté une ré-
forme des prestations obligatoires pour les soins den-
taires. Selon l'art. 31 al. 1 LAMal, l'assurance prend en
charge les coûts des soins dentaires :

a. s'ils sont occasionnés par une maladie grave et non
évitable du système de la mastication, ou
b. s'ils sont occasionnés par une autre maladie grave ou
ses séquelles, ou
c. s'ils sont nécessaires pour traiter une maladie grave
ou ses séquelles.

Selon l'art. 33 al. 2 LAMal, il appartient au Conseil
fédéral de désigner en détail les prestations prévues par
l'art. 31 al. 1 LAMal. A l'art. 33 let. d OAMal, le Conseil
fédéral a délégué à son tour cette compétence au Départe-
ment fédéral de l'intérieur (DFI). Le DFI a fait usage de
cette délégation aux art. 17 à 19a de l'ordonnance sur les
prestations dans l'assurance obligatoire des soins en cas
de maladie du 29 septembre 1995 (OPAS; RS 832.112.31).

Au vu des renseignements médicaux figurant au dossier,
la nature des affections dont souffre G.________ ne relève
manifestement pas de l'un des états de fait médicaux men-
tionnés aux art. 17 à 19a OPAS. A juste titre, le recourant
ne le prétend d'ailleurs pas. Il s'ensuit qu'il n'existe
pas une obligation de prester à charge de l'assurance-
maladie fondée sur l'art. 31 al. 1 LAMal.

4.- a) Selon l'art. 1er LAMal, l'assurance-maladie
sociale couvre désormais non seulement la maladie, mais
aussi l'accident et la maternité. Les accidents ne sont
toutefois couverts que dans la mesure où ils ne sont pas
pris en charge par une assurance-accidents, qu'elle soit
obligatoire ou privée. Dans ce domaine, l'assurance-maladie
sociale remplit ainsi à la fois un rôle subsidiaire et
complémentaire : subsidiaire quand elle a pour tâche de
combler dans ce domaine des lacunes d'assurances en raison
de sa fonction supplétive; complémentaire lorsqu'elle peut
être amenée à prendre en charge des frais non couverts ou
couverts partiellement par une assurance-accidents (cf.
message du Conseil fédéral concernant la révision de
l'assurance-maladie du 6 novembre 1991, in: FF 1992 I 123;
Gebhard Eugster, Krankenversicherung, in : Schweizerisches
Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 162
sv.).
En matière d'application du droit dans le temps se
pose la question des frais de traitement pour les séquelles
tardives ou les rechutes d'accidents qui se sont produits
avant l'entrée en vigueur de la LAMal le 1er janvier 1996,
lorsque ni un assureur social tenu prioritairement selon
l'art. 110 OAMal, ni un autre assureur tenu en vertu de
l'art. 102 al. 4, dernière phrase, LAMal n'ont à en ré-
pondre. Selon le système de la loi et les buts fixés par le
législateur, c'est normalement à l'assurance-maladie qui
couvre l'assuré au moment du traitement qu'il incombe de
prester. Cette règle découle au demeurant de la disposition

de l'art. 103 al. 1 LAMal qui se réfère à la date du trai-
tement et non pas par exemple à celle de l'événement assuré
ou de l'envoi de la facture. En matière d'assurance-maladie
en effet, la date de la survenance de la maladie ou de sa
première apparition n'est pas décisive pour déterminer
l'obligation de prester de l'assurance. Au vu de l'art. 28
LAMal qui met sur un pied d'égalité les prestations en cas
de maladie et d'accident, on doit en déduire que lorsque
les conditions de l'art. 1er al. 2 let. b LAMal sont
données, il en va de même de la prise en charge par l'as-
sureur-maladie, tenue au moment du traitement, des soins
pour les suites tardives ou la rechute d'un accident.
Comme l'art. 31 al. 2 LAMal met à la charge de
l'assurance obligatoire des soins les coûts des lésions du
système de la mastication causés par un accident selon
l'art. 1er al. 2 let. b, il s'ensuit que, comme pour
d'autres séquelles d'accident, c'est la date du traitement
qui est déterminante pour fixer l'obligation éventuelle de
prester de l'assurance-maladie (cf. RAMA 1998 no KV 33
p. 284 consid. 2).

b) Dans le cas d'espèce, on ignore si le recourant a
été au bénéfice d'une assurance-accidents au moment déter-
minant, auquel cas l'obligation de prester de la caisse
intimée devrait être niée sans plus ample examen. Cette
question peut cependant rester ouverte en raison du sort du
litige, comme on le verra.
En revanche, il y a lieu d'admettre que dès lors que
les lésions dentaires constitueraient des séquelles tar-
dives des accidents annoncés, l'intimée aurait, sur le
principe, à répondre des frais de traitement selon
l'art. 31 al. 2 LAMal.

5.- a) Le droit à des prestations découlant d'un acci-
dent suppose tout d'abord, entre l'événement dommageable de
caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de

causalité naturelle. Savoir si un tel lien existe est une
question de fait, généralement d'ordre médical, qui doit
être résolue selon la règle du degré de vraisemblance pré-
pondérante. Il ne suffit pas en effet que l'existence d'un
rapport de cause à effet soit simplement possible ou pro-
bable. En droit des assurances sociales, il n'existe pas un
principe selon lequel l'administration ou le juge devrait
statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré (RAMA 1999
no U 349 p. 478 consid. 2b); le défaut de preuve va au
détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait
non prouvé.

b) En l'espèce, selon les renseignements médicaux au
dossier, les traitements dentaires ont consisté selon la
doctoresse T.________, dans la pose d'implants destinés à
remplacer des reconstructions prothétiques effectuées
antérieurement par d'autres médecins-dentistes. Les acci-
dents décrits par le recourant étaient susceptibles de
provoquer ce genre de lésions dentaires (lésions des struc-
tures nourricières et de soutien, nécrose lente et abcès).
Enfin, ces affections étaient dues, certainement et de
manière hautement probable, à ces accidents, sous réserve
que le constat date de deux à trois ans après l'accident.
Un lien de causalité entre les accidents annoncés huit
et vingt-deux ans après leur survenance et le traitement
dentaire en litige n'apparaît dès lors pas établi au degré
de vraisemblance prépondérante requis, faute de constata-
tions médicales opérées dans le délai utile. On doit ainsi
considérer que ces lésions constituent une hypothèse parmi
d'autres sans qu'il soit possible médicalement d'en déter-
miner précisément l'origine, au vu du temps écoulé entre
les accidents et les constatations médicales. D'ailleurs,
la difficulté particulière d'apporter des renseignements
médicaux dans un tel cas apparaît déjà lorsque le recourant
allègue pour sa part qu'il y a eu à la fois soins aux dents
abîmées et repositionnement d'une partie de la dentition
non malade.

Faute de constituer des séquelles tardives d'acci-
dents, les traitements nécessaires ne sont en conséquence
pas à la charge de l'intimée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
partiellement admis en ce sens que les chiffres I
et II du dispositif du jugement du Tribunal des assu-
rances du canton de Vaud du 3 novembre 1999 sont
annulés. Le recours est rejeté pour le surplus.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 octobre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.76/00
Date de la décision : 17/10/2000
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 1er al. 2 let. b, art. 31 al. 2 LAMal: Traitement de lésions du système de la mastication causées par un accident. Conditions de l'obligation d'un assureur-maladie d'allouer des prestations pour les séquelles tardives d'un accident - ayant entraîné des lésions dentaires - survenu avant l'entrée en vigueur de la LAMal.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-17;k.76.00 ?
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