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17/10/2000 | SUISSE | N°6P.121/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 octobre 2000, 6P.121/2000


«AZA 3»

6P.121/2000/ROD
6S.483/2000

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

17 octobre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le recours de droit public
et sur le pourvoi en nullité
formés par

Marc-Etienne P a c h e, à Lausanne, représenté par
Me Jérôme Bénédict, avocat à Lausanne,


contre

le jugement rendu le 13 juin 2000 par le Tribunal de
police du district de Lausanne;

(présomption d'inno...

«AZA 3»

6P.121/2000/ROD
6S.483/2000

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

17 octobre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le recours de droit public
et sur le pourvoi en nullité
formés par

Marc-Etienne P a c h e, à Lausanne, représenté par
Me Jérôme Bénédict, avocat à Lausanne,

contre

le jugement rendu le 13 juin 2000 par le Tribunal de
police du district de Lausanne;

(présomption d'innocence)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La société anonyme Wonderware SA est déten-
trice de la voiture immatriculée VD 305'241. Un rapport
de police du 8 décembre 1999 a dénoncé Marc-Etienne Pache
pour avoir contrevenu en particulier aux art. 27 al. 1
LCR et 30 al. 1 OSR en stationnant cette voiture le
14 octobre 1999 à la place du Port 9 à Lausanne sans
respecter la signalisation en place. Par une sentence
municipale sans citation du 17 février 2000, la Commis-
sion de police de Lausanne a condamné Marc-Etienne Pache
à 120 francs d'amende ainsi qu'à 20 francs de frais de
procédure. Statuant le 16 mars 2000 à la suite de l'oppo-
sition de celui-ci, la Commission de police a maintenu sa
sentence.

Par jugement du 13 juin 2000, le Tribunal de
police du district de Lausanne a rejeté l'appel de Marc-
Etienne Pache et a confirmé la sentence municipale du
17 février 2000. En réponse à la défense de Marc-Etienne
Pache qui niait être le conducteur à l'origine du mauvais
stationnement, le tribunal a indiqué que le véhicule
incriminé appartenait à une société anonyme, qu'il était
sous la responsabilité des membres du conseil d'adminis-
tration de celle-ci, dont faisait partie Marc-Etienne
Pache en qualité de secrétaire, et qu'il incombait à ces
derniers de "se concerter pour connaître l'auteur et, le
cas échéant, assumer les frais engendrés".

B.- Marc-Etienne Pache a formé un recours de
droit public au Tribunal fédéral contre ce jugement.
Invoquant une violation de la présomption d'innocence et
du principe "in dubio pro reo", il conclut à l'annulation
de la décision attaquée et sollicite par ailleurs l'effet
suspensif.

Marc-Etienne Pache a également saisi le Tribunal
fédéral d'un pourvoi en nullité contre ce jugement. Il
conclut à l'annulation de la décision attaquée et solli-
cite l'effet suspensif.

Le Tribunal de police du district de Lausanne a
renoncé à se déterminer. Le Ministère public du canton de
Vaud a conclu à l'admission du pourvoi, observant que le
recours de droit public n'avait ainsi plus d'objet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Conformément à l'art. 275 al. 5 PPF, si un
recours de droit public et un pourvoi en nullité sont
interjetés simultanément, le recours de droit public est
en principe examiné en premier lieu. Il n'y a pas lieu de
déroger à cette règle en l'occurrence. Dans la mesure où
la violation soulevée dans le recours de droit public est
distincte de celle contenue dans le pourvoi, l'art. 84
al. 2 OJ invoqué par le Ministère public est sans perti-
nence quant à l'ordre d'examen des recours.

2.- a) La recevabilité du recours de droit pu-
blic suppose, entre autres, l'épuisement des instances
cantonales (art. 86 al. 1 OJ). Cette condition est réali-
sée en l'espèce s'agissant d'un jugement du tribunal de
police statuant sur appel contre une sentence municipale
(cf. ATF 126 IV 95 consid. 1b p. 97).

b) Le recours de droit public au Tribunal fédé-
ral est ouvert contre une décision cantonale pour viola-
tion des droits constitutionnels des citoyens (art. 84
al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se
plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut don-
ner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF);
un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre
d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art.
84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF).

c) Saisi d'un recours de droit public, le Tri-
bunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitu-
tionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de
recours. Le recourant, en se fondant sur la décision
attaquée, doit indiquer quels sont les droits consti-
tutionnels qui auraient été violés et préciser, pour
chacun d'eux, en quoi consiste la violation (art. 90
al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495, 72
consid. 1c p. 76; 122 I 70 consid. 1c p. 73).

3.- Invoquant les art. 32 al. 1 Cst., 6 par. 2
CEDH et 14 par. 2 Pacte ONU II, le recourant se plaint
d'une violation de la présomption d'innocence et du
principe "in dubio pro reo".

La présomption d'innocence, garantie expressé-
ment par les dispositions invoquées - l'art. 32 al. 1
Cst. entré en vigueur le 1er janvier 2000 (RO 1999 2555)
ne fait que reprendre les principes posés dans ce domaine
par la jurisprudence rendue sous l'art. 4 aCst. (FF 1997
I 188/189) -, et le principe "in dubio pro reo", qui en
est le corollaire, sont des garanties de rang constitu-
tionnel, dont la violation ne peut donc qu'être invoquée
par la voie du recours de droit public (art. 269 al. 2
PPF; ATF 120 Ia 31 consid. 2b p. 35/36 et 2e p. 38).

Elles concernent tant le fardeau de la preuve que l'ap-
préciation des preuves (ATF 120 Ia 31 consid. 2c p. 36).

En tant que règles sur le fardeau de la preuve,
ces principes signifient, au stade du jugement, que le
fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le
doute doit profiter à l'accusé; comme règles sur l'appré-
ciation des preuves, ils sont violés lorsque le juge, qui
s'est déclaré convaincu, aurait dû éprouver des doutes
quant à la culpabilité de l'accusé au vu des éléments de
preuve qui lui étaient soumis (ATF 124 IV 86 consid. 2a
p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Le Tribunal fédéral
examine librement si ces principes ont été violés en tant
que règles sur le fardeau de la preuve, mais il n'examine
que sous l'angle de l'arbitraire la question de savoir si
le juge aurait dû éprouver un doute, c'est-à-dire celle
de l'appréciation des preuves (ATF 124 IV 86 consid. 2a
p. 88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38).

En l'espèce, le tribunal de police n'a pas pro-
noncé un verdict de culpabilité contre le recourant parce
qu'il aurait acquis, sur la base d'une appréciation
objective des preuves recueillies, la conviction que
celui-ci avait lui-même conduit et mal stationné le véhi-
cule. Il ne s'agit donc pas d'un problème d'appréciation
des preuves. Le tribunal de police a au contraire condam-
né le recourant, indépendamment de savoir s'il était ou
non réellement coupable, pour le seul motif qu'il était
l'un des membres du conseil d'administration de la socié-
té anonyme détentrice du véhicule, renvoyant ces derniers
à déterminer entre eux lequel était l'auteur de l'infrac-
tion et devait en assumer les conséquences. Autrement
dit, le tribunal de police a condamné le recourant en
ayant nécessairement un doute sur sa culpabilité, faute

de l'avoir établie. La violation de la présomption d'in-
nocence est flagrante.

Le recours de droit public doit donc être admis,
le jugement attaqué annulé et la cause renvoyée à l'auto-
rité cantonale pour nouvelle décision.

4.- Le jugement attaqué étant annulé, le pourvoi
en nullité n'a dans le cas concret plus d'objet. Il doit
être rayé du rôle. A noter au demeurant que seul le con-
ducteur fautif répond en principe pénalement d'une infrac-
tion aux règles de la circulation, aussi problématique que
puisse être son identification dans le cas où le véhicule
n'était pas conduit par son détenteur (ATF 106 IV 142 con-
sid. 3 p. 143; 102 IV 256 consid. 2 p. 257/258; cf. aussi
ATF 105 Ib 114 consid. 1a p. 116/117). Sauf à violer le
droit fédéral, il était donc exclu de condamner le recou-
rant sans avoir constaté en fait qu'il avait personnelle-
ment conduit le véhicule.

5.- Il n'y a pas lieu de percevoir de frais et
le canton de Vaud sera condamné à verser une indemnité au
recourant à titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

La cause étant ainsi tranchée, l'effet suspensif
requis n'a plus d'objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Admet le recours de droit public, annule
l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

2. Déclare le pourvoi en nullité sans objet et
raye la cause du rôle.

3. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

4. Dit que le canton de Vaud versera une indem-
nité de 2'500 fr. au recourant à titre de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud
et au Tribunal de police du district de Lausanne.
__________

Lausanne, le 17 octobre 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.121/2000
Date de la décision : 17/10/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-17;6p.121.2000 ?
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