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17/10/2000 | SUISSE | N°4C.195/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 octobre 2000, 4C.195/2000


«AZA 3»

4C.195/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

17 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

1. Gérald B o y l e, à La Tour-de-Peilz, demandeur et re-
courant, ainsi que
2. la Caisse de chômage du Syndicat Industrie & Bâtiment
S I B, à Vevey, intervenante et recourante,

tous deux représentés par Me Philippe Vogel, avocat Ã

 
Lausanne,

et

l'Office des Congrès et du Tourisme de Montreux O C T M, à
Montreux, défendeur et intimé, représen...

«AZA 3»

4C.195/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

17 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

1. Gérald B o y l e, à La Tour-de-Peilz, demandeur et re-
courant, ainsi que
2. la Caisse de chômage du Syndicat Industrie & Bâtiment
S I B, à Vevey, intervenante et recourante,

tous deux représentés par Me Philippe Vogel, avocat à
Lausanne,

et

l'Office des Congrès et du Tourisme de Montreux O C T M, à
Montreux, défendeur et intimé, représenté par Me Jean-Daniel
Théraulaz, avocat à Lausanne;

(contrat de travail; licenciement; interprétation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L'Office des Congrès et du Tourisme de Mon-
treux OCTM (ci-après: OCTM), qui cherchait à renforcer et à
coordonner son équipe de vente, a pris contact avec Gérald
Boyle, afin de l'engager au poste de directeur adjoint.

Comme Gérald Boyle quittait une place qui lui don-
nait satisfaction, il a souhaité bénéficier de garanties
concernant la durée de son emploi.

Les parties ont conclu un contrat de travail daté
du 22 mai 1996 et contresigné par Gérald Boyle le 27 du même
mois. La rémunération mensuelle s'élevait à 9'200 fr.

L'article 3 de cet accord a été rédigé en ces ter-
mes: "le temps d'essai a été fixé à trois mois. Le contrat
ne
pourra ensuite pas être dénoncé avant le 31.12.1997. Il sera
ensuite reconduit pour de nouvelles périodes de 12 mois (co-
ntrat à durée déterminée) sauf dénonciation par l'une ou
l'autre des parties quatre mois avant son échéance".

Dans l'optique de l'OCTM, il s'agissait de conclure
une première période d'activité suffisamment longue pour per-
mettre à Gérald Boyle de s'intégrer.

Celui-ci a commencé son travail le 1er août 1996.

Par courrier recommandé du 5 septembre 1997, l'OCTM
a notifié à Gérald Boyle son licenciement pour le 31
décembre
1997. Le congé a été confirmé par écrit le 12 du même mois.
Par fax du 22 septembre 1997, Gérald Boyle s'est opposé à la
résiliation et a offert ses services jusqu'au 31 décembre
1998.

Un échange épistolaire a eu lieu entre les conseils
de Gérald Boyle et de l'OCTM. Le 2 octobre 1997, ce dernier,
confirmant le licenciement au 31 décembre 1997, a invité son
employé à cesser toute activité avec effet immédiat.

Gérald Boyle a été incapable de travailler à 100 %
durant deux semaines à partir du 23 décembre 1997.

Durant l'année 1998, il a été retenu que la rému-
nération de Gérald Boyle s'est élevée à 63'867,15 fr., après
déduction des charges. Ce montant comprend les indemnités de
chômage versées à hauteur de 34'332,85 fr. du 3 mars au 31
décembre 1998 par la Caisse de chômage du Syndicat Industrie
& Bâtiment SIB (ci-après: Caisse de chômage SIB).

B.- Le 3 novembre 1997, Gérald Boyle a introduit
une action auprès de la Cour civile du Tribunal cantonal vau-
dois.

Le 26 juin 1998, la Caisse de chômage SIB a été au-
torisée à intervenir à la procédure.

Gérald Boyle a conclu à ce que l'OCTM soit déclaré
son débiteur du montant de 69'258,25 fr. à titre de solde de
salaire brut, avec intérêt à 5 % l'an dès le 31 décembre
1997, ainsi que de toutes les charges sociales calculées sur
le montant brut de 119'600 fr. La Caisse de chômage SIB a de-
mandé à ce que l'OCTM soit condamné à lui payer la somme de
34'332,85 fr., montant définitif arrêté au 31 décembre 1998.

Par jugement du 8 décembre 1999, la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a rejeté les conclusions de Gérald
Boyle et de la Caisse de chômage SIB prises à l'encontre de
l'OCTM.

C.- Contre ce jugement, Gérald Boyle (le deman-
deur) et la Caisse de chômage SIB (l'intervenante) recourent
en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent à la réforme
du
jugement attaqué dans le sens de l'admission des conclusions
prises devant la cour cantonale.

L'OCTM propose, pour sa part, le rejet du recours
dans la mesure de sa recevabilité.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Dès lors que les conditions d'application
de l'art. 451a al. 1 LPC vaud. ne sont pas réalisées en l'es-
pèce, le jugement rendu par la Cour civile du Tribunal canto-
nal revêt le caractère d'une décision finale qui ne peut fai-
re l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal, soit
d'un recours ayant effet suspensif et dévolutif (ATF 120 II
93 consid. 1b p. 94 s.), de sorte que la voie du recours en
réforme au Tribunal fédéral est ouverte (art. 48 al. 1 OJ).

b) Le recours a été interjeté en temps utile compte
tenu des féries (art. 32, 34 al. 1 let. a et 54 al. 1 OJ).
Quant à la réponse, elle a aussi été déposée dans le délai
imparti (cf. art. 32 al. 2 et 59 al. 1 OJ; art. 1 de la loi
fédérale du 21 juin 1963 sur la supputation des délais com-
prenant un samedi).

Les autres conditions de recevabilité étant égale-
ment réalisées, il y a lieu d'entrer en matière.

2.- a) La cour cantonale a rejeté les prétentions
du demandeur et de l'intervenante après s'être livrée à une
interprétation de l'art. 3 du contrat d'engagement de mai
1996. La résiliation n'étant pas intervenue durant le temps
d'essai, les juges ont examiné la portée de la clause selon
laquelle "le contrat ne pourra ensuite pas être dénoncé
avant
le 31.12.1997. Il sera ensuite reconduit pour de nouvelles
périodes de douze mois ...". Ils ont relevé que les parties
considéraient la date du 31 décembre 1997 comme le terme de
la période pendant laquelle la résiliation était exclue et
que, si elles avaient voulu se lier jusqu'au 31 décembre
1998, elles n'avaient aucune raison de ne pas mentionner
cette date. Ils ont estimé que l'on se trouvait en présence
d'un contrat conclu pour une durée minimum au 31 décembre
1997, prolongeable pour une durée indéterminée. Dans ces
circonstances, le défendeur n'avait pas besoin de licencier
le demandeur, le contrat prenant fin au 31 décembre 1997 en
cas de silence des parties. Il était donc tout à fait possi-
ble pour l'employeur de signifier au demandeur que leurs rap-
ports de travail prendraient fin à cette date. Envisageant
également l'hypothèse d'un contrat de durée indéterminée,
les
juges cantonaux en ont déduit que la solution serait identi-
que, dès lors que le délai légal de résiliation de deux mois
pour la fin d'un mois avait été respecté.

b) Le demandeur et l'intervenante reprochent en
substance à la cour cantonale de s'être écartée du texte
clair de l'art. 3 du contrat et d'avoir méconnu la notion de
contrat de durée minimale. Selon eux, cette disposition si-
gnifiait que le contrat ne pouvait s'éteindre le 31 décembre
1997, la première échéance possible étant le 31 décembre
1998.

3.- a) Sous réserve du respect des dispositions
impératives et relativement impératives régissant la
matière,
c'est la volonté des parties qui fait règle quant à la durée
du contrat de travail, le mode d'y mettre fin ou de prendre
acte de sa fin (cf. Pierre Engel, Contrats de droit suisse,
2e éd. Berne 2000, p. 356).

En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employeur
a signifié au demandeur son congé deux mois avant le 31 dé-
cembre 1997, soit dans le délai de l'art. 335c CO. L'objet
du
litige n'est donc pas de savoir si, sur le plan juridique,
l'on est en présence d'un contrat de durée déterminée ou in-
déterminée, mais d'établir à quelle date ce contrat pouvait
prendre fin au plus tôt, compte tenu de l'accord des
parties.
Il s'agit d'une pure question d'interprétation de la clause
figurant à l'art. 3 de la convention de mai 1996.

b) Pour dégager le sens d'une clause contractuelle,
le juge doit rechercher, dans un premier temps, la réelle et
commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO), le cas
échéant empiriquement, sur la base d'indices; cette
recherche
débouchera sur une constatation de fait qui ne peut être re-
mise en cause dans un recours en réforme (ATF 126 II 171 con-
sid. 4c/bb p. 182; 118 II 365 consid. 1). S'il ne parvient
pas à déterminer ainsi la volonté réelle des parties ou s'il
constate qu'une partie n'a pas compris la volonté réelle ma-
nifestée par l'autre, le juge recherchera quel sens les par-
ties pouvaient ou devaient donner, de bonne foi, à leurs ma-
nifestations de volonté réciproques (application du principe
de la confiance); il résoudra alors une question de droit
qui
peut être revue librement dans le cadre d'un recours en ré-
forme (ATF 126 II 171 consid. 4c/bb p. 182, III 25 consid.
3c
p. 29, 59 consid. 5b p. 68 et les arrêts cités).

Analysant les différents éléments à sa disposition,
la cour cantonale est parvenue à la conclusion que les par-
ties considéraient la date du 31 décembre 1997 comme le
terme
de la période pendant laquelle la résiliation était exclue.
Ce faisant, les juges ont constaté la réelle et commune in-
tention des parties sur un point déterminant pour la résolu-
tion du litige. Lorsque le demandeur et l'intervenante sou-
tiennent que les éléments recueillis laisseraient au contrai-
re apparaître que, pour les parties, le premier terme possi-
ble du congé était le 31 décembre 1998, ils développent des
critiques relevant de l'appréciation des preuves, ce qui
n'est pas admissible dans le cadre de la présente procédure
(ATF 126 III 10 consid. 2b p. 13; 125 III 78 consid. 3a).

Reste à déterminer, en application du principe de
la confiance, dans quel sens il faut comprendre la volonté
des parties d'exclure la résiliation jusqu'au 31 décembre
1997. Pour la cour cantonale et pour le défendeur, cela si-
gnifie que le contrat pouvait prendre fin au 31 décembre
1997
au plus tôt. Le demandeur et l'intervenante soutiennent,
pour
leur part, qu'il faut interpréter cette clause comme empê-
chant l'employeur de notifier le congé avant cette date. Or,
comme il a été convenu qu'à partir du 1er janvier 1998 le
contrat serait reconduit pour de nouvelles périodes de douze
mois, les parties étaient liées au moins jusqu'au 31
décembre
1998.

Une telle position ne peut être suivie, car elle
aboutit à une interprétation de l'art. 3 de la convention
qui
n'est pas logique. En effet, comme l'a relevé pertinemment
la
cour cantonale, on ne saisirait pas pourquoi les parties au-
raient choisi d'interdire de dénoncer le contrat avant le 31
décembre 1997, si de toute manière celles-ci voulaient main-
tenir leurs relations contractuelles jusqu'au 31 décembre
1998. Ce n'est qu'en admettant que le contrat ne pouvait pas
prendre fin avant le 31 décembre 1997, que l'on parvient à
donner un sens à cette clause.

Il ne faut en outre pas perdre de vue que la cour
cantonale a constaté en fait la volonté des parties
d'exclure

la résiliation jusqu'au 31 décembre 1997. Or, le terme de ré-
siliation signifie, selon la définition du dictionnaire (cf.
Le Grand Robert de la langue française) et d'après le sens
communément donné à ce terme, la dissolution du contrat,
soit
la cessation des rapports de travail, et non la simple noti-
fication du congé.

Comme dans le domaine du bail à loyer, en cas
d'augmentation de loyer ou de résiliation, il convient de
distinguer la date de la notification de la hausse, respec-
tivement du congé, de la date à laquelle la hausse ou la ré-
siliation entre en vigueur (cf. art. 269d CO). Ainsi,
lorsque
l'on prévoit qu'un contrat ne peut être résilié ou dénoncé
avant une certaine date, cela ne veut pas dire que l'une des
parties ne puisse informer l'autre de son intention de
mettre
fin au contrat, mais seulement que la résiliation ne pourra
devenir effective avant ce terme. En l'espèce, l'art. 3 du
contrat doit ainsi, de bonne foi, être compris comme donnant
la possibilité à l'employeur de ne pas poursuivre les rela-
tions contractuelles avec le demandeur passé le 31 décembre
1997, tout en l'avisant de son intention en septembre 1997
déjà.

Dans ces circonstances, on ne peut reprocher à la
cour cantonale d'avoir considéré que le contrat de travail
en
cause avait effectivement pris fin au 31 décembre 1997 et,
partant, d'avoir débouté le demandeur et l'intervenante de
leurs conclusions relatives au paiement du salaire en 1998.

Le recours doit ainsi être rejeté et le jugement
attaqué confirmé.

4.- Les prétentions réclamées devant la cour can-
tonale dépassant la valeur litigieuse de 20'000 fr., des
frais de justice pourront être perçus (art. 343 al. 2 et 3
CO

a contrario). Ceux-ci, de même que les dépens, seront mis
solidairement à la charge du demandeur et de l'intervenante,
qui succombent (art. 156 al. 1 et 7, 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement at-
taqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5'000 fr. à la
charge du demandeur et de l'intervenante, solidairement
entre
eux;

3. Dit que le demandeur et l'intervenante, débi-
teurs solidaires, verseront une indemnité de 7'000 fr. au dé-
fendeur à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.

__________

Lausanne, le 17 octobre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.195/2000
Date de la décision : 17/10/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-17;4c.195.2000 ?
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