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10/10/2000 | SUISSE | N°2P.143/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 octobre 2000, 2P.143/2000


2P.143/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

10 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler et Yersin. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, à Genève,

contre

la décision prise le 14 avril 2000 par le Président du con-
seil d'administration de l'Hospice général du canton de
Genève, représenté par Me Antoine Berth

oud, avocat à Genève;

(art. 12 Cst.; aide sociale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s su...

2P.143/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

10 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler et Yersin. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, à Genève,

contre

la décision prise le 14 avril 2000 par le Président du con-
seil d'administration de l'Hospice général du canton de
Genève, représenté par Me Antoine Berthoud, avocat à Genève;

(art. 12 Cst.; aide sociale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________, célibataire et journaliste indépen-
dant, né en 1957, bénéficie de l'assistance publique du can-
ton de Genève depuis 1990. Au 15 août 2000, il avait touché
à
ce titre un montant total de 204'219 fr. 45.

En juin 1997, B.________ a reçu en héritage la somme
de 12'825 fr. qui, pour une raison indéterminée, n'a pas été
annoncée à l'Hospice général. Constatant cette omission, ce
dernier a informé l'intéressé, par lettre du 14 mars 2000,
que l'assistance publique ne pouvait intervenir en faveur
d'une personne qui possédait une fortune supérieure à 6'000
fr. et qu'en conséquence, il lui était demandé le rembourse-
ment de la somme de 6'825 fr., à raison de 100 fr. par mois
à
prélever sur les prestations d'assistance qui lui étaient
versées.

B.- Conformément à l'art. 5 de la loi genevoise sur
l'assistance publique du 19 septembre 1980 (en abrégé: LAP),
B.________ a formé une réclamation contre cette décision au-
près du Président du conseil d'administration de l'Hospice
général, en lui demandant de renoncer à tout remboursement,
dans la mesure où la somme reçue en héritage lui avait
permis
de s'acquitter de ses dettes et de se former en
informatique.

Par décision du 14 avril 2000, notifiée le 20 juin
2000, le Président du conseil d'administration de l'Hospice
général a rejeté la demande de remise.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
B.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision
du Président du Conseil d'administration de l'Hospice géné-
ral. Compte tenu des 9'000 fr. de dettes privées qu'il
aurait

remboursés, il lui demande aussi de "dire que la fortune à
prendre en considération était de 3'825 fr.", la cause
étant
renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans
le sens des considérants. Subsidiairement, il requiert le
Tribunal fédéral de "dire que le minimum vital ne peut être
diminué, sous peine de porter atteinte au noyau intangible
de
l'art. 12 Cst." Le recourant présente aussi une demande d'as-
sistance judiciaire.

L'Hospice général s'est fait représenter par un man-
dataire professionnel et conclut à l'irrecevabilité du re-
cours, avec suite de frais et dépens.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et li-
brement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
125 I 14 consid. 2a p. 16, 253 consid. 1a p. 254).

b) Dans la mesure où la décision du Président du
conseil d'administration de l'Hospice général est définitive
(art. 5 al. 3 lettre b LAP), le présent recours est bien di-
rigé contre une décision rendue en dernière instance cantona-
le (art. 86 al. 1 et 87 OJ). Il ne peut en revanche porter
que sur l'objet du litige, soit sur le remboursement de la
somme de 6'825 fr. qui est réclamée au recourant par déduc-
tions mensuelles de 100 fr. sur les prestations d'assistance
sociales qui lui sont versées, et non sur le système même de
ces prestations, tel qu'il est conçu par la législation gene-
voise.

Par ailleurs, sous réserve d'exceptions non réali-
sées en l'espèce, le recours de droit public ne peut tendre
qu'à l'annulation de la décision attaquée (ATF 125 I 104 con-

sid. 1b p. 107; 122 I 120 consid. 2a p. 123 et les arrêts ci-
tés). Les conclusions du recourant qui sortent de ce cadre
sont dès lors irrecevables.

c) Sur le plan formel, le recours de droit public
doit en outre, sous peine d'irrecevabilité, contenir un expo-
sé succinct des droits constitutionnels ou des principes ju-
ridiques violés et préciser en quoi consiste la violation
(art. 90 al. 1 lettre b OJ). Lorsqu'il est saisi d'un tel re-
cours, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-mê-
me si l'arrêt attaqué est en tout point conforme au droit et
à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitution-
nel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours
(ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73; 119 Ia 197 consid. 1d p.
201;
118 Ia 64 consid. 1b p. 67).

Sous ces réserves, il y a lieu d'entrer en matière
sur le recours qui remplit les autres conditions de receva-
bilité des art. 84 ss OJ.

2.- a) Le recourant prétend tout d'abord que la dé-
duction mensuelle de 100 fr. qui a été ordonnée porte attein-
te à son droit au minimum vital, garanti par l'art. 12 Cst.
En effet, les barèmes d'assistance définissant le minimum vi-
tal sont déjà très bas dans le canton de Genève, puisqu'une
personne seule reçoit au maximum 1'091 fr. par mois pour son
entretien.

De son côté, l'Hospice général relève qu'à ce mon-
tant s'ajoutent le loyer, ainsi que les frais de télécommuni-
cations et de transports, de sorte que le recourant touche
actuellement un montant de 2'431 fr. par mois, auquel s'ajou-
tent les primes d'assurance-maladie, franchises et frais mé-
dicaux qui sont versés directement à l'assureur (voir art.
20
lettre c et 29 de la loi genevoise d'application de la loi
fédérale sur l'assurance-maladie du 29 mai 1997).

b) L'art. 12 Cst., entré en vigueur le 1er janvier
2000, dispose que "quiconque est dans une situation de dé-
tresse et n'est pas en mesure de subvenir à son entretien a
le droit d'être aidé et assisté et de recevoir les moyens in-
dispensables pour mener une existence conforme à la dignité
humaine". Auparavant, la jurisprudence et la doctrine consi-
déraient le droit à des conditions minimales d'existence com-
me un droit constitutionnel non écrit qui obligeait les can-
tons et les communes à assister les personnes se trouvant
dans le besoin (voir ATF 121 I 367 consid. 2b p. 371/372 et
les références citées).

En l'espèce, il y a lieu toutefois de constater que
le canton de Genève remplit normalement son obligation d'as-
sistance vis-à-vis du recourant qui, au 15 août 2000 avait
déjà été bénéficiaire de l'assistance publique pour un mon-
tant de 204'219 fr. 45. Si la somme mensuelle de 2'431 fr.,
voire de 2'331 fr. selon la décision attaquée, n'est certes
pas très élevée, elle est cependant suffisante pour admettre
que la déduction prévue ne mettra pas le recourant dans une
situation de détresse au sens de l'art. 12 Cst., d'autant
plus que ses primes d'assurance-maladie et ses frais
médicaux
sont entièrement pris en charge.

Pour le reste, le recourant ne démontre pas en quoi
la réduction mensuelle de 100 fr. lui causerait des difficul-
tés insurmontables. En tant qu'il répond aux exigences de mo-
tivation de l'art. 90 al. 1 OJ, son grief de violation de
l'art. 12 Cst. doit donc être rejeté.

3.- a) Le recourant soutient ensuite que la loi sur
l'assistance publique comporterait une lacune, puisqu'elle
ne
prend pas en considération les dettes pour calculer la for-
tune, ainsi que le prévoit l'art. 7 de la loi cantonale sur
les prestations aux chômeurs en fin de droit. Il reproche

aussi à l'Hospice général d'avoir retenu à tort qu'il avait
"dissimulé" son héritage.

b) Selon l'art. 1er al. 5 LAP, les frais d'assis-
tance sont considérés comme une avance dont le remboursement
peut être réclamé. L'art. 7 al. 1 LAP prévoit aussi l'obli-
gation de communiquer aux organismes d'assistance tout chan-
gement de nature à modifier les prestations dont bénéficient
les personnes qui touchent une aide sociale.

Dans le cas particulier, le recourant prétend avoir
averti son assistante sociale du fait qu'il avait touché un
héritage, alors que celle-ci l'a contesté. Il n'est
cependant
pas nécessaire d'élucider ce point, dès lors que l'autorité
intimée pouvait de toute façon considérer comme justifié le
remboursement très partiel qui est demandé au recourant sur
la base de l'héritage qu'il a touché en 1997. En effet, le
recourant ne parvient pas à établir en quoi le Président du
conseil d'administration de l'Hospice général serait tombé
dans l'arbitraire en retenant que le matériel d'informatique
acheté ne constituait pas une dépense professionnelle qui
aurait dû être prise en charge par l'aide sociale. A cet
égard, il ne prétend pas notamment que ce matériel lui
aurait
permis d'écrire des articles et de retrouver partiellement
ses capacités de travailler comme journaliste indépendant.
Quant aux 9'000 fr. de dettes qu'il aurait remboursés à des
particuliers, celles-ci ne sauraient être comparées aux "det-
tes dûment justifiées" à déduire de la fortune, au sens de
l'art. 7 al. 1 de la loi sur les prestations cantonales ac-
cordées aux chômeurs en fin de droit du 18 novembre 1994.
Les
prestations d'aide sociales sont en effet de nature différen-
te, puisqu'elles sont considérées comme des avances, dont la
loi cantonale prévoit expressément le remboursement en cas
de
retour à meilleure fortune des bénéficiaires (art. 1 al. 5
LAP), alors que les prestations pour les chômeurs en fin de
droit sont accordées pendant une période de 12 mois au maxi-

mum, dans le but de permettre au bénéficiaire de retrouver
du
travail (art. 12 de la loi du 18 novembre 1994), ce dernier
n'étant au demeurant pas dispensé d'annoncer tout fait nou-
veau de nature à entraîner une modification des prestations,
notamment les héritages, legs ou donations (art. 11 de la
loi
précitée). A cela s'ajoute que les justificatifs produits en
photocopie par le recourant n'auraient de toute manière pas
pu servir de moyens de preuve incontestables s'ils avaient
été pris en compte, et cela indépendamment de celui daté par
erreur de 1996 selon le recourant.

4.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté
dans la mesure où il est recevable.

Au sujet de la demande d'assistance judiciaire, il y
a lieu d'admettre que si le recourant se trouve dans une si-
tuation financière difficile, ses conclusions étaient toute-
fois d'emblée dépourvues de chances de succès. Les
conditions
pour accorder l'assistance judiciaire au sens de l'art. 152
al. 1 OJ ne sont ainsi pas réunies, de sorte que les frais
doivent être mis à la charge du recourant, en tenant compte
de sa situation financière (art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).
Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'autorité intimée
(art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
vu l'art. 36a OJ,

1.- Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable.

2.- Rejette la demande d'assistance judiciaire.

3.- Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire réduit de 500 fr.

4.- Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

5.- Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant et au mandataire de l'Hospice général du canton de
Genève
_______________

Lausanne, le 10 octobre 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.143/2000
Date de la décision : 10/10/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-10;2p.143.2000 ?
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