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09/10/2000 | SUISSE | N°H.160/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 octobre 2000, H.160/00


«AZA 7»
H 160/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 9 octobre 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par ORION, Compagnie
d'assurance de protection juridique, avenue Ernest-
Hentsch 14, Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de
Chêne 54, Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI,
Genève

A.- S.__

______, de nationalité danoise, domicilié à
Genève avec son épouse, a travaillé au service de
X.________ d'octobre 1961 à fin décembre 19...

«AZA 7»
H 160/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 9 octobre 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par ORION, Compagnie
d'assurance de protection juridique, avenue Ernest-
Hentsch 14, Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de compensation, route de
Chêne 54, Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI,
Genève

A.- S.________, de nationalité danoise, domicilié à
Genève avec son épouse, a travaillé au service de
X.________ d'octobre 1961 à fin décembre 1993. Le
1er janvier 1994, il a été nommé officier de liaison
industrielle du Danemark pour X.________ par le Ministère
danois de la recherche et X.________. Il est au bénéfice

d'un permis C depuis le 23 février 1994. Du 1er janvier
1994 à fin juillet 1997, il a travaillé en tant que
directeur d'une association danoise, Y.________, qui
regroupe des industries désireuses de conclure des contrats
d'approvisionnement avec X.________. Le contrat passé avec
cette association prévoyait qu'il n'incombait pas à l'em-
ployeur de payer d'éventuelles charges sociales. Par la
suite, il aurait travaillé à son compte, pendant une brève
période pour X.________, en qualité de consultant.
Jusqu'à fin décembre 1993, S.________ n'a pas été
assujetti à l'AVS, mais a payé des cotisations à la sé-
curité sociale de X.________. Il n'a pas payé de cotisa-
tions sociales par la suite, ni d'ailleurs son employeur.
Par trois décisions du 28 mai 1998, la Caisse can-
tonale genevoise de compensation (ci-après : la caisse) a
fixé ses cotisations AVS/AI/APG/AC pour l'activité qu'il a
déployée en qualité de directeur de l'association
X.________, y compris les intérêts moratoires arrêtés au
30 avril 1998, comme suit :

- pour 1995 à 9505 fr. 55 (salaire annuel de 66 740 fr. 95)
- pour 1996 à 9465 fr. 65 (salaire annuel de 70 150 fr. 55)
- pour 1997 à 9450 fr. 10 (salaire annuel de 74 186 fr.)

B.- Par trois actes séparés du 29 juin 1998,
S.________ a recouru contre ces décisions devant la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'AVS/AI.
Par jugement du 4 février 2000, après avoir joint les
causes, la cour cantonale a admis partiellement les trois
recours formés par S.________. Se référant, notamment, à
une détermination de l'Office fédéral des assurances
sociales (ci-après : OFAS) du 3 septembre 1999, elle a jugé
en bref que si le prénommé pouvait être assimilé à un

travailleur d'un service officiel - l'association
Y.________ - pour la période de 1995 à fin juillet 1997, il
ne pouvait être considéré comme un travailleur détaché au
sens des dispositions conventionnelles applicables. Il
était dès lors redevable des cotisations paritaires pour
les années en cause, dans la mesure, cependant, où il
avait exercé, en Suisse, ses activités pour l'association
Y.________. La cause était renvoyée à la caisse pour
qu'elle détermine la part de l'activité déployée par
S.________ en Suisse et qu'elle réduise les cotisations
pour 1995 à 1997 pro rata temporis en fonction de l'acti-
vité exercée au Danemark. Il lui incombait en outre de
fixer à nouveau le montant des cotisations pour 1997, dès
lors que le montant du revenu retenu pour 1997 ne corres-
pondait pas à la réalité. La caisse était également invitée
à réexaminer le statut de S.________ pour la période du
1er août au 30 décembre 1997, dans la mesure où ce dernier
alléguait avoir travaillé à son compte en tant que
consultant. Enfin le montant des intérêts moratoires devait
faire l'objet d'un nouveau calcul.

C.- S.________ interjette un recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement, dont il requiert l'annula-
tion, en demandant, préalablement, à la Cour de céans
d'ordonner l'apport du dossier de l'autorité intimée et
d'octroyer l'effet suspensif. Il conclut, principalement, à
l'exonération du paiement des cotisations AVS/AI/APG/AC.
Subsidiairement, il sollicite l'octroi d'un délai pour
«demander à l'autorité danoise compétente la dispense
d'application de la convention au recourant et son assu-
jettissement à la loi danoise en matière de sécurité
sociale». Très subsidiairement, il requiert le renvoi de la
cause à la caisse pour nouveau calcul des cotisations, au
motif qu'il a oeuvré en partie au Danemark, lorsqu'il tra-
vaillait pour l'association Y.________. En tout état de
cause, il conteste devoir payer des intérêts moratoires.

La caisse conclut au rejet du recours. Quant à l'OFAS,
il ne s'est pas déterminé dans le cadre de la procédure
fédérale.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner
si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).
En l'espèce, la Cour de céans est liée par les faits
retenus par les juges cantonaux, dès lors que le recourant
ne se plaint pas d'une constatation lacunaire ou erronée
des faits pertinents et que ces faits ne sont manifestement
pas inexacts.

2.- Sur le plan procédural, le recourant demande au
Tribunal fédéral des assurances d'ordonner l'apport du
dossier de l'autorité intimée et l'octroi de l'effet sus-
pensif. Or, d'une part, la Cour de céans sollicite d'office
le dossier de la partie intimée, lorsqu'elle est saisie
d'un recours de droit administratif et, d'autre part, le
recours dirigé contre une décision portant condamnation à
une prestation en argent a un effet suspensif en vertu de
l'art. 111 al. 1 OJ (RCC 1986 p. 320 s.v.). Sa requête est
dès lors sans objet.

3.- a) Le point litigieux est celui de savoir si le
recourant est assujetti à l'AVS en Suisse, en ce qui con-

cerne l'activité qu'il a déployée pour le compte de l'asso-
ciation Y.________ de 1995 à 1997 .
Le recourant reproche notamment aux juges cantonaux
d'avoir violé les articles 7 à 11 de la Convention de
sécurité sociale entre la Confédération suisse et le
Royaume du Danemark du 5 janvier 1983, entrée en vigueur le
1er décembre 1983 (ci-après : la Convention [modifiée par
le premier avenant du 18 septembre 1985, entré en vigueur
le 1er octobre 1986, et par le deuxième avenant du 11 avril
1996, entré en vigueur le 1er décembre 1997]).

b) Sont assujetties à l'AVS, notamment, les personnes
physiques domiciliées en Suisse (art. 1 al. 1 let. a LAVS)
et les personnes physiques qui exercent en Suisse une acti-
vité lucrative (art. 1 al. 1 let. b LAVS). Des conventions
internationales, multilatérales ou bilatérales, peuvent
apporter des dérogations aux règles légales internes.

c) L'art. 7 de la Convention consacre le principe de
l'affiliation au lieu de travail. Des exceptions sont
prévues aux articles 8 à 11. Aux termes de l'art. 8 al. 3
de la Convention, les travailleurs salariés d'un service
officiel qui sont détachés de l'un des États contractants
sur le territoire de l'autre sont soumis à la législation
de l'État qui les a détachés. En vertu de l'art. 11 de la
Convention, les autorités de deux États contractants
peuvent, sur requête présentée conjointement par l'em-
ployeur et le travailleur, convenir de dérogations aux
dispositions des art. 7 à 10.
Ces règles conventionnelles directement applicables
(cf. dans ce sens ATF 124 V 236 et 237 consid. 3c,
119 V 177 s.v. consid. 4b) imposent des obligations et
confèrent des droits non seulement aux autorités mais aussi
aux particuliers. Elles prévalent sur les dispositions de
la LAVS relatives à l'assujettissement à l'assurance et
l'obligation de cotiser.

d) En l'espèce, il n'est pas contesté que l'employé
pour lequel la caisse intimée réclame le paiement des
cotisations est un ressortissant danois, domicilié en
Suisse et que l'intéressé a déployé en Suisse de 1994 à
1997 une activité pour une association, pouvant être
- selon une information fournie par le Ministère social
danois à l'OFAS - assimilée à un service officiel au sens
de l'art. 8 al. 3 de la Convention. En raison de ces élé-
ments d'extranéité, ce sont les dispositions convention-
nelles qui s'appliquent.
Suivant les faits retenus par l'autorité cantonale, le
recourant a été fonctionnaire international chez X.________
(de 1961) jusqu'au 31 décembre 1993. Domicilié à Genève, il
est au bénéfice d'un permis C depuis février 1994. En fait,
le recourant était domicilié depuis plus de 30 ans en
Suisse, avant de travailler pour l'association Y.________;
il a obtenu un permis C lorsque ses activités de fonc-
tionnaire pour X.________ ont pris fin. Il n'a dès lors pas
été détaché au sens de l'art. 8 al. 3 de la Convention pour
les besoins de ses fonctions de directeur de Y.________, de
sorte que cette disposition ne lui est pas applicable pour
cette raison déjà (cf. dans ce sens ATF 120 V 411 con-
sid. 4b).
De surcroît, le recourant ne pouvait pas être consi-
déré comme un salarié au sens de l'art. 8 al. 3, conjointe-
ment avec l'art. 1 al. 1 let. g, de la Convention, dès lors
qu'il ne bénéficiait que de la pension nationale de vieil-
lesse au Danemark et non de la pension supplémentaire du
marché de l'emploi, qui doit être financée par les cotisa-
tions des salariés et des employeurs. Or, selon une infor-
mation donnée à l'OFAS par le Ministère social danois, une
activité lucrative d'intérêt officiel ne génère qu'une
couverture : celle de la pension sociale de vieillesse, à
l'exclusion de la pension supplémentaire du marché de
l'emploi. Par ailleurs, le recourant n'a jamais versé de
cotisations durant les trois années litigieuses, ni son
employeur, l'association Y.________.

Il en résulte que deux des conditions de l'art. 8
al. 3 de la Convention n'étaient pas remplies, de sorte que
le recourant restait soumis, en ce qui concernait les
années 1995, 1996 et 1997, au principe général de l'affi-
liation au lieu de travail, en vertu de l'art. 7 de la même
Convention.

e) Dès lors que le recourant a déployé son activité
pour l'association Y.________ à la fois en Suisse et au
Danemark, il y a lieu de considérer, à l'instar des juges
cantonaux, qu'il est affilié aux assurances sociales en
Suisse pour l'activité qu'il y a exercée et au Danemark
pour son activité dans ce pays (cf. Message du 14 août 1996
concernant le deuxième avenant à la Convention de sécurité
sociale du 5 janvier 1983 entre la Suisse et le Danemark,
FF 1996 IV 995, sous chiffre 252). Dans ce cadre, devra
être pris en considération, notamment, le montant effectif
du salaire réalisé par le recourant en 1997, et non le
revenu hypothétique retenu par l'intimée. Par ailleurs, il
apparaît qu'après la fin des rapports de travail avec
Y.________, le 31 juillet 1997, le recourant aurait exercé
une activité indépendante de consultant jusqu'en décembre
1997, de sorte que son statut durant cette période devra
être reconsidéré. Le renvoi de la cause à l'intimée par la
cour cantonale pour examen complémentaire de ces points et
nouvelle fixation du montant des cotisations est dès lors
justifié.

f) La Convention n'étant pas applicable à l'assurance-
chômage et à l'assurance perte de gain (cf. art. 3 al. 1),
c'est en vertu de la règle générale de l'art. 1 al. 1
let. b LAVS, conjointement avec l'art. 2 al. 1 let. a LACI
et avec l'art. 27 LAPG, que le recourant est redevable de
cotisations au titre de ces deux assurances.

g) Quant aux intérêts moratoires (dont le montant doit
être calculé à nouveau), ils sont dus conformément à
l'art. 41bis RAVS, indépendamment de la bonne foi du recou-
rant (ATF 109 V 8 consid. 4a; RCC 1992 p. 178 s.v. con-
sid. 4b).

h) Dans ces circonstances, c'est en vain que le re-
courant conteste son obligation de verser des cotisations à
l'AVS, en faisant valoir que ses rentes actuelles ou
futures suffiront largement à son entretien et qu'il
touchera, de même que son épouse, une pension entière des
assurances sociales danoise à l'âge de 67 ans. Similai-
rement, la circonstance que le montant des cotisations
réclamées est disproportionné par rapport à la rente minime
qu'il percevra de l'AVS suisse ne lui est d'aucun secours.
En effet, l'obligation de cotiser à l'AVS incombe à toutes
les personnes soumises au régime de la sécurité sociale en
Suisse.

4.- Le recourant invoque l'application de l'art. 11 de
la Convention en sa faveur. Cette disposition prévoit que
les autorités compétentes des deux États peuvent, sur
requête présentée conjointement par l'employeur et le
travailleur, convenir de dérogations aux dispositions des
art. 7 à 10.
A cet égard, dans sa détermination du 3 septembre
1999, l'OFAS avait fait observer que le recourant devrait
adresser une demande de dérogation au Ministère social
danois, qui lui transmettrait le cas échéant le dossier,
auquel cas, il serait disposé à examiner aussi une demande
concernant les années 1995 à 1997.
Comme dans le cadre de la procédure cantonale - où sa
demande de suspension avait été rejetée - le recourant
sollicite, à titre subsidiaire, que lui soit octroyé un
délai pour requérir une dérogation au sens de l'art. 11 de
la Convention.

Or, force est de constater que ses rapports de travail
avec l'association Y.________ ont pris fin en juillet 1997
et que le recourant aurait eu amplement le temps d'accom-
plir, depuis lors, les démarches indiquées par l'OFAS et
ce, singulièrement entre la date des décisions litigieuses

et le dépôt du recours de droit administratif.
Sa conclusion subsidiaire doit dès lors également être
rejetée.

5.- Quant à la conclusion très subsidiaire du recou-
rant, elle revient pour l'essentiel à confirmer les conclu-
sions des premiers juges relatives au renvoi de la cause à
la caisse, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'entrer en ma-
tière en ce qui la concerne. Au demeurant, les nouvelles
décisions de cotisation que l'intimée est appelée à rendre
seront, à leur tour, susceptibles de recours.

6.- Il suit de là que, dans la mesure où il est rece-
vable, le recours de droit administratif est mal fondé.
La procédure, qui ne concerne pas des prestations
d'assurance, n'est pas gratuite en l'espèce (art. 134 OJ a
contrario). Succombant, le recourant en supportera les
frais (art. 156 al. 1 OJ en relation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
rejeté.

II. Les frais de la procédure, consistant en un émolument
de justice de 1500 fr., sont mis à la charge du recou-
rant et sont compensés avec l'avance de frais, d'un
même montant, qu'il a versée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 octobre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.160/00
Date de la décision : 09/10/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-09;h.160.00 ?
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