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06/10/2000 | SUISSE | N°U.119/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 octobre 2000, U.119/00


«AZA 7»
U 119/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Meyer et Ferrari, Maeschi,
suppléant; Berset, Greffière

Arrêt du 6 octobre 2000

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Maître Karin
Baertschi Cristache, avocate, rue du 31 Décembre 41,
Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) M.________ a travaillÃ

© en qualité de mécanicien
au garage X.________. A ce titre, il était assuré contre le
risque d'accident auprès de la Caisse nationale ...

«AZA 7»
U 119/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Meyer et Ferrari, Maeschi,
suppléant; Berset, Greffière

Arrêt du 6 octobre 2000

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Maître Karin
Baertschi Cristache, avocate, rue du 31 Décembre 41,
Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) M.________ a travaillé en qualité de mécanicien
au garage X.________. A ce titre, il était assuré contre le
risque d'accident auprès de la Caisse nationale suisse
d'assurance en cas d'accidents (CNA). Le 11 septembre 1990,
lors d'un entraînement de football, il est tombé et s'est
blessé au genou. La CNA a pris le cas en charge.

Consulté le 21 novembre 1990, le docteur A.________ a
diagnostiqué une distorsion du genou droit, avec rupture du
ligament croisé antérieur, déchirure des ménisques externe
et interne (rapport du 15 février 1991). Le 15 janvier
1991, il a procédé à une plastie ligamentaire et à une
résection méniscale par arthroscopie.
Le 5 août 1991, M.________ a repris le travail à 50 %.
Six mois plus tard, il a subi une nouvelle arthroscopie et
a cessé d'exercer toute activité lucrative.
Le 6 avril 1994, le docteur T.________, médecin d'ar-
rondissement de la CNA, a constaté que le genou n'avait pas
de déficit d'extension et la flexion était pratiquement
normale. Le problème de l'assuré était d'origine psycholo-
gique. L'intéressé pouvait travailler dans une profession
principalement assise, si possible dans des travaux méca-
niques à plein temps. Une perte d'intégrité de 5 % devait
être reconnue pour une faible arthrose fémoro-patellaire et
fémoro-tibiale.
Dans un rapport du 9 février 1995, le docteur
S.________, médecin traitant, a fait état d'une instabilité
antéro-postérieure et de douleurs dans le genou, justifiant
un taux de 10 % d'atteinte à l'intégrité.
Le 21 février suivant, le docteur A.________ a retenu
un taux de 10 à 15 % d'atteinte à l'intégrité, pour une
arthrose moyenne du genou avec troubles de type pares-
thésique, et une ankylose de l'appareil extenseur.

b) A la demande de l'AI, la policlinique médicale
universitaire de Y.________ a procédé à une expertise.
Selon celle-ci, des éléments objectivables ne permettaient
pas d'expliquer l'intensité de la symptomatologie doulou-
reuse. Dans une activité adaptée, la capacité de travail
était totale (rapport du 21 avril 1995 des docteurs
O.________ et J.________, respectivement médecin chef et
chef de clinique adjoint).

Dans un rapport du 1er mai 1997, la doctoresse
R.________, médecin traitant, a indiqué à l'Office cantonal
genevois de l'assurance-invalidité (l'office) que son
patient était totalement incapable de travailler depuis le
13 mars 1997, en raison de gonalgies droites, d'un lumbago,
de douleurs dans la cheville droite et d'un état dépressif.
Une expertise psychiatrique a été confiée à la docto-
resse B.________. Dans un rapport du 27 octobre 1997, cette
dernière a posé le diagnostic de personnalité psychotique
d'allure paranoïde présentant des défenses hystériques, de
troubles de l'adaptation avec humeur dépressive secondaire
à l'atteinte physique, d'évolution vers une névrose de
revendication et un trouble somatoforme douloureux, ainsi
que de gonalgies chroniques post-luxation du genou droit
opéré à plusieurs reprises. Ces troubles de l'humeur
étaient suffisamment importants pour interférer très né-
gativement avec la capacité de travail et d'apprentissage,
la rendant à peu près nulle.
Par décision du 12 novembre 1997, l'office a alloué à
M.________ une rente entière, fondée sur un taux d'inva-
lidité de 100 %, dès le 1er mars 1992.

c) Par décision du 16 septembre 1998, la CNA a accordé
à l'assuré une rente d'invalidité fondée sur une incapacité
de gain de 33,33 %, à partir du 1er mars 1998, ainsi qu'une
indemnité pour atteinte à l'intégrité fondée sur un taux
d'atteinte de 5 %. Le 16 octobre 1998, l'assuré a fait
opposition à cette décision. Il a produit, notamment, un
rapport du 1er octobre 1998 du docteur I.________, médecin
traitant, dont il ressort qu'une atteinte globale à l'in-
tégrité de 15 % lui paraît le maximum exigible. Par déci-
sion du 24 février 1999, la CNA a rejeté l'opposition de
l'assuré.

B.- M.________ a recouru contre cette dernière déci-
sion devant le Tribunal administratif du canton de Genève.
Par jugement du 15 février 2000, la cour cantonale a
rejeté le recours, mettant hors cause la Winterthur, à
laquelle la décision sur opposition de la CNA avait été
notifiée en sa qualité d'assureur-maladie privé.

C.- M.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
concluant, sous suite de dépens, à l'allocation d'une rente
fondée sur un taux d'invalidité de 100 %, dès le premier
mars 1998. Il demande également qu'il soit donné acte à
l'intimée de son accord de lui verser une indemnité pour
atteinte à l'intégrité fondée sur un taux de 15 %.
La CNA conclut au rejet du recours, en niant l'exis-
tence d'une relation de causalité adéquate entre la chute
du 11 septembre 1990 et les troubles psychiques présentés
par le recourant. L'Office fédéral des assurances sociales
ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le taux de la rente d'invali-
dité et de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité allouées
par la CNA au recourant et confirmées par les premiers
juges.

2.- a) Le jugement entrepris expose de manière exacte
les dispositions légales et les principes jurisprudentiels
applicables au présent cas, de sorte qu'il suffit d'y ren-
voyer.

b) Les premiers juges ont considéré que l'accident du
11 septembre 1990 revêtait un caractère bénin et que la

plupart des troubles dont souffre le recourant étaient
d'origine psychogène. Partant, ils ont nié l'existence
d'une relation de causalité adéquate entre l'événement
assuré et les affections psychiques, y compris les troubles
en découlant (importantes douleurs, problèmes lombaires).
La CNA était tenue de prendre en charge uniquement les
suites directes des lésions au genou, telles qu'elles
résultaient des rapports de ses médecins d'arrondissement.
Ils ont fixé le taux d'invalidité du recourant à 33,33 % et
le taux de son atteinte à l'intégrité à 5 %.
Le recourant fait valoir, de son côté, que les attein-
tes physiques et psychiques dont il est victime sont en
rapport de causalité adéquate avec l'accident. Il se réfère
à cet égard aux rapports de trois de ses médecins et con-
sidère que le taux d'invalidité de 100 % fixé par l'assu-
rance-invalidité doit également être retenu par l'assu-
rance-accidents.

3.- a) En l'espèce, d'un point de vue objectif, compte
tenu de son déroulement et de l'atteinte qu'elle a générée,
la chute du recourant sur un terrain de football doit être
qualifiée d'accident de peu de gravité (RAMA 1992 n° U 154
p. 246 et ss). Or, selon la jurisprudence relative aux
troubles psychiques consécutifs à un accident de cette
catégorie (ATF 115 V 138 ss consid. 6 et 407 ss consid. 5),
l'existence d'une relation de causalité adéquate entre
l'événement du 11 septembre 1990 et les troubles psychiques
du recourant peut être d'emblée niée. En effet, en
l'absence de circonstances particulières, l'événement en
question ne se présente que comme une banale chute. La
déclaration d'accident évoque un faux-pas. Le recourant a
continué d'exercer son activité de mécanicien sur auto.
C'est seulement deux mois plus tard qu'il a consulté un
médecin. L'ensemble des rapports médicaux fait ressortir le
caractère bénin de l'événement accidentel.

Même si l'on considérait la chute du 11 septembre 1990
comme un accident de moyenne gravité (à la limite des acci-
dents de la catégorie inférieure), le lien de causalité
adéquate devrait également être nié au regard des critères
posés par la jurisprudence précitée. En particulier, la
chute du 11 septembre 1990 n'a pas eu un caractère particu-
lièrement dramatique ou impressionnant. Par ailleurs, les
lésions physiques dont le recourant a été victime ne re-
vêtent pas de gravité particulière. En outre, si la durée
du traitement a été relativement longue, elle ne fait que
refléter, selon les termes du docteur I.________, le
«simple cortège de complications connues dans ce genre de
chirurgie». De surcroît, aucune erreur médicale ne ressort
du dossier. Quant à la durée de l'incapacité de travail due
aux lésions physiques, elle a été fortement influencée par
l'état psychique du recourant.
Dans ce contexte, les arguments du recourant (cf.
consid. 2b) sont inopérants, l'analyse de la causalité
adéquate étant une question de droit qu'il incombe au juge,
respectivement à l'administration, mais non au médecin, de
trancher.
Il en résulte que la CNA n'a pas à répondre des
troubles de nature psychique présentés par le recourant.

b) Il découle de ce qui précède que l'intimée ne doit
prendre en charge que les conséquences des séquelles orga-
niques de l'accident. A cet égard, il résulte des avis
médicaux en cause que le recourant n'est plus à même
d'exercer sa profession de mécanicien sur automobiles. En
revanche, dans une activité adaptée qui tient compte des
suites de la lésion subie au genou droit, il serait en
mesure de travailler à 100 % avec un rendement normal. Par
ailleurs, la CNA a retenu, à titre de revenu hypothétique
du recourant pour l'année 1998, le montant mensuel de
4150 fr. Ce montant est élevé, si l'on tient compte du fait
qu'en 1997 et 1998, le salaire qu'il aurait réalisé chez

son ex-employeur aurait été de 3500 fr. Pour fixer le
revenu d'invalide à 2800 fr., la CNA s'est fondée sur des
enquêtes économiques effectuées dans différentes entre-
prises de la région pour des postes de travail dont il
n'est pas contesté qu'ils seraient adaptés au handicap du
recourant. Selon ces documents, les salaires de 1998,
correspondant aux cinq postes en question (ouvrier dans
l'industrie horlogère, ouvrier polyvalent dans l'industrie
du montage et de l'assemblage de lampes de poche, contrô-
leur de boîtier de montres, caissier dans un grand magasin,
ouvrier au pliage des ressorts) vont de 2816 fr. à 4200 fr.
En retenant le montant le plus bas de 2800 fr., l'intimée a
fait un usage correct de son pouvoir d'appréciation. De
surcroît, aucune déduction ne se justifie dans ce cadre,
dès lors que le recourant est à même de travailler, à plein
temps, avec un rendement complet, dans une profession
adaptée. Les cinq postes précités tiennent au demeurant
compte de son handicap, dans la mesure où ils n'impliquent
que des tâches légères et que le travail s'effectue en
position assise dans quatre cas et à raison de 90 % pour le
contrôleur de boîtier de montres (comp. RAMA 1999 U 343
p. 412 et ss consid. 4).
Au regard de la comparaison des revenus (4150 fr. et
2800 fr.) - dont les termes ne sont, au demeurant, pas
sérieusement contestés par le recourant - les premiers
juges ont confirmé à juste titre, le degré d'invalidité de
33,33 % fixé par la CNA.
Partant, le recours est mal fondé sur ce point.

4.- C'est en vain que le recourant fait valoir que
l'assureur-accidents est lié par le taux d'invalidité de
100 % retenu par l'assurance-invalidité.
Certes, selon la jurisprudence, l'uniformité de la
notion d'invalidité doit conduire à fixer, pour une même
atteinte à la santé, un même taux d'invalidité. Il s'ensuit
que l'assureur-accidents ne peut s'écarter sans motif suf-

fisant du degré d'invalidité fixé par l'assurance-invali-
dité, aucune priorité ne pouvant être accordée à l'éva-
luation opérée par l'assureur-accidents (ATF 119 V 471 con-
sid. 3; RAMA 1995 n° U 220, p. 108 in fine). Il ne sera pas
lié par cette évaluation, notamment lorsqu'elle a été faite
de manière contraire à la loi ou qu'elle tient compte
d'éléments invalidants dont l'assurance-accidents n'a pas à
répondre.
Dans le cas particulier, le taux retenu par l'assu-
rance-invalidité ne lie pas l'assureur-accidents, car il
est notamment fondé sur l'expertise de la doctoresse
B.________ qui considère l'assuré incapable de travailler
principalement en raison de troubles psychiques. Or,
l'intimée n'a pas à répondre des répercussions de ceux-ci
sur la capacité de gain du recourant, ainsi qu'il résulte
du considérant 3b ci-dessus.

5.- a) Le droit à l'indemnité pour atteinte à l'inté-
grité est régi par les art. 24 et 25 LAA, ainsi que
l'art. 36 OLAA. Le Conseil fédéral a édicté des directives
sur le calcul de l'atteinte à l'intégrité, constituant
l'annexe 3 de l'OLAA.
L'indemnité allouée pour les atteintes à l'intégrité
énumérées à l'annexe 3 à l'ordonnance est fixée, en règle
générale, en pour cent du montant maximum du gain assuré
(ch. 1 al. 1). Pour les atteintes à l'intégrité spéciales
ou qui ne figurent pas dans la liste (comme c'est le cas
dans la présente cause), le barème est appliqué par ana-
logie, en fonction de la gravité de l'atteinte (ch. 1
al. 2). La Division médicale de la CNA a établi plusieurs
tables d'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la
LAA. Ces tables n'ont pas valeur de règles de droit et ne
sauraient lier le juge. Toutefois, dans la mesure où il
s'agit de valeurs indicatives, destinées à assurer autant
que faire se peut l'égalité de traitement entre les assu-
rés, elles sont compatibles avec l'annexe 3 à l'OLAA (ATF
116 V 157 consid. 3a et la référence).

b) Dans son rapport du 1er octobre 1998, le docteur
I.________ avait considéré que son patient présentait une
arthrose fémoro-tibiale interne moyenne, pouvant donner
lieu à une atteinte
de 5 à 10 % au regard de la table 5. 2.
établie par la CNA, et une instabilité importante cor-
respondant à une atteinte de 15 %, par référence à la
table 6.2. Il a admis que les deux affections ne pouvant
être cumulées, le maximum de 15 % pouvait être retenu. Or,
ces pourcentages correspondent précisément aux deux at-
teintes retenues en fonction des deux tables précitées.
L'introduction à la table 5.2. indique que si l'articula-
tion considérée présente de l'instabilité en plus de
l'arthrose, on retiendra le taux d'atteinte à l'intégrité
le plus élevé, sans cumuler les taux en règle générale. Dès
lors que les conclusions du docteur I.________ s'inscrivent
dans ce cadre et qu'elles rejoignent celles des docteurs
A.________ (rapport du 21 février 1995) et S.________
(rapport du 9 février 1995), il n'y a pas lieu de s'écarter
du taux de 15 %, d'ailleurs accepté par l'intimée au cours
de la procédure cantonale.
Le recours se révèle bien fondé sur ce point.

6.- Le litige ayant pour objet des prestations d'assu-
rance, la procédure est gratuite (art. 134 OJ). Le recou-
rant, qui obtient très partiellement gain de cause, a droit
à une indemnité de dépens réduite pour la procédure fédé-
rale (art. 159 al. 1 OJ en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis, le jugement du
Tribunal administratif de Genève du 15 février 2000
étant réformé en ce sens que le recourant a droit à
une indemnité pour atteinte à l'intégrité de 15 %.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimée versera au recourant une indemnité de dépens
de 600 fr. (y compris la taxe à la valeur ajoutée)
pour la procédure fédérale.

IV. Le Tribunal administratif du canton de Genève statuera
sur les dépens pour la procédure de première instance,
au regard de l'issue du procès de dernière instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 octobre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Juge présidant la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.119/00
Date de la décision : 06/10/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-06;u.119.00 ?
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