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06/10/2000 | SUISSE | N°5C.133/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 octobre 2000, 5C.133/2000


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5C.133/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

6 octobre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

R.________, demandeur et recourant, représenté par Me Marian-
ne Bovay, avocate à Genève,

et

Dame R.________, née K.________, défenderesse et intimée,
représentée par Me Brigitte Woodcock, avocate à Genève;

(modi

fication d'un jugement de divorce;
rente selon l'art. 152 aCC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants...

«»
5C.133/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

6 octobre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme
Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

R.________, demandeur et recourant, représenté par Me Marian-
ne Bovay, avocate à Genève,

et

Dame R.________, née K.________, défenderesse et intimée,
représentée par Me Brigitte Woodcock, avocate à Genève;

(modification d'un jugement de divorce;
rente selon l'art. 152 aCC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 25 avril 1991, le Tribunal de première ins-
tance de Genève a prononcé le divorce des époux R.________,
né le 5 avril 1957, et dame R.________, née K.________ le 22
février 1959.

Statuant "d'accord entre les parties" sur les effets
accessoires du divorce, le Tribunal a attribué à l'épouse la
garde et l'autorité parentale sur les deux enfants du
couple,
Jennifer Diane, née le 20 septembre 1985 et Joanna Mary-Ann,
née le 9 mars 1988, un droit de visite et de consultation
étant réservé au père. Le Tribunal a en outre donné acte à
celui-ci de son engagement de verser à la mère, par mois et
par enfant, des contributions d'entretien de 650 fr. jusqu'à
l'âge de dix ans, 750 fr. de 10 ans à 15 ans, 900 fr. de 15
ans à la majorité, voire au delà, mais jusqu'à 25 ans au
plus
en cas d'études sérieuses et régulières, allocations familia-
les et indexation en sus. Il a également été donné acte au
mari de son engagement de verser à l'épouse, en application
de l'art. 152 aCC, une pension mensuelle, indexée, de 2'000
fr. du 1er janvier 1991 au 30 septembre 1992, puis de 1'500
fr. dès le 1er octobre 1992.

Le 7 janvier 1994, R.________ s'est remarié avec
dame X.________. Ils ont eu trois enfants: David, né le 1er
janvier 1994, Yann, né le 11 avril 1996 et Selena, née le 25
octobre 1999.

B.- Le 6 avril 1999, R.________ a saisi le Tribunal
de première instance de Genève d'une demande en modification
de jugement de divorce tendant à la suppression de la contri-
bution d'entretien due pour son ex-épouse.

Par jugement du 2 décembre 1999, le Tribunal a dé-
bouté le demandeur.

Statuant le 14 avril 2000, sur appel de celui-ci, la
Cour de justice du canton de Genève a confirmé ce jugement.

C.- a) R.________ exerce un recours en réforme con-
tre l'arrêt du 14 avril 2000, concluant à la suppression de
la pension allouée à dame R.________ selon l'art. 152 aCC.
Subsidiairement, il demande que ladite pension soit réduite
et limitée dans le temps.

Une réponse n'a pas été requise.

b) Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté,
dans la mesure où il était recevable, le recours de droit pu-
blic connexe formé par le recourant.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté en temps utile - compte tenu de la
suspension des délais prévue à l'art. 34 al. 1 let. a OJ -
contre une décision finale rendue par l'autorité suprême du
canton, dans une contestation civile de nature pécuniaire
dont la valeur atteint manifestement 8'000 fr., le recours
est recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1
OJ.

b) Le recourant conclut subsidiairement à une réduc-
tion de la rente allouée par le juge du divorce. Ce chef de
conclusions est toutefois irrecevable. En vertu de l'art. 55
al. 1 let. b OJ, les conclusions qui portent sur une somme
d'argent doivent être chiffrées; le recourant doit préciser
quel est le montant réclamé et ne peut se borner à conclure
à
une augmentation ou une réduction du montant fixé par l'auto-

rité cantonale (J.-F. Poudret, Commentaire de la loi
fédérale
d'organisation judiciaire, n. 1.4.1.2 ad art. 55 et les ar-
rêts cités).

c) Sous réserve d'exceptions non réalisées dans le
cas particulier, le Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les
faits tels qu'ils ont été constatés par la dernière autorité
cantonale (art. 63 al. 2 OJ). Les griefs dirigés à
l'encontre
des constatations de fait - ou de l'appréciation des preuves
à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 122 III 26
consid. 4a/aa p. 32, 61 consid. 2c/bb; 120 II 97 consid. 2b
p. 99; 119 II 84 consid. 3) - et les faits nouveaux sont ir-
recevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dans la mesure où le recourant se réfère à des faits
qui ne résultent pas de l'arrêt entrepris, son recours est
dès lors irrecevable. Tel est notamment le cas des
précisions
qu'il apporte concernant l'état de santé de sa nouvelle épou-
se.

2.- Le nouveau droit du divorce est entré en vigueur
le 1er janvier 2000. Selon l'art. 7a al. 3 du Titre final du
Code civil, la modification du jugement de divorce rendu
sous
l'ancien droit est régie par l'ancien droit, sous réserve
des
dispositions relatives aux enfants et à la procédure. Dans
le
présent cas, la modification de la pension accordée à l'épou-
se par le jugement de divorce, sur la base de l'art. 152
aCC,
est donc soumise à l'ancien droit.

Selon l'art. 153 al. 2 aCC, la pension alimentaire
allouée à titre de secours sera supprimée ou réduite si
l'ayant droit n'est plus dans le dénuement ou si la gêne
dans
laquelle il se trouvait a sensiblement diminué; il en sera
de
même si la pension n'est plus en rapport avec les facultés
du
débiteur. Une augmentation des charges de famille de ce der-

nier, notamment en cas de remariage, peut justifier la sup-
pression ou la réduction de la rente si le débiteur, malgré
tous les efforts qui peuvent être exigés de lui et de son
nouveau conjoint, ne peut plus la payer sans tomber,
lui-même
et sa nouvelle famille, dans le besoin ou tout au moins sans
devoir se restreindre plus que le créancier (ATF 79 II 139
consid. 3). Il appartient au demandeur de prouver que les
circonstances ayant présidé au divorce se sont modifiées de-
puis lors d'une manière importante, durable et imprévisible
(ATF 120 II 4 consid. 5d; 118 II 229 consid. 2; 117 II 211
consid. 5a, 359 consid. 3 p. 362/363; Bühler/Spühler, Berner
Kommentar, n. 54 ad art. 153 aCC).

3.- Le recourant se plaint d'une violation des art.
153 al. 2 aCC et 159 CC en ce sens qu'on ne saurait obliger
sa nouvelle épouse à travailler alors que son état de santé
est déficient et qu'elle a trois enfants en bas âge. En pre-
nant en compte dans l'évaluation de ses ressources la totali-
té du revenu actuel de celle-ci, l'autorité cantonale aurait
dès lors mal apprécié sa capacité contributive.

a) En vertu de son devoir d'assistance, un conjoint
est tenu d'aider l'autre dans l'accomplissement de son obli-
gation d'entretien envers son ex-époux (art. 159 al. 3 CC;
ATF 79 II 140/141; Hausheer/Reusser/Geiser, Kommentar zum
Eherecht, n. 41 ad art. 159 CC) ou ses enfants nés avant le
mariage (art. 278 al. 2 CC; ATF 111 III 13 consid. 6e p. 20;
108 II 272 consid. 4b p. 277). Ce devoir ne saurait
toutefois
être étendu au point de reporter sur cet époux le poids des
obligations alimentaires de son conjoint, qu'il financerait
alors de ses propres deniers (cf. Bühler/Spühler, op. cit.,
n. 74 ad art. 153 aCC; Kehl/Kehl, Die Abänderung und Ergän-
zung von Scheidungs- und Trennungsurteilen, vol. I, p. 30
no 213).

b) La Cour de justice a considéré que l'épouse du
débirentier avait réalisé en 1999 un revenu mensuel net de
5'227 fr.63 correspondant à une activité de 80%, bien
qu'elle
n'eût effectivement travaillé qu'à 40%. Ce salaire lui
serait
versé en totalité jusqu'en avril 2000, mois à partir duquel
son cas relèverait des prestations d'invalidité du premier
et
du deuxième piliers, étant précisé qu'elle ne serait dès
lors
vraisemblablement pas à même de travailler à plus de 50%.
Elle pourrait toutefois être tenue d'utiliser sa capacité de
gain résiduelle, en raison de l'obligation d'assistance
entre
conjoints. Au demeurant, il n'était pas démontré que son em-
ployeur eût l'intention de résilier son contrat de travail;
le salaire qu'elle serait en mesure de réaliser n'était ce-
pendant pas établi. L'autorité cantonale a de plus retenu
que
les prestations de l'assurance-invalidité et de la
prévoyance
professionnelle qu'elle devrait percevoir couvriraient en
principe au moins une partie de sa perte de salaire. Contrai-
rement à ce que prétend le recourant, le montant de ces pres-
tations ne repose pas sur la seule expérience de la vie,
mais
découle de circonstances de fait concrètes propre à la per-
sonne du bénéficiaire, en l'occurrence son épouse.

Vu les incertitudes concernant les revenus futurs de
l'épouse du débirentier, l'autorité cantonale n'a pas fait
une application erronée du droit fédéral en jugeant qu'il
fallait s'en tenir à la situation actuelle. En effet, il con-
vient de ne pas perdre de vue qu'une fois supprimée ou rédui-
te, la rente ne peut plus être rétablie, ni augmentée (ATF
120 II 4 consid. 5d p. 5 et les références citées). Dans ces
conditions, de simples estimations ne suffisent pas. En l'ab-
sence d'éléments plus précis, il n'était pas non plus possi-
ble de déterminer si, et dans quelle mesure, la femme du re-
courant pouvait être tenue d'aider son conjoint dans l'accom-
plissement de son obligation d'entretien. Le moyen
n'apparaît
donc pas fondé.

4.- Le recourant critique en outre la détermination
de son minimum vital par l'autorité cantonale.

Dans la mesure où il s'en prend à la constatation
selon laquelle ses trois enfants sont âgés de moins de six
ans, ce qui porte à 855 fr. le montant de base pour leur en-
tretien, son grief est irrecevable dans le recours en
réforme
(art. 55 al. 1 let. c, 63 al. 2 OJ); il en va de même en ce
qui concerne l'étendue des frais de garde des enfants. Quant
à l'art. 285 al. 1 CC, il concerne la contribution d'entre-
tien due pour les enfants, de sorte qu'il ne s'applique pas
en l'espèce. Le recourant se plaint en outre de ce que l'au-
torité cantonale n'aurait pas augmenté de 20% tous les
postes
de son minimum vital. Cette question peut cependant rester
indécise: selon les constatations de l'autorité cantonale
(art. 63 al. 2 OJ), le débirentier dispose avec son épouse
d'un revenu net de plus de 15'500 fr. par mois, pour un mini-
mum vital, charges fiscales comprises, de 11'224 fr.60. En
ajoutant 20% à ce minimum vital élargi, on obtient la somme
de 13'469 fr.50, d'où un solde de plus de 2'030 fr. Le mon-
tant indexé de la rente en faveur de son ex-épouse étant de
1'725 fr. par mois, la limite posée par la capacité contribu-
tive du débirentier est donc de toute façon respectée (cf.
ATF 123 III 1 consid. 3b/bb p. 4). Le recourant reproche cer-
tes à la cour cantonale de n'avoir pas pris en compte dans
son minimum vital des frais de location d'un dépôt, ainsi
que
des frais de garage et de voiture qui seraient selon lui jus-
tifiés. Il ne s'agit toutefois pas de dépenses de première
nécessité, dès lors qu'il résulte des constatations de l'au-
torité cantonale qu'il dispose d'un logement de sept pièces
et qu'il habite en ville de Genève, de sorte que
l'obligation
d'utiliser une voiture n'est pas établie. On ne voit pas non
plus en quoi la solution retenue par l'autorité cantonale
créerait une inégalité de traitement entre ses enfants nés
de

son premier mariage et ceux issus du second, les contribu-
tions dues en faveur de ses deux premières filles n'étant au
demeurant pas remises en cause.

5.- Enfin, le recourant prétend que la rente devrait
à tout le moins être réduite ou limitée dans le temps.

En ce qui concerne la diminution de la contribution
d'entretien, le recours est irrecevable, le recourant
n'ayant
pas pris de conclusions chiffrées à ce sujet (cf. supra con-
sid. 1b). Quant à limiter la rente dans le temps, le moyen
n'apparaît pas fondé. La procédure en modification du juge-
ment de divorce, au sens de l'art. 153 al. 2 aCC, n'est pas
destinée à corriger ce dernier (ATF 117 II 368 consid. 4 p.
369 et les références). Dès lors que l'autorité cantonale a
considéré, à bon droit, que des faits nouveaux ne justi-
fiaient pas une modification de la rente due à l'épouse, la
question d'une éventuelle limitation de celle-ci ne se pose
donc pas.

6.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable et l'arrêt entrepris confirmé.
Les frais judiciaires seront supportés par le recourant, qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer
des
dépens, une réponse n'ayant pas été requise.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme l'arrêt entrepris.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 6 octobre 2000
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.133/2000
Date de la décision : 06/10/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-06;5c.133.2000 ?
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