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04/10/2000 | SUISSE | N°2A.336/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 octobre 2000, 2A.336/2000


2A.336/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

4 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann et Yersin. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

L.________,

contre

la décision prise le 30 juin 2000 par le Département fédéral
de justice et police;

(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation)

Vu les pièce

s du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L.________, ressortissante espagnole, est arri-
vée en Sui...

2A.336/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

4 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann et Yersin. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

L.________,

contre

la décision prise le 30 juin 2000 par le Département fédéral
de justice et police;

(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L.________, ressortissante espagnole, est arri-
vée en Suisse avec ses parents et ses deux frères aînés, le
12 août 1986. Mise au bénéfice d'une autorisation d'établis-
sement depuis le 1er mai 1990, elle a donné naissance à un
enfant naturel prénommé S.________, le 25 juin 1992.

Par jugement du Tribunal de police du district de
Lausanne du 20 janvier 1993, L.________ a été condamnée à
deux mois d'emprisonnement avec sursis pendant quatre ans
pour vol, complicité de vol et contravention à la loi fédé-
rale sur les stupéfiants. Le 13 juillet 1993, le Tribunal du
district de Vevey a prononcé une peine complémentaire de
quinze jours d'emprisonnement avec sursis pendant quatre ans
pour abus de confiance, le sursis étant subordonné au rem-
boursement de la somme soustraite, par 550 fr.

Le 15 juillet 1993, L.________ a quitté la Suisse et
a confié son fils S.________ à ses parents. Elle est revenue
le 12 janvier 1999, après avoir purgé une peine de vingt
mois
d'emprisonnement en Colombie pour infractions à la loi sur
les stupéfiants, et a demandé à pouvoir bénéficier à nouveau
d'une autorisation d'établissement.

B.- Le 20 mai 1999, le Département des institutions
et des relations extérieures du canton de Vaud, soit
l'Office
cantonal des étrangers, a refusé de délivrer l'autorisation
d'établissement sollicitée; il a toutefois proposé à
l'Office
fédéral des étrangers de mettre l'intéressée au bénéfice
d'une autorisation annuelle de séjour, sur la base de l'art.
13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le
nombre des étrangers (OLE; RS 823.21).

Par décision du 10 décembre 1999, l'Office fédéral
des étrangers a refusé d'exempter L.________ des mesures de
limitation.

C.- Saisi d'un recours contre ce prononcé, le Dépar-
tement fédéral de justice et police l'a rejeté, par décision
du 30 juin 2000. Il a notamment retenu que les liens de
L.________ avec la Suisse étaient certes importants, mais
qu'ils devaient être relativisés, du moment que l'intéressée
avait quitté volontairement ce pays pour des motifs de conve-
nance personnelle, en confiant la garde de son enfant à ses
parents. Par ailleurs, elle ne se trouvait pas dans une si-
tuation de rigueur exceptionnelle qui justifierait une exemp-
tion des mesures de limitation, même en tenant compte des
critères découlant de l'art. 8 CEDH.

D.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, L.________ demande au Tribunal fédéral de
réformer
la décision du Département fédéral de justice et police du
30
juin 2000, en ce sens qu'elle a droit à une autorisation de
séjour fondée sur l'art. 13 lettre f OLE.

Le Département fédéral de justice et police propose
de rejeter le recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La voie du recours de droit administratif est en
principe ouverte contre les décisions relatives à l'assujet-
tissement aux mesures de limitation en vertu des art. 97 ss
OJ (ATF 122 II 403 consid. 1 p. 404/405; 119 Ib 33 consid.
1a
p. 35; 118 Ib 81 consid. 1 p. 82). Dans la mesure où il tend

à l'annulation de la décision attaquée et à faire constater
que la recourante remplit les conditions d'exemption aux me-
sures de limitation, le présent recours, qui satisfait en ou-
tre aux exigences formelles des art. 97 ss OJ, est donc rece-
vable.

2.- La recourante fait valoir en bref que toute sa
famille se trouve en Suisse, que son fils y a toujours vécu
et qu'il serait trop rigoureux de vouloir le séparer de sa
mère ou de l'obliger à s'intégrer en Espagne en quittant ses
grands-parents, avec lesquels il entretient une relation pri-
vilégiée.

a) Les mesures de limitation visent, en premier
lieu, à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la
population en Suisse et celui de la population étrangère ré-
sidente, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du tra-
vail et à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi
(cf. art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE,
selon lequel un étranger n'est pas compté dans les nombres
maximums fixés par le Conseil fédéral, a pour but de facili-
ter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, se-
raient comptés dans ces nombres maximums, mais pour lesquels
cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport
aux circonstances particulières de leur cas et pas souhaita-
ble du point de vue politique.

Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f
OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère
exceptionnel et que les conditions pour une reconnaissance
d'un cas de rigueur doivent être appréciées restrictivement.
Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une
situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses con-
ditions de vie et d'existence, comparées à celle applicables

à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de
manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'in-
téressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour
lui de graves conséquences. Pour l'appréciation du cas d'ex-
trême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un tel
cas n'implique pas forcément que la présence de l'étranger
en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une
situation
de détresse. D'un autre côté, le fait que l'étranger ait sé-
journé en Suisse pendant une assez longue période et s'y
soit
bien intégré ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas
d'extrême gravité; il faut encore que sa relation avec la
Suisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille
vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine.
A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisi-
nage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne cons-
tituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse
qu'ils justifieraient une exemption des mesures de
limitation
du nombre des étrangers (ATF 124 II 110 consid. 2 p. 112 et
la jurisprudence citée).

Pour l'appréciation du cas personnel d'extrême gra-
vité, seules entrent en ligne de compte les circonstances
qui
sont propres à l'intéressé personnellement ou à ses proches
vivant avec lui en Suisse.

b) En l'espèce, il n'est pas contesté que la recou-
rante a vécu en Suisse de treize à vingt ans, et qu'elle y a
conservé de fortes attaches, dès lors que son fils, actuelle-
ment âgé de huit ans, vit en Suisse chez ses parents et pos-
sède une autorisation d'établissement. La recourante aurait
donc en principe un droit de se prévaloir de la protection
de
la vie familiale garantie par l'art. 8 CEDH, dans le cadre
d'une demande d'autorisation de séjour ordinaire. S'agissant

toutefois d'une procédure d'exception aux mesures de limita-
tion, cette disposition n'a pas de portée propre, car la dé-
cision qui est prise ne porte pas sur le droit de séjourner
en Suisse. Les critères découlant de l'art. 8 CEDH peuvent
en
revanche être pris en considération pour examiner si l'on
est
en présence d'un cas d'extrême gravité, lorsque des motifs
d'ordre familial sont liés à cette situation (arrêts non pu-
bliés du 9 mars 1994 en la cause Jedaied et du 5 décembre
1989 en la cause Chiotelis).

A cet égard, l'autorité intimée a relevé à juste ti-
tre que la recourante avait quitté la Suisse en juillet
1993,
soit une année environ après la naissance de son fils, alors
qu'elle venait d'être condamnée à des peines
d'emprisonnement
avec sursis pendant quatre ans, l'une de deux mois pour vol,
complicité de vol et contravention à la loi fédérale sur les
stupéfiants, et l'autre de quinze jours pour abus de confian-
ce. Comme le suggère la recourante, on pourrait se poser la
question de savoir s'il ne s'agissait pas d'erreurs de jeu-
nesse, puisque l'intéressée était à l'époque âgée de vingt
ans. Le fait qu'elle ait ensuite récidivé en Colombie, où
elle a purgé une peine de vingt mois d'emprisonnement pour
trafic de drogue, ne permet cependant pas de considérer
qu'elle serait définitivement sortie de la délinquance. Par
ailleurs, il y a lieu de tenir compte du fait qu'elle a lais-
sé son fils à la charge de ses parents pendant cinq ans et
demi et que rien ne permet de penser qu'elle s'en soit
occupé
pendant cette période où elle a vécu à l'étranger. Le fait
qu'elle n'ait pas annoncé son départ de Suisse, ni demandé à
pourvoir bénéficier de la possibilité offerte par l'art. 9
al. 3 lettre c LSEE, afin de pouvoir conserver son autorisa-
tion d'établissement, démontre plutôt qu'elle n'avait pas
l'intention de revenir.

Pour le reste, il faut relever que la recourante est
de nationalité espagnole, qu'elle est née dans son pays
d'origine, où elle a vécu les treize premières années de sa
vie. Elle n'aurait donc en principe pas trop de difficultés
à
y retourner tout en conservant ses liens avec sa famille en
Suisse. Dans ces circonstances, une exception aux mesures de
limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE n'est pas justi-
fiée, même si une intégration de l'enfant y serait difficile
au cas où il devrait y suivre sa mère.

c) En définitive, le Département fédéral de justice
et police n'a pas violé le droit fédéral, ni abusé de son
pouvoir d'appréciation en refusant d'exempter la recourante
des mesures de limitation.

3.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit
être rejeté, avec suite de frais à la charge de la
recourante
(art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie à la recou-
rante et au Département fédéral de justice et police.

_______________

Lausanne, le 4 octobre 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.336/2000
Date de la décision : 04/10/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-04;2a.336.2000 ?
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