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03/10/2000 | SUISSE | N°U.381/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 octobre 2000, U.381/99


«AZA 7»
U 381/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 3 octobre 2000

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Maître Claude
Jeannerat, avocat, rue de l'Hôpital 26, Delémont,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- C.________ a travaillé en qualité de manoeuvre au
service de

l'entreprise X.________. A ce titre, il était
assuré par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA) pour les acc...

«AZA 7»
U 381/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 3 octobre 2000

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Maître Claude
Jeannerat, avocat, rue de l'Hôpital 26, Delémont,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- C.________ a travaillé en qualité de manoeuvre au
service de l'entreprise X.________. A ce titre, il était
assuré par la Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA) pour les accidents professionnels et non
professionnels.

Le 27 septembre 1996, lors de l'utilisation d'un rou-
leau compresseur, le prénommé a heurté de dos le mur vers
lequel il reculait. Il a reçu, au niveau du bassin, la bar-
re métallique avec laquelle il dirigeait l'engin.
L'assuré a subi de ce fait une incapacité totale de
travail. Le 13 novembre 1996, le service de radiologie de
l'Hôpital Y.________ effectua des scanographies du bassin.
Selon un rapport radiologique du 14 novembre 1996, cet exa-
men a mis en évidence une fracture de la crête iliaque
droite, une fracture du toit cotyloïdien droit et un petit
arrachement au niveau du pourtour sourcilier antérieur. Le
cas fut pris en charge par la CNA.
C.________ a cessé son activité de manoeuvre. Le
13 février 1997, il a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité.
Du 5 au 30 mai 1997, l'assuré a séjourné à la clinique
médicale de réhabilitation Z.________, dont le bilan radio-
logique fait état de fractures consolidées avec une marche
d'escaliers minime au niveau du cotyle (acetabulum). Dans
un examen médical final du 10 septembre 1997, le docteur
E.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a conclu
que l'assuré, compte tenu de ce que l'on pouvait exiger de
lui dans le cadre d'une activité professionnelle adaptée à
son handicap, pourrait travailler à plein temps avec un
rendement complet.
Par décision du 18 février 1998, la CNA a versé à
C.________, à partir du 1er novembre 1997, une rente
d'invalidité pour une incapacité de gain de 20 %.
L'assuré a formé opposition contre cette décision. Le
docteur M.________, spécialiste FMH en chirurgie ortho-
pédique à la division de médecine des accidents de la CNA,
a pris position dans une appréciation médicale du 28 mai
1998. Par décision du 4 juin 1998, la CNA a rejeté l'oppo-
sition.

B.- a) C.________ a recouru contre cette décision
devant la Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à l'annulation de celle-ci. A titre
principal, il invitait la juridiction cantonale à dire et
déclarer qu'il a droit à une rente d'invalidité pour une
incapacité de gain supérieure à 20 %. A titre subsidiaire,
il demandait que la cause soit renvoyée à la CNA pour ins-
truction complémentaire et nouvelle décision. Il requérait
la mise en oeuvre d'une expertise médicale, afin de dé-
terminer sa situation de manière globale.
Il a produit, en cours de procédure, copie d'un rap-
port du Centre d'observation professionnelle de l'assu-
rance-invalidité (COPAI), du 31 août 1998, où il a effectué
un stage du 15 juin au 10 juillet 1998.

b) Par ordonnance du 21 juin 1999, le président de la
Chambre des assurances a rejeté la demande d'expertise et
informé les parties que le juge instructeur avait versé au
dossier celui de l'assurance-invalidité. Il leur impartis-
sait un délai jusqu'au 30 juillet 1999 pour se déterminer
une ultime fois par écrit.
Dans une lettre du 20 juillet 1999, C.________ a
produit copie d'une décision du 16 juillet 1999, par
laquelle l'Office AI du canton du Jura lui alloue une
demi-rente d'invalidité depuis le 1er septembre 1997, as-
sortie d'une demi-rente complémentaire pour son épouse et
de rentes complémentaires pour enfants.

c) Par jugement du 24 septembre 1999, la juridiction
cantonale a rejeté le recours. Elle a considéré que la dé-
cision de l'office AI était fondée notamment sur le rapport
du COPAI et qu'elle était ainsi influencée par des éléments
relevant de la situation personnelle de l'assuré, éléments
qui ne sauraient être pris en compte dans l'appréciation du
«taux d'exigibilité médicale», de sorte que la différence
des «taux d'activité» se justifiait.

C.- C.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, en concluant, sous suite de frais
et dépens, à l'annulation de celui-ci et de la décision sur
opposition, la CNA étant condamnée à lui verser une rente
d'invalidité pour une incapacité de gain de 50 %. Il de-
mande que le dossier soit renvoyé à la caisse pour qu'elle
procède à une instruction complémentaire et statue sur son
droit à une indemnité pour atteinte à l'intégrité.
La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'ac-
cidents conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances sociales (OFAS) ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Ainsi que le Tribunal fédéral des assurances l'a
déclaré à maintes reprises, la notion d'invalidité est, en
principe, identique en matière d'assurance-accidents, d'as-
surance militaire et d'assurance-invalidité. Dans ces trois
domaines, elle représente la diminution permanente ou de
longue durée, résultant d'une atteinte à la santé assurée,
des possibilités de gain sur le marché du travail équilibré
qui entre en ligne de compte pour l'assuré (ATF 119 V 470
consid. 2b, 116 V 249 consid. 1b et les arrêts cités).
L'uniformité de la notion d'invalidité doit conduire à
fixer pour une même atteinte à la santé un même taux d'in-
validité. L'assureur-accidents ne peut donc s'écarter sans
motifs suffisants du degré d'invalidité fixé par l'assuran-
ce-invalidité, aucune primauté ne pouvant être accordée à
l'évaluation opérée par l'assureur-accidents (ATF 119 V 471
ss consid. 3; RAMA 1995 no U 220 p. 108 consid. 2c in
fine).

2.- En l'espèce, il y a divergence sur le taux d'inva-
lidité du recourant, que l'intimée a fixé à 20 % dans la
décision sur opposition litigieuse du 4 juin 1998, alors
que l'office AI l'a estimé à 50 % dans un prononcé du

2 juin 1999, sur lequel se fonde la décision de rente du
16 juillet 1999, passée en force. Le litige a donc trait à
la coordination de l'évaluation de l'invalidité par l'assu-
rance-invalidité et par l'assurance-accidents. En effet, le
recourant reproche aux premiers juges de s'être écartés
sans raison justifiée de l'estimation de son taux d'invali-
dité par l'assurance-invalidité.

3.- Dans un arrêt G. du 26 juillet 2000 (I 512/98),
destiné à la publication, le Tribunal fédéral des assu-
rances a posé le principe que l'uniformité de la notion
d'invalidité, qui doit conduire à fixer pour une même at-
teinte à la santé un même taux d'invalidité, règle la
coordination de l'évaluation de l'invalidité en droit des
assurances sociales.
Cela signifie que l'assurance-invalidité, l'assurance-
accidents et l'assurance militaire doivent non seulement
procéder séparément à la fixation du taux d'invalidité mais
également tenir compte d'évaluations de l'invalidité déjà
entrées en force. Il ne se justifie donc pas, contrairement
à la pratique administrative antérieure qui consacrait la
primauté de l'assureur-accidents en cette matière (ATF
112 V 175 consid. 2a et 106 V 88 consid. 2b), de conférer à
un assureur la prééminence sur un autre dans l'estimation
du taux d'invalidité.
En conséquence, s'agissant de la coordination de
l'évaluation du degré d'invalidité par l'assurance-invali-
dité et par l'assurance-accidents, l'assurance-invalidité
est liée, en principe, par l'évaluation de l'assurance-
accidents passée en force. Elle ne saurait s'en écarter
qu'à titre exceptionnel et seulement s'il existe de solides
raisons. Il ne suffit donc pas qu'une appréciation diver-
gente soit soutenable, voire même équivalente.
Encore faut-il, pour que l'assurance-invalidité soit
liée par l'évaluation de l'assurance-accidents, que celle-
ci ait fait l'objet d'une décision passée en force. Tel est
le cas si l'entrée en force de la décision de l'assurance-

accidents est postérieure à la décision attaquée de l'assu-
rance-invalidité, mais qu'elle est intervenue au cours de
la procédure de recours.

4.- La situation qui se présente en l'espèce est
l'inverse de celle qui prévalait dans l'arrêt G. résumé
ci-dessus. En effet, ainsi qu'on l'a vu, la décision de
l'office AI, qui se fonde sur un taux d'invalidité de 50 %,
date du 16 juillet 1999 et elle est donc postérieure de
treize mois à la décision sur opposition de l'intimée du
4 juin 1998. Dès lors, selon le principe exposé ci-dessus,
la juridiction cantonale ne pouvait s'écarter sans de so-
lides raisons de l'estimation du taux d'invalidité par
l'assurance-invalidité, passée en force pendant la procé-
dure de recours relative à la décision de l'assureur-
accidents.

a) A cet égard, contrairement à ce que soutiennent les
premiers juges, les éléments pris en considération par les
organes de l'assurance-invalidité pour fixer à 50 % le taux
d'invalidité du recourant sont au moins aussi pertinents
que ceux sur lesquels se fonde l'intimée, dont la décision
repose essentiellement sur une estimation médico-théorique,
par ses médecins, de la capacité de travail du recourant.

b) Il reste à vérifier si l'incapacité de gain du
recourant a été correctement évaluée.

aa) Selon un arrêt A. du 9 mai 2000 [I 482/99]), des-
tiné à la publication et résumé in ZBJV n° 136 2000 p. 429,
le revenu d'invalide doit être évalué avant tout en fonc-
tion de la situation professionnelle concrète de l'intéres-
sé. En l'absence d'un revenu effectivement réalisé - soit
lorsque l'assuré, après la survenance de l'atteinte à la
santé, n'a pas repris d'activité ou alors aucune activité
adaptée, normalement exigible -, le revenu d'invalide peut
être évalué sur la base des statistiques sur les salaires

moyens (cf. RCC 1991 p. 332 sv. consid. 3c; Omlin, Die
Invalidität in der obligatorischen Unfallversicherung,
thèse Fribourg 1995, p. 215). Dans ce cas, la jurisprudence
considère que certains empêchements propres à la personne
de l'invalide exigent que l'on réduise le montant des sa-
laires ressortant des statistiques. Toutefois, de telles
déductions ne doivent pas être effectuées de manière sché-
matique, mais tenir compte de l'ensemble des circonstances
du cas particulier, et cela dans le but de déterminer, à
partir de données statistiques, un revenu d'invalide qui
représente au mieux la mise en valeur économique exigible
des activités compatibles avec la capacité de travail ré-
siduelle de l'intéressé. Une déduction ne doit pas être
opérée automatiquement, mais seulement lorsqu'il existe des
indices qu'en raison d'un ou de plusieurs facteurs, l'assu-
ré ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de tra-
vail sur le marché du travail qu'avec un résultat économi-
que inférieur à la moyenne. Par ailleurs, il n'y a pas lieu
de procéder à des déductions distinctes pour chacun des
facteurs entrant en considération comme les limitations
liées au handicap, l'âge, les années de service, la natio-
nalité ou la catégorie de permis de séjour, ou encore le
taux d'occupation. Il faut bien plutôt procéder à une éva-
luation globale, dans les limites du pouvoir d'apprécia-
tion, des effets de ces facteurs sur le revenu d'invalide,
compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas concret.
Enfin, on ne peut procéder à une déduction globale supé-
rieure à 25 % (arrêt L. du 2 août 2000 [I 498/99]).

bb) S'agissant de la comparaison des revenus dans le
cas d'espèce, il est constant que le revenu que pourrait
obtenir le recourant sans invalidité s'élèverait à 4300 fr.
par mois. Avec une capacité résiduelle de travail de 50 %,
telle qu'attestée par le docteur R.________, médecin de
l'office AI (document du 15 avril 1999), il ne pourrait
gagner plus de la moitié de ce revenu dans une activité

adaptée à son handicap - soit des travaux légers à l'éta-
bli -, qu'on se fonde sur les descriptions du poste de
travail (DPT) prises en considération par la CNA ou sur les
salaires statistiques. Dans cette mesure, le recours est
bien fondé et il y a lieu de reconnaître au recourant le
droit à une rente d'invalidité de 50 %.

5.- En ce qui concerne la question de l'indemnité pour
atteinte à l'intégrité, la motivation du jugement attaqué
n'est pas critiquable. Le recourant n'apporte aucun élément
justifiant le renvoi de la cause à l'intimée pour une
instruction complémentaire, ses droits éventuels en la
matière, résultant d'une aggravation de son état physique,
ayant d'ores et déjà été réservés par l'intimée de manière
adéquate. Sur ce point, le recours est mal fondé.

6.- Obtenant partiellement gain de cause, le recourant
a droit à des dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ) et pour l'instance
cantonale (art. 108 al. 1 let. g LAA).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis et le jugement de
la Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, du 24 septembre 1999,
ainsi que la décision sur opposition litigieuse, du
4 juin 1998, sont réformés en ce sens que le recourant
a droit à une rente d'invalidité de l'assurance-
accidents pour une incapacité de gain de 50 %.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimée versera au recourant la somme de 2500 fr. (y
compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de dé-
pens pour la procédure fédérale.

IV. La Chambre des assurances du Tribunal
cantonal de la
République et canton du Jura statuera sur les dépens
pour la procédure de première instance, au regard de
l'issue du procès de dernière instance.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, ainsi qu'à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 3 octobre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.381/99
Date de la décision : 03/10/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-03;u.381.99 ?
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