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03/10/2000 | SUISSE | N°K.71/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 octobre 2000, K.71/00


«AZA 7»
K 71/00 Mh
I 262/00

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 3 octobre 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Maître Joël Crettaz,
avocat, Place Pépinet 4, Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, intimé,

et

S.________, recourant, représenté par Maître Joël Crettaz,
avocat, Place Pépinet 4, Lausanne,


contre

PHILOS, Caisse maladie-accident, Section AMBB, Riond
Bosson, Tolochenaz, intimée,

et

Tribunal des assurances du cant...

«AZA 7»
K 71/00 Mh
I 262/00

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 3 octobre 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Maître Joël Crettaz,
avocat, Place Pépinet 4, Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, intimé,

et

S.________, recourant, représenté par Maître Joël Crettaz,
avocat, Place Pépinet 4, Lausanne,

contre

PHILOS, Caisse maladie-accident, Section AMBB, Riond
Bosson, Tolochenaz, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) A diverses reprises, au cours des années 1994
et 1995, S.________ a été incapable de travailler en
qualité de manoeuvre de chantier en raison de lombalgies

chroniques. La caisse maladie-accident PHILOS (la caisse)
lui a alloué des indemnités journalières. Par décision du
15 décembre 1995, elle a mis fin au versement de ses pres-
tations à partir du 21 décembre 1995, estimant que son
assuré était apte à reprendre le travail à plein temps dès
cette date.
Par jugement du 11 juin 1996, le Tribunal des assuran-
ces du canton de Vaud a annulé cette décision et renvoyé la
cause à la caisse pour instruction complémentaire. Invité à
se déterminer, le docteur A.________, généraliste, n'a pas
constaté d'anomalie orthopédique (rapport du 29 octobre
1996). Quant au docteur R.________, psychiatre, il a
diagnostiqué un processus de revendication dans le cadre
d'une personnalité compensée, tout en précisant qu'il ne
s'agissait pas d'un trouble somatoforme douloureux (rapport
du 6 janvier 1997).
Par décision du 27 janvier 1997, confirmée le 23 juil-
let suivant à la suite d'une opposition, la caisse a main-
tenu son refus d'allouer ses prestations au-delà du 20 dé-
cembre 1995.

b) De son côté, l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud (l'Office AI) a rejeté, par décision
du 11 juillet 1997, la demande de prestations dont
S.________ l'avait saisie le 17 avril 1996, au motif que le
degré d'invalidité de l'assuré était inférieur à 40 %.

B.- S.________ a recouru contre les décisions des
11 et 23 juillet 1997 devant le Tribunal des assurances du
canton de Vaud, en concluant au versement d'indemnités
journalières de l'assurance-maladie à compter du 21 dé-
cembre 1995, ainsi qu'à l'allocation d'une rente de l'assu-
rance-invalidité.

Le 2 avril 1998, le Juge instructeur de ce Tribunal a
prononcé la jonction des deux causes et décidé de faire
procéder à une expertise psychiatrique de l'assuré. Saisi
par la caisse et l'office AI qui s'opposaient à cette mesu-
re d'instruction, le Tribunal des assurances les a débou-
tés, par jugement incident - entré en force - du 15 juillet
1998. Désigné comme expert, le docteur V.________, psychia-
tre, a diagnostiqué des troubles de type syndrome doulou-
reux somatoforme persistant, un état dépressif léger, une
organisation prépsychotique de la personnalité et un syn-
drome de la douleur chronique sous forme de lombalgies. Il
a nié la présence d'une névrose d'assurance (rapport du
7 juin 1999).
Par jugement du 1er décembre 1999, la juridiction
cantonale a rejeté les deux recours.

C.- S.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il demande l'annulation, avec
suite de dépens, en reprenant ses conclusions formulées en
première instance.
Les intimés concluent tous deux implicitement au rejet
du recours. L'Office fédéral des assurances sociales ne
s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le point de savoir si le re-
courant souffre de troubles psychiques limitant sa capacité
de gain dans une mesure suffisante pour fonder son droit
aux indemnités journalières de l'assurance-maladie et à une
rente de l'assurance-invalidité.

2.- Dans un arrêt qu'elle a rendu le 19 janvier 2000,
postérieurement au jugement attaqué, la Cour de céans a

décrit les tâches de l'expert médical, lorsque celui-ci
doit se prononcer sur le caractère invalidant de troubles
somatoformes (VSI 2000 pp. 153-155 consid. 2) :

a) Parmi les atteintes à la santé psychique, qui peu-
vent, comme les atteintes physiques, provoquer une inva-
lidité au sens de l'art. 4 al. 1 LAI, on doit mentionner
- à part les maladies mentales proprement dites - les ano-
malies psychiques qui équivalent à des maladies. On ne con-
sidère pas comme des conséquences d'un état psychique mala-
dif, donc pas comme des affections à prendre en charge par
l'assurance-invalidité, les diminutions de la capacité de
gain que l'assuré pourrait empêcher en faisant preuve de
bonne volonté; la mesure de ce qui est exigible doit être
déterminée aussi objectivement que possible. Il faut donc
établir si et dans quelle mesure un assuré peut, malgré son
infirmité mentale, exercer une activité que le marché du
travail lui offre, compte tenu de ses aptitudes. Le point
déterminant est ici de savoir quelle activité peut raison-
nablement être exigée dans son cas. Pour admettre l'exis-
tence d'une incapacité de gain causée par une atteinte à la
santé mentale, il n'est donc pas décisif que l'assuré exer-
ce une activité lucrative insuffisante; il faut bien plutôt
se demander s'il y a lieu d'admettre que la mise à profit
de sa capacité de travail ne peut, pratiquement, plus être
raisonnablement exigée de lui, ou qu'elle serait même in-
supportable pour la société (ATF 102 V 165; VSI 1996 p. 318
consid. 2a, p. 321 consid. 1a, p. 324 consid. 1a; RCC 1992
p. 182 consid. 2a et les références).

b) En principe, le juge ne s'écarte pas sans motifs
impératifs des conclusions d'une expertise médicale judi-
ciaire, la tâche de l'expert étant précisément de mettre
ses connaissances spéciales à la disposition de la justice
afin de l'éclairer sur les aspects médicaux d'un état de
fait donné. Selon la jurisprudence, peut constituer une
raison de s'écarter d'une expertise judiciaire le fait que
celle-ci contient des contradictions, ou qu'une surexper-
tise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de
manière convaincante. En outre, lorsque d'autres spéciali-
stes émettent des opinions contraires aptes à mettre sé-
rieusement en doute la pertinence des déductions de l'ex-
pert, on ne peut exclure, selon les cas, une interprétation
divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au
besoin, une instruction complémentaire sous la forme d'une
nouvelle expertise médicale (ATF 118 V 290 consid. 1b,
112 V 32 sv. et les références). L'élément déterminant pour
la valeur probante n'est en principe ni l'origine du moyen
de preuve ni sa désignation, sous la forme d'un rapport ou
d'une expertise, mais bel et bien son contenu (ATF

122 V 160 consid. 1c; Omlin, Die Invaliditätsbemessung in
der obligatorischen Unfallversicherung p. 297 sv.; Morger,
Unfallmedizinische Begutachtung in der SUVA, in RSAS
32/1988 p. 332 sv.).

c) En ce qui concerne, par ailleurs, la valeur proban-
te d'un rapport médical, ce qui est déterminant c'est que
les points litigieux importants aient fait l'objet d'une
étude fouillée, que le rapport se fonde sur des examens
complets, qu'il prenne également en considération les
plaintes exprimées, qu'il ait été établi en pleine connais-
sance du dossier (anamnèse), que la description du contexte
médical soit claire et enfin que les conclusions de l'ex-
pert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c et les
références).
A ce titre, Meine souligne que l'expertise doit être
fondée sur une documentation complète et des diagnostics
précis, être concluante grâce à une discussion convaincante
de la causalité, et apporter des réponses exhaustives et
sans équivoque aux questions posées (Meine, L'expertise
médicale en Suisse : satisfait-elle aux exigences de qua-
lité actuelles ? in RSA 1999 p. 37 ss). Dans le même sens,
Bühler expose qu'une expertise doit être complète quant aux
faits retenus, à ses conclusions et aux réponses aux ques-
tions posées. Elle doit être compréhensible, concluante et
ne pas trancher des points de droit (Bühler, Erwartungen
des Richters an den Sachverständigen, in PJA 1999
p. 567 ss).
Se fondant sur la doctrine médicale récente, Mosimann
a décrit en détail la tâche de l'expert médical, lorsque
celui-ci doit se prononcer sur le caractère invalidant de
troubles somatoformes. Selon cet auteur, sur le plan psy-
chiatrique, l'expert doit poser un diagnostic dans le cadre
d'une classification reconnue et se prononcer sur le degré
de gravité de l'affection. Il doit évaluer le caractère
exigible de la reprise par l'assuré d'une activité lucrati-
ve. Ce pronostic tiendra compte de divers critères, tels
une structure de la personnalité présentant des traits pré-
morbides, une comorbidité psychiatrique, des affections
corporelles chroniques, une perte d'intégration sociale, un
éventuel profit tiré de la maladie, le caractère chronique
de celle-ci sans rémission durable, une durée de plusieurs
années de la maladie avec des symptôme stables ou en évolu-
tion, l'échec de traitements conformes aux règles de l'art.
Le cumul des critères précités fonde un pronostic défavora-
ble. Enfin, l'expert doit s'exprimer sur le cadre psycho-
social de la personne examinée. Au demeurant, la recomman-
dation de refus d'une rente doit également reposer sur dif-
férents critères. Au nombre de ceux-ci figurent la diver-
gence entre les douleurs décrites et le comportement obser-
vé, l'allégation d'intenses douleurs dont les caractéristi-

ques demeurent vagues, l'absence de demande de soins, les
grandes divergences entre les informations fournies par le
patient et celles ressortant de l'anamnèse, le fait que des
plaintes très démonstratives laissent insensible l'expert,
ainsi que l'allégation de lourds handicaps malgré un envi-
ronnement psycho-social intact (Mosimann, Somatoforme
Störungen : Gerichte und (psychiatrische) Gutachten, RSAS
1999, p. 1 ss et 105 ss).

3.- a) En l'espèce, dans son jugement incident du
15 juillet 1998, le Tribunal des assurances du canton de
Vaud a constaté que le recourant n'avait pas compris les
questions que le docteur R.________ lui avait posées, en
raison de sa mauvaise connaissance de la langue française,
l'expert n'ayant d'ailleurs pas cherché à élucider les
apparentes contradictions de ses déclarations. En outre, le
Tribunal a admis que les conclusions de ce médecin ne
reposaient pas sur une analyse suffisamment motivée. Dès
lors, la juridiction de recours a considéré que le rapport
du docteur R.________ du 6 janvier 1997 ne satisfaisait pas
aux exigences que la jurisprudence a posées en matière de
valeur probante des rapports médicaux (cf. ATF 125 V 352
consid. 3a et les références), de telle sorte que le Juge
instructeur avait ordonné à bon droit la mise en oeuvre
d'une expertise psychiatrique judiciaire.
Le jugement incident du 15 juillet 1998 est entré en
force, si bien que le Tribunal des assurances était lié par
les considérants de son jugement. Il paraît dès lors sin-
gulier qu'il se soit néanmoins fondé sur le rapport du
docteur R.________ pour fonder sa décision (consid. 4, in
fine, p. 10 du jugement attaqué).

b) Quant à la manière dont l'expert V.________ inter-
prète le symptôme de la douleur, en tant que phénomène
modifiant le psychisme d'une personne, les premiers juges
ont considéré qu'elle ne constitue qu'une hypothèse, certes
fort intéressante mais qui ne dépasse pas le degré de la

possibilité, insuffisant pour admettre qu'il existe dans le
cas du recourant une incapacité de travail et de gain
justifiant l'octroi de prestations de ces deux assurances
sociales (consid. 4, in fine, p. 10 du jugement attaqué).
Ce raisonnement est insoutenable. L'expertise du
docteur V.________ répond pleinement aux exigences de la
jurisprudence précitée (consid. 2 ci-dessus). En consé-
quence, sur la base des conclusions de l'expert, le re-
courant a droit aux prestations des intimés en fonction
d'une incapacité de travail et de gain de 70 %. Le dossier
de la cause leur sera donc renvoyé afin qu'ils statuent
l'un et l'autre sur les prestations d'assurance dues au
recourant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud du 1er dé-
cembre 1999 et les décisions litigieuses des 23 juil-
let 1997 (PHILOS) et 11 juillet 1997 (OAI) sont
annulés.

II. La cause est renvoyée à la caisse-maladie PHILOS et à
l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de
Vaud pour qu'ils fixent les prestations auxquelles le
recourant a droit, conformément aux motifs.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. Les intimés verseront au recourant la somme de
2500 fr. à titre de dépens pour l'instance fédérale,
par moitié chacun, solidairement entre eux.

V. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
sur les dépens pour la procédure de première instance,
au regard de l'issue du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 3 octobre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.71/00
Date de la décision : 03/10/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-03;k.71.00 ?
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