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03/10/2000 | SUISSE | N°5P.239/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 octobre 2000, 5P.239/2000


«/2»
5P.239/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

3 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Raselli. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame C.________, représentée par Me Philippe Reymond, avocat
à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 mars 2000 par la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la
cause qui oppose la recou

rante au X.________ SA,
représentée
par Me Christian Fischer, avocat à Lausanne;

(mainlevée d'opposition)

Con...

«/2»
5P.239/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

3 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, président,
Bianchi et Raselli. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame C.________, représentée par Me Philippe Reymond, avocat
à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 mars 2000 par la Cour des poursuites et
faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la
cause qui oppose la recourante au X.________ SA,
représentée
par Me Christian Fischer, avocat à Lausanne;

(mainlevée d'opposition)

Considérant en fait et en droit:

1.- Le 14 juin 1999, le X.________ SA a fait notifier à
dame C.________, dans la poursuite en réalisation d'un gage
immobilier n° 949'751-02, un commandement de payer la somme
de 10'000'000 fr. avec intérêts et frais; la poursuivie a
formé opposition totale, contestant tant la créance que le
droit de gage. Par prononcé du 19 août 1999, le Président du
Tribunal du district de Lausanne a rejeté la requête de main-
levée provisoire. Statuant le 9 mars 2000 sur recours de la
poursuivante, la Cour des poursuites et faillites du
Tribunal
cantonal du canton de Vaud a levé provisoirement
l'opposition
à concurrence de 10'000'000 fr. plus intérêts à 5% l'an dès
le 1er juin 1999, ainsi que pour le droit de gage.

Dame C.________ exerce un recours de droit public au
Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de cet arrêt. La
cour cantonale se réfère à sa décision, alors que l'intimée
propose le rejet du recours.

Par ordonnance du 29 juin 2000, le Président de la IIe
Cour civile a rejeté les requêtes de jonction de causes et
d'effet suspensif présentées par la recourante.

2.- Interjeté à temps contre un prononcé de mainlevée
provisoire rendu en dernière instance cantonale (ATF 111 III
8 consid. 1 p. 9 et les arrêts cités), le présent recours
est
recevable du chef des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1 OJ.

3.- La recourante fait tout d'abord grief à la Cour des
poursuites et faillites d'avoir arbitrairement retenu que la
banque intimée avait acquis en pleine propriété, et non en
nantissement, la cédule hypothécaire sur laquelle se fonde
la
poursuite; elle soutient, en outre, que l'autorité cantonale
a violé son droit à une décision motivée.

Ce dernier moyen, pris de la violation d'une garantie
de
nature formelle découlant du droit d'être entendu (ATF 126 I
15 consid. 2a/aa p. 17 et la jurisprudence citée), doit être
examiné préalablement (ATF 124 V 389 consid. 1) et avec une
libre cognition (ATF 121 I 54 consid. 2a p. 57).

a) La cédule hypothécaire est un papier-valeur, en ce
sens que les droits qu'elle incorpore ne peuvent être
exercés
ni transférés, si ce n'est au moyen du titre (art. 868 al.
1,
869 al. 1 CC et art. 965 CO). Lorsque, comme en l'espèce, la
cédule est constituée au porteur (art. 859 CC), aucune forme
particulière n'est exigée pour son transfert, qui intervient
par la simple remise du titre. L'effet du transfert est que
l'acquéreur devient titulaire de la créance incorporée dans
la cédule, avec le droit de gage immobilier qui la garantit,
ou, en cas de constitution d'un droit réel limité, titulaire
du droit de gage mobilier grevant la cédule (Steinauer, Les
droits réels, vol. III, 2e éd., N. 2926 ss et 2992 ss, ainsi
que les références citées).

La question de savoir à quel titre le créancier détient
la cédule hypothécaire peut se révéler délicate, puisque la
seule tradition est suffisante aussi bien pour le transfert
de la propriété (art. 714 al. 1 CC) que pour la constitution
d'un droit de gage (art. 901 al. 1 CC); pour la résoudre, le
juge doit ainsi rechercher la réelle et commune intention
des
parties (art. 18 al. 1 CO; Staehelin, Betreibung und Rechts-
öffnung beim Schuldbrief, AJP 1994, p. 1257/1258). Le
porteur
peut, néanmoins, se prévaloir de la présomption de l'art.
930
al. 1 CC, à teneur duquel le possesseur d'une chose
mobilière
en est présumé propriétaire; il incombe alors au débiteur de
renverser cette présomption (Staehelin, op. cit., p. 1258 et
les références citées; Favre/Liniger, Cédules hypothécaires
et procédure de mainlevée, SJ 117/1995, p. 106 litt. e, avec
d'autres citations), en rendant à tout le moins
vraisemblable
sa libération (art. 82 al. 2 LP; à ce sujet:
Panchaud/Caprez,
La mainlevée d'opposition, 2e éd., § 26 et les citations).
En
tant qu'elle dénonce une répartition arbitraire du fardeau
de
la preuve, la recourante ne peut dès lors être suivie.
C'est,
en revanche, avec raison qu'elle se plaint d'une violation
de
son droit à une décision motivée.

En effet, pour admettre que la «banque doit [...] être
considérée, au stade de la mainlevée, comme propriétaire de
la cédule», l'autorité inférieure s'est contentée d'affirmer
que les «pièces produites par la poursuivie ne permettent
pas
de renverser cette présomption (de l'art. 930 al. 1 CC)».
Or,
le Tribunal fédéral a jugé à maintes reprises - principe qui
demeure valable sous l'empire de la constitution révisée (FF
1997 I 183) - qu'une telle motivation ne répond
manifestement
pas aux exigences posées par l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 123 I
31 consid. 2c p. 34 et les arrêts cités; arrêt non publié de
la IIe Cour civile dans la cause 5P.387/1997, consid. 3b),
ce
d'autant plus que la cour cantonale a souligné elle-même la
teneur ambiguë du commandement de payer, et que la
recourante
a allégué n'avoir jamais signé le formulaire de «transfert
de
propriété à titre de sûreté», contestant de surcroît l'avoir
reçu.

b) Le droit d'obtenir une décision motivée participant
de la nature formelle du droit d'être entendu (ATF 104 Ia
201
consid. 5g p. 214), l'arrêt déféré doit être annulé, indépen-
damment des chances de succès du recours sur le fond (ATF
124
V 180 consid. 4a et les arrêts cités). Cela étant, il
devient
superflu de connaître des autres moyens de la recourante.

4.- En conclusion, le recours doit être admis et
l'arrêt
attaqué annulé, avec suite de frais et dépens à la charge de
l'intimée (art. 156 al. 1 et 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.

2. Met à la charge de l'intimée:
a) un émolument judiciaire de 15'000 fr.,
b) une indemnité de 15'000 fr. à payer
à la recourante à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Cour des poursuites et faillites du Tri-
bunal cantonal du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 3 octobre 2000
BRA/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.239/2000
Date de la décision : 03/10/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-03;5p.239.2000 ?
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