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03/10/2000 | SUISSE | N°1A.229/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 03 octobre 2000, 1A.229/2000


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1A.229/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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3 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

F.________, représenté par Me Yves Bonard, avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 22 juin 2000 par la Chambre d'accusa-
tion du canton de Genève;

(entrai

de judiciaire à l'Italie)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 31 juillet 1997...

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1A.229/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

3 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

F.________, représenté par Me Yves Bonard, avocat à Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 22 juin 2000 par la Chambre d'accusa-
tion du canton de Genève;

(entraide judiciaire à l'Italie)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 31 juillet 1997, le Procureur de la Républi-
que près le Tribunal de Verbania (Italie) a adressé à la
Suisse une demande d'entraide judiciaire, dans le cadre
d'une
enquête dirigée notamment contre les dénommés G.________ et
L.________, concernant un trafic international de voitures
volées. Ayant appris que le Juge d'instruction du canton de
Genève avait, dans le cadre d'une procédure pénale ouverte
notamment pour recel, séquestré vingt véhicules retrouvés à
Genève au Garage X.________, exploité par F.________, elle
désirait en obtenir la saisie pour garantir les prétentions
des propriétaires légitimes. Une ordonnance de saisie était
jointe à la demande. Par la suite, l'autorité requérante
demanda le transfert de ces véhicules, en fournissant leurs
coordonnées et en précisant les circonstances des vols.

B.- Par deux ordonnances du 6 décembre 1999, le Juge
d'instruction genevois est entré en matière. Il a confirmé
le
séquestre de deux véhicules de marque VW Golf et Audi, dont
F.________ s'était porté acquéreur; il a ordonné la remise
de
ces véhicules à l'autorité requérante, à charge pour elle de
les restituer à leur propriétaire. Le juge d'instruction a
rendu, le même jour, une ordonnance concernant dix-huit au-
tres véhicules également acquis par F.________, mais qui au-
raient été revendus à des tiers.

C.- Par ordonnances du 22 juin 2000 la Chambre d'ac-
cusation genevoise a admis les recours formés par F.________
contre les ordonnances de clôture concernant les véhicules
VW
et Audi précités; la transmission de ces véhicules était pré-
maturée, dès lors que la bonne foi de leur acquéreur devait
être examinée dans le cadre de la procédure pénale
nationale,
qu'il y avait lieu d'instruire en priorité. Les véhicules
saisis dans ce cadre étaient susceptibles d'être confisqués.

Par ordonnance du même jour, la Chambre d'accusation
a déclaré irrecevable un recours formé par F.________ à l'en-
contre de l'ordonnance de clôture concernant les dix-huit au-
tres véhicules dont le recourant n'était pas l'acquéreur fi-
nal puisqu'il les avait revendus à des tiers.

D.- F.________ forme un recours de droit adminis-
tratif. Il demande l'annulation de cette dernière
ordonnance,
ainsi que des décisions de clôture du juge d'instruction, le
refus de toute remise à l'Italie et la levée du séquestre pé-
nal, subsidiairement le renvoi de la cause à la Chambre d'ac-
cusation. Le recourant a par la suite demandé l'assistance
judiciaire.

La Chambre d'accusation, le juge d'instruction et
l'Office fédéral de la justice se réfèrent à la décision at-
taquée.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours de droit administratif est formé en
temps utile contre une décision de clôture confirmée par
l'autorité cantonale de dernière instance (art. 80f al. 1 de
la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pé-
nale - EIMP, RS 351.1). Le recourant, dont le recours canto-
nal a été déclaré irrecevable pour défaut de qualité, peut
contester ce prononcé par la voie du recours de droit admi-
nistratif (ATF 122 II 130).

2.- Le recourant estime être directement touché par
l'ordonnance de clôture prise par le juge d'instruction.
Garagiste professionnel, il aurait acquis les dix-huit véhi-
cules concernés, en 1996, et les aurait revendus à divers
acquéreurs, qui ont versé un acompte. Les véhicules seraient
toujours en sa possession, la livraison n'ayant pu avoir
lieu
en raison des séquestres ordonnés. Le recourant invoque un

fait inconnu de la cour cantonale, à savoir que les diffé-
rents acquéreurs, parties civiles dans la procédure natio-
nale, ont - à l'exception de deux d'entre eux - passé un ac-
cord le 21 avril 2000, renonçant à tout droit sur les véhicu-
les. Le recourant en serait ainsi toujours propriétaire.

a) Selon l'art. 80h let. b EIMP, la qualité pour
agir est reconnue à celui qui est personnellement et directe-
ment touché par la mesure d'entraide. Pour être personnelle-
ment et directement touché, l'intéressé doit se trouver dans
un rapport suffisamment étroit avec la décision attaquée. La
jurisprudence, rappelée par la Chambre d'accusation, recon-
naît ainsi la qualité pour recourir au titulaire d'un compte
bancaire dont les pièces sont saisies (ATF 125 II 356
consid.
3b/bb p. 362 et les arrêts cités), et à la personne qui doit
se soumettre personnellement à une perquisition ou une
saisie
(ATF 118 1b 442 consid. 2c - concernant la saisie de docu-
ments en main d'une banque -, ATF 121 II 38 - remise du dos-
sier d'une procédure civile à laquelle l'intéressé est par-
tie; pour un résumé de la jurisprudence relative à la
qualité
pour recourir, cf. ATF 122 II 130). Cette réglementation
s'applique avant tout à la transmission de renseignements ou
de moyens de preuves au sens de l'art. 74 EIMP. S'agissant
en
revanche de la remise du produit d'une infraction en vue de
confiscation ou de restitution au sens de l'art. 74a EIMP,
la
qualité pour recourir doit être reconnue à la personne qui
se
prétend acquéreur de bonne foi des objets saisis (ATF 123 II
134 consid. 1c p. 136). L'art. 9a let. c OEIMP précise
encore
qu'en cas de mesures concernant un véhicule à moteur, le dé-
tenteur est réputé personnellement et directement touché au
sens des art. 21 al. 3 et 80h EIMP.

b) La Chambre d'accusation a retenu, s'agissant des
dix-huit véhicules concernés par l'ordonnance du juge d'ins-
truction, que le recourant les avait revendus à divers
clients, qui en étaient devenus propriétaires. Le recourant

n'en était plus détenteur, et les saisies avaient été
opérées
en mains tierces. Seuls les acquéreurs étaient directement
concernés, le recourant n'étant touché qu'indirectement en
raison des éventuelles actions civiles qui pourraient être
formées contre lui.

c) Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir
constaté les faits de manière inexacte et incomplète. Il ex-
pose avoir acheté les véhicules auprès du dénommé
G.________,
et en avoir payé le prix. Les véhicules avaient ensuite trou-
vé preneurs, sans qu'un contrat de vente n'ait été établi.
Seul un acompte aurait été versé, et les véhicules seraient
restés dans le garage qu'exploite le recourant. A la suite
des mesures de saisies ordonnées par le juge d'instruction,
aucune livraison n'a pu être effectuée, et le solde du prix
n'aurait pas été versé par les acheteurs. Certains d'entre
eux auraient réclamé la restitution de l'acompte versé,
ainsi
que des dommages-intérêts. Le recourant précise encore que
le
21 avril 2000, un arrangement a été trouvé avec les parties
civiles - à l'exception de deux d'entre elles -, une indem-
nité leur étant versée pour solde de tout compte. Le recou-
rant en déduit qu'il est resté seul détenteur de l'ensemble
des véhicules saisis, lesquels se trouvaient en sa
possession
lorsqu'ils ont été séquestrés.

d) Lorsque la décision attaquée émane, comme en
l'espèce, d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est
lié par les faits constatés, sauf s'ils sont manifestement
inexacts ou incomplets, ou s'ils ont été établis au mépris
de
règles essentielles de la procédure (art. 105 al. 2 OJ).

aa) En l'espèce, même abstraction faite des "faits
nouveaux" invoqués par le recourant - et qui, en réalité,
sont antérieurs au prononcé attaqué -, les faits constatés
par la cour cantonale paraissent à tout le moins incomplets.
En effet, la cour cantonale retient que le recourant n'est

pas le détenteur des véhicules concernés; elle considère que
le séquestre a été opéré en mains tierces, et que le recou-
rant s'est dessaisi des véhicules. Dans sa réponse au
recours
cantonal, le juge d'instruction relève pour sa part qu'il a
notifié ses ordonnances de clôture aux acheteurs, lesquels
ne
se sont pas opposés à la remise. Or, le recourant soutient,
sans être contredit, que les véhicules se trouvaient encore
en sa possession lors de la mesure de séquestre, que la
vente
n'a pas été menée à chef pour la plupart d'entre eux, et
qu'il n'y a pas eu transfert de propriété.

bb) La qualité de détenteur ne se confond pas avec
celles de possesseur ou de propriétaire. Elle se détermine
selon les circonstances de fait. Est notamment considéré
comme détenteur celui qui possède effectivement et durable-
ment le pouvoir de disposer du véhicule et qui l'utilise ou
le fait utiliser à ses frais ou dans son propre intérêt
(art.
78 al. 1 de l'ordonnance réglant l'admission des personnes
et
des véhicules à la circulation routière - OAC - RS 741.51).

La cour cantonale a omis de s'interroger sur ce
point. Elle s'est contentée d'affirmer que le recourant
s'était dessaisi des véhicules en les aliénant à divers ache-
teurs, mais n'a pas recherché qui, au moment de la saisie ou
lors du prononcé de la décision de clôture, disposait effec-
tivement des véhicules. Le dossier de la procédure
d'entraide
ne contient pas de renseignements précis sur ce point, de
sorte qu'il n'est pas possible au Tribunal fédéral de
statuer
lui-même. Dès lors, les faits permettant de se prononcer sur
la qualité pour agir du recourant n'ont pas été établis de
manière suffisante.

3.- Sur le vu de ce qui précède, la décision atta-
quée doit être annulée, et la cause renvoyée à la Chambre
d'accusation, pour nouvelle décision. Le recourant, qui ob-
tient gain de cause, a droit à l'allocation de dépens, à la

charge du canton de Genève. Cela rend sans objet la demande
d'assistance judiciaire. Conformément à l'art. 156 al. 2 OJ,
il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours, annule la décision attaquée et
renvoie la cause à la Chambre d'accusation pour nouvelle dé-
cision.

2. Alloue au recourant une indemnité de dépens de
1500 fr., à la charge du canton de Genève.

3. Déclare sans objet la demande d'assistance judi-
ciaire.

4. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

5. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Juge d'instruction et à la Chambre
d'accusation du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office
fédéral
de la justice (B 105214).

Lausanne, le 3 octobre 2000
KUR/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.229/2000
Date de la décision : 03/10/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-03;1a.229.2000 ?
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