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02/10/2000 | SUISSE | N°2A.257/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 octobre 2000, 2A.257/2000


2A.257/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
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2 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Hartmann, juge
présidant, Betschart et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur un recours de droit administratif
formé par

A.________ et sa fille B.________, toutes deux domiciliées à
Lausanne et représentées par Me Jean-Pierre Moser, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 14 avril 2000 par le Tribunal adm

inistratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourantes
au Service cantonal de la population du Dé...

2A.257/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

2 octobre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Hartmann, juge
présidant, Betschart et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur un recours de droit administratif
formé par

A.________ et sa fille B.________, toutes deux domiciliées à
Lausanne et représentées par Me Jean-Pierre Moser, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 14 avril 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourantes
au Service cantonal de la population du Département des ins-
titutions et des relations extérieures du canton de Vaud;

(art. 17 al. 2 LSEE; regroupement familial)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________, ressortissante portugaise, a eu deux
enfants: C.________, né en 1975, et B.________, née 30 août
1981, de nationalité angolaise. Le père des enfants, qui ne
s'est jamais occupé d'eux, est décédé récemment.

Peu après la naissance de sa fille, A.________ a
quitté l'Angola pour le Portugal, où elle a fait venir son
fils. Sa fille, restée en Angola, a été confiée à la grand-
mère maternelle.

En 1987, A.________ est arrivée en Suisse, où son
fils l'a rejointe peu après. En 1992, la prénommée a obtenu
une autorisation d'établissement.

En mars 1996, A.________ a rempli un certificat
d'hébergement en faveur de B.________ en la faisant passer
pour sa nièce et en indiquant une fausse date de naissance
(le 12 décembre 1982 au lieu du 30 août 1981). B.________
est
entrée en Suisse le 20 avril 1996 au bénéfice d'un visa tou-
ristique valable un mois. A l'expiration de ce délai, elle
n'est pas retournée en Angola, mais est demeurée en Suisse,
où elle est scolarisée.

Le 4 août 1998, B.________ a présenté une demande
d'autorisation d'établissement au titre du regroupement fami-
lial.

B.- Par décision du 8 juin 1999, l'Office cantonal
de contrôle des habitants et de police des étrangers du can-
ton de Vaud a rejeté cette requête.

Statuant sur recours le 14 avril 2000, le Tribunal
administratif du canton de Vaud a confirmé cette décision et
imparti à B.________ un délai au 31 juillet 2000 pour
quitter
le territoire vaudois.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, A.________ et sa fille B.________ demandent prin-
cipalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 14 avril
2000 du Tribunal administratif et d'octroyer à cette
dernière
une autorisation d'établissement, subsidiairement de séjour.

Le Service de la population vaudois s'en remet aux
déterminations du Tribunal administratif, lequel conclut au
rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
L'Office
fédéral des étrangers conclut au rejet du recours.

D.- Par ordonnance présidentielle du 28 juin 2000,
l'effet suspensif au recours a été octroyé.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Aux termes de l'art. 17 al. 2 3ème phrase de la
loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement
des étrangers (LSEE; RS 142.20), les enfants célibataires de
moins de dix-huit ans ont le droit d'être inclus dans l'auto-
risation d'établissement de leurs parents aussi longtemps
qu'ils vivent auprès d'eux.

Selon la jurisprudence (ATF 125 II 585 consid. 2,
633 consid. 3a et les arrêts cités), le but de l'art. 17 al.
2 LSEE est de permettre et d'assurer juridiquement la vie fa-
miliale commune vécue de manière effective. Ce but n'est pas

atteint dans le cas d'un enfant qui, ayant vécu de
nombreuses
années à l'étranger séparé de ses parents établis en Suisse,
veut les rejoindre peu de temps avant qu'il ait atteint
l'âge
de dix-huit ans. Dans de tels cas, on peut présumer que le
but visé n'est pas d'assurer la vie familiale commune, mais
bien d'obtenir de manière plus simple une autorisation d'éta-
blissement. Une exception ne peut se justifier que lorsque
la
famille a de bonnes raisons de ne se reconstituer en Suisse
qu'après des années de séparation; de tels motifs doivent ré-
sulter des circonstances de l'espèce.

Lorsque les parents sont divorcés ou séparés et que
l'un d'eux se trouve en Suisse et l'autre à l'étranger, il
n'existe pas un droit inconditionnel des enfants vivant à
l'étranger de rejoindre le parent se trouvant en Suisse
(sous
réserve d'un abus de droit, un droit existe cependant
lorsque
les deux parents vivent en Suisse; cf. arrêt destiné à la pu-
blication du 26 juillet 2000 en la cause Office fédéral des
étrangers c. Stanojevic, consid. 3). Un tel droit suppose
que
l'enfant entretienne avec le parent établi en Suisse une re-
lation familiale prépondérante; encore faut-il que la venue
de l'enfant en Suisse soit nécessaire. A cet égard, il ne
faut pas tenir compte seulement des circonstances passées;
les changements déjà intervenus, voire les conditions futu-
res, peuvent également être déterminants. On ne peut se fon-
der dans tous les cas uniquement sur le fait que l'enfant a
vécu jusque-là dans un pays étranger où il a eu ses attaches
principales, sinon le regroupement familial ne serait prati-
quement jamais possible. Il faut examiner chez lequel de ses
parents l'enfant a vécu jusqu'alors ou, en cas de divorce,
auquel de ceux-ci le droit de garde a été attribué; si l'in-
térêt de l'enfant s'est modifié entre-temps, l'adaptation à
la nouvelle situation familiale devrait en principe être
d'abord réglée par les voies du droit civil. Toutefois, sont

réservés les cas où les nouvelles relations familiales sont
clairement définies - par exemple lors du décès du parent
titulaire du droit de garde ou lors d'un changement marquant
des besoins d'entretien - et ceux où l'intensité de la rela-
tion est transférée sur l'autre parent.

Ainsi, le fait qu'un enfant vienne en Suisse peu
avant ses dix-huit ans, alors qu'il a longtemps vécu séparé-
ment de celui de ses parents établis en Suisse, peut consti-
tuer un indice d'abus du droit conféré par l'art. 17 al. 2
LSEE. Toutefois, il faut tenir compte des autres circonstan-
ces du cas, notamment des raisons de l'attribution de l'en-
fant au parent résidant à l'étranger, de celles de son dépla-
cement auprès de l'autre parent, de l'intensité de ses rela-
tions avec celui-ci, et des conséquences qu'aurait l'octroi
d'une autorisation d'établissement sur l'unité de la famille.

A noter enfin que l'art. 8 CEDH ne confère pas non
plus un droit inconditionnel à faire venir en Suisse des en-
fants mineurs vivant à l'étranger, en particulier lorsque
les
parents ont eux-mêmes pris la décision de vivre séparés de
leurs enfants (ATF 124 II 361 consid. 3a et les arrêts ci-
tés).

2.- a) En l'occurrence, A.________ a quitté volon-
tairement l'Angola pour le Portugal peu après la naissance
de
sa fille et est venue en Suisse en 1987. Elle a chaque fois
pris avec elle son fils, alors qu'elle a laissé sa fille en
Angola aux soins de la grand-mère maternelle. La situation
de
B.________ est particulière en ce sens que son père, décédé,
ne s'est jamais occupé d'elle. On peut toutefois appliquer
par analogie les principes jurisprudentiels susmentionnées
(consid. 1), lorsqu'un parent réside en Suisse et que l'en-
fant est resté dans le pays d'origine auprès d'un membre de

la famille autre que le père ou la mère. En fait, cette si-
tuation consacre une rupture profonde des liens familiaux et
permet de douter de l'intensité de ceux-ci.

b) Il est constant que A.________ a attendu le 26
avril 1996 avant de faire venir sa fille en Suisse dans le
cadre d'un séjour touristique. Les recourantes prétendent
qu'une demande de regroupement familial aurait été présentée
déjà à ce moment-là, mais qu'une telle requête n'aurait pas
été prise en considération sous prétexte qu'elles n'avaient
pas la même nationalité. Or, il ressort de l'arrêt attaqué
que B.________ n'a déposé une requête de regroupement fami-
lial en bonne et due forme que le 4 août 1998, alors qu'elle
était âgée de dix-sept ans environ. Et il n'y a aucune
raison
sérieuse de s'écarter de cette constatation de fait qui lie
le Tribunal fédéral (art. 105 al. 2 OJ). Par ailleurs, les
recourantes ont fourni quelques explications quant à l'ajour-
nement de la venue en Suisse de B.________ en 1996 (insuffi-
sance des moyens financiers; troubles politiques en Angola),
mais le Tribunal administratif a retenu que A.________
aurait
pu faire venir sa fille en Suisse avant cette date. Rien ne
permet non plus de remettre en cause ces constatations de
fait qui paraissent convaincantes.

B.________ a donc été élevée par sa grand-mère ma-
ternelle jusqu'en avril 1996 en Angola, où se trouvent ses
attaches familiales et socioculturelles les plus importan-
tes. Les recourantes affirment qu'elles ont gardé des con-
tacts durant toute leur séparation par l'intermédiaire de
l'Aide humanitaire suisse. Toutefois, le maintien de ces con-
tacts n'a rien que de très naturel et il ne saurait, à lui
seul, suffire à imprimer à cette relation familiale le carac-
tère prépondérant exigé par la jurisprudence. Il n'est en
tout cas pas établi que A.________ a entretenu des relations

particulièrement intenses avec sa fille durant leur sépara-
tion. Force est donc de constater que les liens noués entre
les recourantes ne l'emportent pas sur les relations que
l'enfant a tissées avec sa grand-mère maternelle en Angola.

Reste à examiner si des changements de circonstances
futurs ou déjà intervenus rendent nécessaire le regroupement
familial.

B.________ a vécu en Angola chez sa grand-mère ma-
ternelle jusqu'en avril 1996. Les recourantes n'établissent
pas - ni même n'allèguent - que la grand-mère maternelle
n'aurait pas été en état de continuer à s'occuper de
B.________ jusqu'à la majorité de celle-ci. Ainsi, il n'y
avait aucune raison impérative de modifier la situation exis-
tante avant le mois d'avril 1996, de sorte que le regroupe-
ment familial en Suisse ne s'avère pas nécessaire. Il est
vrai que B.________ vit auprès de sa mère depuis le 20 avril
1996, date de son entrée en Suisse, et que leurs relations
se
sont intensifiées. Mais l'on ne saurait attacher une impor-
tance décisive à la durée de séjour en Suisse, puisque une
grande partie de celui-ci a été effectué de manière
illégale.
Cela ne constitue en tout cas pas un motif suffisant pour
admettre le regroupement familial, d'autant que A.________
avait donné de fausses indications sur son lien de parenté
avec B.________ et sur l'âge de celle-ci afin de faciliter
l'entrée de sa fille en Suisse.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, force
est d'admettre que la recourante n'est pas venue en Suisse
dans le but de recréer une véritable vie familiale commune
avec sa mère et son frère, mais pour échapper aux conséquen-
ces de la guerre civile qui sévit en Angola et assurer ainsi
son avenir économique en obtenant plus facilement une autori-
sation d'établissement.

Dans ces conditions, l'autorité intimée n'a pas vio-
lé l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE en refusant d'accorder
une autorisation d'établissement à B.________, d'autant que
les recourantes pourront continuer à garder des contacts
notamment par l'intermédiaire de l'Aide suisse humanitaire.

c) Invoquant la mauvaise situation politique qui
règne en Angola, les recourantes laissent entendre que
B.________ ne peut pas y retourner sans risquer des traite-
ments inhumains contraires à l'art. 3 CEDH. Mais la
procédure
du regroupement familial ne tend pas à protéger l'étranger
contre les conséquences de la guerre ou contre des abus des
autorités étatiques. Les considérations de cet ordre
relèvent
de la procédure d'asile et peuvent également être prises en
compte dans le cadre de l'exécution d'une décision de renvoi.

3.- Les recourantes reprochent au Tribunal adminis-
tratif d'avoir violé leur droit d'être entendues en
renonçant
à l'audition de plusieurs membres de l'Aide humanitaire suis-
se et de X.________ (ami de A.________) en qualité de té-
moins.

a) Le droit de faire administrer des preuves décou-
lant du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2
Cst.
(art. 4 aCst.) suppose notamment que le fait à prouver soit
pertinent et que le moyen de preuve proposé soit apte et né-
cessaire à prouver ce fait. Par ailleurs, cette garantie
n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction
lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa
conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à
une appréciation anticipée des preuves proposées, elle a la
certitude qu'elles ne pourraient l'amener à modifier son opi-
nion (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211; 122 V 157 consid. 1d
p. 162; 119 Ib 492 consid. 5b/bb p. 505).

b) En l'occurrence, les recourantes n'indiquent pas
de manière claire et précise sur quels faits pertinents les
témoins auraient dû être entendus. Quoi qu'il en soit, l'au-
torité intimée pouvait, par une appréciation anticipée des
preuves proposées échappant au grief d'arbitraire, renoncer
à
entendre les témoins dont l'audition avait été requise par
les recourantes. En effet, compte tenu de l'ensemble des piè-
ces figurant déjà au dossier de la cause, la cour cantonale
pouvait s'estimer suffisamment renseignée sur tous les faits
importants de la cause et considérer la déposition de
témoins
comme superflue.

c) Pour les mêmes motifs, il y a lieu de rejeter la
requête de mesures probatoires déposée devant le Tribunal fé-
déral.

4.- Vu ce qui précède, le présent recours est mal
fondé et doit donc être rejeté. Succombant, les recourantes

doivent supporter un émolument judiciaire, solidairement en-
tre elles (art. 156 al. 1 et 7 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1.- Rejette le recours.

2.- Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge des recourantes, solidairement entre elles.

3.- Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire des recourantes, au Service de la population et au Tri-

bunal administratif du canton de Vaud, ainsi qu'à l'Office
fédéral des étrangers.

Lausanne, le 2 octobre 2000
LGE/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.257/2000
Date de la décision : 02/10/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-02;2a.257.2000 ?
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