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29/09/2000 | SUISSE | N°1P.447/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2000, 1P.447/2000


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1P.447/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me François Boillat, avocat à
Moutier,

contre

le jugement rendu le 12 janvier 2000 par la IIème Chambre
pénale de la Cour suprême du canton

de Berne, dans la cause
qui oppose le recourant au Procureur général du canton de
B e r n e ;

(procédure pénale; app...

«»

1P.447/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me François Boillat, avocat à
Moutier,

contre

le jugement rendu le 12 janvier 2000 par la IIème Chambre
pénale de la Cour suprême du canton de Berne, dans la cause
qui oppose le recourant au Procureur général du canton de
B e r n e ;

(procédure pénale; appréciation des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ a passé la soirée du 5 au 6 avril
1997 chez les époux A.________, à Corcelles. Selon ses
dires,
il aurait bu un verre de whisky de marque Chivas entre 18h30
et 20h00 puis environ 5 dl de vin rouge lors du repas qui a
suivi. Il a repris le volant de son véhicule entre 04h00 et
04h30 pour rentrer chez lui. A Grandval, il a heurté un îlot
situé au milieu de la chaussée au niveau d'un passage pour
piétons, ce qui a eu pour effet de faire éclater le pneu
avant gauche de son véhicule et d'abîmer la jante de la roue
arrière gauche. Il a poursuivi sa route jusqu'à Eschert,
franchissant à plusieurs reprises la ligne de sécurité,
avant
de s'arrêter devant un garage et de s'endormir. Il a regagné
son domicile aux environs de 10h30 après être allé chercher
sa mère à la gare de Bienne, au volant d'un véhicule prêté
par A.________. Par la suite, il a bu trois whiskies de mar-
que Chivas Regal en compagnie de son frère et goûté le vin
rouge destiné à la préparation d'une sauce pour le rôti de
midi.

Une patrouille de la police cantonale bernoise s'est
rendue à 12h45 au domicile de X.________. Ce dernier a bu
une
dernière gorgée de whisky devant les gendarmes avant de les
suivre au poste de police. Un test d'haleine effectué à
13h42
a révélé une alcoolémie de 0,9 g o/oo. Les prises de sang
auxquelles le prévenu s'est soumis à 14h11 et 14h43 ont mis
en évidence un taux d'alcool dans le sang de respectivement
1,52 g o/oo et 1,47 g o/oo.

A.________ et Y.________ ont confirmé les déclara-
tions du prévenu, s'agissant de sa consommation d'alcool du-
rant la soirée du 5 avril 1997 et la matinée du lendemain.
A.________ a en outre indiqué que X.________ était sain de

corps et d'esprit lorsqu'il les a quittés vers 04h00. Quant
à
Y.________, il a précisé que son frère ne lui avait pas paru
sous l'effet de l'alcool lorsqu'il est arrivé chez lui, mais
qu'il avait la mine quelque peu défaite.

Le Juge d'instruction en charge du dossier a confié
à l'Institut de médecine légale de l'Université de Berne (ci-
après, l'IML) une mission d'expertise visant à déterminer
l'alcoolémie du prévenu au moment des faits. Selon un
premier
calcul opéré le 20 août 1997, qui se fonde sur une consomma-
tion postérieure à l'infraction de 1,2 dl de whisky, le pré-
venu présentait un taux d'alcool dans le sang de 1,52 g o/oo
lors du premier trajet effectué entre Corcelles et Eschert.
Au terme d'un nouveau calcul effectué le 8 octobre 1997 à la
requête du prévenu sur la base d'une consommation ultérieure
d'alcool de 2,5 dl de whisky, le taux d'alcool dans le sang
tombait à 0,72 g o/oo.

Le prévenu ayant contesté la possibilité d'effectuer
un calcul rétrospectif du taux d'alcool dans le sang, l'IML
a
rendu le 28 septembre 1998 un nouveau rapport d'expertise.
Selon l'expert, la concentration d'alcool de 1,52 g o/oo
constatée dans le sang du prévenu à 14h11 ne correspondrait
à
une consommation de 2,5 dl de whisky que s'il était fait
abstraction de la résorption d'alcool intervenue entre le dé-
but de la consommation et la prise de sang. L'analyse des
différentes composantes relevées dans l'échantillon sanguin
démontrerait en outre que l'alcoolémie ne provenait pas seu-
lement du whisky ingurgité après le trajet et que le prévenu
n'avait pas consommé autant de whisky qu'il l'avait
prétendu.

B.- Statuant le 19 août 1999 sur la base de ces
faits, le Président 1 de l'arrondissement judiciaire I
Courtelary-Moutier-La Neuveville a libéré X.________ des
fins
de la prévention d'infraction à la loi fédérale sur la cir-
culation routière et prononcé son acquittement sans indem-

nité. Il l'a en revanche reconnu coupable d'ivresse au
volant
et de tentative d'entrave à une prise de sang et l'a
condamné
à une peine de trente jours d'emprisonnement, avec sursis
pendant deux ans, ainsi qu'à une amende de 15'000 fr.

X.________ et le Procureur général du canton de
Berne (ci-après, le Procureur général) ont tous deux interje-
té appel contre ce jugement auprès de la IIème Chambre
pénale
de la Cour suprême du canton de Berne (ci-après, la Chambre
pénale ou la cour cantonale).

A la requête du Procureur général, l'IML a établi
un nouveau rapport le 22 novembre 1999. Selon l'expert, la
consommation d'alcool antérieure aux faits incriminés ne se-
rait pas déterminante, car la prise de sang est intervenue
environ vingt heures après le début de la consommation d'al-
cool; la concentration d'alcool dans le sang mesurée serait
nettement trop haute; les déclarations de X.________ quant à
sa consommation ultérieure ne seraient pas crédibles au re-
gard des résultats des analyses des composantes;
l'alcoolémie
du prévenu au moment des faits serait au minimum d'environ
1,3 g o/oo.

A l'issue de l'audience des débats tenue le 26 no-
vembre 1999, la Chambre pénale a rendu une ordonnance aux
termes de laquelle elle a imparti un délai de dix jours aux
parties, dès la notification de l'appel joint du Procureur
général, pour faire valoir leurs éventuels moyens de preuve.
A la requête du prévenu qui déclarait attendre l'avis d'un
expert privé sur les constatations et les déductions faites
par l'IML dans cette affaire, elle a prolongé ce délai au 17
décembre 1999. Par pli recommandé du 10 janvier 2000, retiré
la veille de la seconde audience des débats, X.________ a
requis une nouvelle expertise portant sur la détermination
de
son taux d'alcool au moment des faits litigieux à confier à
un autre institut de médecine légale que celui de Berne, no-

tamment en raison des nombreuses erreurs et imprécisions
émaillant l'expertise de l'IML.

Statuant par arrêt du 12 janvier 2000, la Chambre
pénale a rejeté la demande de compléments de preuve
présentée
hors délai par le prévenu. Elle n'a pas donné d'autre suite
à
l'action pénale dirigée contre X.________ pour avoir circulé
le 6 avril 1997 entre Corcelles et Eschert avec un véhicule
ne répondant pas aux prescriptions, par suite de prescrip-
tion. Elle l'a en outre libéré des préventions de conduite
en
étant pris de boisson, entre Eschert et Evilard, et de tenta-
tive de soustraction à une prise de sang. Elle l'a en revan-
che déclaré coupable de violation grave d'une règle de la
circulation pour avoir perdu la maîtrise de son véhicule,
roulé à gauche d'une ligne de sécurité et conduit en étant
pris de boisson, le 6 avril 1997 entre Corcelles et Eschert.
Elle l'a condamné en conséquence à une peine de vingt jours
d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à une
amende
de 7'000 fr. Se basant sur le résultat des analyses de l'ex-
pert, elle a estimé que le prévenu avait déjà ingurgité des
quantités importantes d'alcool avant le trajet et qu'il
n'avait pas consommé ultérieurement autant de whisky qu'il
ne
l'avait prétendu. Retenant la version la plus favorable à
l'accusé, elle a admis que X.________ avait bu trois
whiskies
à Evilard, représentant au total 1,2 dl, conformément aux
déclarations faites à l'instruction, et qu'il présentait un
taux d'alcool dans le sang d'environ 1,3 g o/oo lors du tra-
jet de Corcelles à Eschert, suivant les conclusions de l'ex-
pertise du 22 novembre 1999. Elle a par ailleurs considéré
que le taux d'alcool dans le sang du prévenu était vraisem-
blablement descendu au-dessous de 0,8 g o/oo lors du second
trajet de Corcelles à Evilard et que celui-ci devait être
libéré de la prévention de conduite en étant pris de boisson
sur ce point.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler ce
jugement.
Il voit une violation de son droit d'être entendu consacré à
l'art. 29 al. 2 Cst. dans le refus non motivé de donner
suite
à sa requête d'expertise. Il reproche à la cour cantonale
d'avoir violé la présomption d'innocence ancrée à l'art. 32
Cst. en le condamnant pour ivresse au volant sur la base
d'expertises émaillées d'erreurs et d'imprécisions.

La cour cantonale se réfère aux considérants de son
jugement. Le Président 1 de l'arrondissement judiciaire I de
Courtelary-Moutier-La Neuveville et le Procureur général
n'ont pas déposé d'observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
I 81 consid. 1 p. 83; 126 III 274 consid. 1 p. 275 et les
arrêts cités).

a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pé-
nale du Tribunal fédéral ne peut être formé que pour viola-
tion du droit fédéral, à l'exception de la violation directe
d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF). Il n'est
en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation
arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en
découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts ci-
tés) ou pour invoquer la violation directe d'un droit cons-
titutionnel ou conventionnel (ATF 120 IV 113 consid. 1a p.
114), tel que la maxime "in dubio pro reo" consacrée aux
art.
32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH (ATF 120 Ia 31 consid. 2b p.
35/36). Au vu des arguments soulevés, seule la voie du re-
cours de droit public est ouverte en l'espèce.

b) Le recourant est directement touché par le juge-
ment attaqué qui le condamne à une peine de vingt jours d'em-
prisonnement avec sursis pendant deux ans et à une amende de
7'000 fr.; il a un intérêt personnel, actuel et
juridiquement
protégé à ce que ce jugement soit annulé et a, partant, qua-
lité pour recourir selon l'art. 88 OJ.

Le recours a été formé en temps utile contre une dé-
cision finale rendue en dernière instance cantonale. Il ré-
pond donc aux exigences des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1
OJ,
de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.

2.- Le recourant voit une violation de son droit
d'être entendu dans le refus non motivé de donner suite à sa
requête d'expertise. Il ne se plaint pas à ce propos de la
violation d'une norme du droit cantonal de procédure, de sor-
te que le mérite de son grief doit être examiné au regard de
l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les
arrêts cités).

a) Les parties à une procédure judiciaire ou admi-
nistrative ont le droit d'être entendues en vertu de l'art.
29 al. 1 Cst. Cela inclut le droit de s'expliquer avant
qu'une décision ne soit prise à leur détriment, de fournir
des preuves quant aux faits de nature à influer sur la déci-
sion, d'avoir accès au dossier, de participer à l'adminis-
tration des preuves, d'en prendre connaissance et de se dé-
terminer à leur propos (cf., pour la jurisprudence rendue en
application de l'art. 4 aCst., ATF 124 I 49 consid. 3a p.
51,
241 consid. 2 p. 242; 124 V 90 consid. 4a p. 93, 180 consid.
1a p. 181, 372 consid. 3b p. 375 et les arrêts cités). Le
droit de faire administrer des preuves suppose que le fait à
prouver soit pertinent, que le moyen de preuve proposé soit
nécessaire pour constater ce fait et que la demande soit
présentée selon les formes et délais prescrits par le droit
cantonal. Par ailleurs, cette garantie constitutionnelle

n'empêche pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction
lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa
conviction et que, procédant d'une manière non arbitraire à
une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore
proposées, elle a la certitude qu'elles ne pourraient l'ame-
ner à modifier son opinion (ATF 124 I 208 consid. 4a p. 211,
241 consid. 2 p. 242; 122 II 464 consid. 4a p. 469 et les
arrêts cités). La jurisprudence du Tribunal fédéral a égale-
ment déduit du droit d'être entendu l'obligation pour le
juge
de motiver ses décisions afin que le justiciable puisse les
comprendre et exercer ses droits de recours à bon escient.
Pour satisfaire cette exigence, il suffit que le juge men-
tionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidé et sur
lesquels il a fondé sa décision. Il n'a pas l'obligation
d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et
griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se
limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour
pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 125 II 369
consid. 2c p. 372; 124 II 146 consid. 2a p. 149; 124 V 180
consid. 1a p. 181; 123 I 31 consid. 2c p. 34).

b) En l'occurrence, la Chambre pénale a rejeté la
requête de nouvelle expertise formulée par X.________ car
elle avait été présentée hors délai. Même en l'absence de
toute référence à une disposition légale ou à la décision
prise à ce propos le 26 novembre 1999, cette motivation
était
suffisante pour que le recourant puisse comprendre les rai-
sons pour lesquelles la cour cantonale avait écarté sa requê-
te et l'attaquer en conséquence, ce qui suffit à respecter
les exigences de l'art. 29 al. 2 Cst.

Par ailleurs, cette motivation résiste au grief
d'arbitraire. A l'issue de l'audience des débats du 26 novem-
bre 1999, l'autorité intimée a imparti un délai de dix jours

aux parties dès la notification de l'appel joint du
Procureur
général pour faire valoir leurs éventuels moyens de preuve.

Elle a prolongé ce délai au 17 décembre 1999 à la requête du
prévenu, qui indiquait attendre l'avis d'un expert privé sur
les constatations et les déductions faites par l'IML dans
cette affaire. X.________ n'a toutefois pas produit le do-
cument auquel il faisait allusion dans ce délai, pas plus
qu'il n'a sollicité la prolongation de celui-ci, comme il
aurait pu et dû le faire selon l'art. 75 al. 1 du Code de
procédure pénale bernois (CPP bern.). Il a au contraire for-
mulé sa requête d'expertise le 10 janvier 2000, soit deux
jours avant l'audience de débats. Dans ces conditions et en
l'absence d'un droit inconditionnel à une surexpertise décou-
lant de l'art. 141 OAC ou du droit de procédure cantonal
(cf.
ATF 103 IV 270 consid. 2a p. 272; art. 135 CPP bern.), la
cour cantonale n'a pas violé le droit d'être entendu du re-
courant en considérant que la requête de nouvelle expertise
avait été présentée hors délai et en refusant d'y donner
suite pour ce motif.

3.- Le recourant reproche à la cour cantonale
d'avoir violé le principe de la présomption d'innocence
ancré
à l'art. 32 Cst. et la maxime "in dubio pro reo" en le con-
damnant pour ivresse au volant sur la base d'expertises
émaillées d'erreurs et d'imprécisions.

a) L'art. 307 CPP bern. prévoit que le tribunal ap-
précie les preuves administrées au cours des débats et rend
son jugement d'après la conviction qu'il a acquise librement
lors des débats et compte tenu du dossier. Le droit cantonal
de procédure ne fixe donc pas la force probante des preuves,
le juge ayant seulement l'obligation de motiver, dans sa dé-
cision, en quoi elles ont eu pour effet d'emporter sa convic-
tion (cf. Gérard Piquerez, Procédure pénale suisse, Zurich
2000, n. 1941 et 1944, p. 408/409). Cette liberté d'apprécia-
tion, dans l'exercice de laquelle le juge dispose d'une gran-
de latitude (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 115 Ib 446
consid. 3a p. 450; 112 Ia 369 consid. 3 p. 371), trouve sa

limite dans l'interdiction de l'arbitraire (ATF 124 IV 86
consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2d p. 38; 118 Ia 28
consid. 1b p. 30; 116 Ia 85 consid. 2b p. 88 et les arrêts
cités). Le Tribunal fédéral n'intervient que si le juge a
abusé de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il admet ou nie
un
fait pertinent en se mettant en contradiction évidente avec
les pièces et éléments du dossier, lorsqu'il méconnaît des
preuves pertinentes ou qu'il n'en tient arbitrairement pas
compte, lorsque les constatations de fait sont manifestement
fausses ou encore lorsque l'appréciation des preuves se ré-
vèle insoutenable (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 118 Ia 28
consid. 1b p. 30; 117 Ia 133 consid. 2c p. 39, 292 consid.
3a
p. 294).

Concernant plus particulièrement l'appréciation du
résultat d'une expertise, le juge n'est en principe pas lié
par ce dernier. Mais s'il entend s'en écarter, il doit moti-
ver sa décision et ne saurait, sans motifs déterminants,
substituer son appréciation à celle de l'expert, sous peine
de verser dans l'arbitraire. En d'autres termes, le juge qui
ne suit pas les conclusions de l'expert, n'enfreint pas
l'art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien établies vien-
nent en ébranler sérieusement la crédibilité (ATF 122 V 157
consid. 1c p. 160; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144
consid. 1c p. 146 et les arrêts cités). Si, en revanche, les
conclusions d'une expertise judiciaire lui apparaissent dou-
teuses sur des points essentiels, il doit recueillir des
preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes.
A
défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il
pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves
et
violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146). Par
ailleurs, lorsque la responsabilité d'un accusé doit être ap-
préciée en fonction de deux ou plusieurs expertises qui di-
vergent entre elles sur des points importants, celles-ci ne
bénéficient plus du crédit qui est attaché aux avis
d'experts

et qui interdit au juge de s'en écarter sans motifs détermi-
nants (ATF 107 IV 7 consid. 5 p. 8).

La présomption d'innocence consacrée par les art. 32
al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH se rapporte tant à l'appréciation
des preuves qu'au fardeau de la preuve. Dans la mesure où
l'appréciation des preuves est critiquée en référence avec
la
présomption d'innocence, celle-ci n'a pas une portée plus
large que l'interdiction de l'arbitraire découlant de l'art.
9 Cst. La maxime "in dubio pro reo" est violée lorsque l'ap-
préciation objective de l'ensemble des éléments de preuve
laisse subsister un doute sérieux et insurmontable quant à
la
culpabilité de l'accusé; il ne doit pas s'agir de doutes
abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles parce
qu'une certitude absolue ne peut être exigée (ATF 124 IV 86
consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e et 4b p. 38 et 40).

b) Il est exact que la version des faits retenue par
la Chambre pénale selon laquelle X.________ aurait consommé
trois whiskies de 4 cl chacun à Evilard n'est pas celle qui
lui est la plus favorable, puisque le recourant a déclaré,
lors de son audition devant la police cantonale, le 6 avril
1997, avoir bu trois whiskies équivalant selon son
estimation
à 2,5 dl. Cela ne signifie pas encore que la cour cantonale
aurait violé la présomption d'innocence en ne retenant pas
cette version des faits et que le jugement attaqué devrait
être annulé pour ce motif.

Les juges d'appel ont en effet considéré que le re-
courant ne pouvait pas avoir ingéré du whisky
postérieurement
aux faits incriminés dans les quantités qu'il avait indi-
quées. Ils se sont fondés à cet égard sur les conclusions de
l'expertise effectuée le 28 septembre 1998 par l'IML, selon
lesquelles la concentration d'alcool mesurée dans le sang du
prévenu à 14h11 ne pouvait correspondre à l'ingestion de 2,5
dl de whisky que s'il était fait abstraction de la
résorption

d'alcool intervenue entre le début de la consommation et la
prise de sang. Ils se sont également basés sur l'absence de
toute trace de methyl-butanol dans le sang, alors qu'il
s'agit d'une composante essentielle du whisky, ainsi que sur
la concentration en iso-butanol nettement inférieure aux
valeurs escomptées en cas d'absorption d'une telle dose de
whisky. Le recourant ne conteste pas le résultat des
analyses
de sang ni les conséquences que l'expert en a tirées sur sa
consommation ultérieure d'alcool. Les critiques qu'il
adresse
aux expertises de l'IML portent en effet sur d'autres
points,
de sorte que la Chambre pénale pouvait sans arbitraire consi-
dérer que le recourant n'avait pas bu 2,5 dl de whisky pos-
térieurement aux faits incriminés, sur la base de ces élé-
ments, et ne pas prendre en considération la détermination
de
l'alcoolémie du 8 octobre 1997, fondée sur une telle consom-
mation de whisky.

Il n'y a pas lieu d'examiner si l'autorité intimée a
retenu arbitrairement une consommation ultérieure de whisky
de 1,2 dl car elle s'est de toute manière écartée du rapport
d'expertise du 20 août 1997 fondé sur une telle consommation
d'alcool, pour finalement admettre que le recourant présen-
tait une alcoolémie minimale de 1,3 g o/oo au moment des
faits incriminés, conformément à l'expertise du 22 novembre
1999. Même si l'expert n'indique pas précisément la manière
dont il est parvenu à ce chiffre, l'autorité intimée n'a pas
fait preuve d'arbitraire en admettant que celui-ci pouvait
se
déduire du taux d'alcool dans le sang mesuré le 6 avril 1997
à 14h11 et des résultats des analyses de sang, qui excluent
de manière claire une consommation ultérieure d'alcool dans
les proportions indiquées par le recourant.

Les erreurs et les imprécisions relevées par le re-
courant sont au surplus impropres à remettre en cause cette
appréciation. Il est exact que l'expertise du 22 novembre
1999 ne prend pas en considération le whisky qu'Eric Jean-

maire a bu en début de soirée, entre 18h30 et 20h00. Toute-
fois, compte tenu de la quantité minime d'alcool ingérée et
du temps de résorption, l'influence de cette consommation
sur
le taux d'alcool dans le sang prélevé le lendemain à 14h11
est nulle. Cette omission n'a donc pas eu d'influence sur le
résultat de l'expertise et n'est pas de nature à mettre en
doute les conclusions de l'expert.

Il en va de même de l'écart anormalement élevé cons-
taté entre les résultats du test d'haleine effectué au poste
de police, à 13h42, et de la prise de sang opérée à 14h11.
Il
n'était en effet pas arbitraire, mais au contraire conforme
à
la loi, de s'en tenir au résultat de la prise de sang, corro-
boré par la seconde prise de sang effectuée une demie heure
plus tard, plutôt qu'à celui du test d'haleine (cf. art. 138
al. 1 OAC; Thomas Sigrist, Zum Nachweis der
Fahrungsfähigkeit
wegen Angetrunkenheit - Atemtest versus Blutalkoholbestim-
mung, AJP 1996 p. 1111). Quant à la faute d'ordinateur évo-
quée pour expliquer les corrections manuscrites apportées à
la détermination du taux d'alcool dans le sang opérée les 20
août et 8 octobre 1997, elle est sans incidence sur l'issue
du litige puisque l'autorité intimée ne s'est pas fondée sur
ces documents pour déterminer l'alcoolémie du recourant aux
moments des faits, mais sur l'expertise du 22 novembre 1999.

Le recourant prétend que l'interprétation de l'ex-
pert selon laquelle la prise de sang aurait dû amener à une
alcoolémie de 1 g o/oo s'il avait effectivement bu 2,5 dl de
whisky après les faits incriminés reposerait sur la prémisse
erronée que quatre heures s'étaient écoulées entre le début
de la consommation des trois whiskies et la prise de sang.
La
Chambre pénale a tenu compte de cette erreur, induite au de-
meurant par les premières déclarations du recourant, mais
elle a considéré que celle-ci ne portait pas à conséquence
et
que les conclusions de l'expert étaient encore valables,
compte tenu d'une période de résorption de trois heures et

trente minutes. Le recourant ne tente nullement de démontrer
le caractère arbitraire de cette appréciation comme il lui
appartenait de le faire en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ
(cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495). Sur ce point, le re-
cours est irrecevable.

Il est exact que les expertises de l'IML ne prennent
pas en considération l'ingestion d'une petite quantité de
vin
rouge destiné à la préparation de la sauce du repas de midi.
L'autorité intimée a toutefois considéré, dans une
motivation
dont le recourant ne cherche pas à démontrer le caractère
arbitraire et à laquelle l'on peut sans autre renvoyer, que
le fait d'avoir goûté le vin destiné à la sauce, puis la
sauce elle-même, n'avait eu qu'une influence négligeable sur
l'alcoolémie retenue et n'était pas de nature à remettre en
cause l'évaluation de l'expert. Les différences notables
entre les valeurs escomptées évoquées dans l'expertise du 25
juillet 1997, d'une part, et dans celles du 28 septembre
1998
et du 22 novembre 1999, d'autre part, s'expliquent par le
fait que ces données varient selon la quantité d'alcool ingé-
rée. Enfin, la Chambre pénale pouvait sans arbitraire accor-
der plus de poids à l'expertise du 22 novembre 1999 qu'à
l'appréciation de A.________ ou de Y.________ quant à l'état
du recourant, lorsqu'il a quitté Corcelles, respectivement
lorsqu'il est arrivé à Evilard.

c) En définitive, le recourant ne parvient pas à
démontrer que sa condamnation reposerait sur une
appréciation
arbitraire des preuves ou qu'un examen objectif de
l'ensemble
des éléments de la cause aurait dû inciter la cour cantonale
à douter de sa culpabilité au point que sa condamnation se-
rait contraire à la présomption d'innocence.

4.- Le recours doit par conséquent être rejeté aux
frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y
a
pas lieu à l'octroi de dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 4'000 fr.;

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Président 1 de l'arrondissement judi-
ciaire I de Courtelary-Moutier-La Neuveville, au Procureur
général et à la IIème Chambre pénale de la Cour suprême du
canton de Berne.

Lausanne, le 29 septembre 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.447/2000
Date de la décision : 29/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-29;1p.447.2000 ?
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