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29/09/2000 | SUISSE | N°1P.404/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2000, 1P.404/2000


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1P.404/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat à
Porrentruy,

contre

l'arrêt rendu le 22 mai 2000 par la Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton du Jura, dans

la cause qui oppose le re-
courant à O.________, représenté par Me Alain Schweingruber,
avocat à Delémont;

(procé...

«»

1P.404/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, représenté par Me Hubert Theurillat, avocat à
Porrentruy,

contre

l'arrêt rendu le 22 mai 2000 par la Cour pénale du Tribunal
cantonal du canton du Jura, dans la cause qui oppose le re-
courant à O.________, représenté par Me Alain Schweingruber,
avocat à Delémont;

(procédure pénale; appréciation des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Circulant le 23 mai 1998, vers 12h30, des
Rangiers en direction de Porrentruy, B.________ a obliqué à
gauche pour se garer sur une place de parc située devant le
restaurant du Lion d'Or, à Cornol, perpendiculairement à
l'axe de la chaussée. Presqu'au même moment, O.________, qui
était arrêté sur l'aire de stationnement de l'établissement
pour déposer ses passagers, a reculé en tournant à gauche,
pour entrer dans cette place de parc. Les deux véhicules se
sont alors heurtés, l'angle avant gauche de la voiture pilo-
tée par O.________ touchant la portière gauche de l'automo-
bile de B.________.

Ce dernier a déclaré à la police cantonale juras-
sienne qu'en arrivant sur la place de stationnement, une
voiture s'était mise à reculer dans celle-ci, de sorte qu'il
s'était aussitôt arrêté et avait klaxonné, faute de pouvoir
revenir en arrière sur la route qu'il venait de quitter. Il
a
confirmé cette déclaration lors d'une première audience de-
vant le Tribunal du district de Porrentruy, en précisant que
O.________ était d'abord "arrêté sur la place de parc paral-
lèlement à la route". Lors d'une deuxième audience devant
cette juridiction, il a indiqué qu'il ne se souvenait pas
s'il avait vu le véhicule de O.________ arrêté, en relevant
que lui-même était entré lentement dans la place de parc,
assez large pour deux véhicules, et qu'il avait alors été
heurté par l'automobiliste qui reculait. Celui-ci a affirmé
avoir effectué la marche arrière en ligne droite sur environ
huit mètres, sans voir B.________, avant de s'engager dans
la
place de stationnement et de se trouver "appuyé" contre son
véhicule.

B.- Par ordonnance de condamnation du 10 juin 1998,
le Procureur général du canton du Jura a infligé une amende
de 100 fr. à B.________ pour avoir gêné un automobiliste qui
effectuait une manoeuvre de stationnement en marche arrière,
en application des art. 26 al. 1 et 90 ch. 1 LCR. Le contre-
venant a formé opposition en temps utile. Le 20 janvier
1999,
il a de plus déposé plainte pénale contre O.________ pour
violation des art. 36 al. 4 et 90 ch. 1 LCR. Le Ministère
public du canton du Jura a ouvert l'action publique contre
ce
dernier, par renvoi au juge unique. A l'audience du 4 novem-
bre 1999, le Président II du Tribunal du district de Por-
rentruy a ordonné la jonction des deux procédures, à l'issue
desquelles il a condamné, par jugement du 18 novembre 1999,
B.________ à 100 fr. d'amende pour avoir gêné un automobi-
liste qui effectuait une manoeuvre de stationnement en
marche
arrière en application des art. 26 al. 1 et 90 ch. 1 LCR, et
O.________ à 50 fr. d'amende pour avoir effectué une marche
arrière sans prendre toutes les précautions voulues et avoir
heurté un véhicule, en vertu des art. 36 al. 4 et 90 ch. 1
LCR.

O.________ n'a pas contesté ce jugement. B.________
s'est en revanche pourvu en nullité devant la Cour pénale du
Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: la Cour
pénale
ou la cour cantonale) le 29 novembre 1999. Par arrêt du 22
mai 2000, cette juridiction a rejeté le pourvoi et confirmé
le jugement de première instance, après avoir recueilli les
déterminations de O.________. Elle a retenu en substance que
le Président II du Tribunal du district de Porrentruy
n'avait
pas procédé à une appréciation manifestement fausse ou insou-
tenable des faits et qu'il n'avait pas violé l'art. 290 al.
1
du Code de procédure pénale jurassien (CPP jur.), relatif à
l'extension des poursuites pénales devant le juge unique.
Elle a alloué une indemnité de 629.95 fr. à O.________ à ti-
tre de dépens, à la charge de B.________.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 8 et 9 Cst., ce dernier demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par la Cour pénale
le 22 mai 2000. Il prétend que cette autorité aurait violé
les règles essentielles de la procédure en considérant
O.________ comme partie à la procédure de pourvoi en nullité
et en lui allouant des dépens. Il voit en outre une
violation
de son droit d'être entendu dans le fait que la juridiction
cantonale n'a pas sanctionné l'atteinte que le Président II
du Tribunal du district de Porrentruy aurait portée à l'art.
290 al. 1 CPP jur. en omettant de le rendre attentif à une
éventuelle application de l'art. 26 al. 2 LCR. Il dénonce
enfin une appréciation arbitraire des faits.

La Cour pénale, le Substitut du Procureur général du
canton du Jura et O.________ concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
I 81 consid. 1 p. 83; 126 III 274 consid. 1 p. 275 et les
arrêts cités).

a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pé-
nale du Tribunal fédéral ne peut être formé que pour viola-
tion du droit fédéral, à l'exception de la violation directe
d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF). Il n'est
en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une appréciation
arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en
découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et les arrêts ci-
tés) ou pour invoquer la violation directe d'un droit cons-
titutionnel ou conventionnel (ATF 120 IV 113 consid. 1a p.

114). Au vu des arguments soulevés, seule la voie du recours
de droit public est ouverte en l'espèce.

b) Le recourant est directement touché par l'arrêt
attaqué qui confirme sa condamnation pénale à une amende de
100 fr. et l'astreint à payer à l'intimé une indemnité de
dépens de 629.95 fr.; il a un intérêt personnel, actuel et
juridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a,
partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ.

Le recours a été formé en temps utile contre une
décision finale rendue en dernière instance cantonale. Il
répond donc aux exigences des art. 86 al. 1, 87 et 89 al. 1
OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.

2.- Le recourant reproche tout d'abord à la juridic-
tion cantonale d'avoir violé les règles essentielles de la
procédure en reconnaissant la qualité de partie à la procé-
dure de pourvoi en nullité à O.________ et en lui allouant
une somme de 629.95 fr. à titre de dépens.

a) Aux termes de l'art. 41 CPP jur., ont qualité de
partie, le Ministère public, le prévenu, la partie
plaignante
et la partie civile, soit concernant ces deux dernières per-
sonnes, le lésé qui s'est constitué partie plaignante ou ci-
vile en respectant les formalités prévues aux art. 47 et 48
CPP jur. Le plaignant au sens de l'art. 28 CP, le dénoncia-
teur ou le tiers lésé par une mesure ne sont en revanche pas
des parties même si la loi leur confère certains droits
(Gérard Piquerez, Commentaire du Code de procédure pénale
jurassien, Fribourg 1993, no 4 ad art. 41, p. 155). Le Code
de procédure pénale jurassien règle les droits des parties
tout au long de la procédure, de la phase de l'instruction
au
jugement; lorsque la loi n'en décide pas autrement (cf. par
exemple, l'art. 368 CPP jur. en matière de revision), elles
peuvent emprunter les voies de recours ordinaires contre les

jugements définitifs de première instance. Ainsi, le Procu-
reur général, le prévenu, la partie plaignante et la partie
civile peuvent prendre part à la procédure d'appel, selon
les
modalités que prévoit l'art. 337 CPP jur., de même que les
personnes mentionnées à l'art. 326 ch. 3 à 5 CPP jur., bien
qu'elles ne soient pas parties à la procédure au sens de
l'art. 41 CPP jur. Sont visés le dénonciateur rendu responsa-
ble d'une indemnité ou condamné aux frais du prévenu acquit-
té, s'il a agi de mauvaise foi ou à la légère, les personnes
que le dispositif du jugement de première instance désigne
comme ayant été condamnées en qualité de parties ou de dénon-
ciateurs bien qu'elles ne fussent ni l'un ni l'autre, ainsi
que les tiers touchés par une autre mesure ordonnée dans le
jugement, telle la confiscation.

L'appel contre les jugements du juge unique n'est
pas recevable en matière de contravention (art. 324 al. 1
CPP
jur.), de sorte que seule la voie du pourvoi en nullité de-
vant la Cour pénale est ouverte lorsque le jugement viole le
droit de façon évidente ou quand il est fondé sur une appré-
ciation manifestement inexacte des pièces ou des preuves
(art. 346 ch. 5 et 350 ch. 1 CPP jur.). A teneur de l'art.
352 al. 1 CPP jur., le président de la Cour pénale
communique
un double du pourvoi en nullité aux parties adverses et,
s'il
le juge nécessaire, à la juridiction inférieure, afin
qu'elles présentent leurs observations par écrit. En vertu
de
l'art. 356 al. 1 CPP jur., les frais de l'Etat et de la par-
tie adverse sont mis à la charge du demandeur en nullité qui
succombe. La notion de partie adverse n'est cependant pas
définie de façon plus précise. Dans cette situation, il faut
considérer que peuvent prendre part à la procédure de
pourvoi
en nullité devant la Cour pénale les parties au procès au
sens des art. 41 et 326 ch. 1 et 2 CPP jur., ainsi que les
personnes énumérées à l'art. 326 ch. 3 à 5 CPP jur.

b) En l'espèce, l'accident de la circulation et les
contraventions que les deux conducteurs incriminés ont été
accusés d'avoir commises à cette occasion ont donné lieu à
deux procédures pénales distinctes que le Président II du
Tribunal du district de Porrentruy a jointes le 4 novembre
1999, en application des art. 119 al. 1 et 290 al. 1 CPP
jur.
Ainsi, B.________ était prévenu dans la première procédure
et
plaignant dans la seconde, alors que O.________ n'avait que
la qualité de prévenu dans cette dernière, dans la mesure où
il ne s'est pas constitué partie civile ou partie plaignante
dans la procédure ouverte d'office contre le recourant.

Par jugement du 18 novembre 1999, le Président II du
Tribunal du district de Porrentruy a condamné les contreve-
nants à des amendes de respectivement 100 fr. et 50 fr. pour
les faits qui leur étaient reprochés. Le jugement est devenu
exécutoire pour O.________ qui n'a déposé aucun recours à
son
encontre, alors que B.________ s'est pourvu en nullité
devant
la Cour pénale en date du 29 novembre 1999. Le 8 décembre
1999, le Président de cette juridiction a notifié un exem-
plaire du pourvoi au Procureur général et au Président II du
Tribunal du district de Porrentruy, en les invitant à présen-
ter leurs observations dans les quinze jours, observations
qu'il a communiquées au recourant, pour information, en date
du 8 février 2000. Le 15 mai 2000, il les a transmises avec
un exemplaire du pourvoi en nullité à O.________, pour que
celui-ci se détermine à leur sujet, ce qu'il a fait le jour
même où l'arrêt attaqué a été rendu.

Bien que l'intimé n'ait pas formé de pourvoi en nul-
lité contre le jugement rendu par le Président II du
Tribunal
du district de Porrentruy à son égard, il est manifeste
qu'il
aurait eu qualité pour le faire. En conséquence, il pouvait
également être tenu pour la partie adverse du prévenu qui
avait emprunté cette dernière voie de droit, suivant l'art.
351 al. 1 CPP jur. En communiquant pour observations le pour-

voi en nullité à O.________, le Président de la Cour pénale
n'est dès lors pas tombé dans l'arbitraire (cf. sur cette
notion, ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168 et les arrêts
cités).
La participation de O.________ à la procédure de pourvoi en
nullité, quand bien même il n'était pas partie au procès
pénal dirigé contre B.________ selon la définition stricte
de
l'art. 41 CPP jur., apparaît aussi non arbitraire sous l'an-
gle de l'art. 351 al. 2 CPP jur., selon lequel la Cour
pénale
peut ordonner d'office une administration des preuves. Les
explications de l'intimé pouvaient en effet servir à
élucider
l'état de fait, compte tenu de la force probante réduite
d'une déposition provenant d'une personne impliquée dans
l'accident et intéressée à l'issue du litige. Pour ces mo-
tifs, la participation de O.________ à la procédure du pour-
voi en nullité introduit par le recourant résiste au grief
d'arbitraire.

c) L'intervention de l'intimé n'implique pas encore
nécessairement le droit d'obtenir le remboursement de ses
frais d'avocat.

En ne se portant pas partie plaignante ou partie ci-
vile contre B.________, O.________ a en effet démontré qu'il
n'entendait pas être partie à la procédure pénale dirigée
contre celui-ci, avec la possibilité de ne pas être condamné
au paiement de frais et dépens, ce qui implique corrélative-
ment la perspective de ne pas obtenir une éventuelle indem-
nité à titre de dépens. La situation de l'intimé, qui était
à
l'origine entendu en qualité de témoin avant que le
recourant
ne dépose contre lui une plainte pénale qui a abouti à la
condamnation à une amende de 50 fr. dans la procédure
connexe
jointe et terminée par le prononcé du jugement de première
instance du 18 novembre 1999, est assimilable à celle du dé-
nonciateur ou du
tiers intéressé dans une procédure de re-
cours à une autorité de surveillance. Ceux-ci ont la
faculté,
mais non pas le droit, de prendre position dans une telle

procédure et de participer à son instruction, sans revêtir
la
qualité de partie. En de telles circonstances, le tiers in-
téressé non partie à la procédure ne prend aucun risque en
ce
qui concerne les frais et ne peut pas davantage bénéficier
de
l'allocation de dépens, au cas où l'argumentation qu'il sou-
tient serait admise totalement ou partiellement par l'auto-
rité de surveillance (ATF 102 Ib 81 consid. 3 p. 84; ZBl
86/1985 p. 91 consid. 7).

Toutefois, le Code de procédure pénale jurassien,
qui prévoit la participation à la procédure de pourvoi en
nullité en faveur de tiers qui ne sont pas parties à la pro-
cédure (art. 326 ch. 3 à 5 CPP jur.), ne définit pas les
conditions dans lesquelles les personnes doivent être trai-
tées sous l'angle des frais de justice. Cette question
relève
de l'appréciation des juges cantonaux que le Tribunal
fédéral
ne revoit que sous l'angle restreint de l'arbitraire, au
même
titre que la question de savoir si un particulier peut ou
non
bénéficier de la qualité de partie, en l'absence de disposi-
tion spécifique à cet égard (cf. arrêt du 31 octobre 1980 en
la cause W. contre Tribunal administratif du canton de
Genève, consid. 3 reproduit à la SJ 1981 p. 573).

Dans le cas présent, soit en application de l'art.
326 ch. 4 ou 5 CPP jur. ou de l'art. 351 al. 2 CPP jur., la
Cour pénale avait des raisons suffisantes pour associer
O.________ à la procédure de pourvoi en nullité, dès lors
que
sa prise de position pouvait apporter des éclaircissements
utiles sur les faits reprochés au recourant et contestés par
celui-ci. La position défendue par l'intimé ayant finalement
été retenue par la Cour pénale, il n'était pas arbitraire de
lui allouer des dépens à la charge du recourant en applica-
tion de l'art. 356 al. 1 CPP jur. (cf. Felix Huber, Die Bei-
ladung insbesondere im Zürcher Baubewilligungsverfahren, in
ZBl 90/1989 p. 233 ss, notamment p. 260), et ceci même si la
solution inverse était également soutenable.

3.- Le recourant invoque ensuite la violation des
art. 290 al. 1 et 294 al. 3 CPP jur., qui reprennent le prin-
cipe de l'accusation sur le plan cantonal, et une atteinte à
son droit d'être entendu.

a) Composante du droit d'être entendu découlant de
l'art. 29 al. 2 Cst., le principe de l'accusation implique
que le prévenu sache exactement les faits qui lui sont impu-
tés et quelles sont les peines et mesures auxquelles il s'ex-
pose, afin qu'il puisse s'expliquer et préparer efficacement
sa défense (ATF 126 I 19 consid. 2a p. 21 et les références
citées). Une condamnation fondée sur un état de fait diffé-
rent de celui qui figure dans l'acte d'accusation, ou sur
des
dispositions légales différentes, viole le principe d'immuta-
bilité du procès, donc le droit d'être entendu du prévenu,
si
l'acte d'accusation n'a pas été complété ou modifié d'une ma-
nière suffisante en temps utile au cours de la procédure,
l'accusé en ayant été informé de façon à pouvoir présenter
ses observations et organiser sa défense (ATF 116 Ia 455 con-
sid. 3cc p. 458).

Ces principes sont concrétisés en droit jurassien
aux art. 290 al. 1 et 294 al. 1 et 3 CPP jur. En substance,
toute nouvelle infraction, ou autre qualification pénale de
l'infraction retenue, doivent être portées à la connaissance
de l'inculpé, afin qu'il soit en mesure de faire valoir ses
observations. Appliquant ces principes au domaine de la cir-
culation routière, la jurisprudence cantonale estime qu'il
n'y a pas lieu de se montrer trop strict et que, lorsque les
débats révèlent la violation d'autres règles de la circula-
tion que celles primitivement dénoncées, celles-la sont rete-
nues si elles entraînent la même sanction pénale, soit
l'art.
90 al. 1 LCR, et si elles s'inscrivent normalement dans le
contexte de l'accident en cause, par exemple les divers ali-
néas d'un même article.

b) En l'espèce, la cour cantonale pouvait sans arbi-
traire considérer qu'une extension des poursuites au sens de
l'art. 290 al. 1 CPP jur. n'était pas nécessaire, puisque
les
comportements réprimés tant par l'alinéa 1 que par l'alinéa
2
de l'art. 26 LCR tombaient sous le coup de la même sanction
pénale prévue à l'art. 90 ch. 1 LCR. Formellement
d'ailleurs,
la poursuite, de même que le dispositif des jugements canto-
naux successifs, sont fondés exclusivement sur l'art. 26 al.
1 LCR, quand bien même le premier juge, ainsi que la Cour
pénale, ont pris en considération l'art. 26 al. 2 LCR, soit
la règle de prudence spéciale à l'égard d'un conducteur dont
il apparaît qu'il va se comporter de manière incorrecte.

L'état de fait à la base de l'application de l'art.
26 al. 1 ou 2 LCR étant strictement le même, ainsi que la
peine passible fixée par l'art. 90 ch. 1 LCR, il était soute-
nable d'évoquer cet art. 26 al. 2 LCR, tant qu'il est vrai
qu'à teneur de l'art. 294 al. 2 CPP jur., le juge n'est pas
lié par la qualification retenue à l'origine, dans l'acte de
renvoi, pour le fait incriminé. Cette solution est du reste
conforme à la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en ap-
plication de l'art. 4 aCst., qui permet à l'autorité de ne
pas donner aux parties l'occasion de se prononcer spéciale-
ment sur l'argumentation juridique qu'elle envisage de rete-
nir, sauf lorsqu'elle prévoit de fonder sa décision sur une
norme ou une considération juridique qui n'a pas été évoquée
au cours de la procédure, notamment parce qu'aucune des par-
ties ne s'en est prévalue ou ne pouvait en supputer la per-
tinence dans le cas litigieux (ATF 124 I 49 consid. 3c p.
52;
123 I 63 consid. 2d p. 69; RDAT 1998 I no 91 p. 357 consid.
3c; arrêt de la CourEDH dans la cause Higgins et autres c.
France, du 19 février 1998, Rec. 1998 I p. 44 ss, p. 60 §
42).

Vu les faits rappelés plus haut, et notamment la
donnée objective que constitue le point de choc des deux

véhicules, de nature à démontrer que O.________ était déjà
passablement avancé dans sa manoeuvre de marche arrière sans
précaution, l'application de l'art. 26 al. 2 LCR était parfa-
itement raisonnable et n'apparaissait pas comme une surprise
pour le recourant, qui devait envisager une telle
éventualité
pour l'organisation de sa défense. La Cour pénale n'a donc
commis aucune violation du droit d'être entendu en considé-
rant que le juge de première instance n'était pas, dans le
cas particulier, obligé d'attirer l'attention du prévenu sur
l'application éventuelle de l'art. 26 al. 2 LCR.

Le moyen tiré de la violation du principe de l'accu-
sation et du droit d'être entendu doit en conséquence être
écarté.

4.- Le recourant se plaint enfin d'une appréciation
arbitraire des faits.

a) Le Code de procédure pénale jurassien ne fixe pas
la force probante des preuves, de sorte qu'il appartient au
juge de motiver, dans sa décision, en quoi les preuves admi-
nistrées ont eu pour effet d'emporter sa conviction (cf.
Gérard Piquerez, Procédure pénale suisse, Zurich 2000, p.
408/409). Cette liberté d'appréciation, fondée sur l'art.
293
CPP jur., dans l'exercice de laquelle le juge dispose d'une
grande latitude (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 115 Ib 446
consid. 3a p. 450; 112 Ia 369 consid. 3 p. 371), trouve sa
limite dans l'interdiction de l'arbitraire (ATF 120 Ia 31
consid. 2d p. 38; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 116 Ia 85
consid. 2b p. 88 et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral
n'intervient que si celui-ci a abusé de ce pouvoir, en par-
ticulier lorsqu'il admet ou nie un fait pertinent en se met-
tant en contradiction évidente avec les pièces et éléments
du
dossier, lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou
qu'il
n'en tient arbitrairement pas compte, lorsque les constata-
tions de fait sont manifestement fausses ou encore lorsque

l'appréciation des preuves se révèle manifestement insoute-
nable (ATF 124 I 208 consid. 4 p. 211 et les arrêts cités).

Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé
contre une décision prise en dernière instance cantonale par
une autorité qui statuait elle-même sous l'angle restreint
de
l'arbitraire, le Tribunal fédéral examine librement si c'est
à tort que cette autorité a écarté ce grief et, de ce fait,
a
elle-même enfreint l'interdiction de l'arbitraire, question
qu'il lui appartient d'élucider à la seule lumière des
griefs
soulevés dans l'acte de recours (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc
p. 494/495).

b) La Cour pénale a estimé que le juge de première
instance avait apprécié les faits d'une manière ne
paraissant
pas manifestement fausse ou insoutenable, sur la base des dé-
clarations différentes des parties, des éléments établis ou
admis et des "calculs logiques et rationnels" permettant de
mieux appréhender le déroulement des faits. En confirmant
ainsi le jugement du Président II du Tribunal de district de
Porrentruy, la cour cantonale n'est pas elle-même tombée
dans
l'arbitraire. En effet, il ressort de la seule constatation
matérielle que constitue le point de choc entre les deux
véhicules, que la voiture de l'intimé était déjà engagée
dans
la place de parc et que, dans les secondes qui ont précédé
le
choc, le recourant, au moment où il tournait à gauche,
devait
voir le véhicule de l'autre partie reculant en direction du
lieu de stationnement. Il n'est donc pas insoutenable d'ad-
mettre que, par son comportement, B.________ a gêné la ma-
noeuvre de stationnement effectuée par O.________, même si
ce
dernier ne s'est pas rendu compte de sa présence, à tort, et
a de ce fait commis une faute concomitante en accomplissant
sa marche arrière sans précaution.

Le grief d'une appréciation arbitraire des faits
doit ainsi être écarté.

5.- Le recours doit par conséquent être rejeté aux
frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Ce der-
nier versera en outre une indemnité de 500 fr. à titre de dé-
pens à l'intimé O.________ qui obtient gain de cause avec
l'assistance d'un homme de loi (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Dit que le recourant versera à l'intimé
O.________ une indemnité de 500 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Procureur général et à la Cour pénale
du Tribunal cantonal du canton du Jura.

Lausanne, le 29 septembre 2000
PMN/col
Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.404/2000
Date de la décision : 29/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-29;1p.404.2000 ?
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