La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2000 | SUISSE | N°1P.328/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2000, 1P.328/2000


«»
1P.328/2000/VIZ

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
********************************************

29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les juges Aemisegger, président,
Favre et Mme Pont Veuthey, juge suppléante.
Greffier: M. Thélin.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, à Neuchâtel, représenté par Me Daniel Perdrizat,
avocat à Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 19 avril 2000 par le Tribunal administratif
d

u canton de Neuchâtel;

(résiliation des rapports de service)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s ...

«»
1P.328/2000/VIZ

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
********************************************

29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les juges Aemisegger, président,
Favre et Mme Pont Veuthey, juge suppléante.
Greffier: M. Thélin.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, à Neuchâtel, représenté par Me Daniel Perdrizat,
avocat à Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 19 avril 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel;

(résiliation des rapports de service)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par arrêté du 4 juillet 1984, le Conseil d'Etat du
canton de Neuchâtel a nommé A.________, né en 1950, en qua-
lité de professeur ordinaire de linguistique générale à
l'Université de Neuchâtel.

Dès septembre 1997, le doyen de la faculté des lettres
lui a fait part de critiques provenant de son entourage,
concernant son enseignement et son comportement; on le soup-
çonnait d'avoir un important problème de santé et d'être dé-
pendant de l'alcool. Dans une lettre qu'il lui adressait le
5 février 1998, le doyen insistait sur la gravité de la si-
tuation, qui semblait entraîner, avec d'autres facteurs, le
désintérêt des étudiants pour la linguistique générale; il
énonçait les manquements qui lui étaient reprochés et il lui
recommandait, dans un premier temps, de faire établir un bi-
lan de santé. Le professeur A.________ a alors remis un cer-
tificat médical ainsi libellé, daté du 20 février 1998:

"Le médecin soussigné atteste que [...] Monsieur
A.________ se déclare d'accord d'envisager un traite-
ment ambulatoire.

"A condition de respecter les prescriptions faites, mon
patient devrait pouvoir assumer les charges profes-
sionnelles sans interruption de travail pour maladie."

Un nouveau certificat médical, établi le 28 août 1998,
a attesté que le patient suivait avec régularité le traite-
ment ambulatoire entrepris. Dans l'intervalle, un rapport
d'évaluation externe daté du 10 juillet 1998, portant sur
l'ensemble des enseignements de linguistique, avait fait
état d'importantes faiblesses dans le domaine de la linguis-
tique générale.

Le 14 septembre 1998, un entretien à réuni le recteur
de l'Université, le doyen de la faculté des lettres et le
professeur A.________. D'après le procès-verbal signé par
les participants, le constat d'insuffisance dans les domai-
nes de l'enseignement, de la recherche et du comportement
était confirmé. Le recteur et le doyen ont énuméré divers
points sur lesquels l'intéressé était invité à améliorer son
attitude et ses prestations. La situation devait faire l'ob-
jet d'un nouveau rapport d'évaluation, à remettre au recteur
dans un délai d'une année; à défaut d'amélioration sensible,
le dossier serait alors transmis au Département de l'ins-
truction publique et des affaires culturelles.

Etabli par le doyen et le vice-doyen, ce rapport a été
remis le 16 juin 1999 déjà. Ses auteurs ne relevaient aucun
progrès; ils concluaient au contraire qu'une nouvelle année
académique dans les mêmes conditions serait désastreuse, et
ils insistaient sur la suspicion d'atteinte à la santé et
d'alcoolisme. Ils envisageaient que si une incapacité de
travail pouvait être établie médicalement, il serait possi-
ble de décharger l'intéressé d'une partie de ses heures
d'enseignement.

Le recteur a transmis le dossier au Département de
l'instruction publique le 9 juillet suivant. Il demandait
qu'un médecin-conseil agréé par l'Etat fût chargé de procé-
der à un examen approfondi, dont les résultats devraient
permettre de "prendre les mesures concrètes appropriées".

B.- Le chef du Département a répondu au recteur par
lettre du 18 août. Il estimait que l'on ne pourrait pas
obliger l'intéressé à se reconnaître malade ou alcoolique,
et à demander son remplacement; il fallait donc ouvrir la
procédure ordinaire de renvoi pour justes motifs. Dans ce
cadre, A.________ fut ensuite invité à prendre connaissance

du dossier, à consulter éventuellement un avocat et à dépo-
ser ses observations.

Dans un mémoire daté du 18 novembre 1999, rédigé par
son avocat, A.________ a admis qu'il existait un doute sé-
rieux sur sa capacité à accomplir son travail. Il soulevait
diverses critiques concernant la procédure; il se plaignait
notamment de l'absence d'un avertissement préalable. Pour le
surplus, il se ralliait à la proposition du recteur tendant
à un examen médical approfondi, qui permettrait d'élucider
la situation et de prescrire, le cas échéant, un traitement
approprié. Il demandait la suspension de la procédure de
renvoi tant que son inaptitude professionnelle définitive ou
durable ne serait pas établie.

Par décision du 10 janvier 2000, le Conseil d'Etat a
prononcé son renvoi pour justes motifs, avec effet au 30
avril suivant. Cette autorité retenait que son enseignement
et son comportement ne correspondaient plus aux exigences de
la fonction de professeur d'université, et qu'il n'était
sans doute plus en mesure de les améliorer.

C.- A.________ a recouru sans succès au Tribunal admi-
nistratif du canton de Neuchâtel, qui l'a débouté par un ar-
rêt rendu le 19 avril 2000.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler ce pronon-
cé. Il se plaint d'une application arbitraire des disposi-
tions cantonales sur le statut de la fonction publique. Il
joint au recours un certificat médical daté du 27 avril
2000, attestant une incapacité de travail de 50 % du 8 fé-
vrier au 26 avril 2000, puis une incapacité totale de tra-
vail dès le lendemain; il joint également la copie - en par-
tie illisible - d'une demande de rente AI établie le 9 mai
2000.

Invité à répondre, le Conseil d'Etat propose le rejet
du recours; le Tribunal administratif a renoncé à déposer
des observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Il n'est pas nécessaire d'examiner dans quelle me-
sure et à quelles conditions il est admissible, dans la pro-
cédure du recours de droit public, d'alléguer des faits et
d'offrir des preuves qui n'ont pas été soumis à l'autorité
cantonale de dernière instance. En effet, les documents pro-
duits en l'espèce n'influencent de toute façon pas l'issue
de la cause.

2.- Une décision est arbitraire, donc contraire aux
art. 4 aCst. ou 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une
norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou con-
tredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et
de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si
sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifes-
te avec la situation effective, adoptée sans motifs objec-
tifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne
suffit pas que les motifs de la décision soient insoutena-
bles; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son
résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une so-
lution différente de celle retenue par l'autorité cantonale
puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse
même préférable (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10
consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124 V 137 consid.
2b p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88).

3.- La mesure litigieuse est fondée sur l'art. 45 al. 1
de la loi neuchâteloise sur le statut de la fonction publi-
que, du 28 juin 1995 (StF neuch.), concernant le renvoi pour
"justes motifs ou raisons graves", libellé comme suit:

"Si des raisons d'inaptitude, de prestations insuffi-
santes, de manquements graves ou répétés aux devoirs
de service ou d'autres raisons graves ne permettent
plus la poursuite des rapports de service, l'autorité
qui a nommé peut ordonner le renvoi d'un titulaire de
fonction publique."

a) Le recourant ne met pas en doute qu'il soit effecti-
vement devenu inapte à l'exercice de sa fonction. Il ne con-
teste pas non plus, dans la présente instance, que les ga-
ranties du droit cantonal de procédure, préalables à une
décision de renvoi, aient été respectées. Il soutient seule-
ment que son inaptitude professionnelle a probablement une
origine médicale, et il reproche au Conseil d'Etat de ne
l'avoir pas élucidée par une expertise. Il fait valoir que
l'invalidité est une cause spécifique de cessation des rap-
ports de service, selon les art. 37 let. c et 42 StF neuch.,
et que le renvoi d'un agent public médicalement empêché de
travailler est inadmissible, en principe, aussi longtemps
que subsiste la perspective fondée d'une reprise durable de
son activité (ATF 124 II 53 consid. 1b/aa in fine p. 57).

b) L'art. 42 StF neuch. prévoit qu'en cas d'incapacité
totale de travail, les rapports de service prennent fin deux
ans après le début de celle-ci, mais au plus tard dès l'ob-
tention d'une rente AI entière. Les rapports de service
peuvent être prolongés au delà de deux ans, s'il apparaît
probable que l'agent public recouvrera une capacité de tra-
vail complète ou partielle.

D'autres dispositions, auxquelles le recourant se réfè-
re également, règlent le droit au traitement en cas d'empê-
chement de travailler pour cause de maladie ou d'accident:
le traitement complet est versé au plus pendant douze mois
d'absence, continue ou intermittente, sur une période de 720
jours; cette période se calcule rétroactivement à partir de
chaque jour d'absence pour cause de maladie ou d'accident;
en cas d'incapacité partielle de travail, elle est prolongée
"en conséquence".

Cette réglementation vise le cas ordinaire de l'agent
qui suspend entièrement son activité, s'il est affecté d'une
incapacité de travail totale, ou diminue le temps qu'il lui
consacre, s'il s'agit d'un incapacité partielle, et produit
un certificat médical afin d'établir qu'il est empêché de
travailler en raison d'une maladie ou d'un accident. La
remise de ce certificat, lorsque l'absence excède trois
jours, est d'ailleurs imposée par l'art. 16 al. 2 du règle-
ment général d'application de la loi sur le statut de la
fonction publique, du 15 janvier 1996. Conformément à l'opi-
nion du recourant, l'agent ainsi excusé ne peut pas être
renvoyé en application de l'art. 45 StF neuch., mais il doit
accepter la suspension de son traitement après douze mois
d'absence, au plus, et l'extinction des rapports de service
après deux ans.

c) Avant la décision de renvoi prise le 10 janvier
2000, hormis pour une période de quelques jours en juin
1999, le recourant n'a annoncé aucune incapacité de travail,
ni totale ni partielle, et il n'a non plus produit aucun
certificat qui fût propre à établir un empêchement d'origine
médicale; au contraire, il a longtemps affirmé qu'il était
toujours en mesure d'exercer sa fonction. Il a certes adopté
une autre attitude au cours de la procédure de renvoi, avec
son mémoire du 18 novembre 1999, mais là encore, il n'a ni
renoncé à son activité, ni remis le certificat médical qu'il

lui incombait de produire selon la disposition réglementaire
précitée. Au regard de cette situation, le Conseil d'Etat
pouvait admettre sans arbitraire que le recourant ne présen-
tait pas d'incapacité de travail totale au sens de l'art. 42
StF neuch., et qu'un renvoi pour justes motifs entrait donc
en considération si les conditions de l'art. 45 StF neuch.
étaient réalisées. Quant à l'incapacité de travail qui pa-
raît survenue après la décision de renvoi, d'après le certi-
ficat médical du 27 avril 2000, il n'est pas non plus arbi-
traire d'admettre qu'elle n'exerce aucune influence sur
l'expiration des rapports de service déjà ordonnée par cette
décision.

Pour le surplus, l'art. 45 StF neuch. peut être inter-
prété en ce sens que le renvoi pour justes motifs ne suppose
pas obligatoirement une faute de l'agent concerné, et que
cette mesure n'est pas non plus exclue lorsque l'inaptitude
professionnelle dudit agent a son origine dans une atteinte
à sa santé (voir, concernant l'alcoolisme, l'arrêt du 22
août 1994 in RDAF 1995 p. 464, consid. 1 p. 466). Le Conseil
d'Etat n'a donc pas violé le droit d'être entendu en refu-
sant l'expertise médicale que le recourant proposait dans
son dernier mémoire, puisque la preuve ainsi offerte portait
sur un fait qui n'était pas déterminant (cf. ATF 124 I 208
consid. 4a p. 211; 122 V 157 consid. 1 d p. 162).

4.- Le recours de droit public se révèle mal fondé, ce
qui entraîne son rejet; l'émolument judiciaire incombe à son
auteur.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge
du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Conseil d'Etat et au Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel.

___________

Lausanne, le 29 septembre 2000
THE

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.328/2000
Date de la décision : 29/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-29;1p.328.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award