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29/09/2000 | SUISSE | N°1P.207/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 septembre 2000, 1P.207/2000


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1P.207/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, représenté par Me Matteo Inaudi, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 28 février 2000 par la Chambre pénale du
canton de Genève, dans la cause qui oppose l

e recourant à
l'Etat de G e n è v e ;

(indemnité pour détention injustifiée)

Vu les pièces du dossier d'où res...

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1P.207/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

29 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________, représenté par Me Matteo Inaudi, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 28 février 2000 par la Chambre pénale du
canton de Genève, dans la cause qui oppose le recourant à
l'Etat de G e n è v e ;

(indemnité pour détention injustifiée)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________, ressortissant belge né en 1951, a
été arrêté à Genève le 9 janvier 1993 et placé en détention
préventive jusqu'au 1er juillet 1993, sous l'inculpation de
banqueroute simple. Il lui était reproché d'avoir participé
à
la commission d'infractions ayant conduit à la faillite de
X.________, en sa qualité de directeur général adjoint de la
société.

Par ordonnance du 14 mars 1997, le Procureur général
du canton de Genève a reconnu B.________ coupable de banque-
route simple et l'a condamné à la peine de six mois d'empri-
sonnement avec sursis pendant cinq ans. Par jugement du 19
novembre 1998, le Tribunal de police du canton de Genève l'a
acquitté des charges retenues contre lui. Statuant le 21
juin
1999 sur un appel de l'administration spéciale de la
faillite
de X.________, la Chambre pénale du canton de Genève (ci-
après, la Chambre pénale) a constaté que l'action pénale
était prescrite.

B.- Le 18 novembre 1999, B.________ a saisi cette
dernière autorité d'une requête d'indemnisation pour déten-
tion injustifiée. Il réclamait à l'Etat de Genève la somme
de
332'732 fr., soit 16'300 fr. pour la détention préventive
subie, 30'000 fr. pour tort moral, 36'432 fr. pour perte de
gain et 250'000 fr. pour ses frais d'avocat.

Par arrêt du 28 février 2000, la Chambre pénale a
rejeté la demande au motif que le requérant ne pouvait se
prévaloir d'un jugement d'acquittement définitif puisqu'en
sa
qualité d'autorité d'appel, elle s'était bornée à constater
que l'action pénale était prescrite sans se prononcer sur le
fond.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
B.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt.
Il se plaint d'une application arbitraire du droit cantonal
et d'une violation du principe de la présomption d'innocence
consacré aux art. 6 § 2 CEDH et 32 al. 1 Cst. Il prétend en
outre être au bénéfice d'un droit constitutionnel non écrit
à
l'octroi d'une indemnité pour détention injustifiée.

La Chambre pénale se réfère aux considérants de son
arrêt. Le Procureur général du canton de Genève conclut au
rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Formé en temps utile contre un arrêt rendu en
dernière instance cantonale (art. 380 al. 1 CPP gen.; cf.
arrêt du 4 août 1986 dans la cause A. contre Procureur géné-
ral du canton de Genève, consid. 1, paru à la SJ 1986 p.
603), le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1 et
89
al. 1 OJ. Le recourant, dont la démarche tend à l'obtention
d'une indemnité prévue par le droit cantonal, a qualité pour
agir au sens de l'art. 88 OJ, de sorte qu'il convient d'en-
trer en matière sur le fond.

2.- B.________ est d'avis que le refus de lui accor-
der une indemnité pour détention injustifiée serait incompa-
tible avec le principe de la présomption d'innocence
consacré
aux art. 6 § 2 CEDH et 32 al. 1 Cst. et relèverait d'une ap-
plication arbitraire de l'art. 379 al. 1 du Code de
procédure
pénale genevois (CPP gen.) suivant lequel une indemnité peut
être attribuée, sur demande, pour préjudice résultant de la
détention ou d'autres actes de l'instruction, à l'accusé qui
a bénéficié d'un non-lieu ou d'un acquittement dans la procé-
dure de jugement ou après révision.

a) Selon une jurisprudence constante, ni le droit
constitutionnel fédéral, ni le droit conventionnel n'exigent
de l'Etat qu'il indemnise les particuliers victimes d'une in-
carcération en soi licite, mais qui se révèle par la suite
injustifiée (cf. ATF 119 Ia 221 consid. 6 p. 230; 113 Ia 177
consid. 2d p. 182; 108 Ia 13 consid. 3 p. 17; 105 Ia 127 con-
sid. 2b p. 128; SJ 1998 p. 333 consid. 4a p. 338; SJ 1995 p.
285 consid. 3b p. 288; RSDIE 1998 p. 486; JAAC 1997 n° 104
p.
944; Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel
suisse,
vol. II, Berne 2000, n° 339; Gérard Piquerez, Procédure péna-
le suisse, Zurich 2000, n° 4031, p. 850; arrêt de la CourEDH
du 28 septembre 1995 dans la cause Masson et van Zon c. Pays-
Bas, Série A, vol. 327 A, § 49). Il est en revanche loisible
aux cantons d'instituer une telle garantie, dont le Tribunal
fédéral examine alors la portée sous l'angle restreint de
l'arbitraire lorsque, comme en l'espèce, elle est contenue
dans une norme de rang inférieur à la Constitution (ATF 110
Ia 156 consid. 1; 108 Ia 13 consid. 3 p. 17). Il ne s'écarte
ainsi de la solution retenue par l'autorité cantonale de der-
nière instance que si elle est insoutenable ou en contradic-
tion évidente avec la situation de fait, si elle a été adop-
tée sans motif objectif ou en violation d'un droit certain;
par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision
attaquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci
soit arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a
p. 168 et la jurisprudence citée).

b) L'art. 379 al. 1 CPP gen. réserve l'indemnisation
au lésé dont la poursuite pénale a pris fin par un acquitte-
ment ou un non-lieu. L'exigence légale d'un non-lieu ou d'un
acquittement peut sans arbitraire être comprise en ce sens
que la loi tend seulement à réparer les dommages consécutifs
à une poursuite pénale injustifiée, donc terminée par un non-
lieu ou un acquittement, tandis qu'elle n'a pas pour objet
de
réparer aussi, le cas échéant, le dommage injustifié causé
par une poursuite en elle-même légitime, le critère détermi-

nant étant ainsi le bien-fondé de la poursuite pénale (SJ
1998 p. 333 consid. 2b p. 337; cf. Louis Gaillard, L'indemni-
sation des personnes détenues ou poursuivies à tort en droit
genevois, RPS 99/1982 p. 204).

Cette exigence n'est pas réalisée en l'espèce. Le
Tribunal de police du canton de Genève a certes acquitté en
première instance le recourant des chefs d'accusation
retenus
à la charge de celui-ci. Son jugement a toutefois été déféré
par la voie de l'appel à la Chambre pénale, qui a constaté
que l'action pénale était prescrite, sans statuer sur le
fond
du litige. La survenance de la prescription avant le
prononcé
du jugement interdit de conduire la procédure pénale à son
terme et de se prononcer sur la culpabilité de la personne
qui en est l'objet (cf. Claude Rouiller, La condamnation aux
frais de justice du prévenu libéré de toute peine en rela-
tion, notamment, avec la présomption d'innocence, RSJ 1984
p.
209). Lorsque, comme en l'espèce, la prescription de
l'action
pénale intervient au cours d'une procédure d'appel dirigée
contre un jugement de première instance qui n'est pas encore
entré en force, elle empêche le juge d'examiner la valeur de
celui-ci (cf. ATF 114 IV 138 consid. 2b in fine p. 142). La
Chambre pénale ne s'étant pas prononcée sur le bien-fondé du
jugement d'acquittement rendu par le Tribunal de police, on
ne saurait donc conclure que la poursuite pénale dirigée
contre le recourant était injustifiée et, partant, que celui-
ci aurait subi un dommage qu'il conviendrait d'indemniser.

En considérant que le verdict d'acquittement rendu
par le Tribunal de police le 19 novembre 1998 n'était pas dé-
finitif et en refusant l'octroi d'une indemnité pour déten-
tion injustifiée sur la base de ce jugement, l'autorité inti-
mée n'a pas fait preuve d'arbitraire ni appliqué le droit
cantonal de procédure de manière insoutenable.

Il appartient par ailleurs aux cantons de déterminer
si la prescription de l'action pénale est un motif d'extinc-
tion du droit de condamner relevant du droit matériel ou une
règle de procédure (ATF 105 IV 7 consid. 1a p. 9). Dans la
première hypothèse, la prescription de l'action pénale doit
entraîner l'acquittement constaté dans un jugement au fond.
A
l'inverse, dans la seconde hypothèse, la décision à rendre
revêt un caractère procédural. Tel est précisément le cas du
droit genevois pour qui la prescription de l'action pénale
constitue un événement de procédure impropre à fonder un non-
lieu (cf. SJ 1990 p. 430 qui renverse la jurisprudence citée
par le recourant; voir aussi Franco del Pero, La
prescription
pénale, thèse Lausanne 1993, p. 75, et l'arrêt cité à la
note
413). Dans ces conditions, l'autorité intimée n'a pas fait
preuve d'arbitraire en considérant que l'arrêt du 21 juin
1999 par lequel elle a constaté que l'action pénale était
prescrite n'était pas assimilable à un non-lieu ou à un juge-
ment d'acquittement.

Quant aux autres griefs formulés à l'encontre de
l'arrêt attaqué, ils sont mal fondés. Le refus d'accorder au
recourant une indemnité pour sa détention provisoire en rai-
son de l'arrêt des poursuites engagées contre lui pour cause
de prescription ne s'analyse pas en une peine, ni en une me-
sure assimilable à une peine et ne viole par conséquent pas
le principe de la présomption d'innocence (cf. arrêt de la
CourEDH du 25 août 1987 dans la cause Nölkenbockhoff c.
Allemagne, Série A 123, § 40). Enfin, il n'y a pas lieu
d'examiner s'il existe un droit constitutionnel non écrit à
l'indemnisation en cas de détention injustifiée non
imputable
à un comportement fautif du prévenu, car un tel droit suppo-
serait, de l'avis même du recourant, une décision de
non-lieu
ou d'acquittement, dont celui-ci ne peut se prévaloir en
l'occurrence.

3.- Le recours de droit public doit par conséquent
être rejeté aux frais du recourant, qui succombe (art. 156
al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu à l'octroi de dépens (art. 159
al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 5'000 fr.;

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général et à la Chambre pé-
nale du canton de Genève.

Lausanne, le 29 septembre 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.207/2000
Date de la décision : 29/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-29;1p.207.2000 ?
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