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28/09/2000 | SUISSE | N°6S.288/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 septembre 2000, 6S.288/2000


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6S.288/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
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28 septembre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger,
M. Kolly et Mme Escher, Juges. Greffière: Mme Revey.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Otto Guth, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 10 avril 2000 par la Chambre pénale de
la Cour de

justice genevoise, dans la cause qui oppose le
recourant au Procureur général du canton de G e n è v e
et à l'Office ...

«»
6S.288/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

28 septembre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider, M. Wiprächtiger,
M. Kolly et Mme Escher, Juges. Greffière: Mme Revey.

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Otto Guth, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 10 avril 2000 par la Chambre pénale de
la Cour de justice genevoise, dans la cause qui oppose le
recourant au Procureur général du canton de G e n è v e
et à l'Office cantonal des personnes âgées du canton de
G e n è v e;

(art. 16 al. 1 LPC, 148 aCP: obtention illicite de
prestations complémentaires d'assurance sociale,
escroquerie)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ est arrivé en Suisse en 1975, au
bénéfice d'une autorisation d'établissement. En 1980, il
a requis de l'Office cantonal genevois des personnes
âgées l'octroi de prestations complémentaires au sens de
la loi fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations
complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité (LPC; RS 831.30). Se fondant sur son indigence
apparente, cet office lui a accordé une rente de sep-
tembre 1980 à mai 1997.

Par la suite, il s'est cependant avéré que
X.________ avait, en 1978, gagné au Tiercé français une
somme de 280'000 FF, soit 80'000 fr. à 100'000 fr. Il
avait alors versé ce montant sur un compte bancaire en
Allemagne puis, sans jamais en révéler l'existence à
l'Office cantonal des personnes âgées, l'avait transféré
en 1988 auprès de la Banque Clariden à Zurich.

B.- Inculpé d'escroquerie au préjudice de l'Of-
fice cantonal des personnes âgées, X.________ a déclaré
le 27 juin 1997 au Juge d'instruction du canton de Genève
que personne ne l'avait informé qu'il devait déclarer ses
ressources éventuelles aux organismes sociaux. Le 23 no-
vembre 1999, il a affirmé au Tribunal de police n'avoir
rempli aucun document pour obtenir les prestations de
l'Office cantonal des personnes âgées. Toutefois, une
représentante de celui-ci a soutenu au contraire devant
cette même autorité que tout requérant devait compléter
et signer un formulaire détaillé à cette fin, ajoutant
que l'assuré était informé de son obligation de déclarer
ses éléments de revenu ou de fortune.

C.- Par jugement du 7 janvier 2000, le Tribunal
de police du canton de Genève a reconnu X.________ cou-
pable d'escroquerie (art. 148 aCP) en raison des faits
susdécrits, fixant l'enrichissement illégitime y relatif
à 203'815.22 fr. Retenant en outre une infraction en ma-
tière de stupéfiants, il a condamné X.________ à dix mois
d'emprisonnement avec sursis durant quatre ans. Il a or-
donné ensuite la confiscation d'une somme de 140'000 fr.
ainsi que du montant déposé auprès de la Banque Clariden,
s'élevant alors à 250'000 fr., et a prononcé la dévolu-
tion à l'Etat d'une somme de 2'322.50 fr. représentant le
bénéfice moyen retiré par l'accusé du trafic de stupé-
fiants. Considérant par ailleurs qu'il lui était impos-
sible d'établir la somme exacte due à l'Office cantonal
des personnes âgées, le Tribunal de police a accordé à
cette autorité un délai de deux mois pour faire valoir
ses droits civils sur le montant qu'elle avait elle-même
arrêté le 7 juillet 1998 à 203'815.22 fr. au 31 juillet
1998. Enfin, il a ordonné la restitution à l'accusé des
sommes saisies excédant le montant de 207'932.72 fr.
(soit 1'795 fr. de frais de justice additionnés aux
203'815.22 fr. et 2'322.50 fr. précités).

Le 23 janvier 2000, X.________ a déféré ce juge-
ment devant la Chambre pénale de la Cour de justice du
canton de Genève. Reconnaissant s'être livré au commerce
de stupéfiants, il contestait cependant avoir commis une
escroquerie. Certes, il avait dissimulé sa fortune à
l'Office cantonal des personnes âgées, mais ses agisse-
ments relevaient uniquement de l'art. 16 al. 1 LPC, à
l'exclusion de l'art. 148 aCP. Par ailleurs, il soutenait
que les sommes confisquées à hauteur de 390'000 fr. dé-
passaient le produit des infractions retenues à sa
charge, ce qui violait selon lui l'art. 59 CP.

Statuant le 10 avril 2000, la Chambre pénale a
rejeté le recours.

Entre-temps, par décision rendue sur réclamation
de l'intéressé le 27 janvier 2000, l'Office cantonal des
personnes âgées a fixé le montant de sa créance à
205'747.47 fr. au 29 février 2000.

D.- Agissant le 3 mai 2000 par la voie du pour-
voi en nullité, X.________ demande au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt du 10 avril 2000 de la Chambre pénale.

E.- Par courriers des 3 et 27 juin 2000,
X.________ a exposé au Tribunal fédéral que les autorités
genevoises n'avaient pas encore exécuté la restitution
des sommes confisquées supérieures à 207'932.72 fr.
Disposant pour seul revenu d'une avance d'assistance
remboursable de 1'330 fr. et d'une somme de 340 fr. pour
les primes d'assurance-maladie, il sollicitait le Tribu-
nal fédéral de lui accorder l'assistance judiciaire ou
d'inviter les autorités genevoises à procéder au rem-
boursement précité.

F.- Au terme de ses observations, le Procureur
général conclut au rejet du pourvoi.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le pourvoi en nullité, qui a un caractère
cassatoire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé

que pour violation du droit fédéral et non pour violation
directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 269
PPF).

Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs
invoqués dans le pourvoi mais il ne peut aller au-delà
des conclusions (art. 277bis PPF), lesquelles doivent
être interprétées à la lumière de leur motivation;
celle-ci circonscrit donc les points litigieux que le
Tribunal fédéral peut examiner (ATF 126 IV 65 consid. 1;
124 IV 53 consid. 1; 123 IV 125 consid. 1).

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a et les arrêts
cités). Sous réserve de la rectification d'une inadver-
tance manifeste, la Cour de cassation est liée par les
constatations de fait de l'autorité cantonale (art.
277bis al. 1 PPF). Il ne peut être présenté de griefs
contre celles-ci, ni de faits ou de moyens de preuve
nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF). Le Tribunal fédéral
est également lié par les constatations d'instances infé-
rieures ou d'experts lorsque la dernière instance canto-
nale s'y réfère ou y renvoie, explicitement ou implicite-
ment. Il ne peut pas lui-même compléter l'état de fait;
il n'examine l'application du droit fédéral que sur la
base de l'état de fait retenu. Dans la mesure où l'argu-
mentation du recourant serait fondée sur des faits qui ne
sont pas constatés dans l'arrêt attaqué, il n'est pas
possible d'en tenir compte; le pourvoi en nullité est une
voie de recours qui provoque le contrôle de l'application
du droit fédéral à un état de fait arrêté définitivement
par l'autorité cantonale (ATF 126 IV 65 consid. 1 et les
arrêts cités).

2.- Selon l'art. 16 al. 1 LPC, celui qui, par
des indications fausses ou incomplètes, ou de toute autre
manière, aura obtenu d'un canton ou d'une institution
publique, pour lui-même ou pour autrui, l'octroi indu
d'une prestation au sens de la présente loi, sera puni,
à moins qu'il ne s'agisse d'un crime ou délit frappé
d'une peine plus élevée par le code pénal suisse, de
l'emprisonnement pour six mois au plus ou d'une amende de
20'000 fr. au plus. Les peines peuvent être cumulées.

Cette disposition indiquant expressément que la
peine qu'elle prévoit s'applique "à moins qu'il ne
s'agisse d'un crime ou délit frappé d'une peine plus
élevée par le code pénal suisse", il s'ensuit qu'elle
est, selon sa lettre, subsidiaire aux crimes et délits de
droit commun sanctionnés par une peine plus sévère. Aucun
motif ne permet de s'écarter de ce texte clair.

Certes, dans un ATF 82 IV 136 (arrêt Schenk), le
Tribunal fédéral a retenu que l'art. 87 al. 3 de la loi
fédérale du 20 décembre 1946 sur l'assurance-vieillesse
et survivants (LAVS; RS 831.10) - selon lequel le détour-
nement par l'employeur des cotisations des employés est
réprimé, à l'instar de l'art. 16 al. 1 LPC, par le code
pénal s'il prévoit une peine plus sévère - est seul ap-
plicable lorsque les éléments constitutifs du délit de
gestion déloyale sont réunis, sans quoi il ne pourrait
jamais être appliqué et n'aurait aucun sens (contra: Jean
Huber, Concours idéal et concours imparfait, in JdT 1958
IV p. 67 ss, spéc. p. 81 s.; pour un arrêt cantonal
concluant à l'application exclusive de la disposition
spéciale, Rep. 1994 449). Toutefois, l'art. 16 al. 1 LPC
ne traite pas du détournement de cotisations par un em-
ployeur, mais de la perception indue de prestations par
un assuré. De plus, la jurisprudence et la doctrine rela-
tives aux nombreuses normes spéciales de droit fédéral

disposant, comme l'art. 16 al. 1 LPC, que l'obtention
illicite de prestations d'assurances sociales par des
déclarations fausses ou incomplètes est soumise au code
pénal lorsqu'il prévoit une peine plus sévère (art. 87
al. 1 et 2 LAVS, art. 92 lettre b de la loi fédérale du
18 mars 1994 sur l'assurance-maladie [LAMal; RS 832.10],
art. 112 al. 1 de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur
l'assurance-accidents [LAA; RS 832.20] et art. 105 al. 1
de la loi fédérale du 25 juin 1982 sur l'assurance-chômage
obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité [LACI;
RS 837.0]), concluent également à la subsidiarité de la
disposition spéciale par rapport au droit commun. Ainsi,
selon un arrêt non publié rendu par le Tribunal fédéral le
5 octobre 1984 en la cause K., l'employeur qui réalise à
la fois les conditions de l'art. 105 al. 1 LACI et celles
de l'escroquerie réprimée par l'art. 148 aCP n'est soumis
qu'à cette dernière disposition. De même, selon Jean-Pierre
Guignard (Réflexions sur le concours suggérées par l'arrêt
Trumpf, in JdT 1966 IV p. 2 ss, spéc. p. 7), les alinéas
1 et 2 de l'art. 87 LAVS instituent, par l'alinéa 6, une
subsidiarité conduisant à leur absorption par le droit
commun. Enfin, d'après Alfred Maurer (Schweizerisches
Unfallversicherungsrecht, Berne 1985, n° 2b p. 630),
lorsqu'un comportement remplit simultanément les condi-
tions de l'art. 112 LAA et celles d'une disposition du
code pénal, cette dernière l'emporte, pour autant que la
peine prévue soit plus lourde.

Par conséquent, il convient d'examiner en premier
lieu si le comportement incriminé du recourant réalise
les éléments d'une infraction sanctionnée d'une peine
plus sévère par le code pénal, ce qui exclurait l'ap-
plication de l'art. 16 al. 1 LPC. A cet égard, seule
l'escroquerie entre en ligne de compte.

3.- a) Les faits reprochés au recourant sont
antérieurs à l'entrée en vigueur de l'art. 146 CP le
1er janvier 1995, de sorte que l'art. 148 aCP est
applicable. Le nouveau droit ne consacrant pas un régime
plus favorable, le principe de la lex mitior de l'art. 2
ch. 2 CP ne lui permet pas de déployer d'effet.

b) Selon l'article 148 al. 1 aCP, se rend cou-
pable d'escroquerie notamment celui qui, dans le dessein
de se procurer un enrichissement illégitime, a astucieu-
sement induit en erreur une personne par des affirmations
fallacieuses et a de la sorte déterminé la victime à des
actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires. Cette
infraction est punie de la réclusion pour cinq ans ou
plus ou de l'emprisonnement, soit d'une peine plus lourde
que celle prévue par l'art. 16 al. 1 LPC.

Sur le plan objectif, l'escroquerie suppose que
l'auteur ait usé de tromperie, que celle-ci ait été astu-
cieuse, que l'auteur ait ainsi induit la victime en er-
reur (sous réserve de l'erreur préexistante), que cette
erreur ait déterminé la personne trompée à des actes
préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ou à ceux d'un
tiers et que la victime ait subi un préjudice patrimo-
nial. Sur le plan subjectif, l'auteur doit avoir agi in-
tentionnellement et dans le dessein de se procurer ou de
procurer à un tiers un enrichissement illégitime (ATF 122
IV 246 consid. 3a et la jurisprudence citée).

c) Le recourant conteste que la condition de la
tromperie astucieuse est réalisée, dès lors qu'il s'est
limité à ne pas indiquer à l'autorité, au moment où il a
sollicité l'octroi de prestations complémentaires, qu'il
disposait d'une somme de 80'000 fr. à 100'000 fr.

aa) La tromperie consiste à faire naître chez la
dupe une vision faussée de la réalité en recourant à des
affirmations écrites, orales, par gestes ou par actes
concluants. L'affirmation peut résulter de n'importe quel
acte concluant; il n'est donc pas nécessaire que l'auteur
fasse une déclaration, il suffit qu'il adopte un compor-
tement dont on déduit l'affirmation d'un fait (Bernard
Corboz, Les principales infractions, Berne 1997, n° 5
ad art. 146 CP p. 140 s.; Stefan Trechsel, Kurzkommentar
StGB, 2e éd., Zurich 1997, n° 2 ad art. 146 p. 539;
Günter Stratenwerth, Schweizerisches Strafrecht, Bes.
Teil I, 5e éd., Berne 1995, § 15 nos 12 ss p. 317 ss;
Martin Schubarth, Kommentar StGB, Bes. Teil 2, Berne
1990, n° 20 ad art. 148 aCP p. 140; Peter Noll, Schweize-
risches Strafrecht, Bes. Teil I, Zurich 1983, n° 1 p. 194;
voir aussi ATF 125 IV 124 consid. 2d, 118 IV 35 consid. 2a
et 111 IV 55 consid. 2c).

La tromperie peut être réalisée non seulement par
l'affirmation d'un fait faux, mais également par la dis-
simulation d'un fait vrai.

A ce dernier égard, on distingue la dissimulation
d'un fait vrai par commission de celle par omission
(improprement dite), laquelle
ne peut constituer une
tromperie que si l'auteur se trouve dans une position de
garant, à savoir s'il a, en vertu de la loi, d'un contrat
ou d'un rapport de confiance spécial, une obligation
qualifiée de renseigner (cf. ATF 121 IV 353 consid. 2b;
120 IV 98 consid. 2c; 117 IV 130 consid. 2a; 113 IV 68
consid. 5a; 106 IV 276; Trechsel/Noll, Schweizerisches
Strafrecht, Allg. Teil I, 5e éd., Zurich 1998, p. 242 ss;
Corboz, op. cit. nos 10 et 12 ad art. 146 CP p. 141 s.;
Rehberg/Schmid, Strafrecht III, 7e éd., Zurich 1997,
n. 1.12 § 18 p. 171 ss; Stratenwerth, Schweizerisches
Strafrecht, Allg. Teil I, 2e éd., Berne 1996, § 14

nos 8 ss p. 406 ss; même auteur, op. cit. Bes. Teil I,
§ 15 n° 19 ss p. 320 ss; Noll, op. cit. n° 1 p. 194 s.).
Ainsi, d'un côté, celui qui déclare faussement, par des
affirmations expresses, qu'un fait n'existe pas, réalise
une tromperie par commission. D'un autre côté, celui qui
se borne à se taire, à savoir à ne pas révéler un fait,
agit par omission. Entre ces deux extrêmes, toutes les
nuances sont possibles. En particulier, le silence peut
constituer dans certaines circonstances un acte con-
cluant, partant, une tromperie par commission (silence
dit qualifié; Stratenwerth, op. cit. Bes. Teil I, § 15
n° 14 p. 318; Schubarth, op. cit. n° 20 ad art. 148 aCP
p. 140).

Pour qu'une escroquerie soit réalisée, il faut en
outre que la tromperie commise soit astucieuse.

Selon la jurisprudence, l'astuce suppose que
l'auteur recourt, pour induire autrui en erreur, à un
édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à
une mise en scène. Il y a également astuce lorsque l'au-
teur donne simplement de fausses informations, si leur
vérification n'est pas possible, ne l'est que difficile-
ment ou ne peut être raisonnablement exigée, de même que
s'il dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction
des circonstances, qu'elle renoncera à un tel contrôle,
notamment en raison d'un rapport de confiance particulier
(ATF 125 IV 124 consid. 3a; 122 IV 246 consid. 3a; 122
II 422 consid. 3a; 120 IV 122 consid. 6a/bb p. 133, 186
consid. 1a; 119 IV 28 consid. 3a et les arrêts cités).
Ainsi, une tromperie portant sur la volonté d'exécuter
une prestation n'est pas astucieuse dans tous les cas,
mais uniquement lorsque la vérification de la capacité
d'exécution n'est pas possible, ne l'est que difficile-
ment ou ne peut être raisonnablement exigée, ou encore,
en conséquence, lorsqu'aucune conclusion ne peut être

tirée quant à la volonté d'exécution (ATF 125 IV 124
consid. 3a; 118 IV 359 consid. 2 et les références ci-
tées). L'astuce n'est pas réalisée lorsque la dupe
pouvait se protéger en faisant preuve d'un minimum
d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de pru-
dence que l'on pouvait attendre d'elle (ATF 122 IV 246
consid. 3a; 120 IV 122 consid. 6a/bb p. 133 et la juris-
prudence citée).

bb) En l'occurrence, l'autorité intimée a retenu,
en faits, que le recourant a sollicité des prestations
complémentaires de l'Office cantonal des personnes âgées
en ne l'informant pas qu'il disposait d'une fortune non
négligeable, alors qu'il ne pouvait ignorer que cette
aide n'était accordée qu'aux personnes se trouvant dans
le dénuement. On ignore cependant sous quelle forme, dans
quels termes et à quelle date le recourant a effectué
cette demande, et si celle-ci a été renouvelée au cours
des années. L'autorité intimée reproduit simplement à cet
égard les affirmations contradictoires d'une représen-
tante de l'Office cantonal, selon lesquelles tout requé-
rant doit remplir un formulaire, et celles du recourant,
selon lesquelles il n'aurait pas effectué une telle dé-
marche.

Ces questions peuvent toutefois rester indécises
à ce stade. En effet, il est constant que le recourant a,
au plus tard en 1980 et quelle qu'en soit la forme, dépo-
sé une demande de prestations auprès de l'Office canto-
nal. Il a ainsi affirmé implicitement qu'il remplissait
toutes les conditions d'octroi de ces prestations, en
particulier l'indigence, dès lors qu'il est établi qu'il
ne pouvait ignorer que celle-ci en faisait partie. Or,
celui qui déclare être indigent affirme simultanément, en
tout cas par actes concluants, qu'il ne dispose d'aucune
fortune d'une certaine importance lui permettant de

subvenir à ses besoins, du moins partiellement et tem-
porairement. En conséquence, le recourant a perpétré une
tromperie par commission en requérant des prestations de
l'Office cantonal.

Par ailleurs, s'il ressort des faits ainsi éta-
blis que le recourant ne s'est pas livré à un édifice de
mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en
scène, mais s'est contenté de déclarations incomplètes,
il n'en demeure pas moins que ses agissements restent
astucieux, dès lors que l'autorité ne pouvait que très
difficilement déceler sa fortune, placée d'abord en
Allemagne puis à la Banque Clariden de Zurich.

En conséquence, le recourant a commis une escro-
querie, au plus tard en 1980, en requérant et obtenant
des prestations de l'Office cantonal des personnes âgées.

4.- Il reste à examiner si, comme le soutient le
recourant pour la première fois devant le Tribunal fédé-
ral, l'escroquerie est prescrite.

a) Le pourvoi en nullité au Tribunal fédéral
revêt un caractère subsidiaire par rapport aux voies de
recours de droit cantonal (art. 268 PPF). Il suppose donc
l'épuisement préalable des instances et voies de droit
cantonales permettant de faire réexaminer librement l'ap-
plication du droit fédéral. Toutefois, lorsque, comme
c'est le cas de l'appel en procédure pénale genevoise,
l'autorité cantonale de dernière instance doit appliquer
le droit d'office, la partie n'est pas obligée d'attirer
l'attention sur le problème invoqué ensuite devant le
Tribunal fédéral. Par conséquent, le grief du recourant
doit être considéré comme valablement soulevé devant le
Tribunal fédéral (ATF 123 IV 42 consid. 2a; SJ 1996 341

consid. 2; Bernhard Sträuli, Pourvoi en nullité et re-
cours de droit public au Tribunal fédéral, thèse Genève
1995, p. 80 n° 194; Corboz, Le pourvoi en nullité à la
Cour de cassation du Tribunal fédéral, SJ 1991 p. 57 ss,
spéc. p. 64 s.).

b) L'escroquerie étant un crime (art. 148 aCP et 9
al. 1 CP), la prescription relative intervient en dix ans
et la prescription absolue en quinze ans (art. 70 et 72
ch. 2 CP).

La prescription court du jour où le délinquant a
exercé son activité coupable et, si cette activité s'est
exercée à plusieurs reprises, du jour du dernier acte
(art. 71 CP). En cas de délit d'omission improprement
dit, le début de la prescription coïncide avec le moment
où le garant aurait dû agir; si ce devoir est durable, la
prescription ne commence à courir qu'à partir du moment
où les obligations du garant prennent fin (ATF 122 IV 61
consid. 2a/aa).

aa) Si l'on considère que le recourant a commis
l'escroquerie en cause au plus tard en 1980, la prescrip-
tion absolue était acquise déjà en 1995, de sorte qu'il
devrait être libéré de cette accusation.

Encore faut-il examiner si le recourant n'a pas
renouvelé cette infraction par la suite, dès lors qu'il a
continué à bénéficier des prestations de l'Office canto-
nal jusqu'en 1997.

bb) A supposer que le recourant se soit borné à
passivement percevoir ces prestations sans jamais spon-
tanément déclarer sa situation financière réelle ni être
interrogé à ce propos, on ne saurait considérer qu'il
ait, en se limitant à accepter ces versements, confirmé

mois après mois son indigence par acte concluant ou
silence qualifié, partant, répété à chaque fois une
tromperie par commission. En revanche, il pourrait s'agir
d'une tromperie par omission.

Le recourant ne peut commettre de tromperie par
omission que s'il se trouve dans une position de garant
vis-à-vis de l'Office cantonal des personnes âgées. En
l'absence de contrat ou de rapport de confiance spécial,
seule la loi peut le placer dans une telle situation. A
cet égard, trois dispositions entrent en ligne de compte.
D'une part, l'art. 5 al. 2 de la loi cantonale du 14 oc-
tobre 1965 sur les prestations fédérales complémentaires
à l'assurance-vieillesse et survivants et à l'assurance-
invalidité impose à celui qui demande une telle presta-
tion de fournir à l'organe d'exécution tous renseigne-
ments et toutes pièces utiles au contrôle des éléments
déterminants. D'autre part, l'art. 20 de l'ordonnance
fédérale du 15 janvier 1971 sur les prestations complé-
mentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et inva-
lidité (OPC-AVS/AI; RS 831.301), dans sa version en vi-
gueur du 1er janvier 1990 au 1er janvier 1998 (RO 1989
1238 1239, RO 1997 2961 2965), obligeait (par renvoi par
analogie à l'art. 69 al. 1 du Règlement du 31 octobre
1947 sur l'assurance-vieillesse et survivants [RAVS; RS
831.101], disposition elle-même en vigueur du 1er no-
vembre 1947 au 1er janvier 1997, cf. RO 1947 1183 1210 et
RO 1996 668 681) celui qui entendait faire valoir son
droit à la rente à remplir la formule de demande confor-
mément à la vérité en donnant, notamment, des indications
exactes sur ses conditions de revenu ou de fortune. En-
fin, l'art. 24 OPC-AVS/AI impose à l'ayant droit de "com-
muniquer sans retard à l'organe cantonal compétent tout
changement dans (sa) situation personnelle et toute modi-
fication sensible dans (sa) situation matérielle". Or,
aucune de ces dispositions ne suffit à placer l'assuré

dans une position de garant envers l'autorité, dans la
mesure où il n'a aucune responsabilité particulière en-
vers celle-ci (cf. Thomas Homberger, Die Strafbestimmungen
im Sozialversicherungsrecht, Berne 1993, p. 61, selon
lequel on pourrait considérer que l'art. 70bis RAVS, dont
les versions successives [RO 1969 135 165 et RO 1992 1251
1262] sont analogues à l'art. 24 OPC-AVS/AI), ne crée pas
de devoir de garant, en l'absence de relation particulière
et étroite entre l'assuré et l'autorité ou de responsabi-
lité accrue de l'assuré pour une mise en oeuvre de l'assu-
rance conforme à la loi).

Dans ces conditions, à supposer que le recourant
se soit cantonné dans le comportement passif susdécrit,
il n'aurait de toute façon pas réalisé de tromperie par
omission dès lors qu'il ne se trouve pas dans une posi-
tion de garant.

cc) En revanche, si l'Office cantonal des per-
sonnes âgées ne s'est pas contenté de verser de manière
routinière ses prestations au recourant, mais l'a conduit
à s'exprimer une ou plusieurs fois sur sa situation fi-
nancière, au moins par acte concluant ou silence quali-
fié, par exemple en l'amenant à renouveler sa demande, il
faut admettre que le recourant a commis des tromperies
par action postérieurement à 1980. Celles-ci devraient
alors être considérées comme autant de nouvelles escro-
queries - si les autres conditions de cette infraction
sont remplies - pouvant échapper, selon la date de leur
réalisation, à la prescription.

La décision attaquée étant muette sur cette
question déterminante, comme on l'a vu (cf. consid. 3c/bb
supra), la Cour de céans n'est pas en mesure de juger si
les art. 148 aCP et 70 ss CP ont été appliqués en confor-
mité avec le droit fédéral. Le dossier doit donc être

renvoyé à l'autorité intimée pour complément d'instruc-
tion, en application de l'art. 277 PPF, afin qu'elle
détermine si le recourant s'est activement exprimé sur
sa situation financière depuis 1980, au moins par acte
concluant ou silence qualifié, et s'il a de la sorte
commis une ou plusieurs nouvelles escroqueries dont la
prescription n'est pas acquise.

En ce sens, la Cour cantonale devra en particu-
lier examiner si, cas échéant, la ou les escroqueries
commises postérieurement à 1980 forment, du point de vue
de la prescription, une unité avec la première au sens de
la jurisprudence relative à l'art. 71 al. 2 CP (cf. ATF
124 IV 5 consid. 2b et 3a, 59 consid. 3b; 117 IV 408
consid. 2f et 2g).

5.- Le recourant soutient en outre que l'ins-
tance cantonale a violé l'art. 59 CP en confisquant ses
avoirs à concurrence de 207'932.72 fr. alors que le
montant soustrait par l'infraction en cause à l'Office
cantonal des personnes âgées n'aurait pas été fixé dans
une décision entrée en force.

A teneur de l'art. 59 ch. 1 al. 1 CP, le juge
ordonne la confiscation des valeurs patrimoniales qui
sont le résultat d'une infraction.

En l'occurrence, le Tribunal de police a donné à
l'Office cantonal des personnes âgées un délai de deux
mois pour faire valoir ses droits civils sur le montant
de 203'815.22 fr., bloqué jusqu'à l'expiration de ce
délai. Rappelant que l'Office cantonal des personnes
âgées a, le 27 janvier 2000, arrêté à 205'747.47 fr. le
montant de sa créance en restitution des prestations
complémentaires versées indûment à l'intéressé, l'auto-

rité intimée a toutefois considéré que la confiscation ne
pouvait porter que sur le premier montant, au motif que
celui-ci avait été retenu par le Tribunal de police et
que l'intéressé ne l'avait pas contesté devant elle.

Dans ces conditions, la question de savoir si
l'arrêt litigieux viole l'art. 59 CP peut rester indécise
car, selon les constatations souveraines de l'autorité
intimée, le recourant n'a pas expressément remis en cause
le montant de la créance de l'Office cantonal des per-
sonnes âgées faisant l'objet de la confiscation, de sorte
que le présent grief est irrecevable.

6.- Vu ce qui précède, le pourvoi est partiel-
lement admis en application de l'art. 277 PPF, l'arrêt
attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité canto-
nale pour nouvelle décision.

N'obtenant que partiellement gain de cause, le
recourant doit supporter un émolument judiciaire réduit

(art. 278 al. 1 PPF) et la Caisse du Tribunal fédéral
versera (à son mandataire) une indemnité réduite à titre
de dépens (art. 278 al. 3 PPF).

Le recourant a requis l'assistance judiciaire en
exposant que les autorités genevoises ne lui avaient pas
encore restitué les montants supérieurs à 207'932.72 fr.
Cette demande doit être rejetée dans la mesure où elle
n'est pas sans objet. En effet, la présente procédure ne
remettait pas en cause cette créance du recourant, en
tout cas à concurrence du montant reconnu par les auto-
rités genevoises, de sorte que rien ne permettait de dire
que celles-ci ne s'en acquitteraient pas à bref délai.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Admet partiellement le pourvoi en application
de l'art. 277 PPF, annule l'arrêt attaqué et renvoie la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire
dans la mesure où elle n'est pas devenue sans objet.

3. Met un émolument judiciaire de 500 fr. à la
charge du recourant.

4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
au mandataire du recourant une indemnité de 1'000 fr. à
titre de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant, à la Chambre pénale de la Cour de
justice genevoise, au Procureur général et à l'Office
cantonal des personnes âgées du canton de Genève, ainsi
qu'au Ministère public de la Confédération.
__________

Lausanne, le 28 septembre 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.288/2000
Date de la décision : 28/09/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-28;6s.288.2000 ?
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