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27/09/2000 | SUISSE | N°U.83/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 septembre 2000, U.83/99


«AZA 7»
U 83/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Ferrari, Ribaux,
suppléant; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 27 septembre 2000

dans la cause

L.________, recourant, représenté par Maître Gilbert
Bratschi, avocat, rue d'Aoste 4, Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) L.________ a travaillé en qualité d'in

stalla-
teur sanitaire au service de l'entreprise X.________,
ferblanterie et appareils sanitaires. A ce titre, il était
assuré con...

«AZA 7»
U 83/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Ferrari, Ribaux,
suppléant; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 27 septembre 2000

dans la cause

L.________, recourant, représenté par Maître Gilbert
Bratschi, avocat, rue d'Aoste 4, Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- a) L.________ a travaillé en qualité d'installa-
teur sanitaire au service de l'entreprise X.________,
ferblanterie et appareils sanitaires. A ce titre, il était
assuré contre le risque d'accident professionnel et non
professionnel auprès de la Caisse nationale suisse d'assu-
rance en cas d'accidents (CNA).

Le 20 février 1992, durant son travail, il a chuté
d'une échelle. Consulté le lendemain de l'incident, le
docteur D.________ a posé le diagnostic d'entorse cervi-
cale, de contusions lombaires et distorsion de l'épaule
droite avec multiples hématomes; il a attesté une inca-
pacité de travail totale dès le jour de la consultation
(rapport médical initial LAA du 4 mars 1992). Depuis lors,
L.________ s'est plaint de douleurs cervicales, de cépha-
lées, de nausées ainsi que de sensations de vertige conti-
nuels et n'a plus repris d'activité professionnelle. Il a
subi plusieurs examens dont les résultats se sont révélés
dans les limites de la norme, ce qui a amené son nouveau
médecin traitant, le docteur K.________, à conclure, notam-
ment, à un important syndrome subjectif post-traumatique
(rapport médical intermédiaire du 16 juin 1992). En dépit
des divers traitements dont il a bénéficié (séances de
physiothérapie, cure à la clinique de réadaptation de Bel-
likon), les plaintes de l'assuré sont demeurées inchangées.

b) Le 26 octobre 1992, ce dernier a été victime d'un
accident de circulation, son véhicule à l'arrêt ayant été
percuté à l'arrière par une fourgonnette. Informée par le
docteur K.________ de l'évolution défavorable du cas (cer-
tificat médical LAA du 23 décembre 1992), la CNA a requis
des renseignements médicaux complémentaires. En particu-
lier, elle a confié une expertise au docteur A.________,
chef de la clinique de neurologie de l'Hôpital cantonal
universitaire de Y.________. Ce médecin a fait état de
«troubles neurologiques aspécifiques correspondant à un
syndrome post-traumatique d'intensité modérée» et en-
traînant une incapacité de travail de 35 % (rapport du
14 février 1994). Après avoir examiné l'assuré, le docteur
R.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a admis que
sur le plan de l'appareil locomoteur, celui-ci n'était plus
apte à reprendre son ancienne profession, tout en précisant
qu'il existait, théoriquement, une capacité de travail ré-
siduelle - que ce médecin a d'abord évaluée à 75 % puis,

plus tard, à 100 % - dans une activité adaptée à son état
santé (rapports des 19 mai 1994 et 9 janvier 1996). Il a,
en outre, fixé le taux de l'atteinte à l'intégrité à
12,5 %.

c) Entre-temps, L.________ a déposé une demande de
prestations à l'assurance-invalidité, tendant à des mesures
de réadaptation professionnelle ou une rente. Dans le cadre
de l'instruction de cette demande, l'Office AI du canton de
Genève (ci-après : l'office AI) a soumis l'assuré à une
expertise confiée aux docteurs U.________, psychiatre et
O.________, rhumatologue, du Centre Multidisciplinaire de
la Douleur de la clinique de Z.________. Ces derniers ont
posé le diagnostic de sinistrose compensée et de cervico-
lombalgies communes, en concluant à une capacité de travail
objective de 100 % (rapport du 31 octobre 1995).

d) Le 22 novembre 1996, le docteur M.________, médecin
d'arrondissement de la CNA, a procédé à un examen final de
l'assuré. Dans son rapport, ce praticien a noté une mobi-
lité active libre de la colonne vertébrale (nonobstant les
douleurs exprimées par l'intéressé), et mis l'accent sur le
comportement d'invalide adopté par ce dernier, rejoignant
en cela les observations effectuées précédemment par le
docteur U.________. Se fondant sur cette appréciation, la
CNA a, par décision du 14 février 1997, mis un terme au
versement de ses prestations d'assurance avec effet rétro-
actif au 29 février 1996; elle a toutefois renoncé à exiger
le remboursement de la somme de 22 150 fr. payée postérieu-
rement à cette date. De son côté, l'office AI a dénié à
L.________ le droit à une rente d'invalidité (décision du
12 mai 1997).
L'assuré s'est opposé à la décision de la CNA du
14 février 1997 en se référant aux nombreuses pièces médi-
cales figurant au dossier et qui, à ses yeux, établissaient
avec suffisamment de vraisemblance l'existence de troubles

somatiques l'empêchant de travailler; il a, en outre,
réfuté les conclusions auxquelles étaient parvenus les
docteurs U.________ et M.________, les qualifiant de peu
fiables, et requis au moins la mise en oeuvre d'une nou-
velle expertise sur le plan psychiatrique.
La CNA a alors confiée une nouvelle expertise au pro-
fesseur B.________, chef du service de neurologie du Centre
hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Cet expert a con-
clu que l'essentiel du tableau clinique présenté par l'in-
téressé «(relevait) de répercussions psychiques et de
l'évolution d'un syndrome douloureux chronique sans éviden-
ce de lésion organique majeure» (rapport du 28 mars 1998).
Par décision sur opposition du 25 juin 1998, la CNA a con-
firmé sa prise de position initiale.

B.- Par jugement du 26 janvier 1999, le Tribunal admi-
nistratif du canton de Genève a rejeté le recours formé par
L.________ contre la décision sur opposition de la CNA.
En bref, les premiers juges ont retenu, d'une part,
que l'assuré souffrait uniquement de troubles d'ordre psy-
chique - aucune lésion somatique n'ayant pu être médicale-
ment établie au degré de la vraisemblance prépondérante -
et, d'autre part, que ces troubles ne s'inscrivaient pas
dans un rapport de causalité adéquate avec les deux événe-
ments accidentels dont il a été victime les 20 février et
26 octobre 1992.

C.- L.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation. Il
conclut, sous suite de dépens, principalement à l'octroi
d'une rente d'invalidité fondée sur un taux de 100 % dès le
1er mars 1996 et, à titre subsidiaire, à la mise en oeuvre
d'une expertise psychiatrique.
La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Of-
fice fédéral des assurances sociales ne s'est pas déter-
miné.

Considérant en droit :

1.- Le recours de droit administratif est prolixe
(45 pages). Il convient donc d'avertir Me Gilbert Bratschi,
avocat, représentant du recourant, que de telles écritures
lui seront renvoyées s'il devait, à l'avenir, récidiver
(art. 30 al. 3 OJ; Poudret, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. I, pp. 186 ss).

2.- Le litige porte sur le point de savoir si l'in-
timée était en droit, par sa décision sur opposition du
25 juin 1998, de mettre fin à ses prestations d'assurance
avec effet au 29 février 1996.

3.- Dans la procédure de recours concernant l'octroi
ou le refus de prestations d'assurance, le pouvoir d'examen
du Tribunal fédéral des assurances n'est pas limité à la
violation du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation - mais s'étend également à l'oppor-
tunité de la décision attaquée. Le tribunal n'est alors pas
lié par l'état de fait constaté par la juridiction infé-
rieure, et il peut s'écarter des conclusions des parties à
l'avantage ou au détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

4.- a) L'intimée et les premiers juges se sont en par-
ticulier fondés sur les expertises des docteurs U.________
et B.________ ainsi que sur l'appréciation du docteur
M.________ pour considérer que les accidents assurés n'ont
pas entraîné, chez le recourant, de séquelles somatiques
invalidantes, mais exclusivement des troubles d'ordre
psychique.
Pour sa part, L.________ soutient le contraire.

b) En l'occurrence, les troubles (céphalées, douleurs
cervicales et dorso-lombaires, vertiges) dont se plaint le
recourant ont donné lieu à de multiples examens (radio-
logiques, otoneurologiques, neurologiques) et rapports

médicaux, dont trois expertises approfondies (des docteurs
A.________, U.________ et B.________).
Il ressort tout d'abord de cet abondant dossier médi-
cal que L.________ n'a pas subi de lésion osseuse (rapport
du docteur S.________, radiologue, du 24 février 1992) et
qu'il ne souffre d'aucune déficience au niveau otoneurolo-
gique qui permettrait d'expliquer ses sensations de vertige
(rapports des 6 juillet 1992 et 4 février 1993 du docteur
I.________). Une résonance magnétique occipito-cervicale
réalisée par la doctoresse H.________, radiologue, a démon-
tré un axe de rotation de la tête dans les normes, en dépit
d'une imagerie évoquant l'hypothèse d'une «petite lésion du
ligament alaire» (rapport du 4 juin 1993).
Ensuite, les divers spécialistes en neurologie qui se
sont penchés sur le cas de l'assuré ont unanimement mis en
lumière une composante psychique décisive dans sa symptoma-
tologie, tandis qu'ils n'ont fait état, dans l'ensemble,
que de troubles neurologiques modérés et en soi peu inva-
lidants : ainsi, le docteur E.________ a-t-il fait mention
d'«une décompensation psychique» dans le cadre d'un «syn-
drome cervical et lombaire somme toute assez discret avec
un status neurologique électroclinique par ailleurs normal»
(rapport du 13 mai 1992); de même, le docteur A.________
a-t-il déclaré que «les troubles objectivés à l'examen
clinique sont relativement discrets (...), le reste des
troubles étant essentiellement liés à la douleur dont souf-
fre le patient», douleur dont l'«importance n'est pas à la
mesure du traumatisme lui-même et (à laquelle) se surajoute
certainement des troubles psychologiques secondaires à
l'accident» (rapport du 14 février 1994); quant au profes-
seur B.________, il a conclu que l'essentiel du tableau
clinique devait être ramené à des «répercussions psychi-
ques» (rapport du 28 mars 1998). Il est certes vrai que les
deux derniers médecins précités ont tout de même conclu à
une incapacité de travail sur le plan somatique, laquelle a
été évaluée, pour le premier, à 35 % et, pour le second, à
25 %. Toutefois, le docteur A.________ a bien précisé dans

son rapport que cette évaluation «reflète plus l'état du
patient actuellement que ses réelles capacités sous-jacen-
tes», alors que le professeur B.________ a reconnu un tel
taux uniquement en considération à une possible lésion li-
gamentaire, laquelle n'a pu, au demeurant, être mise en
évidence par l'IRM qu'il a effectué.
Enfin, on ajoutera qu'une discordance très nette entre
l'importance des douleurs ressenties et le status objecti-
vable a été constatée par divers autres médecins qui ont
examiné l'assuré (cf. le rapport de sortie du 23 octobre
1992 établi par les médecins de la clinique de Bellikon et
les rapports des docteurs U.________ et M.________), et que
c'est avant tout en raison des douleurs résiduelles subjec-
tives que le docteur R.________ a fixé le taux de l'attein-
te à l'intégrité à 12,5 % (rapport du 9 janvier 1996).
Aussi bien, contrairement à ce que prétend le recou-
rant, doit-on admettre qu'il n'existe, au degré de la vrai-
semblance prépondérante, aucune séquelle sur le plan soma-
tique qui soit imputable aux accidents assurés et partant,
susceptible de justifier des prestations d'assurance à
charge de l'intimée. En revanche, il est indéniable que le
recourant souffre de troubles psychiques.

5.- a) Au regard des considérations médicales dévelop-
pées ci-dessus, l'existence d'un lien de causalité naturel-
le entre les troubles psychiques du recourant et les acci-
dents assurés peut être tenue pour établie. Il suffit en
effet que ces derniers apparaissent comme l'une des causes
de l'affection psychique, ce qui est le cas en l'occurren-
ce.
Il reste dès lors à examiner si, selon le cours ordi-
naire des choses et l'expérience de la vie, les événements
accidentels survenus en 1992 sont propres à provoquer de
tels troubles (causalité adéquate). A cet égard, le juge-
ment entrepris expose correctement les principes jurispru-
dentiels applicables, de sorte qu'on peut y renvoyer.

b) A l'instar de la juridiction cantonale, il y a lieu
de qualifier le premier accident survenu le 20 février 1992
comme étant de peu de gravité. En effet, la hauteur de la-
quelle l'assuré a chuté a été faible, guère plus d'un
mètre, et le choc s'est produit au sol et non par exemple
contre un appareil sanitaire. En revanche, au regard de son
déroulement - l'automobile de l'assuré a été percutée à
l'arrière par une camionnette -, le second accident entre
dans la limite inférieure des accidents de gravité moyenne.
Toutefois, il n'existe aucune circonstance de nature à
faire apparaître cet accident comme impressionnant ou par-
ticulièrement dramatique : il n'a pas été fait appel à la
police, les conducteurs impliqués ont rempli eux-mêmes un
constat d'accident et L.________ n'a subi aucun choc direct
sur sa colonne vertébrale (cf. certificat médical du doc-
teur K.________ du 30 novembre 1992). Quant à la nature ou
la gravité particulière des lésions physiques, on a vu
qu'elles sont, chez l'intéressé, peu objectivables, celui-
ci ayant, par contre, immédiatement développé un syndrome
subjectif important à la suite du premier événement acci-
dentel. Dans ces conditions, le fait qu'il n'a jamais
sérieusement repris une activité professionnelle, ne
saurait pas non plus constituer un élément déterminant dans
l'apparition de ses troubles psychiques.
Il s'ensuit que le lien de causalité
adéquate doit
être nié en l'espèce, sans qu'il soit encore nécessaire
de qualifier les troubles psychiques du recourant, ni
d'envisager la désignation d'un nouvel expert psychiatre.
Le recours se révèle ainsi mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 27 septembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
p. le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.83/99
Date de la décision : 27/09/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-27;u.83.99 ?
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