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25/09/2000 | SUISSE | N°K.14/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 septembre 2000, K.14/00


«AZA 7»
K 14/00 Rl

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Rüedi et Widmer; Frésard, Greffier

Arrêt du 25 septembre 2000

dans la cause

Hotela, Caisse-maladie et accidents de la société suisse
des hôteliers, rue de la Gare 18, Montreux, recourante,

contre

M.________, intimé, représenté par Maître Christian
Grosjean, avocat, rue Etienne-Dumont 1, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- M.________ exerce la profession de chauffeur de
taxis indépendant. Il est assuré auprès d'HOTELA,
Caisse-maladie et accidents de la ...

«AZA 7»
K 14/00 Rl

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Rüedi et Widmer; Frésard, Greffier

Arrêt du 25 septembre 2000

dans la cause

Hotela, Caisse-maladie et accidents de la société suisse
des hôteliers, rue de la Gare 18, Montreux, recourante,

contre

M.________, intimé, représenté par Maître Christian
Grosjean, avocat, rue Etienne-Dumont 1, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- M.________ exerce la profession de chauffeur de
taxis indépendant. Il est assuré auprès d'HOTELA,
Caisse-maladie et accidents de la société suisse des
hôteliers, notamment pour une assurance d'indemnités

journalières. A l'origine, le montant de l'indemnité assu-
rée était de 105 fr. Il a été porté à 220 fr. dès le début
de l'année 1996. L'indemnité est versée à partir du 31e
jour d'incapacité de travail.
M.________ a été incapable de travailler du
14 septembre 1998 au 14 février 1999, à la suite d'une
opération cardiaque (pontage coronarien).
Le 19 octobre 1998, HOTELA a invité son assuré à lui
remettre «une copie de (ses) fiches salaire des 6 derniers
mois». En réponse à cette demande, M.________ a fourni ses
comptes de pertes et profits pour les années 1996 et 1997.
Il en ressort qu'il a réalisé un bénéfice net de
36 954 fr. 50 en 1996 et de 26 238 fr. 25 en 1997.
Par décision du 17 février 1999, HOTELA a réduit, avec
effet au 1er janvier 1996, à 100 fr. par jour le montant de
l'indemnité assurée. Elle a informé l'assuré qu'elle lui
rembourserait les primes payées en trop, par 2001 fr. 60.
Elle a fait valoir que l'assurance d'indemnités journaliè-
res de 220 fr. ne correspondait pas au revenu obtenu par
l'assuré durant les deux années précédentes, ce qui condui-
sait à une surassurance, justifiant une réduction rétroac-
tive de la couverture du risque.
L'assuré a formé opposition en concluant au versement
d'une indemnité journalière de 220 fr. pour la période du
14 octobre 1998 au 14 février 1999. La caisse a rejeté
cette opposition par une nouvelle décision, du 23 avril
1999.
La caisse a versé, en conséquence, des indemnités
journalières de 100 fr. par jour.

B.- M.________ a recouru contre cette décision. Par
jugement du 21 décembre 1999, le Tribunal administratif du
canton de Genève a admis son recours et condamné la caisse
à payer à l'assuré une indemnité journalière de 220 fr.
pour la période du 14 octobre 1998 au 15 février 1999, avec

intérêts à 5 pour cent l'an dès le 29 décembre 1998. Le
tribunal a en outre alloué à l'assuré une indemnité de
dépens de 1750 fr.

C.- HOTELA interjette un recours de droit administra-
tif dans lequel elle demande au Tribunal fédéral des assu-
rances de confirmer ses décisions des 23 avril 1999 et
17 février 1999 «dans le sens que l'assurance indemnités
journalières est modifiée rétroactivement au 1er janvier
1996 à 100 fr. par jour».
M.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours. Quant à l'Office fédéral des assurances
sociales, il ne s'est pas déterminé à son sujet.

Considérant en droit :

1.- Contrairement à ce que retiennent les premiers
juges, les indemnités ici en cause relèvent de l'assurance
facultative d'indemnités journalières selon les art. 67 ss
LAMal et non de la LCA (voir l'art. 1er du règlement de la
recourante, édition 1997). Cela n'est du reste pas contesté
par les parties. Le jugement attaqué peut donc être déféré
au Tribunal fédéral des assurances par la voie du recours
de droit administratif (art. 128 OJ; art 91 LAMal), en
dépit d'une indication erronée des voies de droit par la
juridiction cantonale.

2.- Est litigieux le montant de la couverture d'assu-
rance de l'intimé et, par là-même aussi, le montant des
indemnités journalières qui lui sont dues en raison de
l'incapacité de travail qu'il a subie.

3.- a) Aux termes de l'art. 67 al. 1 LAMal, toute
personne domiciliée en Suisse ou qui y exerce une activité

lucrative, âgée de quinze ans révolus, mais qui n'a pas
atteint 65 ans, peut conclure une assurance d'indemnités
journalières avec un assureur au sens de l'art. 68 LAMal.
L'assureur convient avec le preneur d'assurance du montant
des indemnités journalières assurées; ils peuvent limiter
la couverture aux risques de la maladie et de la maternité
(art. 72 al. 1 LAMal).
Il est unanimement admis par la doctrine que l'assu-
rance d'indemnités journalières facultative selon la LAMal
trouve son fondement dans un contrat d'assurance de droit
public (Vincent Brulhart, Quelques remarques relatives au
droit applicable aux assurances complémentaires dans le
nouveau régime de la LAMal, in : LAMal-KVG, Recueil de tra-
vaux en l'honneur de la Société suisse de droit des assu-
rances, Lausanne 1997 [cité ci-après: LAMal-KVG], p. 741;
Ueli Kieser, Die Stellung der Nichterwerbstätigen in der
freiwilligen Taggeldversicherung [Artikel 67 ff. KVG], in :
LAMal-KVG, p. 613; Alfred Maurer, Das neue Krankenversi-
cherungsrecht, p. 113; Gebhard Eugster, Zum Leistungsrecht
der Taggeldversicherung nach KVG, in : LAMal-KVG, p. 551).
C'est ainsi que les parties fixent en toute liberté le
montant de l'indemnité journalière assurée (ATF 124 V 207
consid. 4d). Il résulte de la nature contractuelle des
relations qui s'établissent entre elles que la couverture
d'assurance ne peut pas être réduite par l'assureur sans le
consentement de l'assuré (Kieser, loc. cit., p. 613). De-
meure réservée la possibilité pour les assureurs de prévoir
dans leur règlement une limitation ou une suppression de
l'assurance d'indemnités journalières pour les personnes
qui ont accompli leur 65ème année (ATF 124 V 201).

b) Il est vrai que sous l'empire de l'ancien droit de
l'assurance-maladie (LAMA), le Tribunal fédéral des assu-
rances a jugé qu'une caisse-maladie a le droit de supprimer
ou de réduire la couverture d'assurance d'une indemnité

journalière, sans l'accord de l'assuré, lorsque ce dernier
ne peut raisonnablement plus avoir d'intérêt au maintien de
la couverture dont il bénéficiait jusqu'alors, de sorte que
celle-ci devenait - en tout ou partie - sans objet (ATF
112 V 195, 111 V 333 consid. 2b). C'était le cas quand
l'assuré - indépendamment de son âge - cessait définitive-
ment ou réduisait durablement l'exercice d'une activité
lucrative. On peut se demander si cette jurisprudence est
sans plus transposable au régime des indemnités journa-
lières selon la LAMal. En effet, dans cette loi, la surin-
demnisation, pour les personnes qui n'exercent pas d'acti-
vité lucrative, est définie de manière plus large que la
notion qui prévalait sous l'empire de la LAMal. Ainsi, la
surindemnisation prend désormais en compte la valeur des
tâches que l'assuré ne peut plus accomplir, conformément à
l'art. 122 al. 2 let. c OAMal (cf. également Kieser, loc.
cit., p. 612 sv). Quoi qu'il en soit, la jurisprudence
citée n'est pas applicable quand la surassurance alléguée
par l'assureur provient - comme en l'espèce - du seul fait
que l'assuré, qui exerce une activité lucrative, convient
avec l'assureur d'une indemnité d'un montant supérieur au
revenu qu'il est censé réaliser. Car le preneur a parfois
intérêt à maintenir une couverture élevée, nonobstant le
fait qu'il ne subit momentanément pas de perte de gain ou
que sa perte de gain est inférieure au montant de l'indem-
nité journalière souscrite. La prudence peut en effet com-
mander de maintenir une couverture d'assurance provisoire-
ment injustifiée, sous l'angle de la perte de gain, dans le
but de conserver les avantages d'une affiliation sans ré-
serve (RJAM 1982 no 475 p. 36 consid. 3; Aldo Borella,
L'affiliation à l'assurance-maladie sociale suisse, thèse
Genève 1993, p. 156 no 223; voir aussi l'art. 69 LAMal). Un
tel intérêt existe, tout particulièrement, pour les per-
sonnes de condition indépendante, dont les revenus sont

parfois sujets à de fortes variations (cf. RAMA 1994
no U 183 p. 51 consid. 5c).
L'art. 109 OAMal prévoit d'autre part que toute per-
sonne qui satisfait aux exigences de l'art. 67 al. 1 LAMal
peut adhérer à l'assurance d'indemnités journalières aux
mêmes conditions que celles qui prévalent pour les autres
assurés, notamment quant à la durée et au montant de l'in-
demnité journalière, dans la mesure où, selon toute proba-
bilité, il n'en résulte pas de surindemnisation. Mais cette
disposition, qui traite de l'adhésion à l'assurance, n'au-
torise pas l'assureur à réduire rétroactivement la couver-
ture d'assurance s'il apparaît après coup que le montant
assuré risque de conduire à une surindemnisation.

c) Le fait de s'être assuré pour une indemnité journa-
lière d'un montant donné et d'avoir payé les cotisations
correspondantes n'ouvre cependant pas forcément droit au
versement de la somme assurée en cas d'incapacité de tra-
vail (ATF 110 V 322 consid. 5, 105 V 196 consid. 1; RAMA
1987 no K 742 p. 275 consid. 1, 1986 no K 702 p. 464
consid. 2a; Eugster, loc. cit., p. 539). Encore faut-il que
l'assuré subisse une perte de gain dans une mesure
justifiant le paiement du montant assuré. En cas de
surindemnisation, les prestations assurées peuvent être
réduites conformément aux art. 78 al. 2 LAMal et 122 OAMal.
C'est ainsi que selon l'art. 122 al. 2 OAMal, il y a surin-
demnisation dans la mesure où les prestations de l'assuran-
ce-maladie, seules ou entrant en concours avec celles d'au-
tres assurances sociales, excèdent, pour une même atteinte
à la santé : a) les frais de diagnostic et de traitement
supportés par l'assuré; b) les frais de soins supportés par
l'assuré et d'autres frais non couverts dus à la maladie;
c) la perte de gain présumée subie par l'assuré du fait du
cas d'assurance ou la valeur des tâches qu'il ne peut pas
accomplir. En cas de surindemnisation, les prestations de

l'assurance-maladie sont réduites du montant de la surin-
demnisation (art. 122 al. 3 OAMal).

4.- Il résulte de ce qui précède que la caisse n'était
pas en droit de réduire la couverture d'assurance de l'in-
timé. Dans la mesure où la recourante conteste ce point,
son recours est mal fondé.
Les premiers juges, quant à eux, déduisent de cette
interdiction de réduire unilatéralement la couverture d'as-
surance que la caisse est tenue, sans autre préalable, de
payer la totalité de l'indemnité assurée; ils n'ont, de ce
fait, pas examiné la question d'une éventuelle surindemni-
sation. Cette opinion, on l'a vu, ne peut pas être suivie.
De son côté, la caisse n'a pas non plus examiné le problème
sous l'angle de la surindemnisation, compte tenu de sa
décision de réduire rétroactivement la couverture d'assu-
rance de l'intimé.
Dans ces circonstances, il convient d'annuler aussi
bien le jugement attaqué que la décision sur opposition
litigieuse et de renvoyer la cause à la caisse pour qu'elle
procède, s'il y a lieu, à un calcul de surindemnisation et
rende une décision sur l'étendue du droit de l'intimé à des
indemnités journalières durant la période en cause.

5.- Vu la nature du litige, la procédure est gratuite
(art. 134 OJ). L'intimé obtient gain de cause sur la ques-
tion de la réduction de la couverture d'assurance. Il con-
vient donc de lui allouer une indemnité de dépens réduite
(art. 159 al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis en ce sens que le
jugement du Tribunal administratif du canton de Genève
du 21 décembre 1999, ainsi que la décision sur opposi-
tion du 23 avril 1999, sont annulés.

II. La cause est renvoyée à la caisse HOTELA pour nouvelle
décision au sens des motifs.

III. Il n'est pas perçu de frais de justice.

IV. La caisse HOTELA versera à l'intimé un montant de
1500 fr. au titre de dépens pour la procédure fédéra-
le.

V. Le tribunal administratif statuera à nouveau sur les
dépens de l'instance cantonale, au regard de l'issue
définitive du procès de dernière instance.

VI. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Genève et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 septembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.14/00
Date de la décision : 25/09/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-25;k.14.00 ?
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