La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/09/2000 | SUISSE | N°B.13/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 septembre 2000, B.13/00


«AZA 7»
B 13/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 25 septembre 2000

dans la cause

Fonds de prévoyance de l'Association Vaudoise d'Etablis-
sements Médico-Sociaux, avenue Agassiz 2, Lausanne,
recourant, représenté par Maître Jacques-André Schneider,
avocat, rue d'Aoste 1, Genève,

contre

A.________, intimé, représenté par Maître Daniel Dumusc,
avocat, avenue du Casino 33, Montreux,

e

t

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ a travaillé successivement au service
de plusieurs ...

«AZA 7»
B 13/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Frésard, Greffier

Arrêt du 25 septembre 2000

dans la cause

Fonds de prévoyance de l'Association Vaudoise d'Etablis-
sements Médico-Sociaux, avenue Agassiz 2, Lausanne,
recourant, représenté par Maître Jacques-André Schneider,
avocat, rue d'Aoste 1, Genève,

contre

A.________, intimé, représenté par Maître Daniel Dumusc,
avocat, avenue du Casino 33, Montreux,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ a travaillé successivement au service
de plusieurs établissements médico-sociaux en qualité
d'aide-soignant. En dernier lieu, il a été engagé dès le
1er septembre 1989 par la Résidence X.________, qui a
résilié le contrat de travail avec effet immédiat, le
27 février 1992.

En raison de cet engagement, A.________ a été affilié
au Fonds de prévoyance de l'Association Vaudoise d'Eta-
blissements Médico-Sociaux (AVDEMS; ci-après : le fonds de
prévoyance).
Le 31 mars 1992, puis le 28 octobre 1992, le fonds de
prévoyance a adressé à l'intéressé un questionnaire relatif
au sort de sa prestation de libre passage. Le 23 novembre
1992, A.________ a rempli et retourné ce questionnaire en
indiquant qu'il désirait le maintien de son compte indi-
viduel auprès du fonds de prévoyance, sans paiement de
cotisations pour la couverture des risques décès et invali-
dité; il a précisé qu'il se trouvait «toujours au chômage».

B.- Le 16 février 1993, A.________ a présenté une
demande de rente de l'assurance-invalidité. Son médecin
traitant, le docteur P.________, chef de clinique adjoint à
l'Hôpital ophtalmique Y.________, a posé à l'intention du
secrétariat de l'assurance-invalidité le diagnostic de
«dystrophie choroïdienne péripapillaire à transmission
autosomale récessive» et d'astigmatisme myopique bilatéral
(rapport du 10 mars 1993).
Par décision du 19 janvier 1996, l'Office de l'assu-
rance-invalidité du canton de Vaud a accordé à l'assuré une
rente entière d'invalidité, avec effet au 1er mai 1994.
L'assuré a recouru contre cette décision en concluant
au versement d'une rente à partir du 1er janvier 1993 déjà.
Par jugement du 3 mai 1996, le Tribunal des assurances
du canton de Vaud a rejeté le recours.
Saisi d'un recours de droit administratif dirigé con-
tre ce jugement, le Tribunal fédéral des assurances l'a
partiellement admis par arrêt du 23 septembre 1997. Il a
renvoyé la cause à la juridiction cantonale pour complément
d'instruction portant sur le moment de la survenance de
l'incapacité de travail de l'assuré.

C.- A la suite de cet arrêt, le tribunal des assu-
rances a repris l'instruction du cas. Il a adressé un ques-
tionnaire au docteur P.________, qui a répondu par lettre
du 24 novembre 1997. Par un deuxième jugement, du 21 jan-
vier 1998, le tribunal des assurances a reconnu à l'assuré
le droit à une rente de l'assurance-invalidité dès le
1er mars 1993. Il a retenu, sur la base des explications
fournies par le docteur P.________, que l'incapacité de
travail de l'assuré avait débuté le 1er mars 1992.

D.- Le 31 mars 1998, A.________ a demandé au fonds de
prévoyance de lui allouer, également, une rente d'invali-
dité. Le fonds de prévoyance lui a opposé un refus, au
motif que l'incapacité de travail avait débuté en réalité
le 1er mai 1993; il ne remplissait donc pas les conditions
mises au versement par le fonds de prévoyance d'une rente
d'invalidité, attendu qu'il n'était plus couvert, à cette
date, pour le risque d'invalidité (lettre du 16 juillet
1998).

E.- A.________ a alors assigné le fonds de prévoyance
devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud en
paiement d'une rente d'invalidité à partir du 1er mars
1993. Le fonds de prévoyance a conclu au rejet de la
demande.
Par jugement du 26 mai 1999, le tribunal des assu-
rances a alloué à l'assuré une rente d'invalidité de
1250 fr. 60 par mois à partir du 1er mars 1994. Se référant
à son jugement du 21 janvier 1998, il a retenu, en bref,
que l'incapacité totale de travailler avait débuté le
1er mars 1992, à une époque où l'assuré bénéficiait encore
d'une couverture du risque d'invalidité par le fonds de
prévoyance. Comme l'assuré avait droit, par ailleurs, à des
indemnités journalières d'assurance-maladie, en raison de
sa perte de gain, jusqu'au 28 février 1994, le droit à une
rente du fonds de prévoyance devait être différé jusqu'au
1er mars 1994.

F.- Le fonds de prévoyance interjette un recours de
droit administratif en concluant à l'annulation de ce juge-
ment et au rejet de la demande.
A.________ conclut au rejet du recours. Quant à
l'Office fédéral des assurances sociales, il renonce à
présenter une proposition.

Considérant en droit :

1.- a) Ont droit à des prestations d'invalidité les
invalides qui étaient assurés lors de la survenance de
l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de
l'invalidité (art. 23, 2e partie de la phrase, LPP). Selon
la jurisprudence, l'événement assuré au sens de l'art. 23
LPP est uniquement la survenance d'une incapacité de
travail d'une certaine importance, indépendamment du point
de savoir à partir de quel moment et dans quelle mesure un
droit à une prestation d'invalidité est né. La qualité
d'assuré doit exister au moment de la survenance de l'in-
capacité de travail, mais pas nécessairement lors de
l'apparition ou de l'aggravation de l'invalidité. Cette
interprétation littérale est conforme au sens et au but de
la disposition légale en cause, laquelle vise à faire
bénéficier de l'assurance le salarié qui, après une maladie
d'une certaine durée, devient invalide alors qu'il n'est
plus partie à un contrat de travail. Lorsqu'il existe un
droit à une prestation d'invalidité fondée sur une incapa-
cité de travail survenue durant la période d'assurance,
l'institution de prévoyance concernée est tenue de prendre
en charge le cas, même si le degré d'invalidité se modifie
après la fin des rapports de prévoyance. Dans ce sens, la
perte de la qualité d'assuré ne constitue pas un motif
d'extinction du droit aux prestations au sens de l'art. 26
al. 3 LPP (ATF 123 V 263 consid. 1a, 118 V 45 consid. 5).

L'incapacité de travail est la perte ou la diminution
de la capacité de rendement de l'assuré dans sa profession
ou son champ d'activités habituelles. Pour être prise en
considération, la diminution du rendement professionnel
doit être sensible et indiscutable; en outre, cet état de
fait doit être durable (ATF 105 V 159 consid. 2a).

b) Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les disposi-
tions de la LAI (art. 29 LAI) s'appliquent par analogie à
la naissance du droit aux prestations d'invalidité. Si une
institution de prévoyance reprend - explicitement ou par
renvoi - la définition de l'invalidité de la LAI, elle est
en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par
l'estimation de l'invalidité par les organes de cette assu-
rance, sauf si cette estimation apparaît d'emblée insou-
tenable. Cette force contraignante vaut aussi en ce qui
concerne la naissance du droit à la rente et, par consé-
quent, également pour la détermination du moment à partir
duquel la capacité de travail de l'assuré s'est détériorée
d'une manière sensible (ATF 123 V 271 consid. 2a et les
références citées).
Il est admis en l'espèce que l'invalidité selon le
règlement de l'institution de prévoyance est identique à la
notion d'invalidité selon la LAI.

c) Selon l'art. 10 al. 2 LPP, l'obligation d'être
assuré cesse, entre autres éventualités, en cas de disso-
lution des rapports de travail. Toutefois, pendant trente
jours après la dissolution des rapports de travail, le
salarié demeure assuré auprès de l'ancienne institution de
prévoyance pour les risques de décès et d'invalidité
(art. 10 al. 3 LPP, dans sa version, déterminante en l'oc-
currence, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994). Le règle-
ment du fonds de prévoyance reprend la même réglementation
(art. 5 let. b).

2.- a) Dans son arrêt du 23 septembre 1997, le Tribu-
nal fédéral des assurances a constaté que le dossier conte-
nait des rapports médicaux contradictoires en ce qui con-
cerne le début de l'incapacité de travail de l'assuré. Dans
son rapport du 10 mars 1993, le docteur P.________ a fixé
le début de l'incapacité de travail au 4 juin 1993 (il
semble que cette dernière date ait été inscrite après coup,
à l'occasion de l'établissement d'un rapport complémen-
taire). Ultérieurement, dans des rapports des 27 avril 1994
et 27 mars 1995, ce praticien faisait état d'une incapacité
de travail entière à partir du 1er mai 1993. Pourtant, dans
l'un de ces deux rapports, il déclarait ne pas avoir revu
le patient depuis le 1er décembre 1992, date à laquelle
«l'incapacité de travail était toujours totale». De sur-
croît, l'assuré avait produit en procédure cantonale un
nouveau certificat du même médecin (du 31 juillet 1995),
aux termes duquel l'incapacité de travail était de 100 pour
cent depuis le début de l'année 1992. En présence d'avis
médicaux aussi contradictoires, la juridiction cantonale
n'était pas en droit, a estimé le Tribunal fédéral des
assurances, de renoncer à administrer des preuves. Il lui
appartenait, en vertu du principe inquisitoire, de com-
pléter l'instruction de l'affaire en invitant le docteur
P.________ à clarifier sa position au sujet du moment de la
survenance de l'incapacité de travail. C'est pourquoi il
s'imposait de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle complète l'instruction dans ce sens.

b) Invité par l'autorité cantonale, à la suite de cet
arrêt, à fournir les éclaircissements demandés, le docteur
P.________ a précisé, dans sa lettre du 24 novembre 1997,
que le certificat du 31 juillet 1995 avait été établi après
avoir pris connaissance du litige opposant le patient au
fonds de prévoyance. Les examens pratiqués en 1987 mon-
traient déjà une importante atteinte de la vision péri-
centrale du patient. Le status du 1er décembre 1992 ne

faisait donc qu'objectiver une aggravation importante de sa
vision (champ visuel correspondant à une perte de vision
absolue dans les 40 degrés centraux) à laquelle on pouvait
d'ailleurs s'attendre, compte tenu du caractère «relente-
ment» évolutif de la maladie. Dans ce contexte et bien que
le patient eût encore travaillé jusqu'à fin février 1992,
le médecin estimait que son état justifiait déjà une inca-
pacité de travail de 100 pour cent dès le début de l'année
1992.
Sur la base de ces déclarations, le tribunal des assu-
rances a fixé, dans son jugement du 21 janvier 1998, le
début de l'incapacité de travail de l'assuré au 1er mars
1992 (soit le premier jour du mois suivant la dissolution
des rapports de travail). Il a, dès lors, reconnu à l'assu-
ré le droit à une rente de l'assurance-invalidité à partir
du 1er mars 1993.

c) Dans le jugement attaqué, le tribunal cantonal en
déduit que l'intéressé a également droit à une rente de la
prévoyance professionnelle, dès lors que l'incapacité de
travail a débuté à une époque où il bénéficiait encore
d'une couverture d'assurance conformément à l'art. 10 al. 3
LPP.
Le recourant soutient pour l'essentiel que le début de
l'incapacité de travail doit être fixé au 1er mai 1993,
conformément aux déclarations initiales du docteur
P.________. Aucune incapacité de travail n'a été constatée
par l'employeur au moment de la résiliation des rapports de
travail. Après la dissolution de ceux-ci, l'assuré a, en
outre, bénéficié d'indemnités journalières
d'assurance-chômage, ce qui démontrerait qu'il était apte
au placement. C'est également à partir du 1er mai 1993 que
l'intéressé a demandé et obtenu des indemnités journalières
d'assurance-maladie. En fait, c'est plus de trois ans après
la fin des rapports de travail et uniquement pour permettre

la mise en oeuvre de la clause d'assurance, que le docteur
P.________ aurait, toujours selon le recourant, admis
l'existence d'une incapacité de travail à partir de 1992
déjà. Le recourant relève d'autre part que le docteur
Piguet a vu l'intimé pour la première fois en décembre
1992, de sorte que ce médecin ne serait pas à même de faire
un constat sur la situation qui existait au début de
l'année 1992.

d) Sur le vu des explications fournies par le docteur
P.________, le jugement attaqué, dans la mesure où il
retient que l'incapacité de travail a débuté le 1er mars
1992, n'apparaît pas d'emblée insoutenable. Le fait de con-
sidérer que l'assuré subissait, à tout le moins, une dimi-
nution sensible de rendement dans son travail en raison
d'une affection oculaire est certes sujet à discussion, du
moment que les rapports de travail ne paraissent pas avoir
été résiliés pour des raisons de santé. Mais ce point de
vue n'apparaît cependant pas indéfendable. Il trouve même
un certain appui dans le fait que l'intimé a dû - comme le
révèlent les pièces du dossier - abandonner un précédent
emploi au service de l'établissement Z.________, pour le
31 décembre 1987, parce qu'il n'était plus en mesure, en
raison de la déficience de sa vue, de conduire sans risque
sa voiture pour effectuer le trajet nécessaire pour se
rendre à son travail. Or, on peut penser que la situation
s'est notablement aggravée au cours des quatre années qui
ont suivi, attendu que l'affection oculaire a conduit à une
perte progressive de la vision.
Les circonstances invoquées par le recourant n'appa-
raissent pas décisives. Pour l'essentiel, il oppose sa
propre thèse à celle des premiers juges, sans s'attacher à
établir le caractère insoutenable de leur appréciation. On
notera, au surplus, que c'est précisément parce que les
rapports médicaux du docteur P.________
étaient contra-
dictoires que le Tribunal fédéral des assurances a jugé,

dans son arrêt du 23 septembre 1997, qu'il était nécessaire
de demander des précisions à ce médecin. Sauf à remettre en
cause cet arrêt, on ne saurait considérer que les explica-
tions données par le docteur P.________ dans le cadre de ce
complément d'instruction sont d'emblée dénuées de crédi-
bilité. Enfin, en présence d'une affection dont la gravité
ne peut être sous-estimée et qui évolue lentement, il était
certainement possible pour le médecin de porter rétrospec-
tivement un jugement sur l'état de santé du patient et sur
ses répercussions sur la capacité de travail.
Quant au fait que l'assuré s'est annoncé à l'assu-
rance-chômage et qu'il a bénéficié d'indemnités journa-
lières après la cessation des rapports de travail, il n'est
pas déterminant. En effet, selon l'art. 8 al. 1 let. f
LACI, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il est
apte au placement. Le handicapé physique ou mental est
réputé apte à être placé lorsque, compte tenu de son in-
firmité et dans l'hypothèse d'une situation équilibrée du
marché de l'emploi, un travail convenable pourrait lui être
procuré sur ce marché (art. 15 al. 2, première phrase,
LACI). Lorsque, dans cette éventualité, l'assuré s'est
annoncé à l'assurance-invalidité ou à une autre assurance
selon le deuxième alinéa, il est réputé apte au placement
jusqu'à la décision de l'autre assurance. Cette reconnais-
sance n'a aucune incidence sur l'appréciation, par les
autres assurances, de son aptitude au travail ou à l'exer-
cice d'une activité lucrative (art. 15 al. 3 OACI). Le fait
d'être réputé apte au placement n'exclut donc pas la recon-
naissance d'une incapacité de travail ou de gain.

e) Il suit de là que le recours de droit administratif
est mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le Fonds de prévoyance de l'Association Vaudoise
d'Etablissements Médico-Sociaux versera à A.________
un montant de 2500 fr. (y compris la taxe à la valeur
ajoutée) à titre de dépens pour la procédure fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 25 septembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.13/00
Date de la décision : 25/09/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-25;b.13.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award