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22/09/2000 | SUISSE | N°U.225/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 septembre 2000, U.225/99


«AZA 7»
U 225/99 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 22 septembre 2000

dans la cause

Hoirs de feue M.________, recourants, représentés par
Maître Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, Genève,

contre

Alpina Assurances SA, rue Adrien-Lachenal 20, Genève,
intimée, représentée par Maître Jean-Charles Sommer,
avocat, Place Longemalle 16, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genèv

e

A.- Dans la cause opposant les hoirs de feue
M.________ à l'Alpina compagnie d'assurances SA, le Tribu-
nal fédéral des assu...

«AZA 7»
U 225/99 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Wagner,
Greffier

Arrêt du 22 septembre 2000

dans la cause

Hoirs de feue M.________, recourants, représentés par
Maître Mauro Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, Genève,

contre

Alpina Assurances SA, rue Adrien-Lachenal 20, Genève,
intimée, représentée par Maître Jean-Charles Sommer,
avocat, Place Longemalle 16, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- Dans la cause opposant les hoirs de feue
M.________ à l'Alpina compagnie d'assurances SA, le Tribu-
nal fédéral des assurances, par arrêt du 25 janvier 1996, a
annulé un jugement de la Cour de justice de la République
et canton de Genève du 15 septembre 1994, renvoyé la cause
à la juridiction cantonale pour instruction complémentaire
et nouveau jugement au sens des considérants. Les faits dé-

terminants sont exposés de manière détaillée dans l'arrêt
précité, auquel soit renvoi.

B.- a) Le Tribunal administratif de la République et
canton de Genève, auquel la cause fut transmise par la Cour
de justice comme objet de sa compétence, a établi que les
actes du dossier médical de feue M.________ qui avaient été
reçus par le service des pièces à conviction du Palais de
justice furent détruits. Par décision du 5 août 1997, il
confia une expertise complémentaire au docteur S.________,
médecin du Département d'anesthésie de l'Hôpital cantonal
et des Cliniques universitaires de Bâle, lequel avait par-
ticipé, avec le professeur X.________, à une première ex-
pertise du 25 mars 1994.
La mission du docteur S.________ a consisté à s'ad-
joindre tous spécialistes requis à titre de consultants,
notamment dans les domaines de l'obstétrique et de la gyné-
cologie, voire dans d'autres domaines, à établir un rapport
écrit complémentaire et à répondre à un questionnaire sur
neuf points, comportant des questions subsidiaires. Produi-
sant la liste des spécialistes qu'il a consultés, l'expert,
dans un rapport du 20 janvier 1998, a répondu aux questions
posées par le tribunal.

b) L'Hôpital cantonal universitaire de Genève, faisant
suite à la requête que le docteur S.________ avait adressée
aux services médicaux concernés afin d'obtenir des photoco-
pies du dossier médical de feue M.________, avisa le juge
délégué qu'il avait reçu différents envois et qu'il les
avait regroupés avec la copie du rapport de pathologie et
celle des rapports médicaux établis à la demande de l'hôpi-
tal. Ces nouvelles pièces furent mises à disposition de
l'expert, lequel produisit un rapport supplémentaire du
18 mars 1998.

c) Lors d'une audience de comparution personnelle et
d'enquêtes, du 25 juin 1998, le juge délégué a interrogé le

docteur S.________, ainsi que le docteur L.________, anes-
thésiste de garde à la maternité au moment des faits, et le
professeur B.________, chef de la clinique d'obstétrique,
lequel fut invité à déposer les pièces qui étaient encore à
sa disposition. Entendus en qualité de témoins, le docteur
L.________ et le professeur B.________ ont répondu notam-
ment aux questions posées par l'expert et par les parties.
Le 17 septembre 1998, lors d'une audience de comparu-
tion personnelle, le docteur T.________, réanimateur au mo-
ment des faits, a déposé en qualité de témoin.

d) L'hôpital cantonal a produit l'ensemble des pièces
et des photocopies de pièces du dossier médical de feue
M.________ en possession du professeur B.________. Le juge
délégué a avisé les parties que ces pièces étaient déjà
toutes connues du tribunal, sauf une, dont il leur a remis
copie.

e) Les parties ont pu se déterminer sur ce qui précè-
de. Par jugement du 18 mai 1999, le tribunal administratif
a rejeté le recours, dit qu'il n'est pas perçu d'émolument
ni alloué d'indemnité, et laissé les frais d'expertise et
de taxes versées aux témoins à la charge de l'État. En
bref, il a retenu que la cause du décès de feue M.________
est une rupture de l'anévrisme congénital, établie par
différents experts, et que cette rupture n'est pas la con-
séquence d'une erreur médicale grossière qui serait consti-
tutive d'un accident.

C.- a) Les hoirs de feue M.________ interjettent
recours de droit administratif contre ce jugement. A titre
principal, ils concluent, sous suite de dépens pour les
instances cantonale et fédérale, à l'annulation de celui-ci
et au renvoi de la cause à l'Alpina pour qu'elle détermine
les prestations dues au mari de la défunte et à leurs en-
fants Z.________ et L.________, le Tribunal fédéral des

assurance étant invité à dire et constater que M.________
est décédée à l'hôpital le 12 mars 1997 (recte : 1987) des
suites d'événements qui doivent être qualifiés d'accidents.
A titre subsidiaire, ils demandent, sous suite de dépens
pour l'instance fédérale, que la cause soit renvoyée à la
juridiction cantonale pour complément d'instruction et
nouveau jugement.
L'Alpina conclut, sous suite de dépens, au rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) ne
s'est pas déterminé sur le recours.

b) Le 9 décembre 1999, les hoirs de feue M.________
ont produit un rapport de la Commission judiciaire du Grand
Conseil genevois chargée d'étudier la pétition concernant
une plainte d'E.________, mari de la défunte, contre les
médecins de l'Hôpital cantonal.

c) Par lettre du 5 mai 2000, le juge délégué a avisé
l'expert judiciaire cantonal qu'il entendait éclaircir un
point de fait, soit l'omission d'une thérapie anti-hyper-
tensive durant l'anesthésie. Il lui posait deux questions,
auxquelles le professeur S.________ a répondu dans un écrit
du 18 juillet 2000. Dans ce cadre, les parties ont pu pré-
senter leurs déterminations.

Considérant en droit :

1.- Est déterminant le point de savoir s'il y a eu
erreur médicale accidentelle en relation de causalité avec
l'hémorragie cérébrale et avec le décès de l'assurée.

2.- Le point de savoir si un acte médical est comme
tel un facteur extérieur extraordinaire au sens de l'art. 9
al. 1 OLAA doit être tranché sur la base de critères médi-
caux objectifs. Selon la jurisprudence, le caractère extra-

ordinaire d'une telle mesure est une exigence dont la réa-
lisation ne saurait être admise que de manière sévère. Il
faut que, compte tenu des circonstances du cas concret,
l'acte médical s'écarte considérablement de la pratique
courante en médecine et qu'il implique de ce fait objecti-
vement de gros risques. Le traitement d'une maladie en soi
ne donne pas droit au versement de prestations de l'assu-
reur-accidents, mais une erreur de traitement peut, à titre
exceptionnel, être constitutive d'un accident, dès lors
qu'il s'agit de confusions ou de maladresses grossières et
extraordinaires, voire d'un préjudice intentionnel, avec
lesquels personne ne comptait ni ne devait compter (ATF
121 V 38 consid. 1b et les références).

3.- Selon l'expert judiciaire, «il sera toujours dif-
ficile sinon impossible de mettre le doigt sur un ou des
actes médicaux s'écartant de la pratique courante de façon
éclatante». Cette déclaration, formulée dans son rapport
supplémentaire du 18 mars 1998, concerne les actions théra-
peutiques et diagnostiques jusqu'au 2 mars 1987 à 13 h., la
provocation de l'accouchement et la césarienne en urgence
sous anesthésie générale (narcose), ainsi que l'anesthésie
générale et la suite.
En revanche, l'expert judiciaire a relevé un problème
d'organisation entre les médecins des différentes spécia-
lités. En effet, aucun document n'atteste qu'une communica-
tion interdisciplinaire ait eu lieu à titre préliminaire,
comme cela aurait dû se faire pendant la provocation de
l'accouchement, du moment que la patiente s'était présentée
à la maternité avec une grossesse à risque élevé en raison
de sa grossesse gémellaire et de la rupture prématurée de
l'une des poches des eaux.

4.- Il est établi que l'attitude expectative des
obstétriciens de l'hôpital cantonal dès l'arrivée de l'as-
surée dans leur service, consistant à ne pas procéder

d'emblée à une césarienne et à ne pas provoquer d'emblée un
accouchement des jumeaux par voie basse, mais à prolonger
le plus longtemps possible leur séjour dans l'utérus par
une thérapie pharmacologique (tocolyse), ne s'écartait
nullement de la pratique courante en médecine. Ce comporte-
ment n'était donc pas constitutif d'un événement acciden-
tel.
C'est en vain que les recourants allèguent que les
obstétriciens ont ainsi sous-estimé les risques liés à la
grossesse gémellaire et ceux liés à la rupture prématurée
de l'une des poches des eaux, et qu'ils ont également
sous-estimé le risque d'infection.
En effet, l'assurée s'est présentée à la maternité
dans sa 33ème semaine de grossesse. Or, d'après l'expert
judiciaire, dont l'avis se fonde sur les standards interna-
tionaux auxquels se réfère le jugement entrepris, les béné-
fices d'une thérapie basée sur les corticostéroïdes en ce
qui concerne la fréquence et sévérité de la morbidité néo-
natale et le taux de mortalité s'imposent d'une façon impé-
rative jusqu'à la fin de la 34ème semaine de grossesse.
Bien que l'effet maximal se produise seulement plus de
24 heures après le début d'une telle thérapie, un effet
bénéfique peut être observé plus tôt. Se demandant s'il y
avait un risque augmenté d'acquérir une infection, l'expert
a répondu que la pratique et les études mettaient en évi-
dence que le risque d'infection associé à une telle théra-
pie était bien mineur par rapport aux avantages réels, même
après une rupture prématurée de la poche des eaux (rapport
du 20 janvier 1998). Cela est confirmé par les documents
médicaux produits après coup par l'hôpital cantonal, où le
diagnostic différentiel, la décision de procéder à la toco-
lyse et le bilan infectieux négatif jusqu'au 2 mars 1987
sont indiqués (rapport supplémentaire du 18 mars 1998).

5.- Le 2 mars 1987, il fut constaté que l'un des bébés
présentait un enregistrement pathologique, ce qui amena les

obstétriciens à prendre la décision de provoquer le jour
même l'accouchement par voie naturelle.

a) Selon les recourants, les médecins auraient dû pro-
céder d'emblée à une césarienne, et non pas provoquer l'ac-
couchement par voie basse, motif pris que l'assurée avait
subi une conisation en 1985 et qu'elle courait pour cette
raison le risque d'une aggravation de l'hypertension lié au
comportement incertain du col de l'utérus.

b) Lors de l'audition du 25 juin 1998, le professeur
B.________ a déclaré qu'en règle générale, une conisation
antérieure est discutée lorsqu'une patiente arrive à
l'hôpital cantonal, car un tel traitement peut avoir un
effet sur l'accouchement. Telle est également l'opinion de
l'expert judiciaire, selon lequel toute grossesse gémellai-
re et tout col conisé sont deux facteurs de risque, tout
comme la rupture de l'une des poches des eaux.
Constatant que le couple M.________ avait reçu du
docteur H.________ une information adéquate sur ce point,
l'expert judiciaire expose dans son rapport du 20 janvier
1998 que de l'avis des docteurs D.________ et H.________,
ainsi que du professeur B.________, une conisation anté-
rieure n'a pas automatiquement pour conséquence la pratique
d'une césarienne. Lui-même considère que le risque d'une
«ouverture prématurée du col qui ne tient pas» ne semble
pas plus réel que celui d'un col qui ne s'ouvre pas. De ce
fait, la pratique actuelle préconise la procédure de cer-
clage du col utérin au moyen d'un fil pour éviter l'efface-
ment et la dilatation prématurée de celui-ci. En général,
la pratique montre que l'accouchement par voie basse se
déroule de manière guère plus compliquée dès que le fil de
cerclage est retiré en fin de grossesse, ceci en dépit de
la formation de tissu fibrotique.
La décision par les obstétriciens de provoquer l'ac-
couchement par voie naturelle, alors que l'assurée avait

subi une conisation en 1985, ne s'écartait donc pas de la
pratique courante en médecine. Elle ne saurait dès lors
constituer un événement accidentel.

6.- Il est constant que la succession des médicaments
qui furent utilisés au cours de la provocation de l'accou-
chement constituait la pratique courante. En particulier,
elle ne pouvait aggraver un risque d'hypertension. A dire
d'expert, «le risque d'hypertension grave et d'hémorragie
cérébrale» mentionné par le docteur P.________ dans son
rapport du 15 septembre 1992, résultant de «l'interaction
de l'oxytocine avec les bétamimétiques», se réduisait du
fait que ces substances ont des effets pharmacologiques
trop courts pour avoir des effets additifs importants lors-
qu'ils sont appliqués l'un après l'autre (rapport du
20 janvier 1998).

a) L'apparition de gestose, consignée le 2 mars 1987 à
16 h. dans le compte rendu d'accouchement de la division
d'obstétrique de l'hôpital cantonal, amena les obstétri-
ciens à instaurer un traitement de sulfate de magnésium,
selon décision prise par les docteurs G.________ et
Y.________ à 16 h. 10 (rapport d'hospitalisation en clini-
que d'obstétrique, du 17 mars 1987). A dire d'expert, le
diagnostic de pré-éclampsie était donc posé.

b) Les recourants reprochent aux obstétriciens de
n'avoir instauré aucun traitement anti-hypertensif pendant
la période du 27 février au 2 mars 1987 pour prévenir la
pré-éclampsie, ce qui, selon eux, est une erreur médicale
constitutive d'accident.

c) Ce reproche tombe à faux. En effet, dans le cas de
l'assurée, il n'y avait pas d'éléments qui parlaient en
faveur d'une pré-éclampsie au cours de la grossesse, selon
l'anamnèse de la période avant l'hospitalisation. A dire

d'expert, il n'y a pas de prophylaxie de la pré-éclampsie,

même lorsque - comme en l'espèce - le critère de la protéi-
nurie était déjà rempli (audition du 25 juin 1998).

7.- Le 2 mars 1987, à 17 h. 50, les obstétriciens pro-
cédèrent à une césarienne en urgence sous anesthésie géné-
rale (narcose).

a) Les recourants allèguent que si les obstétriciens,
ainsi qu'ils auraient dû le faire, avaient pris contact à
temps avec les anesthésistes, les seconds auraient pu
évaluer la situation et préparer une péridurale. Ils en
concluent que le choix de l'anesthésie générale ne se
justifiait en aucune façon et qu'il constitue ainsi un
événement accidentel.

b) Dans son rapport supplémentaire du 18 mars 1998,
l'expert judiciaire a déclaré que, même s'il n'y avait pas
lieu de remettre en question la décision d'effectuer une
césarienne en présence d'un état subfébrile maternel et
d'une tachycardie foetale à 170, il fallait quand même
s'engager dans une discussion quant à la justification
d'une césarienne en urgence sous anesthésie générale,
compte tenu des risques associés à une telle intervention,
tels qu'ils furent exposés dans son rapport du 20 janvier
1998. A son avis, «il aurait bien fallu instaurer une thé-
rapie efficace avant l'induction d'une anesthésie générale
pour mieux contrôler l'hypertension et prévenir toute
exacerbation».

c) Le docteur L.________, lors de l'audition du
25 juin 1998, a expliqué que la décision de ne pas adminis-
trer de thérapie antihypertensive spécifique durant l'anes-
thésie avait été discutée avec le docteur V.________, chef
de clinique. Selon l'anesthésiste, la délivrance
représentait l'acte le plus adéquat pour mettre fin à
l'hypertension.

Interpellé sur ce point, l'expert judiciaire, dans sa
réponse du 18 juillet 2000, a confirmé cette appréciation,
tout en relevant que la délivrance ne pouvait certainement
pas dispenser d'une thérapie anti-hypertensive spécifique
en cas de persistance de la tension artérielle élevée.

d) Dans sa lettre du 5 mai 2000, le juge délégué a
posé à l'expert judiciaire la question suivante :

«a) Peut-on dire que l'anesthésiste n'a pas respecté les
règles de l'art en omettant de prendre des mesures spécifi-
ques contre l'hypertension de la patiente avant de procéder
à une anesthésie générale ?

b) Si oui, cette omission, au regard des circonstances du
cas concret (risque accru d'hémorragie cérébrale), s'écar-
tait-elle considérablement de la pratique courante en méde-
cine et impliquait-elle de ce fait, objectivement, de gros
risques pour la patiente ?».

e) Dans sa réponse du 18 juillet 2000 (accompagnée
d'une explication), le professeur S.________ a constaté ce
qui suit :

. Les équipes en charge n'ont pas respecté toutes les rè-
gles de l'art en omettant une thérapie anti-hypertensive
avant de procéder à une césarienne sous anesthésie géné-
rale.

. Si l'omission d'une telle thérapie anti-hypertensive est
associée à un certain risque (quoique restreint) d'une
hémorragie cérébrale chez toute patiente pré-éclampti-
que, ce risque est d'autant plus important chez une pa-
tiente se présentant avec un anévrisme malformatif
asymptomatique.

. Quant à la pratique courante, je ne dispose pas d'infor-
mation solide concernant la fréquence des mesures prises
pour diminuer le risque d'hémorragie cérébrale en cas
d'une pré-éclampsie. C'est pourquoi il m'est tout à fait
impossible de répondre à la question de savoir s'il y
avait un écart considérable de la pratique courante en
cas d'omission d'une telle thérapie.

. D'après le "Report on Confidential Enquiries into Mater-
nal Deaths in the United Kingdom 1994-1996", l'établis-
sement d'un contrôle efficace de l'hypertension arté-
rielle associée à la pré-éclampsie aurait contribué à la
réduction de la mortalité maternelle due à l'hémorragie

cérébrale. Cela signifie que le standard d'excellence
qui inclut la thérapie d'une hypertension ne fait tou-
jours pas partie de la pratique courante d'une façon
générale. Ainsi, dans le cas présent, l'équipe en charge
de la patiente ne s'est pas forcément éloignée de la
pratique courante tout en manquant le standard souhaita-
ble ("substandard care").

f) Il est ainsi établi que le comportement de l'équipe
en charge de l'assurée n'était pas entièrement conforme aux
règles de l'art par rapport à ce qu'on pouvait attendre
d'un hôpital universitaire en ce qui concerne la thérapie
d'une hypertension. En omettant une thérapie anti-hyperten-
sive spécifique durant l'anesthésie, le comportement de
l'anesthésiste au moment déterminant, même s'il ne respec-
tait pas le standard souhaitable, ne s'écartait toutefois
pas considérablement de la pratique médicale courante et
n'était donc pas constitutif d'un événement accidentel, au
sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus (consid. 2).

g) Cela étant, s'agissant de la question de la péri-
durale, il ressort du dossier (actes 20057/30200) qu'elle
s'est bel et bien posée dès 16 h., à la suite de l'appari-
tion de gestose. Le docteur L.________, médecin-anesthé-
siste, a déclaré lors de l'audition du 25 juin 1998 que
lorsqu'il fut avisé, il s'agissait pour lui d'un accouche-
ment par voie basse sous péridurale. A 17 h., la situation
fut présentée au professeur B.________, lequel décida d'une
césarienne sous narcose en urgence (rapport d'hospitali-
sation précité, du 17 mars 1987). En effet, les indications
de la césarienne - souffrance du premier foetus révélée par
le monitorage, état subfébrile de la mère (37,7 degrés),
pré-éclampsie et signes d'infection - étaient d'une
relative urgence et une anesthésie générale plus rapide à
mettre en place dans un tel cas. A partir de ce moment-là,
il y avait donc une contre-indication relative pour une
péridurale, ainsi que l'a confirmé l'expert judiciaire lors
de l'audition du 25 juin 1998.

8.- Les faits déterminants en ce qui concerne le dé-
faut d'information radiographique sur la position du cathé-
ter sous-clavier et le déroulement de la réanimation sont
exposés dans le jugement attaqué, auquel soit renvoi.

a) Selon les recourants, l'échec de la réanimation est
dû au défaut d'information radiographique sur la malposi-
tion du cathéter et à l'arrivée tardive des réanimateurs,
35 minutes au plus tôt après l'arrêt cardio-respiratoire,
ce qui a provoqué le décès de l'assurée. Ils se réfèrent au
rapport de l'expert judiciaire du 20 janvier 1998, dont il
ressort que «(le) défaut d'information radiographique sur
la malposition du cathéter a contribué sans aucun doute à
l'échec de la thérapie pharmacologique lors de la réani-
mation».

b) Toutefois, dans son rapport du 20 janvier 1998,
l'expert judiciaire n'a pas imputé le décès de l'assurée au
défaut d'information radiographique sur la position du ca-
théter, ni au délai de près d'une demi-heure qui s'est
écoulé depuis l'arrêt cardio-respiratoire jusqu'à l'arrivée
des anesthésistes appelés à la réanimation. Selon lui, il y
a une probabilité considérable que son décès soit le résul-
tat d'une multiplicité de problèmes médicaux et de compli-
cations associées, ci-inclus les complications iatrogènes.
Compte tenu des conclusions de l'expert judiciaire,
qui reprennent celles de la première expertise du 25 mars
1994, la Cour de céans n'a aucune raison de s'écarter du
point de vue des premiers juges, selon lequel il n'y a pas
de lien de causalité entre l'absence initiale ou subséquen-
te de contrôle radiographique de la position du cathéter
sous-clavier et le décès de l'assurée. Il est établi que,
lors de l'arrivée des réanimateurs, celle-ci faisait déjà
l'objet d'une tentative de réanimation par le médecin
assistant attaché au service et une infirmière. Selon l'ex-
pert judiciaire, la situation était déjà mauvaise et on
peut donc dire que les actes antérieurs à la tentative de

réanimation par les spécialistes n'ont pas été assez effi-
caces, mais qu'une arrivée antérieure des réanimateurs
n'aurait pas été pour autant une garantie de succès.
Dans les circonstances de l'espèce, les complications
mises en évidence par l'expert judiciaire ne représentent
donc pas un événement répondant à la notion juridique de
l'accident (SJ 1998 p. 430, où il s'agissait de la section
accidentelle de la veine épigastrique, lors de l'opération
d'une hernie inguinale).

9.- Il faut dès lors nier une erreur médicale acciden-
telle (ATF 121 V 38 consid. 1b et les références).

a) Les recourants contestent toutefois la légalité de
la jurisprudence précitée. Selon eux, la responsabilité
médicale doit être définie de la même façon en droit des
assurances sociales et en droit de la responsabilité
civile.

b) La critique des recourants repose apparemment sur
une confusion entre l'assurance des accidents non pro-
fessionnels et celle de la responsabilité civile. En effet,
au risque de faire jouer à l'assurance des accidents non
professionnels le rôle d'une assurance de la responsabilité
civile des fournisseurs de prestations médicales, ce qui
serait contraire à la loi (art. 41 sv. LAA), on ne saurait
considérer que des gestes médicaux inappropriés, voire en
partie contraires aux règles de l'art, tels qu'ils parais-
sent s'être produits en l'occurrence, réunissent les
critères d'un événement accidentel au sens de la jurispru-
dence.
En réalité, les recourants voudraient obtenir une
modification de la jurisprudence en la matière, à savoir
que l'exigence d'un acte médical s'écartant considérable-
ment de la pratique médicale courante soit abandonnée et
que toute faute du médecin soit considérée comme un événe-
ment extraordinaire. Toutefois, les conditions d'un tel

revirement de jurisprudence ne sont pas remplies (ATF
125 I 471, 124 V 387 consid. 4c et les arrêts cités; voir
aussi ATF 126 V 40 consid. 5a).

c) Il n'est dès lors pas nécessaire de compléter enco-
re une fois l'instruction de la cause (ATF 122 V 162 con-
sid. 1d).
Quant à la destruction du dossier médical de l'assurée
par les organes de la justice pénale, elle est certes dé-
plorable mais ne joue aucun rôle dans l'appréciation juri-
dique des faits tels qu'ils ont pu être reconstitués avec
l'aide des médecins traitants et des experts.

d) La preuve d'une erreur médicale accidentelle
n'ayant pas été rapportée au degré de la vraisemblance pré-
pondérante exigé par la jurisprudence (ATF 121 V 208 con-
sid. 6b), les recourants doivent en subir les conséquences
et leurs conclusions se révèlent infondées (ATF 116 V 140
consid. 4b).

10.- a) Les recourants, qui succombent, ne sauraient
prétendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale
(art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

b) L'intimée, représentée par un avocat, obtient gain
de cause. Elle ne saurait, toutefois, prétendre une indem-
nité de dépens pour l'instance fédérale. En effet, les
autorités et les organisations chargées de tâches de droit
public n'ont en principe pas droit à des dépens lors-
qu'elles obtiennent gain de cause (art. 159 al. 2 en
liaison avec l'art. 135 OJ). Comptent au nombre des
organisations chargées de tâches de droit public notamment
la CNA, les autres assureurs-accidents, les caisses-maladie
et les caisses de pension (consid. 6 de l'ATF 120 V 352).
Exceptionnellement des dépens peuvent être alloués lors-
qu'en raison de la particularité ou de la difficulté du

cas, le recours à un avocat indépendant était nécessaire
(ATF 119 V 456 consid. 6b; RAMA 1995 no K 955 p. 6). Tel
n'est pas le cas en l'espèce.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif de la République et canton de
Genève et à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 septembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.225/99
Date de la décision : 22/09/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-22;u.225.99 ?
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