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22/09/2000 | SUISSE | N°1P.371/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 septembre 2000, 1P.371/2000


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1P.371/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

22 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, R.________, C.________, la société X.________ et
B.________, tous représentés par Me Henri Carron, avocat à
Monthey,

contre

l'arrêt rendu le 19 avril 2000 par la Cour de droit public

du
Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui op-
pose les recourants à l'Etat du Valais, représenté pa...

«»

1P.371/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

22 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Aeschlimann et Favre. Greffier: M. Jomini.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, R.________, C.________, la société X.________ et
B.________, tous représentés par Me Henri Carron, avocat à
Monthey,

contre

l'arrêt rendu le 19 avril 2000 par la Cour de droit public
du
Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui op-
pose les recourants à l'Etat du Valais, représenté par son
Département des transports, de l'équipement et de l'environ-
nement;

(indemnité d'expropriation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les services du Département des travaux pu-
blics du canton du Valais (actuellement: Département des
transports, de l'équipement et de l'environnement) ont éla-
boré, dans le cadre des travaux de la 3ème correction du
Rhône, un projet pour des ouvrages d'élargissement des
digues
à réaliser sur le territoire de la commune de Fully, entre
le
pont de Branson et celui de Solverse ("mesures anticipées
1996"). Le plan a été mis à l'enquête publique à partir du
11
octobre 1996, l'avis officiel mentionnant que les disposi-
tions de la loi cantonale sur les routes du 3 septembre 1965
(LR) étaient applicables au projet. Ce plan a été approuvé
par le Conseil d'Etat le 21 mai 1997. Quelques jours aupara-
vant, le 16 mai 1997, le Grand Conseil avait déclaré les tra-
vaux d'utilité publique. Ces deux décisions n'ont pas été
contestées et elles sont entrées en force.

La réalisation du projet nécessite l'expropriation
partielle des parcelles suivantes, au lieu-dit "Le Goilly":
- n° 6030, propriété de X.________ (expropriation de
196 m2 sur 1'650 m2);
- n° 6034, propriété de R.________ (expropriation de
222 m2 sur 1'882 m2);
- n° 6035, propriété de C.________ (expropriation de
222 m2 sur 1'828 m2);
- n° 6036, propriété de X.________ (expropriation de
239 m2 sur 1'974 m2);
- n° 6037, propriété de X.________ (expropriation de
248 m2 sur 1'839 m2);
- n° 6038, propriété de X.________ (expropriation de
253 m2 sur 1'920 m2);
- n° 6039, propriété de X.________ (expropriation de
261 m2 sur 1'920 m2);

Les six premières parcelles sont classées par le
plan d'affectation de la commune de Fully dans une zone arti-
sanale différée; la septième se trouve dans la zone sans af-
fectation spéciale.

Au moment du dépôt du plan d'expropriation, tous ces
terrains étaient loués et cultivés par A.________ et son
père
B.________. Les parcelles n° 6034, 6035, 6036, 6037, 6038 et
6039, contiguës les unes aux autres, forment une bande de
terrain au bord du Rhône; la parcelle n° 6030 se situe dans
le prolongement de cet ensemble, dont elle est séparée par
trois autres parcelles. Le 11 juin 1999, A.________ est de-
venu propriétaire d'une partie des terrains de son exploita-
tion en achetant à X.________ les parcelles n° 6036, 6037,
6038 et 6039.

A.________ et B.________ ont installé au printemps
1997 sur la bande de terrain formée des parcelles n° 6034,
6035, 6036, 6037, 6038 et 6039, des tunnels en matière plas-
tique sous lesquels ils ont planté des fraises le 16 juin
1997 (variété "seascape", remontante). Des fraises ont égale-
ment été plantées sur la parcelle n° 6030. Il était prévu,
sur un cycle de quatre ans, de faire plusieurs récoltes de
fraises, au printemps et en automne, puis de remplacer ces
plantations par des tomates.

L'Etat du Valais a pris possession des terrains ex-
propriés le 1er septembre 1997.

B.- Conformément aux dispositions de la loi canto-
nale du 1er décembre 1887 concernant les expropriations pour
cause d'utilité publique (LEx/VS), une première commission
d'experts a été désignée pour fixer les indemnités dues aux
expropriés (art. 6 ss LEx/VS).

Cette commission a rendu ses décisions le 11 décem-
bre 1997. Elle a fait une distinction entre le montant dû
pour la cession du terrain, et celui dû pour les pertes en-
courues à cause de l'abandon des cultures maraîchères qui a-
vaient été entreprises. Pour les parcelles classées dans la
zone artisanale, elle a fixé l'indemnité pour le terrain à
40 fr./m2, montant augmenté d'un quart en vertu de l'art. 15
LEx/VS ("quart légal"); pour la parcelle en zone sans affec-
tation spéciale n° 6039), cette indemnité est de 18 fr./m2,
plus le quart légal. En ce qui concerne l'indemnisation pour
les cultures, la commission a arrêté un montant de 21,32
fr./m2 pour la bande de terrain expropriée sur les parcelles
n° 6034, 6035, 6036, 6037, 6038 et 6039; pour la parcelle n°
6030, elle a alloué à ce titre une indemnité de 2'187 fr.

Les différents propriétaires des terrains précités
ont tous déposé une réclamation contre ces estimations, en
précisant qu'ils acceptaient l'indemnité fixée pour la
valeur
du terrain, mais contestaient celle relative aux cultures.

Une nouvelle commission d'estimation a été désignée
(commission de révision; cf. art. 11 LEx/VS). Elle a procédé
à une inspection locale (le 13 octobre 1998), demandé aux ex-
ploitants des terrains des renseignements sur la nature et
le
rendement de leurs cultures et interrogé à ce sujet différen-
tes institutions (service romand de vulgarisation agricole,
office maraîcher du service cantonal de l'agriculture, notam-
ment). Cette commission a rendu ses décisions d'estimation
le
23 novembre 1999. Le montant correspondant à la valeur
vénale
du terrain n'a pas été modifié (40 fr./m2, respectivement 18
fr./m2, plus le quart légal). En revanche, les autres élé-
ments de l'indemnité d'expropriation ont été revus: une "in-
demnité pour les cultures", de 25 fr./m2, et une "indemnité
pour reconstitution des installations et des cultures", de
3.49 fr./m2, ont été formellement allouées aux propriétaires

des terrains expropriés, mais versées directement à
A.________ et B.________, fermiers exploitants.

C.- Les expropriés A.________, R.________,
C.________ et la société X.________, ainsi que l'exploitant
B.________ ont recouru ensemble au Tribunal cantonal du
canton du Valais contre les décisions de la commission de
révision, en concluant à l'allocation d'une somme globale de
113'897 fr. "à titre de pertes de récolte et de
moins-value",
les autres éléments des indemnités d'expropriation devant
pour le reste être confirmés (indemnité pour le terrain, in-
demnité pour reconstitution des installations et des cultu-
res). Ils faisaient valoir en substance que la commission de
révision aurait dû prendre en considération la perte des ré-
coltes successives durant quatre ans depuis l'automne 1997,
et non seulement durant deux ans; ils invoquaient en outre
les frais d'exploitation proportionnellement plus élevés,
sur
l'ensemble de leur domaine, après l'amputation de la surface
expropriée.

La Cour de droit public du Tribunal cantonal a reje-
té le recours par un arrêt rendu le 19 avril 2000. Elle a
considéré que les plantations de fraises et la pose des ins-
tallations de cultures sur les parcelles concernées étaient
intervenues après la mise à l'enquête publique des travaux;
que l'art. 45 LR interdisait toute modification à l'état des
immeubles nécessaires à la réalisation du projet dès la mise
à l'enquête des plans jusqu'à l'entrée en vigueur de la déci-
sion d'approbation; que A.________ et B.________ n'avaient
pas tenu compte de cette règle en installant des tunnels in-
dispensables aux cultures de fraises (puis de tomates);
qu'en
conséquence, leurs prétentions supplémentaires n'étaient pas
justifiées (consid. 3 de l'arrêt du 19 avril 2000). La Cour
de droit public a encore considéré que, pour les terrains
classés en zone artisanale différée, l'estimation (40 fr./m2
plus le quart légal) ne correspondait pas à la valeur du

terrain agricole, mais à la valeur du terrain à bâtir, ce
qui
aurait dû exclure toute indemnité pour perte de récoltes ou
moins-value de l'exploitation maraîchère; néanmoins, en
vertu
de l'interdiction de la reformatio in peius, les décisions
de
la commission de révision ne pouvaient plus être modifiées
au
détriment des expropriés (consid. 4). Enfin, la Cour de
droit
public a nié l'existence, pour la partie restante de l'ex-
ploitation, d'inconvénients justifiant une indemnisation
(consid. 5).

D.- Agissant par la voie du recours de droit pu-
blic, A.________, R.________, C.________, la société
X.________ et B.________ demandent au Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal. Ils se plaignent
d'une violation du droit d'être entendu (art. 29 al. 2
Cst.),
le refus de leur reconnaître le droit à une indemnité pour
perte de récoltes étant fondé sur une argumentation - les
conséquences d'un ban d'expropriation découlant de la loi
sur
les routes - qu'ils qualifient d'imprévisible et
surprenante.
Ils soutiennent par ailleurs que le montant alloué par la
commission de révision pour la perte de récoltes et les in-
convénients d'exploitation (montant qui n'a en définitive
pas
été remis en cause dans l'arrêt attaqué, en raison de l'in-
terdiction de la reformatio in peius) est manifestement in-
suffisant et donc arbitraire; le Tribunal cantonal aurait,
de
façon insoutenable, renoncé à examiner leur argumentation à
ce sujet.

Le Département des transports, de l'équipement et de
l'environnement ainsi que la Cour de droit public du
Tribunal
cantonal ont renoncé à répondre au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Il convient d'examiner en premier lieu le grief
de violation du droit d'être entendu, à cause de l'applica-
tion par le Tribunal cantonal de l'art. 45 LR pour exclure
toute indemnité supplémentaire en relation avec les cultures
sur les terrains expropriés.

a) La jurisprudence a déduit du droit d'être enten-
du (art. 29 al. 2 Cst., art. 4 al. 1 aCst.), en particulier,
le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une dé-
cision ne soit prise à son détriment (ATF 126 I 15 consid.
2a/aa p. 16; 124 I 49 consid. 3a p. 51; 122 I 53 consid. 4a
p. 55 et les arrêts cités). Une partie n'a cependant pas le
droit, en principe, de se prononcer sur l'appréciation juri-
dique des faits ni, plus généralement, sur l'argumentation
juridique à retenir (ATF 108 Ia 295 consid. 4c). Toutefois,
ce droit doit être reconnu et respecté lorsque le juge envi-
sage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juri-
dique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune
partie en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer
la pertinence dans le cas particulier (ATF 126 I 19 consid.
2c p. 22; 124 I 49 consid. 3c p. 52; 114 Ia 97 consid. 2a p.
99).

b) Selon l'art. 13 LEx/VS, l'indemnité allouée à
l'exproprié doit tenir compte de tout le dommage qui résulte
de l'expropriation (al. 1); elle comprend notamment la
valeur
de l'immeuble requis (al. 2 let. a), celle des récoltes, des
arbres et autres plantations à détruire (al. 2 let. b) et la
dépréciation, s'il y a lieu, pour la partie laissée au pro-
priétaire quand l'expropriation n'est que partielle (al. 2
let. c).

Dans le cas particulier, la valeur du terrain ex-
proprié (cf. art. 13 al. 2 let. a LEx/VS) a été fixée par la
première commission d'estimation et elle n'a plus été contes-
tée ensuite. Le litige a dès lors porté uniquement sur la
partie de l'indemnité relative aux pertes subies par les ex-
ploitants, lesquels prétendent - le cas échéant par l'inter-
médiaire des propriétaires des fonds concernés - à un rem-
boursement de la valeur des récoltes et des plantations aux-
quelles ils ont dû renoncer à partir de la prise de posses-
sion des terrains expropriés par l'Etat du Valais (cf. art.
13 al. 2 let. b LEx/VS), voire à une compensation de la dimi-
nution de valeur de leur domaine (cf. éventuellement art. 13
al. 2 let. c LEx/VS). Tant la première que la seconde commis-
sion d'estimation ont examiné ces prétentions et ont évalué
le dommage.

Le Tribunal cantonal a considéré que ces prétentions
auraient dû être rejetées, car elles résultaient d'un choix
unilatéral des exploitants d'entreprendre des travaux pour
les cultures de fraises et de tomates après la mise à l'en-
quête publique des ouvrages de la troisième correction du
Rhône. Selon la Cour cantonale, depuis la publication de
l'avis de mise à l'enquête, le 11 octobre 1996, il n'était
plus permis de modifier de cette manière l'état du terrain,
car cela était de nature à aggraver la situation de l'expro-
priant. Ces restrictions - le ban d'expropriation, selon la
terminologie de l'art. 42 de la loi fédérale sur l'expropria-
tion (LEx, RS 711), à laquelle l'arrêt attaqué se réfère in-
directement (consid. 3b in fine) - découleraient d'une règle
du droit cantonal, l'art. 45 LR, qui dispose que "dès la
mise
à l'enquête des plans (...) et jusqu'à l'entrée en vigueur
de
la décision d'approbation du plan, il ne peut être apporté
aucune modification à l'état des immeubles bâtis ou non
bâtis
nécessaires à la réalisation du projet ou situés dans la
zone
d'interdiction de construire bordant la voie publique".

Il est vrai que l'avis d'enquête prévoyait l'appli-
cation de la loi cantonale sur les routes aux travaux de cor-
rection fluviale litigieux. Le dossier ne contient néanmoins
aucune décision assimilant formellement les travaux
litigieux
à des ouvrages routiers. Or le champ d'application de cette
loi ne s'étend en principe pas, selon son article premier, à
d'autres travaux publics que ceux qui concernent les voies
publiques
ainsi que les routes et chemins privés affectés à
l'usage commun; aussi la pertinence de cette référence, dans
l'avis d'enquête, n'était-elle pas évidente. Nonobstant le
libellé de cet avis, les expropriés pouvaient, de bonne foi,
ne pas s'attendre à l'application par le Tribunal cantonal
d'une règle de cette loi ayant pour effet de diminuer, voire
de supprimer les indemnités couvrant les pertes subies par
les exploitants des terrains cultivés, alors que dans les
phases précédentes de la procédure d'estimation, il n'en
avait jamais été question. La réparation ayant été admise
dans son principe - la mise en culture des terrains expro-
priés n'ayant pas été considérée comme un acte unilatéral
des
recourants, violant un ban d'expropriation et préjudiciable
aux intérêts de l'expropriant -, la contestation n'avait en
effet porté que sur l'estimation de ces pertes. Quant à la
Cour de droit public, elle n'a pas interpellé les expropriés
à ce propos au cours de l'instruction des recours qui lui
étaient soumis.

Pour les deux commissions d'estimation, le moment
auquel les investissements et travaux nécessaires en vue des
récoltes de l'automne 1997 et des saisons suivantes avaient
été effectués - avant ou après le début de l'enquête
publique
- n'a jamais été considéré comme un élément déterminant;
aussi n'ont-elles pas examiné les conséquences, pour la pla-
nification des plantations, que les exploitants auraient dû
éventuellement tirer de l'avis d'enquête. La simple publica-
tion du plan d'un ouvrage public, qui peut encore susciter
des oppositions et être modifié, ne saurait avoir générale-

ment pour conséquence d'empêcher, sur l'ensemble des
terrains
touchés, toute forme de culture ou d'exploitation agricole:
à
ce stade-là en effet, les durées de la procédures d'adoption
du projet et de la procédure d'expropriation, jusqu'à ce
qu'interviennent le transfert de la propriété à l'Etat ou
l'envoi en possession anticipé, sont difficilement prévisi-
bles et il est légitime, pour un exploitant agricole, d'es-
compter encore une ou plusieurs récoltes. En se fondant sur
la règle spéciale de l'art. 45 LR pour juger que les préten-
tions des recourants étaient de toute manière infondées,
quand bien même le droit cantonal permet l'indemnisation des
récoltes non effectuées et des plantations à détruire (art.
13 al. 2 let. c LEx/VS), les juges cantonaux ont en l'occur-
rence retenu un argument juridique auquel les recourants ne
pouvaient pas s'attendre avant la communication de l'arrêt
attaqué, ce qui les a notamment empêchés d'alléguer les
faits
propres à justifier, sous cet angle, leurs prétentions. La
Cour de droit public a donc violé le droit d'être entendu
des
recourants en refusant, pour ce motif, d'examiner leurs
conclusions tendant à l'augmentation des indemnités d'expro-
priation.

2.- Dans une motivation subsidiaire, la Cour de
droit public a retenu que pour respecter l'art. 13 LEx/VS,
"un seul et même dommage ne peut être indemnisé cumulative-
ment comme terrain à bâtir et comme terrain agricole"; elle
a
considéré que les terrains de la zone artisanale différée
avaient été estimés au prix de la zone à bâtir et que, dans
ces conditions, il pouvait être fait abstraction des autres
préjudices subis par les exploitants agricoles. Les recou-
rants, qui invoquent la protection contre l'arbitraire, qua-
lifient ce raisonnement d'insoutenable.

a) Une décision est arbitraire et, partant,
contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle méconnaît gravement
une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou

lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la
justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de
la
solution retenue en dernière instance cantonale que si elle
est insoutenable, en contradiction manifeste avec la situa-
tion effective, si elle a été adoptée sans motif objectif ou
en violation d'un droit certain. Il ne suffit pas que la mo-
tivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il
qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166
consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129 consid.
5b
p. 134; 124 V 137 consid. 2b p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p.
88 et les arrêts cités).

b) Comme l'estimation de la valeur vénale du ter-
rain exproprié n'a jamais été contestée (cf. supra, consid.
1b), le dossier de la cause ne contient aucune indication
sur
le niveau des prix des parcelles en zone à bâtir à Fully, en
particulier dans les zones artisanales. La Cour de droit pu-
blic a simplement déduit de la comparaison entre le prix re-
tenu par la première commission d'estimation pour la zone
sans affectation spéciale (18 fr./m2) et pour la zone arti-
sanale différée (40 fr./m2) que cette dernière valeur corres-
pondait au prix du marché pour le terrain à bâtir. Une telle
conclusion, sans autre élément d'appréciation ni de comparai-
son, est insoutenable quand elle a pour effet d'exclure un
examen des prétentions à une indemnité pour d'autres préju-
dices, liés aux pertes d'exploitation. Il n'est en effet pas
possible de déterminer si, globalement et compte tenu de la
règle de l'unité de l'indemnité d'expropriation (cf. consid.
2a de l'arrêt attaqué), les montants alloués correspondent
au
maximum des différentes estimations, suivant que l'on se fon-
de sur la nature constructible du terrain ou sur son utilisa-
tion agricole (cf. Jean Quinodoz, De quelques problèmes tou-
chant le recours en nullité contre les taxes d'expropriation
et la fixation de ces taxes, RVJ 1970 p. 325). A cela s'ajou-
te que ce raisonnement est dénué de toute pertinence en ce
qui concerne la parcelle n° 6039, dont la valeur vénale a

précisément été estimée à 18 fr./m2, et non pas à 40 fr./m2.
L'arrêt attaqué se révèle donc arbitraire sur ce point.

3.- Il n'est pas nécessaire d'examiner les griefs
des recourants relatifs à la moins-value du solde du
domaine,
ces prétentions ayant un caractère accessoire à celles fon-
dées sur les pertes pour les récoltes non effectuées ou les
plantations détruites.

4.- Il s'ensuit que le recours de droit public doit
être admis pour violation des art. 29 al. 2 Cst. (supra,
consid. 1) et 9 Cst. (supra, consid. 2); l'arrêt attaqué
doit
donc être annulé.

Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judi-
ciaire (art. 156 OJ). L'Etat du Valais aura cependant à ver-
ser des dépens aux recourants, assistés d'un avocat (art.
159
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours de droit public et annule l'ar-
rêt attaqué.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Met à la charge de l'Etat du Valais une indemnité
de 3'000 fr. à payer aux recourants, pris solidairement, à
titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire des recourants, au Département des transports, de
l'équipement et de l'environnement et au Tribunal cantonal
du
canton du Valais, ainsi qu'à la commission de révision en ma-
tière d'expropriation, par sa présidente Me Véronique Thétaz-
Murisier, avocate à Orsières.

Lausanne, le 22 septembre 2000
JIA/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.371/2000
Date de la décision : 22/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-22;1p.371.2000 ?
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