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21/09/2000 | SUISSE | N°1P.466/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 septembre 2000, 1P.466/2000


«AZA 3»

1P.466/2000/VIZ

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
******************************************

21 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme le juge suppléant Pont Veuthey.
Greffier: M. Zimmermann.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Konrad B a u m a n n, Recolaine 9, à Vicques,

contre

l'élection des juges du Tribunal de première instance du
canton du Jura;

(Art. 30 Cst

.; art. 88 OJ; organisation judiciaire
cantonale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

...

«AZA 3»

1P.466/2000/VIZ

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
******************************************

21 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme le juge suppléant Pont Veuthey.
Greffier: M. Zimmermann.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Konrad B a u m a n n, Recolaine 9, à Vicques,

contre

l'élection des juges du Tribunal de première instance du
canton du Jura;

(Art. 30 Cst.; art. 88 OJ; organisation judiciaire
cantonale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La Constitution jurassienne du 20 mars 1977 divise
le territoire cantonal en trois districts, soit Delémont,
Les Franches-Montagnes et Porrentruy (art. 109 al. 1 Cst.
jur.). Les districts forment les circonscriptions adminis-
tratives et judiciaires (art. 108 al. 2 Cst. jur.). L'art.
102 Cst. jur. institue un tribunal civil et pénal, ainsi
qu'un juge administratif, par district.

En janvier 1998, le Gouvernement du canton du Jura a
publié, à l'intention du Parlement, un message portant sur
la réforme de l'organisation judiciaire cantonale. Ce projet
visait à créer une seule circonscription judiciaire au ni-
veau cantonal, à supprimer les tribunaux de district, ceux-
ci étant remplacés par un tribunal de première instance dont
les compétences s'étendraient à tout le territoire cantonal.
Dans son message, le Gouvernement a préconisé que le futur
Tribunal de première instance ait son siège au Château de
Porrentruy qui abrite déjà le Tribunal cantonal.

Le 9 septembre 1998, le Parlement du canton du Jura a
adopté l'arrêté suivant, paru au Journal officiel du 16 sep-
tembre 1998:

"I. La Constitution de la République et canton du Jura
du 20 mars 1977 est modifiée comme il suit:

Article 69, alinéa 2 (nouvelle teneur)

2. Le Tribunal cantonal et le Tribunal de première
instance ont leur siège à Porrentruy.

Article 70, alinéa 2

(abrogé)

Article 74, alinéa 2

(abrogé)

Article 74, alinéa 6 (nouvelle teneur)

6. Les membres du Gouvernement et les maires sont
élus au scrutin majoritaire.

Article 102 (nouvelle teneur)

1. La justice de première instance est rendue sur
l'ensemble du territoire cantonal par:
a) le juge civil, le Conseil de prud'hommes et
le Tribunal des baux à loyer et à ferme;
b) le juge pénal et le Tribunal correctionnel;
c) le juge administratif.
2. Le Tribunal cantonal statue en première instance
dans les cas prévus par la loi.

Article 108, alinéa 1 (nouvelle teneur) et alinéa 4
(abrogé)

1. Les districts sont des circonscriptions adminis-
ratives du canton.
4. (abrogé).

II. Dispositions finales et transitoires

(...)"

Lors de la votation populaire du 29 novembre 1998, le
corps électoral a accepté la révision proposée, par 10'290
oui contre 8565 non.

B.- Le 23 février 2000, le Parlement a adopté une nou-
velle loi d'organisation judiciaire, concrétisant la révi-
sion constitutionnelle du 29 novembre 1998, s'agissant no-
tamment de la création du Tribunal de première instance.

Le 21 juin 2000, le Parlement a procédé à l'élection
des cinq juges du Tribunal de première instance.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
Konrad Baumann demande au Tribunal fédéral principalement
d'annuler l'élection du 21 juin 2000. A titre subsidiaire,
il requiert l'annulation de cette élection dans la mesure où
les juges élus exerceraient leur fonction dans le même bâti-
ment que les membres du Tribunal cantonal. Il invoque l'art.
30 al. 1 Cst., ainsi que l'art. 101 Cst. jur.

Le Parlement conclut principalement à l'irrecevabilité
du recours, subsidiairement à son rejet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83; 126 III p. 274 consid.
1 p. 275; 125 I 253 consid. 1a p. 254, 412 consid. 1a p.
414; 125 II 193 consid. 1a p. 299, et les arrêts cités).

a) Le recours est dirigé contre l'élection, par le Par-
lement cantonal, des membres du Tribunal de première instan-
ce. S'agissant d'une élection indirecte, le recours de droit
public pour la violation du droit de vote au sens de l'art.
85 let. a OJ n'entre pas en ligne de compte (ATF 112 Ia 174
consid. 2 p. 176/177). Seule est ouverte la voie du recours
de droit public pour la violation des droits constitution-
nels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ), empruntée en
l'occurrence.

b) Ont qualité pour agir notamment les particuliers
lésés par des arrêtés ou des décisions qui les concernent
personnellement ou qui sont d'une portée générale (art. 88
OJ). La qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ se déter-
mine en fonction des griefs soulevés dans le recours (ATF

123 I 212 consid. 1c p. 214; 116 Ia 316ss). Le recours de
droit public est ouvert seulement à celui qui est atteint
par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et juridi-
quement protégés; le recours formé pour sauvegarder l'inté-
rêt général ou de simples intérêts de fait est irrecevable.
L'intérêt juridique protégé dont le recourant doit se préva-
loir, peut découler de la loi fédérale ou cantonale, voire
directement d'un droit constitutionnel spécifique, pourvu
qu'il entre dans le champ d'application de la norme consti-
tutionnelle invoquée (ATF 123 I 41 consid. 5b p. 42ss, 279
consid. 3c/ee p. 281; 122 I 373 consid. 1 p. 374, et les ar-
rêts cités).

c) Invoquant les art. 30 al. 1 Cst. et 101 Cst. jur.
garantissant le droit au juge naturel, le recourant se
plaint de ce que les locaux du Tribunal cantonal et du Tri-
bunal de première instance se trouveront dans le même bâti-
ment officiel, soit le Château de Porrentruy. De son avis,
la proximité des juges et les contacts étroits qu'ils en-
tretiendraient dans les locaux communs (tels que le bar à
café, les couloirs et la bibliothèque) menaceraient l'in-
dépendance et l'impartialité des deux juridictions concer-
nées. D'un côté, les membres du Tribunal cantonal ne se-
raient plus en mesure d'examiner impartialement les recours
dirigés contre les jugements rendus par des juges de premiè-
re instance qu'ils fréquenteraient régulièrement sur leur
lieu de travail. Inversement, les juges du Tribunal de pre-
mière instance risqueraient d'être influencés par les juges
du Tribunal cantonal, autorité de recours supérieure. Le re-
courant demande ainsi au Tribunal fédéral de constater que
le fait d'abriter sous le toit du même bâtiment deux juri-
dictions, dont l'une est soumise au contrôle de l'autre,
heurte les art. 30 al. 1 Cst. et 101 Cst. jur., partant
d'ordonner au Parlement de prendre les mesures nécessaires
pour que le Tribunal cantonal et le Tribunal de première
instance soient logés dans des bâtiments séparés.

En l'espèce, le recourant ne formule aucune critique au
sujet de l'élection dont il demande l'annulation. Au travers
d'elle, il cherche à faire trancher le point de savoir si la
localisation retenue du Tribunal de première instance est
conforme à la Constitution. Ainsi formulé, le grief n'est
pas recevable, faute de lien entre l'élection qui forme
l'objet du recours et le fond du litige. On ne voit en effet
pas comment le Tribunal fédéral pourrait, dans l'hypothèse
la plus favorable au recourant, annuler la décision attaquée
pour un motif qui ne présente aucun rapport avec elle. Le
recourant ne dispose ainsi d'aucun intérêt juridiquement
protégé à obtenir, pour les motifs qu'il invoque, l'annula-
tion de la décision attaquée. Son intervention est dictée
par des motifs d'intérêt général qui ne fondent pas sa qua-
lité pour agir au sens de l'art. 88 OJ.

d) La localisation du Tribunal de première instance
dans le Château de Porrentruy, où est déjà installé le Tri-
bunal cantonal, ne résulte ni de la Constitution, ni de la
législation cantonales. En effet, tant l'art. 69 al. 2 Cst.
jur., que les art. 14 et 29 al. 1 LOJ jur. (dans sa teneur
du 23 février 2000), fixent simplement la règle que les deux
juridictions ont leur siège à Porrentruy, sans que cela si-
gnifie nécessairement que leurs locaux se trouvent dans le
même bâtiment officiel de cette ville. Dans sa réponse du 23
août 2000, le Parlement insiste sur le fait que le choix du
Château de Porrentruy comme lieu d'accueil des deux tribu-
naux a été longuement évoqué dans les travaux préparatoires
des révisions constitutionnelle et législative. Il en tire
la conclusion que, la question litigieuse ayant été tranchée
définitivement par le constituant cantonal, il n'y aurait
pas lieu d'y revenir. En l'espèce, il est superflu d'appro-
fondir cette question. Pour le surplus, toute partie à un
procès qui se tiendrait devant le Tribunal de première ins-
tance ou le Tribunal cantonal pourrait demander, le cas
échéant, la récusation des membres de la juridiction concer-

née, pour le motif évoqué par le recourant dans la présente
procédure. Contre la décision de dernière instance cantonale
serait ouverte la voie du recours de droit public.

2.- Le recours est ainsi irrecevable. Les frais de-
vraient être mis à la charge du recourant (art. 156 al. 1
OJ). Celui-ci ayant agi dans un but idéal, il se justifie de
déroger à la règle et de statuer exceptionnellement sans
frais. Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 al.
1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Déclare le recours irrecevable.

2. Dit qu'il est statué sans frais, ni dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie au recourant et
au Parlement du canton du Jura.

__________

Lausanne, le 21 septembre 2000
ZIR

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.466/2000
Date de la décision : 21/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-21;1p.466.2000 ?
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