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19/09/2000 | SUISSE | N°I.55/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 septembre 2000, I.55/99


«AZA 7»
I 55/99 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Spira, Ribaux,
suppléant; Berthoud, Greffier

Arrêt du 19 septembre 2000

dans la cause

G.________, recourant, représenté par Maître Bernard Cron,
avocat, rue de Bourg 1, Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- Né en 1942, G.________ a exercé la profess

ion de
boulanger indépendant. Le 5 avril 1993, il a présenté une
demande de rente AI, se plaignant d'une aggravation, depuis
un an...

«AZA 7»
I 55/99 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Spira, Ribaux,
suppléant; Berthoud, Greffier

Arrêt du 19 septembre 2000

dans la cause

G.________, recourant, représenté par Maître Bernard Cron,
avocat, rue de Bourg 1, Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue Général-Guisan 8, Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- Né en 1942, G.________ a exercé la profession de
boulanger indépendant. Le 5 avril 1993, il a présenté une
demande de rente AI, se plaignant d'une aggravation, depuis
un an, des dorsalgies et des lombalgies dont il souffrait à
la suite d'une chute sur le dos survenue en 1989.
Le diagnostic de kyste de Tarlov (Vème racine lombaire
droite) et de hernie para-médiane droite de l'espace L1-L2

a été posé. Les docteurs C.________, médecin à la Perma-
nence de Longeraie, à Lausanne (rapport des 14 mai,
13 décembre 1993 et 20 avril 1995) et Z.________, neuro-
chirurgien (rapport du 15 février 1994) ont estimé que leur
patient présentait une incapacité totale de travail depuis
le 26 septembre 1991. De son côté, le docteur F.________,
neurologue, n'a pas pu se prononcer au sujet de l'incapaci-
té de travail (rapport du 13 septembre 1993).
Le 14 juin 1994, l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud (l'office AI) a effectué une enquête
économique pour les indépendants, au terme de laquelle il a
évalué l'activité encore possible de l'assuré à 50 %. En
particulier, il a constaté que celui-ci ne faisait plus
d'efforts, mais qu'il pouvait diriger son exploitation. Par
décision du 10 août 1995, l'office AI a ainsi fixé le degré
d'invalidité de l'assuré à 50 % à partir du 1er septembre
1992, lui allouant une demi-rente d'invalidité, assortie de
rentes complémentaires pour les membres de sa famille. Sai-
si d'un recours contre cette décision, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud l'a toutefois annulée et ren-
voyé le dossier à l'administration, pour nouvelle décision,
considérant en bref qu'elle reposait «sur une instruction
fort sommaire» (jugement du 14 décembre 1995).
Après avoir réalisé une nouvelle enquête économique,
le 15 août 1996, l'office AI a confirmé son premier point
de vue, par décision du 25 novembre 1996.

B.- G.________ a déféré cette décision au Tribunal des
assurances du canton de Vaud, en demandant que son taux
d'invalidité soit fixé à 80 % et qu'un expert neutre soit
commis.
Par jugement du 26 juillet 1998, la juridiction canto-
nale a rejeté le recours.

C.- G.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il demande l'annulation, avec

suite de dépens, en concluant au versement d'une rente
entière d'invalidité. Il sollicite derechef la mise en
oeuvre d'une expertise économique pour indépendant, à con-
fier à un expert neutre.
L'intimé et l'Office fédéral des assurances sociales
ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le degré d'invalidité du re-
courant à partir du 1er septembre 1992. Il n'est pas
contesté que celui-ci ne peut plus exercer les travaux phy-
siques que comporte une activité de boulanger.

2.- Selon l'art. 4 al. 1 LAI, l'invalidité est la di-
minution de la capacité de gain, présumée permanente ou de
longue durée, qui résulte d'une atteinte à la santé physi-
que ou mentale provenant d'une infirmité congénitale, d'une
maladie ou d'un accident.
Selon l'art. 28 al. 1 LAI, l'assuré a droit à une
rente entière s'il est invalide à 66 2/3 % au moins, à une
demi-rente s'il est invalide à 50 % au moins, ou à un quart
de rente s'il est invalide à 40 % au moins; dans les cas
pénibles, l'assuré peut, d'après l'art. 28 al. 1bis LAI,
prétendre une demi-rente s'il est invalide à 40 % au moins.
Chez les assurés actifs, le degré d'invalidité doit
être déterminé sur la base d'une comparaison des revenus.
Pour cela, le revenu du travail que l'invalide pourrait
obtenir en exerçant l'activité qu'on peut raisonnablement
attendre de lui, après exécution éventuelle de mesures de
réadaptation et compte tenu d'une situation équilibrée du
marché du travail, est comparé au revenu qu'il aurait pu
obtenir s'il n'était pas invalide (art. 28 al. 2 LAI). La
comparaison des revenus s'effectue, en règle générale, en
chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces

deux revenus et en les confrontant l'un avec l'autre, la
différence permettant de calculer le taux d'invalidité.
Dans la mesure où ces revenus ne peuvent être chiffrés
exactement, ils doivent être estimés d'après les éléments
connus dans le cas particulier, après quoi l'on compare
entre elles les valeurs approximatives ainsi obtenues. Si
l'on ne peut déterminer ou évaluer sûrement les deux reve-
nus en cause, il faut, en s'inspirant de la méthode spéci-
fique pour non-actifs (art. 27 RAI), procéder à une compa-
raison des activités et évaluer le degré d'invalidité
d'après l'incidence de la capacité de rendement amoindrie
sur la situation économique concrète. La différence fonda-
mentale entre la procédure extraordinaire d'évaluation et
la méthode spécifique (selon l'art. 28 al. 3 LAI en corré-
lation avec les art. 26bis et 27 al. 1 RAI) réside dans le
fait que l'invalidité n'est pas évaluée directement sur la
base d'une comparaison des activités; on commence par dé-
terminer, au moyen de cette comparaison, quel est l'empê-
chement provoqué par la maladie ou l'infirmité, après quoi
l'on apprécie séparément les effets de cet empêchement sur
la capacité de gain. Une certaine diminution de la capacité
de rendement fonctionnelle peut certes, dans le cas d'une
personne active, entraîner une perte de gain de la même
importance, mais n'a pas nécessairement cette conséquence.
Si l'on voulait, dans le cas des personnes actives, se
fonder exclusivement sur le résultat de la comparaison des
activités, on violerait le principe légal selon lequel
l'invalidité, pour cette catégorie d'assurés, doit être
déterminée d'après l'incapacité de gain (procédure extraor-
dinaire d'évaluation; ATF 104 V 136 consid. 2; VSI 1998
p. 122 consid. 1a et p. 257 consid. 2b).

3.- a) De manière un peu empirique, les premiers juges
ont appliquée, à juste titre, cette méthode d'évaluation de
l'invalidité. En effet, le recourant, qui gérait, à côté de
sa boulangerie-pâtisserie, un dépôt pour les livraisons en

gros et deux tea-rooms, a remis ces derniers en 1990 et a
transféré son laboratoire en 1993. Par ailleurs, il est
vraisemblable que des facteurs conjoncturels ont exercé une
influence notable sur les résultats d'exploitation.
En bref, comme c'est souvent le cas dans une entrepri-
se artisanale, les documents comptables ne permettent pas
de distinguer la part du revenu qu'il faut attribuer aux
facteurs extérieurs (situation conjoncturelle, concurrence,
aide ponctuelle de membres de la famille, etc.) de celle
qui revient à la prestation de travail de l'assuré.

b) D'un autre côté, il ne peut non plus être fait
abstraction, pour l'appréciation globale de la situation,
du fait que la survenance de l'invalidité ne paraît pas
avoir joué un rôle déterminant sur la bonne marche de l'en-
treprise. En effet, si l'on se réfère au chiffre d'affai-
res, au résultat d'exploitation ou aux salaires versés,
l'expansion est à peu près constante entre 1989 et 1996.
L'augmentation marquée du volume des salaires est posté-
rieure à l'incapacité de travail attestée médicalement et
découle, si l'on en croit la seconde enquête économique, du
déménagement du laboratoire en 1993. A cet égard, le recou-
rant, qui habitait le même immeuble, était auparavant
davantage disponible pour superviser le travail. En outre,
cette augmentation va de pair avec le développement du
chiffre d'affaires. Enfin, le revenu déclaré de l'activité
indépendante est en moyenne sensiblement plus élevé après
la survenance de l'atteinte à la santé qu'avant celle-ci.

c) Cela étant, il n'apparaît pas que l'intimé a outre-
passé son pouvoir d'appréciation en retenant, sur la base
de ses enquêtes économiques et du dossier, que le recourant
pouvait accomplir les tâches liées à la direction de l'en-
treprise, alors qu'il était empêché d'effectuer les travaux
physiques, et en évaluant à 50 % la part de chacune de ces
activités. En effet, même s'il n'est pas au bénéfice d'une

formation de type commercial, le recourant pouvait - ou
aurait pu - assumer toute une série de charges liées à la
direction (contacts avec la clientèle, facturation, com-
mandes, engagement et formation des employés, vente, su-
pervision, etc.). Or, dans une entreprise qui a compté
apparemment jusqu'à près d'une trentaine d'employés, et
dont les ventes annuelles ont fluctué, au cours de la
période s'étendant de 1989 à 1995, entre 2 120 000 fr. et
3 220 000 fr., ces tâches ne sont pas négligeables. Ainsi
que l'ont rappelé les premiers juges (p. 7 du jugement
attaqué), dans une société de cette taille, l'organisation
et la direction du travail jouent un rôle décisif et ne
nécessitent, pour l'essentiel, pas de connaissances parti-
culières - si ce n'est celles que possède un ancien boulan-
ger - ou inaccessibles.

4.- Le recourant allègue que les travaux administra-
tifs et la comptabilité ont été confiés à son épouse dès le
début de l'année 1991, ainsi qu'à son fils à partir de la
fin de l'année 1991 et jusqu'en décembre 1993. Quant au
travail de direction de la fabrication, il allègue qu'il a
été repris par un chef d'exploitation et par un à deux nou-
veaux boulangers, ainsi que cela ressort de l'accroissement
des salaires observé en 1992, de l'ordre de 85 000 fr.

a) Une telle augmentation de l'effectif est toutefois
à mettre en rapport avec le développement de l'entreprise,
observé sur plusieurs années. En outre, si l'on se réfère
aux listes de salaires annuels, on constate certes qu'un
assistant a été engagé en 1992, mais que son salaire, équi-
valent à celui des boulangers, n'est pas celui d'un diri-
geant d'entreprise auquel le patron aurait délégué une
grande partie des responsabilités.

b) En ce qui concerne le travail administratif et
comptable, le recourant invoque l'art. 25 al. 2 RAI, aux

termes duquel les revenus déterminants pour l'évaluation de
l'invalidité d'un indépendant qui exploite une entreprise
en commun avec des membres de sa famille seront fixés
d'après l'importance de sa collaboration.
Il apparaît pourtant que l'activité de l'épouse est
restée la même (cf. le recours, p. 14, ainsi que la premiè-
re enquête économique), alors même que l'entreprise s'était
étendue. Ce développement s'est d'ailleurs traduit par une
augmentation des revenus déclarés du couple. Quant au fils
du recourant, il a travaillé bénévolement parallèlement à
ses études (explication complémentaire au recours cantonal,
p. 5), soit de manière probablement marginale et sans lien
avec la gestion même de la société. A partir de 1994, il a
apparemment continué de travailler pour un salaire mensuel
de 2000 fr., ce qui ne correspond pas à celui d'une person-
ne exerçant de grandes responsabilités. En outre, à l'ins-
tar de sa soeur (qui était rémunérée à hauteur de 4800 fr.
selon le recourant [2300 fr. environ selon les récapitula-
tions des salaires annuels 1993 et 1994, aucune mention ne
figurant pour les années suivantes]), le fils du recourant
était salarié comme les autres employés. Dès lors, il n'y a
pas lieu de considérer l'activité des deux enfants sous
l'angle de l'art. 25 al. 2 RAI.
En outre, il est possible d'observer que l'entreprise
n'a employé du personnel de bureau - dont la fille du re-
courant - qu'à partir de l'année 1993 (une personne, puis
trois dès 1994). Là encore, les engagements paraissent
résulter du développement des affaires.

5.- La survenance de l'atteinte à la santé n'a pas eu
d'influence sur le petit revenu accessoire (1500 à 2000 fr.
par an) tiré de l'activité d'administrateur au sein de la
société E.________ SA.

6.- Vu ce qui précède, l'affaire pouvait être jugée
sans ordonner une nouvelle enquête économique, de sorte que

la désignation d'un expert neutre était superflue. Le grief
de violation du droit d'être entendu est donc mal fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 19 septembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.55/99
Date de la décision : 19/09/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-19;i.55.99 ?
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