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19/09/2000 | SUISSE | N°1P.532/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 septembre 2000, 1P.532/2000


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1P.532/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

19 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

O.________, représenté par Me Fabien Mangilli, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 23 août 2000 par la Chambre d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Ne

uchâtel;

(détention préventive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- O.__...

«»

1P.532/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

19 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

O.________, représenté par Me Fabien Mangilli, avocat à
Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 23 août 2000 par la Chambre d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel;

(détention préventive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- O.________, ressortissant nigérian requérant
l'asile politique en Suisse, a été arrêté le 9 mars 2000 et
placé en détention préventive sous la prévention
d'infraction
grave à la loi fédérale sur les stupéfiants. Il lui est re-
proché d'avoir acquis, seul ou de concert avec S.________ et
K.________, entre 300 et 500 grammes de cocaïne qu'il a re-
vendue, à l'exception de 147 boulettes de cette drogue sai-
sies lors de son interpellation au domicile du dernier
nommé.

B.- Par décisions rendues les 2 et 3 août 2000, le
Juge d'instruction I de Neuchâtel a rejeté les requêtes de
mise en liberté de O.________ en raison des risques de collu-
sion, de fuite et de récidive.

Statuant le 23 août 2000, la Chambre d'accusation du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ci-après, la Cham-
bre d'accusation) a rejeté le recours formé contre ces déci-
sions par O.________ et a autorisé la prolongation de la dé-
tention préventive de celui-ci jusqu'au 9 octobre 2000, à la
condition que des actes complémentaires d'instruction soient
effectivement sollicités et admis. Elle a considéré qu'il
existait des présomptions sérieuses de culpabilité sur la
base des déclarations de S.________ et de K.________ et que
la libération provisoire de O.________ ne se justifiait pas
au regard du risque concret de fuite. Elle a en outre retenu
que la détention préventive était proportionnée à la peine
encourue par le prévenu en cas de condamnation pour les
faits
qui lui étaient reprochés, même dans les limites des accusa-
tions de ses coaccusés.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 8, 9, 10 Cst. et 5 § 1 let. c CEDH,
O.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt
et
principalement d'ordonner sa libération provisoire, subsi-
diairement de renvoyer le dossier à l'autorité intimée pour
nouvelle décision au sens des considérants. Il nie l'exis-
tence de présomptions sérieuses de culpabilité à son
encontre
et d'un risque concret de fuite propre à justifier la prolon-
gation de sa détention préventive. Il voit en outre une vio-
lation du principe de l'égalité de traitement dans le fait
que K.________ a été libéré alors qu'il se trouvait dans la
même situation que lui. Il requiert l'assistance judiciaire.

La Chambre d'accusation se réfère aux considérants
de son arrêt. Le Procureur général du canton de Neuchâtel a
renoncé à déposer des observations. Le Juge d'instruction I
de Neuchâtel a formulé de brèves remarques à propos desquel-
les le recourant a renoncé à se déterminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant est directement touché par l'arrêt
attaqué, qui confirme une décision refusant sa mise en liber-
té provisoire; il a un intérêt personnel, actuel et juridi-
quement protégé à ce que cet arrêt soit annulé, et a, par-
tant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en
temps utile contre une décision prise en dernière instance
cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1
et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
Les conclusions du recourant tendant à sa libération immé-
diate sont par ailleurs recevables (ATF 124 I 327 consid.
4b/aa p. 333).

2.- La détention préventive est une restriction de
la liberté personnelle garantie par les art. 10 al. 2 Cst.
et
5 CEDH. A ce titre, elle n'est admissible que si elle repose
sur une base légale (art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit
en
l'espèce les art. 117 al. 1, 119 et 120 al. 1 du Code de pro-
cédure pénale neuchâtelois (CPP neuch.). Elle doit en outre
correspondre à un intérêt public et respecter le principe de
la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123 I 268
consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la privation
de
liberté doit être justifiée par les besoins de
l'instruction,
un risque de fuite ou un danger de collusion ou de réitéra-
tion (cf. art. 117 al. 1 CPP neuch.). La gravité de l'infrac-
tion ne peut à elle seule fonder la prolongation de la déten-
tion préventive (ATF 106 Ia 404 consid. 4c p. 407) même si,
compte tenu de l'ensemble des circonstances, elle permet sou-
vent de présumer l'existence d'un risque de fuite eu égard à
l'importance de la peine privative de liberté dont l'intéres-
sé est menacé (ATF 117 Ia 69 consid. 4a p. 70 et les arrêts
cités). Préalablement à ces conditions, il doit exister à
l'égard de celui-ci des charges suffisantes (ATF 116 Ia 143
consid. 3 p. 144). Cette dernière exigence coïncide avec la
règle de l'art. 5 § 1 let. c CEDH, qui autorise
l'arrestation
d'une personne s'il y a des raisons plausibles de soupçonner
celle-ci d'avoir commis une infraction.

S'agissant d'une restriction grave à la liberté per-
sonnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces ques-
tions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves,
revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268
consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une
grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 281
consid. 3 p. 283).

3.- Le recourant conteste en premier lieu l'exis-
tence de présomptions sérieuses de culpabilité propres à jus-
tifier la prolongation de sa détention.

a) Appelé à se prononcer sur la constitutionnalité
d'une décision de maintien en détention préventive, le Tribu-
nal fédéral n'a pas à procéder, à l'instar du juge du fond,
à
une pesée complète des éléments à charge et à décharge, ni à
apprécier la crédibilité des personnes ou des éléments de
preuve mettant en cause le prévenu. Il doit uniquement exami-
ner s'il existe des indices sérieux de culpabilité
justifiant
une telle mesure. L'intensité des charges n'est pas la même
aux divers stades de l'instruction pénale; si des soupçons
encore peu précis, renforcés par exemple par des mensonges
de
l'inculpé ou des variations dans ses déclarations, peuvent
être considérés comme suffisants dans les premiers temps de
l'enquête, la perspective d'une condamnation doit paraître
fortement vraisemblable après l'accomplissement de tous les
actes d'instruction envisageables (ATF 116 Ia 143 consid. 3c
p. 146; Gérard Piquerez, Les mesures provisoires en
procédure
civile, administrative et pénale, RDS 116/1997 II p. 1 ss,
spéc. pp. 43/44 et les arrêts cités).

b) En l'occurrence, le dossier révèle des charges
sérieuses de culpabilité à l'encontre du recourant du chef
d'infraction grave à la loi sur les stupéfiants, fondées sur
les déclarations de S.________ et de K.________. Ce dernier
a
déclaré qu'après s'être momentanément absenté de son apparte-
ment, il avait vu à son retour O.________ et S.________ en
train de préparer des boulettes de cocaïne, que ceux-ci de-
vaient se partager en vue de les distribuer à des ressortis-
sants africains chargés de les revendre. Il a affirmé en
outre que O.________ se trouvait souvent avec S.________ et
que tous deux allaient rendre visite à un dénommé
J.________,
également impliqué dans un trafic de cocaïne. Il a ajouté
avoir vu à quatre reprises le recourant en train de confec-
tionner des boulettes avec S.________. Par la suite, il a dé-
claré n'avoir vu qu'à deux occasions O.________ préparer des
boulettes à son domicile, la première fois avec S.________
et

une tierce personne, la seconde fois uniquement avec
S.________.

Après avoir contesté les accusations de K.________,
S.________ a reconnu avoir apporté la cocaïne au domicile de
ce dernier et l'avoir confectionnée en boulettes avec l'aide
de O.________. La drogue devait être partagée entre les
trois
hommes à parts égales. Il a précisé avoir déjà amené à trois
reprises à K.________ de la cocaïne, qu'il coupait et prépa-
rait en boulettes avec K.________ et O.________. Il a égale-
ment déclaré avoir remis 2,5 grammes, puis 5 grammes de co-
caïne à O.________, à Berne, destinés à la revente après cou-
page. Lors de la confrontation avec K.________, il est
revenu
sur ses déclarations en admettant que celui-ci n'avait pas
participé à la confection des boulettes; il a en revanche
maintenu ses accusations à l'endroit du recourant.

Ce dernier a pour sa part contesté l'intégralité des
charges retenues contre lui. Il n'a en particulier fourni au-
cune explication sur les raisons de sa présence, lors de son
interpellation, dans la chambre de K.________, fermée à clef
de l'intérieur, qui contenait 147 boulettes de cocaïne, re-
présentant environ 25 grammes net de cocaïne. Dans ces condi-
tions, les juges de la détention pouvaient sans arbitraire
retenir l'existence de présomptions suffisantes de
culpabilité à l'encontre du recourant, à tout le moins pour
les faits évoqués par ses coaccusés.

4.- Le recourant reproche à l'autorité intimée
d'avoir retenu à tort qu'il présentait un risque de fuite
propre à justifier son maintien en détention préventive.

a) Selon la jurisprudence, le risque de fuite ne
doit pas s'apprécier sur la seule base de la gravité de l'in-
fraction même si la perspective d'une longue peine privative
de liberté permet souvent d'en présumer l'existence (ATF 125

I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités); il doit s'analy-
ser en fonction d'un ensemble de critères, tels que le carac-
tère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens
avec l'Etat qui le poursuit et ses contacts avec l'étranger
(ATF 117 Ia 69 consid. 4 p. 70 et les arrêts cités).

b) En l'espèce, le recourant est inculpé d'infrac-
tion grave à la loi fédérale sur les stupéfiants. S'il
devait
être reconnu coupable de ce chef d'accusation, il serait pas-
sible d'une peine d'emprisonnement nettement supérieure à la
détention subie, dont il n'y a pas lieu d'examiner si elle
pourrait être assortie du sursis (ATF 125 I 60 consid. 3d p.
62 et l'arrêt cité); sur le plan personnel, O.________ ne
peut se prévaloir d'aucun lien avec la Suisse; il n'exerce
aucune activité lucrative et n'a pas de ressources propres
autres que celles qu'il perçoit en tant que requérant d'asi-
le; il n'entretient aucune relation affective solide décla-
rée. Il a par ailleurs nié toute infraction à la loi
fédérale
sur les stupéfiants, malgré les indices à charge existant
contre lui. L'autorité cantonale pouvait sans arbitraire dé-
duire de ces circonstances un risque concret que le
recourant
se soustraie à la justice, indépendamment de la gravité des
faits qui se sont produits dans son pays d'origine et qui
ont
motivé sa demande d'asile.

Sur ce point, le recourant se plaint à tort d'un
traitement discriminatoire par rapport à K.________. L'auto-
rité intimée pouvait en effet voir dans l'attitude qualifiée
d'exemplaire de ce dernier envers les autorités judiciaires
et policières un élément propre à écarter le risque que
celui-ci ne se soustraie par la fuite à une éventuelle convo-
cation sans violer le droit du recourant à l'égalité de trai-
tement. D'ailleurs, même à supposer que K.________ ait été
remis en liberté à tort, le recourant ne pourrait s'en préva-
loir, car la loi a été correctement appliquée à son cas (cf.
ATF 124 IV 44 consid. 2; 122 II 446 consid. 4a p. 451).

5.- Le recours doit ainsi être rejeté. Les condi-
tions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient de
faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de sta-
tuer sans frais. Me Fabien Mangilli est désigné comme avocat
d'office du recourant pour la présente procédure et une in-
demnité lui sera versée (art. 152 al. 2 OJ). Il n'y a pas
lieu à l'octroi de dépens (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Admet la demande d'assistance judiciaire et dési-
gne Me Fabien Mangilli en qualité d'avocat d'office du recou-
rant;

3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera une
indemnité de 1'200 fr. à titre d'honoraires au mandataire du
recourant;

4. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Juge d'instruction I de Neuchâtel, ainsi
qu'au Ministère public et à la Chambre d'accusation du Tribu-
nal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 19 septembre 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.532/2000
Date de la décision : 19/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-19;1p.532.2000 ?
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