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19/09/2000 | SUISSE | N°1P.385/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 septembre 2000, 1P.385/2000


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1P.385/2000
1P.386/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

19 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur les recours de droit public
formés par

la Commune de Randogne, agissant par son Président Marc
Zermatten et son Secrétaire Jean-Louis Saillen, représentée
par Me Robert Wuest, avocat à Sierre,

contre>
l'arrêt rendu le 4 mai 2000 par le Tribunal cantonal du can-
ton du Valais, dans la cause qui oppose les Hoirs de
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1P.385/2000
1P.386/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

19 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Féraud et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur les recours de droit public
formés par

la Commune de Randogne, agissant par son Président Marc
Zermatten et son Secrétaire Jean-Louis Saillen, représentée
par Me Robert Wuest, avocat à Sierre,

contre

l'arrêt rendu le 4 mai 2000 par le Tribunal cantonal du can-
ton du Valais, dans la cause qui oppose les Hoirs de
C.________, soit A.________, B.________ et D.________,
représentés par Me André Viscolo, avocat à Montana, ainsi
que
le Conseil d'Etat du canton du Valais, à S.________ et
G.________, tous deux représentés par Me André Fagioli,
avocat à Sierre,

et contre

l'arrêt rendu le même jour par le Tribunal cantonal du
canton
du Valais, dans la cause opposant les mêmes parties et le
Conseil d'Etat du canton du Valais aux Communautés des pro-
priétaires par étages des immeubles "X.________" et
"Y.________", représentées par Me Régis Lorétan, avocat à
Sion;

(permis de construire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 2 juin 1999, le Conseil communal de Randogne
a accordé à l'hoirie de C.________ l'autorisation de cons-
truire un chalet résidentiel sur la parcelle n° 1259 du ca-
dastre communal. Le projet comprend deux sous-sols, deux éta-
ges sur rez ainsi que deux niveaux compris dans le volume de
la toiture, dénommés "combles" et "mezzanine". D'une
longueur
de 20,90 m à sa base, la construction avait une hauteur de
16,89 m depuis le terrain naturel. Ecartant les quatre oppo-
sitions formées à l'encontre du projet, le Conseil communal
a
notamment considéré que le gabarit de la façade était une no-
tion esthétique et devait être calculé en fonction de la par-
tie visible uniquement.

B.- Cette décision a fait l'objet de recours des
communautés des propriétaires par étages des immeubles
"X.________" et "Y.________" (ci-après: les communautés
PPE),
sis sur les parcelles n° 303 et 301, contiguës au n° 1259,
d'une part, et de S.________ et G.________, copropriétaires
du chalet "Z.________" sis sur la parcelle n° 302, également
voisine, d'autre part. S'agissant des dimensions de la faça-
de, les recourants faisaient valoir que la hauteur détermi-
nante devait se calculer depuis le terrain naturel. Ils fai-
saient en outre valoir un dépassement du nombre d'étages ré-
glementaires, un dépassement de l'indice autorisé et une
violation des distances à la limite.

Par décision du 22 décembre 1999, le Conseil d'Etat
valaisan a rejeté les deux recours. La réglementation rela-
tive au gabarit de la façade était de nature esthétique et
tendait à garantir un rapport équitable, de 2/3 entre
hauteur
et longueur apparentes du bâtiment; la partie visible de la
façade, après aménagements extérieurs, était seule détermi-
nante sur ce point, à l'exclusion du bâti non apparent. Par

ailleurs, le premier sous-sol et les combles ne comptaient
pas comme étages, de sorte que la limitation à trois étages
était respectée. Les autres arguments des opposants ont éga-
lement été écartés.

C.- Par arrêts du 4 mai 2000, la Cour de droit pu-
blic du Tribunal cantonal du canton du Valais a admis les
recours formés par les communautés PPE d'une part, et par
S.________ d'autre part. Les considérations relatives au
nombre d'étages ont été confirmées. En revanche, le Tribunal
cantonal a considéré que la notion de gabarit, figurant à
l'art. 38.2 al. 5 du règlement intercommunal sur les cons-
tructions élaboré par les cinq communes du Haut-Plateau
(RIC), devait être interprétée selon la règle définitoire de
l'art. 30.7 al. 1 RIC, selon lequel la hauteur de la façade
se mesure depuis le terrain naturel, ou le terrain aménagé
si
celui-ci est plus bas que le terrain naturel. L'objectif es-
thétique, à la base de l'art. 38.2 al. 5 RIC n'était pas sau-
vegardé par l'interprétation qu'en faisait le Conseil
d'Etat,
car celle-ci permettait des constructions à faible longueur
et à forte hauteur, pour autant qu'un remblai ne laisse ap-
paraître que la hauteur autorisée; en revanche, le calcul à
partir du sol aménagé lorsque celui-ci est plus bas que le
terrain naturel, permettait le respect de l'objectif pour-
suivi. Or, calculée depuis le terrain naturel, la hauteur de
la façade est du bâtiment projeté était supérieure aux deux
tiers de sa longueur. Le recours formulé par G.________
conjointement avec S.________ a été déclaré irrecevable,
G.________ n'étant pas intervenu dans la procédure d'opposi-
tion.

D.- Agissant par son Président et son Secrétaire, la
Commune de Randogne forme un recours de droit public contre
chacun de ces deux arrêts, pour violation de son autonomie.
Elle demande l'annulation des arrêts cantonaux. Le Conseil
d'Etat conclut à l'admission des recours et à l'annulation

des arrêts attaqués, en relevant que le mode de calcul
adopté
par le Conseil municipal correspond à la pratique de toutes
les communes du Haut-Plateau. La cour cantonale a renoncé à
se déterminer. S.________ "et consort" concluent à l'irre-
cevabilité du recours qui les concerne, subsidiairement à
son
rejet; les communautés PPE concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Les recours de droit public sont interjetés
dans les formes et délai utiles, contre deux arrêts rendus
en
dernière instance cantonale.

b) Lorsqu'une décision la touche en tant que déten-
trice de la puissance publique, une commune a qualité pour
se
plaindre par la voie du recours de droit public d'une viola-
tion de son autonomie (ATF 124 I 223 consid. 1b p. 226). Dé-
terminer ensuite si la commune est effectivement autonome
dans le domaine en cause n'est pas une question de recevabi-
lité, mais de fond (ATF 116 Ia 43 consid. 1a, 255 consid. 3a
et les arrêts cités). En l'espèce, la Commune de Randogne se
prévaut d'une disposition du règlement intercommunal sur les
constructions qu'elle avait à appliquer dans une procédure
d'autorisation de construire; elle reproche au Tribunal admi-
nistratif d'avoir annulé sa décision en interprétant cette
règle de façon erronée, voire arbitraire, et en violant
ainsi
son autonomie. Dans ces conditions, le présent recours de
droit public est recevable.

c) Les arrêts attaqués sont identiques, de même que
l'argumentation de la recourante. Il y a donc lieu de
joindre
les recours afin de statuer par un seul arrêt.

d) L'intimé S.________ a répondu au recours conjoin-
tement avec son consort G.________. Or, ce dernier a vu son
recours cantonal déclaré irrecevable, faute d'avoir
participé

à la procédure d'opposition, et il ne remet pas en cause ce
prononcé. Il n'a donc pas qualité pour répondre aux recours
de droit public.

e) Sans y conclure formellement, la recourante "ré-
serve" la possibilité d'une inspection locale. Le Tribunal
administratif a toutefois considéré que la question à résou-
dre, limitée à l'interprétation d'une disposition du RIC, ne
nécessitait pas une telle mesure d'instruction. La
recourante
ne met d'ailleurs pas en cause cette considération. Pour au-
tant qu'elle soit formellement requise, une inspection
locale
n'a donc pas à être ordonnée.

2.- a) Une commune bénéficie de la protection de son
autonomie dans les domaines que le droit cantonal ne règle
pas de manière exhaustive, mais dans lesquels il lui laisse
une liberté de décision relativement importante (cf. art. 50
al. 1 Cst.). L'autonomie communale dans une matière concrète
peut consister dans la faculté d'édicter une réglementation
ou de l'appliquer, ou dans le pouvoir d'appréciation qui
échoit aux communes dans l'application du droit communal ou
fédéral (ATF 124 I 223 consid. 2b. p. 227 et les arrêts ci-
tés). L'existence et l'étendue de l'autonomie communale dans
une matière concrète n'en sont pas moins déterminées essen-
tiellement par la constitution et la législation cantonales,
voire exceptionnellement par le droit cantonal non écrit et
coutumier (ATF 122 I 279 consid. 8b p. 290; 116 Ia 285
consid. 3a p. 287). L'autonomie de la commune lui permet de
se plaindre tant des excès de compétence d'une autorité can-
tonale que de la violation par celle-ci des règles du droit
fédéral, cantonal ou communal qui régissent la matière (ATF
122 I 279 consid. 8c p. 291 et la jurisprudence citée).

b) A teneur de l'art. 6 let. c de la loi valaisanne
sur le régime communal, du 13 novembre 1980, les communes
ont
notamment pour attribution l'aménagement local et la police

des constructions. Selon l'art. 13 de la loi d'application
de
la LAT, du 23 janvier 1987, elles adoptent un règlement des
zones. Selon les art. 2 et 49 de la loi valaisanne sur les
constructions, du 8 février 1996 (LC), le conseil communal
est l'autorité compétente pour les projets situés à l'inté-
rieur de la zone à bâtir. Les communes peuvent par ailleurs
adopter, dans leur règlement, des dispositions plus restric-
tives que celles qui figurent dans la loi, notamment pour ce
qui concerne les distances, à la limite et entre bâtiments
(art. 21 LC; cf. également l'art. 2 de l'ordonnance sur les
constructions, du 2 octobre 1996). L'autorité communale dis-
pose ainsi d'un certain pouvoir d'appréciation dans l'appli-
cation des normes cantonales et de son propre règlement re-
latifs à la construction. Contrairement à ce que soutiennent
les intimés S.________ et G.________, le fait qu'une
autorité
de recours soit chargée de contrôler l'interprétation des no-
tions figurant dans le règlement communal ne diminue en rien
le pouvoir d'appréciation des communes appelées à statuer en
première instance. Le glossaire annexé à l'ordonnance sur
les
constructions, en application de l'art. 14 LC ne fait d'ail-
leurs pas référence à la notion de gabarit, qui apparaît
ainsi comme une spécificité du droit communal.

c) En l'espèce, la violation de l'autonomie de la
recourante tiendrait dans l'interprétation erronée qu'aurait
faite la cour cantonale de l'art. 38.2 al. 5 du règlement in-
tercommunal. Le grief soulevé porte sur l'application d'une
norme de rang inférieur à la Constitution. La recourante ne
fait d'ailleurs pas valoir que la cour cantonale aurait
abusé
de son pouvoir d'examen; la cognition du Tribunal fédéral
est
ainsi limité à l'arbitraire (ATF 126 I 133 consid. 2 p. 136-
137; 122 I 279 consid. 8b p. 290; 120 Ia 203 consid. 2a p.
204; 120 Ib 207 consid. 2 p. 210; 119 285 consid. 4c p. 296,
et les arrêts cités).

3.- L'art. 38.2 RIC, relatif à la zone 3 de l'ordre
dispersé, de densité 0,5, est intitulé "Dimensions"; il fixe
les longueur, largeur, hauteur, ainsi que le nombre d'étages
maximum. Sous la rubrique "gabarit", il prévoit que "la faça-
de principale, avant-toit non compris, s'inscrira dans un
rectangle dont la hauteur n'excédera pas les 2/3 de la lon-
gueur (base) au maximum". L'art. 30.7, compris dans le chapi-
tre des définitions et intitulé "Hauteur", prévoit que "la
hauteur des façades se mesure à l'aplomb dès le niveau du
terrain naturel ou du sol aménagé s'il est plus bas que le
terrain naturel, jusqu'à l'intersection avec la ligne supé-
rieure de la toiture.

La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir
utilisé la notion de hauteur de façade, telle que définie à
l'art. 30.7 RIC, pour calculer le gabarit au sens de l'art.
38.2 RIC, alors que ces deux notions seraient différentes.
L'interprétation de la cour cantonale aurait pour
conséquence
qu'une construction individuelle érigée sur un terrain en
pente, avec une façade de 10 m par exemple, verrait son rez-
de-chaussée complètement enterré à l'arrière, dès lors que
la
hauteur au sens de l'art. 30.7 RIC se mesure à la moitié de
la façade lorsque le terrain est en pente. Un tel résultat
ne
pourrait pas avoir été voulu par l'auteur de la réglementa-
tion. Ce dernier, qui a déjà fixé le nombre d'étages et la
hauteur maximums, n'avait pas de raison d'introduire la no-
tion supplémentaire de gabarit, si ce n'est par pur souci
d'esthétique. La conception défendue par la recourante cor-
respondrait d'ailleurs à la pratique constante des cinq com-
munes du Haut-Plateau.

4.- a) Il y a arbitraire, au sens de l'art. 9 Cst.
(art. 4 al. 1 aCst.), lorsque la décision attaquée viole gra-
vement une règle ou un principe juridique clair et indiscuté
ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le
sentiment
de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne
s'écarte

de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière
instance que si elle est insoutenable ou en contradiction
évidente avec la situation de fait, si elle a été adoptée
sans motif objectif ou en violation d'un droit certain; par
ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision at-
taquée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci
soit
arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p.
168
et la jurisprudence citée). Il ne saurait non plus y avoir
arbitraire du simple fait que l'autorité s'est écartée de la
pratique communale constante, la solution adoptée par l'auto-
rité cantonale doit être examinée pour elle-même, sans son
résultat et sa motivation.

b) En l'espèce, on peut certes hésiter sur la solu-
tion adoptée par la cour cantonale, au regard de la pratique
poursuivie jusque-là par les autorités communales, et confir-
mée par le Conseil d'Etat. Les arrêts attaqués ne sauraient
toutefois être qualifiés d'arbitraires. En effet, dès lors

que la notion de gabarit n'est pas définie par le règlement,
il était compréhensible que la cour cantonale s'inspire de
la
notion voisine de hauteur, telle qu'elle figure dans les rè-
gles définitoires du même règlement. Même si cette disposi-
tion répond à un pur souci d'esthétique, l'art. 38.2 RIC ne
commande pas qu'on tienne compte de la seule partie visible
du bâtiment, puisque cela permettrait, comme le relève la
cour cantonale, d'autoriser des bâtiments ne correspondant
pas aux proportions recherchées, pour autant que leur base
en
soit dissimulée par un remblai ou des aménagements exté-
rieurs. Or on cherche en vain, dans les recours formés par
la
commune, une motivation suffisante (art. 90 al. 1 let. b OJ)
à l'encontre de cette argumentation. En dépit de l'exemple
contraire évoqué par la recourante (constructions sur un ter-
rain en pente dont le rez-de-chaussée devrait être complète-
ment enterré à l'arrière), le respect des proportions fixées
dans le règlement pourrait être mis en péril si l'on inter-
prétait la notion de gabarit dans le sens voulu par la re-

courante. On ne saurait, par conséquent, considérer que la
définition posée à l'art. 30.7 RIC aurait été arbitrairement
étendue à la notion de gabarit. Les arrêts attaqués ne sont
insoutenables ni dans leur motivation, ni dans leur
résultat,
et il n'y a pas, par conséquent, de violation de l'autonomie
communale.

5.- Sur le vu de ce qui précède, les recours de
droit public doivent être rejetés. En application de l'art.
156 al. 2 OJ, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire. En
revanche, une indemnité de dépens, mis à la charge de la com-
mune de Randogne, est allouée aux différents intimés, qui
ont
procédé par l'entremise d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette les recours de droit public.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Alloue aux Communautés des propriétaires par éta-
ges des immeubles "X.________" et "Y.________" une indemnité
de dépens de 1500 fr., à la charge de la recourante.

4. Alloue à l'intimé S.________ une indemnité de dé-
pens de 1500 fr., à la charge de la recourante.

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Conseil d'Etat et au Tribunal
cantonal
du canton du Valais.

Lausanne, le 19 septembre 2000
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.385/2000
Date de la décision : 19/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-19;1p.385.2000 ?
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