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15/09/2000 | SUISSE | N°4P.75/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 septembre 2000, 4P.75/2000


«AZA 1/2»

4P.75/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

________________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

FCF S.A., à Genève, représentée par Me Michel Amaudruz, avo-
cat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 18 février 2000 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la caus

e qui oppose
la recourante à Adriafil Commerciale S.r.l., à Rimini
(Italie), représentée par Me Patrice Le Houelleur, avocat à...

«AZA 1/2»

4P.75/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

15 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Corboz, juge,
et Pagan, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

________________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

FCF S.A., à Genève, représentée par Me Michel Amaudruz, avo-
cat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 18 février 2000 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
la recourante à Adriafil Commerciale S.r.l., à Rimini
(Italie), représentée par Me Patrice Le Houelleur, avocat à
Genève;

(art. 9 Cst.; procédure civile)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Intervenant pour le compte d'Adriafil Com-
merciale S.r.l. (ci-après: Adriafil), société italienne
ayant
son siège à Rimini, la société de droit italien Vieffe
S.r.l.
(ci-après: Vieffe), domiciliée à Milan, a adressé, le 15 fé-
vrier 1994, à FCF S.A. (ci-après: FCF), société suisse pour
laquelle Vieffe avait en Italie la qualité d'agent, une pro-
position de commande No 28 relative à l'acquisition par la
première société de quatre fois cinq tonnes de coton, mar-
chandise dont la qualité et le lieu de livraison étaient pré-
cisés. La marchandise devait être livrée entre le 25 mai et
le 5 juin 1994, le paiement étant prévu par lettre de crédit
à soixante jours de la date du dédouanement.

Le 2 mars 1994, FCF et Adriafil ont signé le con-
trat No 94-36/CY-EG portant sur la vente à celle-ci de:

- 5000 kg +/- 10% de coton Ne 8/1 à 5460 lires italiennes
(LIT)/kg,
- 5000 kg +/- 10% de coton Ne 12/1 à 5460 LIT/kg,
- 5000 kg +/- 10% de coton Ne 16/1 à 5460 LIT/kg,
- 5000 kg +/- 10% de coton Ne 30/1 à 5510 LIT/kg.

La convention stipulait que l'embarquement de la
marchandise devait intervenir dans un port d'Égypte au cours
du mois de mai 1994.

Le 14 avril 1994, Vieffe a adressé à FCF une nou-
velle proposition de commande No 69 portant sur
l'acquisition
par Adriafil de vingt tonnes de fil de coton avec livraison
à
fin août 1994 et paiement à soixante jours dès la date du dé-
douanement.

Le même jour, FCF et Adriafil ont signé le contrat
No 94-52/CY-EG ayant trait à la vente de:

- 5000 kg +/- 10% de coton Ne 8/1 à 5450 LIT/kg,
- 5000 kg +/- 10% de coton Ne 12/1 à 5450 LIT/kg,
- 2500 kg +/- 10% de coton Ne 16/1 à 5450 LIT/kg,
- 2500 kg +/- 10% de coton Ne 20/1 à 5450 LIT/kg,
- 5000 kg +/- 10% de coton Ne 30/1 à 6850 LIT/kg.

L'embarquement était prévu pour le mois d'août
1994, le paiement étant à soixante jours.

La totalité de la marchandise ainsi commandée en
vertu des susdits contrats était du "coton GIZA 75 sur cônes
avec Q.D.R. 5,57 non paraffiné, écru".

b) Le 27 avril 1994, FCF a fait savoir par fax à
Adriafil que les autorités égyptiennes avaient imposé aux fi-
latures du pays une augmentation du prix du coton allant de
8,5 à 9% et qu'elle était ainsi contrainte de majorer le
prix
de vente de 8%. Le 2 mai 1994, FCF a transmis à Adriafil un
second message la priant d'accepter et de confirmer l'augmen-
tation des prix fixés dans le contrat du 2 mars 1994 à con-
currence de 6%, ce qui représentait 5790 LIT/kg pour les co-
tons Ne 8/1, 12/1 et 16/1 et 5840 LIT/kg quant au coton Ne
30/1. Adriafil a accepté cette hausse de 6%.

c) Le 3 juin 1994, Adriafil s'est étonnée du retard
pris par FCF pour l'informer du fait que les accords des 2
mars et 14 avril 1994 ne seraient pas respectés. Après avoir
souligné que cette situation avait pour conséquence de l'em-
pêcher de faire face à ses propres engagements contractuels,
Adriafil invitait FCF à faire diligence pour que les
contrats
soient honorés. En tout état, elle déclarait vouloir savoir
avec exactitude quelle était la marchandise qui allait être

livrée et réservait, en cas d'inexécution, le recours aux
voies légales.

Son courrier étant resté sans réponse, Adriafil a
notamment informé FCF le 27 juin 1994 que, par rapport à la
marchandise faisant l'objet du contrat du 2 mars 1994, elle
avait été contrainte de s'adresser à d'autres fournisseurs
qui pratiquaient des prix notablement plus élevés; mettant
l'accent sur l'atteinte portée à la réputation de l'entrepri-
se, elle évaluait son dommage à 100 000 000 LIT dont elle de-
mandait le remboursement à FCF. L'écriture du 27 juin 1994
ne
constituait pas pour Adriafil une lettre de résiliation,
mais
une incitation à ce que FCF exécute ses obligations.

Le 30 juin 1994, Vieffe a averti Adriafil du fait
que le "fil" se rapportant au contrat du 2 mars 1994
pourrait
être expédié en sa totalité dans le courant du mois de juil-
let 1994 contre paiement par lettre de crédit à soixante
jours.

Le 8 juillet 1994, Adriafil a écrit à FCF qu'elle
prenait note que celle-ci était prête à consigner, dans le
courant du mois de juillet 1994, la totalité de la marchandi-
se faisant l'objet des deux contrats, ce dont elle se ré-
jouissait à propos du contrat du 14 avril 1994. Elle affir-
mait toutefois ne pas pouvoir accepter la livraison du coton
indiqué dans le contrat du 2 mars 1994, cela pour les motifs
exprimés dans sa lettre du 27 juin 1994. Elle relevait que
si
elle avait attendu une réponse de FCF avant de se procurer
des marchandises semblables auprès d'autres fournisseurs,
les
dommages dont elle requérait réparation auraient été bien
plus importants.

Le 23 juillet 1994, 6357 kg et 5697 kg de coton Ne
16/1 plus 6745 kg et 6085 kg de coton Ne 8/1 ont été embar-
qués à Alexandrie pour le compte de FCF, puis débarqués à Gê-

nes le 7 août 1994. Cette marchandise ne correspondait que
très partiellement à celle faisant l'objet du contrat du 14
avril 1994.

Postérieurement au 7 août 1994, il n'y a plus eu
aucun contact entre les parties contractantes relativement à
la livraison des lots de coton.

d) Dans l'intervalle, Adriafil a procédé, du 31 mai
1994 au 30 août 1994, à des achats de couverture
représentant
47 243 kg de coton de diverses catégories, dont 35 197 kg,
commandés les 7 juillet et 30 août 1994, étaient d'une quali-
té correspondant à celle faisant l'objet des contrats passés
avec FCF.

Les achats effectués le 7 juillet 1994 pour
10 197 kg, au prix moyen de 6500 LIT/kg, se rapportaient au
contrat du 2 mars 1994, d'où une différence de 700 LIT par
kg
avec le prix qui était convenu, fixé, après la majoration de
6%, à 5800 LIT/kg. La hausse de coût en résultant était de
7 137 900 LIT (10 197 x 700 LIT).

Les achats intervenus le 30 août 1994 pour
25 000 kg concernaient le contrat du 14 avril 1994; leur
prix
moyen étant de 7640 LIT/kg, il existait une différence de
1492 LIT/kg par rapport au prix majoré de ce contrat, lequel
était de 6148 LIT/kg. Ainsi, Adriafil avait payé un supplé-
ment de prix de 29 840 000 LIT par rapport à l'achat des 20
tonnes de coton stipulé dans le contrat précité (20 000 x
1492 LIT).

Adriafil a donc pu acquérir 35 197 kg de coton de
remplacement de même qualité, soit 4803 kg de moins que ce
qui était prévu conventionnellement. Revendu 31 000 LIT/kg,
ce coton a dégagé une marge nette de bénéfice de

17 000 LIT/kg. Le dommage subi pour les 4803 kg manquants se
montait ainsi à 81 651 000 LIT (4803 x 17 000 LIT).

B.- Se fondant sur le fait qu'aucune quantité de
coton ne lui avait été livrée, Adriafil a réclamé à FCF, le
21 octobre 1994, le paiement de la somme de 334 527 898 LIT.
Le 5 décembre 1994, Adriafil a fait notifier une poursuite à
FCF, puis, le 5 avril 1995, elle a ouvert action à son en-
contre, réclamant désormais le paiement de 238 000 fr.60,
contre-valeur de 294 925 126 LIT. Elle a reproché à la défen-
deresse d'avoir transgressé ses obligations contractuelles
faute d'avoir livré le coton faisant l'objet des contrats
des
2 mars et 14 avril 1994, comportement qui, d'une part, a con-
traint la demanderesse à procéder à des achats de
couverture,
avec un surcoût de 127 983 126 LIT, et à indemniser sa clien-
tèle, par 52 800 000 LIT, d'autre part, a provoqué chez
Adriafil un manque à gagner de 104 142 000 LIT et un préjudi-
ce commercial de 10 000 000 LIT.

La défenderesse a fait valoir que la demanderesse
avait résilié les contrats de manière unilatérale et, subsi-
diairement, que le dommage allégué n'était ni justifié ni
prouvé.

Par jugement du 20 mai 1999, le Tribunal de premiè-
re instance de Genève a déclaré FCF débitrice d'Adriafil de
la somme de 232 125 126 LIT plus intérêts à 5% dès le 16
juillet 1994. Admettant la responsabilité de FCF dans
l'inexécution des contrats, cette autorité a condamné la dé-
fenderesse à réparer le préjudice causé à Adriafil.

Par arrêt du 18 février 2000, la Cour de justice du
canton de Genève, statuant sur appel de FCF, a annulé par-
tiellement le jugement du 20 mai 1999, condamné cette
société
à payer à Adriafil 95 720 fr.15 avec intérêts à 5% dès le 5
décembre 1994, et prononcé la mainlevée à due concurrence.
En

substance, l'autorité cantonale a déclaré applicable la Con-
vention des Nations Unies, conclue à Vienne le 11 avril
1980,
sur les contrats de vente internationale des marchandises
(CVIM, RS 0.221.211.1). Elle a admis que la demanderesse,
qui
n'a pas reçu la marchandise commandée par contrat du 2 mars
1994 dans la période de temps fixée selon l'art. 33 let. b
CVIM, a résilié valablement la convention par courrier du 8
juillet 1994. Au sujet du contrat du 14 avril 1994, la cour
cantonale a retenu que, le 8 juillet 1994, Adriafil avait
pris note sans protester que la marchandise prévue serait li-
vrable durant le mois d'août 1994. Plusieurs tonnes de coton
Ne 16/1 et 8/1 avaient certes été débarquées à Gênes le 7
août 1994 pour le compte de FCF; toutefois, cette
marchandise
ne correspondait que très partiellement à l'objet du contrat
qui prévoyait la livraison de coton Ne 8/1, 12/1, 16/1, 20/1
et 30/1. FCF n'ayant pas établi avoir offert à Adriafil le
coton arrivé à Gênes ni mis cette dernière en demeure d'en
prendre livraison, les magistrats genevois ont jugé que la
défenderesse avait renoncé à remplir ses obligations et
qu'elle ne pouvait se plaindre du fait qu'Adriafil avait con-
sidéré le contrat comme étant inexécuté. La Cour de justice,
se référant aux art. 45 al. 1, 74 et 75 CVIM, a constaté
qu'Adriafil était en droit de prétendre à des dommages-
intérêts pour les achats de couverture auxquels elle avait
procédé à partir du mois de juillet 1994; le dommage subi à
ce titre par Adriafil représentait 7 137 900 LIT et
29 840 000 LIT, à savoir un total de 36 977 900 LIT. Quant
au
gain manqué subi par la demanderesse, il était de
81 650 000 LIT. En revanche, la Cour de justice a dit que la
demanderesse n'avait pas prouvé avoir dû indemniser des sous-
traitants, ni avoir éprouvé une perte de clientèle. Le domma-
ge dûment justifié était donc de 118 627 900 LIT., soit
95 720 fr.15 au taux de change au jour du dépôt de la deman-
de.

C.- FCF saisit le Tribunal fédéral parallèlement
d'un recours de droit public et d'un recours en réforme.
Dans
le recours de droit public, elle conclut à l'annulation de
l'arrêt cantonal.

L'intimée conclut au rejet du recours et à la con-
firmation de l'arrêt attaqué, alors que l'autorité cantonale
se réfère à son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Conformément à la règle générale de l'art.
57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours
de
droit public.

b) Le recours de droit public au Tribunal fédéral
est ouvert contre une décision cantonale pour violation des
droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
OJ).

L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final,
n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan
fédéral ou cantonal dans la mesure où la recourante invoque
la violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de
sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit pu-
blic est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revan-
che, si la recourante soulève une question relevant de l'ap-
plication du droit fédéral, le grief n'est pas recevable,
parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme
(art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).

La recourante est personnellement touchée par la
décision attaquée, qui l'a condamne à paiement, de sorte
qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement pro-

tégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en
violation
de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a quali-
té pour recourir (art. 88 OJ).

c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours
(art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les
références; cf. également ATF 110 Ia 1 consid. 2a).

2.- La recourante fait d'abord grief à la Cour de
justice de s'être livrée à une appréciation arbitraire des
preuves.

a) aa) Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne ré-
sulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer
en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribu-
nal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque
celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve
en
contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle
viole
gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou
encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité. Pour qu'une décision soit annu-
lée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas
que la motiva-
tion formulée soit insoutenable, il faut encore que la déci-
sion apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166
consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b; 124 I 247
consid. 5; 124 V 137 consid. 2b).

En matière d'appréciation des preuves, la décision
est arbitraire si le juge n'a manifestement pas compris le
sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis - sans
raison sérieuse - de tenir compte d'un moyen important
propre
à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base
des
éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables
(cf. ATF 120 Ia 31 consid. 4b; 118 Ia 28 consid. 1b).

bb) Force est de constater que l'acte de recours ne
satisfait guère aux exigences de motivation posées par
l'art.
90 al. 1 let. b OJ, la défenderesse se limitant à faire état
de l'arbitraire sans présenter une démonstration permettant
de retenir que l'arrêt déféré serait insoutenable. Dès lors,
la recevabilité du moyen apparaît très douteuse. Néanmoins,
la question peut demeurer indécise, dans la mesure où le
grief est dépourvu de tout fondement.

b) La recourante reproche aux juges cantonaux
d'avoir considéré comme établi par la pièce 20 du chargé de
la demanderesse que le coton traité était revendu par
Adriafil 31 000 LIT/kg, alors que ce document ne mentionne-
rait nullement de quelle qualité de coton il s'agirait. A
suivre la recourante, selon la manière dont le coton a été
retravaillé, le prix, à qualité égale, pourrait être très
largement inférieur à 31 000 LIT/kg

La pièce en question est un contrat établi par
Adriafil le 27 avril 1994. Or, la spécificité de la marchan-
dise vendue y est bel et bien indiquée, le montant de
31 000 LIT/kg valant pour le coton 16/3, 8/3 et 12/3. Et la
recourante n'indique même pas les pièces de la procédure qui
permettraient d'admettre que le prix auquel le coton a été
revendu était inférieur au montant précité.

La critique, purement appellatoire, ne mérite pas
plus ample examen.

c) La recourante allègue que la Cour de justice a
versé dans l'arbitraire en retenant que la lettre d'Adriafil
du 8 juillet 1994 emporterait résiliation du contrat du 2
mars 1994 et que les achats de coton effectués par l'intimée
le 7 juillet 1994 constitueraient des acquisitions de couver-
ture.

Le moyen n'a pas de consistance. D'une part, les
termes du courrier incriminé sont limpides, la demanderesse
faisant part de son net refus de recevoir la marchandise com-
mandée par contrat du 2 mars 1994. D'autre part, déjà par
son
pli du 27 juin 1994, Adriafil avait indiqué à la recourante
qu'elle avait dû s'adresser à d'autres fournisseurs, c'est-à-
dire prendre d'autres dispositions en raison de la carence
de
FCF. Quoi qu'en pense la défenderesse, cette circonstance
n'était pas de nature à empêcher l'intimée d'escompter jus-
qu'au 8 juillet 1994 que le vendeur finirait par s'exécuter
et qu'elle pourrait utiliser le coton commandé à FCF. De sur-
croît, la demanderesse était en droit de gérer son stock com-
me bon lui semblait.

La critique confine à la témérité.

3.- La recourante prétend que l'autorité cantonale
aurait appliqué de manière arbitraire l'art. 186 de la Loi
de
procédure civile genevoise (LPC gen.) qui régit le fardeau
de
la preuve, et cela pour avoir reconnu que les pièces 5 à 19
du chargé de la demanderesse avaient une valeur probante,
lors même que, dans son mémoire du 2 novembre 1995, elle au-
rait contesté les faits qui s'y rapportaient.

Derechef, la motivation du recours frise l'indigen-
ce, étant donné que la recourante n'indique pas la nature
des
documents susmentionnés, pas plus que les motifs pour les-
quels ils seraient dépourvus de toute valeur probante.

De toute manière, si, par mansuétude, l'on décide
d'entrer en matière sur le moyen, il appert d'emblée que FCF
s'est limitée, dans son mémoire du 2 novembre 1995, à la
page
11, à contester ces documents d'une façon globale, sans don-
ner les motifs de cette prise de position.

Or, en présence d'une contestation dépourvue de
précision, il est possible de retenir pour avérés les faits
qui s'y rapportent, que ce soit sur la base de l'art. 186
al.
1 LPC gen. (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire
de la loi de procédure civile genevoise, n. 3 ad art. 186
LPC
gen.) ou de l'art. 126 al. 3 LPC gen., qui prévoit que le si-
lence ou toute réponse évasive peuvent être considérés comme
un aveu (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 4 ad
art. 126 LPC gen.). En effet, cette exigence de précision a
pour raison première de permettre à la partie adverse de rap-
porter la preuve du contraire (Bertossa/Gaillard/Guyet/
Schmidt, op. cit., n. 2 ad art. 126 LPC gen.). Dans le cas
particulier, la contestation globale soulevée par la recou-
rante à l'égard des documents incriminés ne permettait pas à
l'intimée de produire d'autres pièces ou de faire citer des
témoins de manière utile dans la mesure où il lui était im-
possible de discerner en quoi ces documents étaient discutés.

Du reste, comme ces pièces établissaient la teneur
des contrats conclus par Adriafil avec d'autres sociétés, il
n'était nullement insoutenable de retenir qu'elles
prouvaient
l'existence desdits contrats, faute de toute allégation par
la défenderesse de circonstances susceptibles de faire admet-
tre que ces accords ne correspondaient pas à la réalité,
qu'ils auraient été fictifs ou qu'ils n'auraient pas été exé-
cutés (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, op. cit., n. 4 ad
art. 186 LPC gen.).

4.- D'après la recourante, la Cour de justice au-
rait appliqué de manière arbitraire l'art. 126 LPC gen. pour
avoir retenu qu'Adriafil avait affirmé sans être contredite
que sa marge bénéficiaire nette, après paiement des frais
d'achat, de teinture, de tordage, d'emballage et de trans-
port, serait de 17 000 LIT/kg de coton. FCF se réfère à son
mémoire du 2 novembre 1995 aux pages 2 et 4.

Là encore, la contestation de la défenderesse man-
quait totalement de précision. En particulier, la
recourante,
dans le mémoire en cause, se limitait à alléguer d'une maniè-
re toute générale que la demanderesse comptait à double, si-
non à triple, voire même à quadruple certains postes identi-
ques de son prétendu dommage, et passait sous silence le
fait
que les commandes de coton ne devaient être prises en consi-
dération qu'avec une réserve, à savoir qu'il n'y ait pas de
modifications ou restrictions imposées par les autorités
égyptiennes.

Confrontée à cette présentation des circonstances,
hors sujet et nébuleuse, la demanderesse était dans l'impos-
sibilité de rapporter la preuve du contraire, car elle ne
pouvait déterminer les points sur lesquels elle devait faire
citer des témoins ou verser au débat d'autres documents. Au
regard du considérant 3 ci-dessus, cela suffit pour écarter
le moyen.

5.- La recourante fait enfin valoir que l'autorité
cantonale a commis un déni de justice. La Cour de justice au-
rait omis de se prononcer sur un de ses moyens de droit, con-
sistant à se prévaloir d'une impossibilité non-fautive d'exé-
cution au sens de l'art. 79 CVIM.

Ce faisant, la recourante se plaint en réalité du
fait que la décision attaquée serait insuffisamment motivée.
Comme FCF n'invoque pas la violation de règles du droit can-
tonal, il convient d'examiner ce grief à la lumière de
l'art.
29 al. 2 Cst., le Tribunal fédéral vérifiant librement si
les
garanties minimales consacrées par le droit constitutionnel
fédéral ont été respectées (cf. ATF 125 I 257 consid. 3a et
les arrêts cités).

a) La jurisprudence a déduit du droit d'être enten-
du l'obligation pour l'autorité de motiver sa décision, afin

que l'intéressé puisse la comprendre, l'attaquer utilement
s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer
son
contrôle (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa, 97 consid. 2b; 125 II
369 consid. 2c; 124 II 146 consid. 2a). Il suffit cependant,
selon la jurisprudence, que le juge mentionne, au moins briè-
vement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a
fondé
sa décision. Il n'a pas l'obligation d'exposer et de
discuter
tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les
parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans
arbitraire, apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid.
2b;
123 I 31 consid. 2c).

b) A considérer ces principes, on ne saurait sé-
rieusement soutenir que l'arrêt attaqué n'est pas suffisam-
ment motivé.

Certes, les juges cantonaux n'ont pas examiné le
moyen tiré de l'art. 79 al. 1 CVIM. Ils n'ont pour autant au-
cunement attenté au droit d'être entendu de la recourante.
De
fait, pour qu'il y ait exonération du débiteur au sens de
cette disposition, il faut qu'il ait été en proie à un empê-
chement, imprévisible ou inévitable, qui se situe en dehors
de sa sphère de contrôle ou à un obstacle insurmontable; tel
n'est pas le cas des circonstances qui se trouvent dans sa
sphère de contrôle et qui peuvent lui être imputées person-
nellement, ainsi notamment des événements qui affectent la
fourniture de la marchandise (cf. Neumayer/Ming, Convention
de Vienne sur les contrats de vente internationale de mar-
chandises: commentaire, n. 2 et 4 ad art. 79 CVIM).

Or, il ne résulte en rien des faits retenus par la
Cour de justice que, par rapport à l'exécution des contrats
des 2 mars et 14 avril 1994, la défenderesse aurait été en
butte à un empêchement se situant hors de sa sphère de con-
trôle ou confrontée à un obstacle insurmontable ou inévita-
ble.

Dans ces conditions, la cour cantonale pouvait par-
faitement se dispenser d'examiner un tel moyen, qui ne trou-
vait aucune assise dans le dossier.

6.- Dépourvu de tout fondement, le recours doit
être rejeté en tant qu'il est recevable. Vu l'issue du liti-
ge, les frais et dépens seront mis à la charge de la recou-
rante (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable;

2. Met un émolument judiciaire de 5000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 5000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux
mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de
justice du canton de Genève.

_____________

Lausanne, le 15 septembre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.75/2000
Date de la décision : 15/09/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-15;4p.75.2000 ?
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