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13/09/2000 | SUISSE | N°H.150/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 septembre 2000, H.150/00


«AZA 7»
H 150/00 Rl

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 13 septembre 2000

dans la cause

B.________, République Dominicaine, recourant, représenté
par Me Philippe Paratte, avocat, rue de l'Oriette 3,
Neuchâtel,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de
l'Hôpital 28, Neuchâtel, intimée,

et

Tribunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel, Neuchâtel

A

.- B.________ exploitait en raison individuelle une
boucherie à C.________. A ce titre, il était affilié en
qualité d'indépendant et d'empl...

«AZA 7»
H 150/00 Rl

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 13 septembre 2000

dans la cause

B.________, République Dominicaine, recourant, représenté
par Me Philippe Paratte, avocat, rue de l'Oriette 3,
Neuchâtel,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de
l'Hôpital 28, Neuchâtel, intimée,

et

Tribunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel, Neuchâtel

A.- B.________ exploitait en raison individuelle une
boucherie à C.________. A ce titre, il était affilié en
qualité d'indépendant et d'employeur à la Caisse cantonale

neuchâteloise de compensation (ci-après : la caisse). Il a
remis son commerce le 30 avril 1998.
Par décision du 23 novembre 1999, la caisse lui a
réclamé une somme de 20 249 fr. 25 à titre de cotisation
spéciale sur le bénéfice en capital réalisé en 1998 lors de
la vente de son commerce. La caisse indiquait que cette
cotisation spéciale était calculée sur la base d'un bénéfi-
ce en capital de 210 000 fr., montant qui lui avait été
communiqué par l'autorité fiscale le 22 novembre 1999.

B.- B.________ a recouru le 11 janvier 2000 contre
cette décision, en soutenant que la caisse avait pris en
considération «un bénéfice en capital d'un montant large-
ment supérieur à la réalité».
La caisse a conclu au rejet du recours. Elle a produit
une communication du 11 janvier 2000, par laquelle le Ser-
vice des contributions de l'office de l'impôt fédéral di-
rect attestait que B.________ avait réalisé un bénéfice en
capital de 210 000 fr. en 1998. Sous la rubrique «obser-
vations», cette communication contenait la mention sui-
vante : «cas liquidé».
Par jugement du 15 mars 2000, le Tribunal administra-
tif de la République et canton de Neuchâtel a rejeté le
recours.

C.- B.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant principalement à
son annulation ainsi qu'à l'annulation de la décision ren-
due le 23 novembre 1999 par la caisse et, subsidiairement,
au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouveau
jugement, le tout sous suite de frais et dépens. Entre
autres pièces, il dépose un bordereau d'impôt du 13 janvier
2000 (duquel il ressort qu'il a été taxé, pour la période
1997-1998, sur la base d'un bénéfice en capital de

189 700 fr.) ainsi qu'une copie de la réclamation qu'il a
formée le 14 février 2000 contre cette décision de taxa-
tion.
La caisse et l'Office fédéral des assurances sociales
ont renoncé à se déterminer.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur l'obligation du recourant de
payer à l'AVS une cotisation spéciale sur le bénéfice en
capital qu'il a réalisé, en 1998, lors de la remise de son
commerce. Plus précisément, c'est le montant de ce bénéfice
en capital, voire son existence, qui est contesté par le
recourant.

2.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribu-
nal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

3.- a) En vertu de l'art. 17 al. 1 RAVS, sont réputés
revenus provenant d'une activité lucrative indépendante au
sens de l'art. 9 al. 1er LAVS, notamment tous les revenus
acquis dans une situation indépendante provenant de l'ex-
ploitation d'une entreprise commerciale, industrielle ou
artisanale, y compris les bénéfices en capital et les béné-
fices réalisés lors de transfert d'éléments de fortune au
sens de l'article 18 al. 2 LIFD.
Aux termes de l'art. 23bis RAVS, une cotisation spé-
ciale est prélevée sur les bénéfices en capital au sens de

l'article 17 s'ils sont soumis à l'impôt annuel spécial
conformément à l'art. 47 LIFD (al. 1). La cotisation spé-
ciale est due pour l'année pour laquelle le bénéfice en
capital a été taxé par l'impôt fédéral direct (al. 2).

b) Selon la jurisprudence rendue à propos de
l'art. 23bis RAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu'au
31 décembre 1994), les caisses de compensation sont liées
par les communications fiscales, tant en ce qui concerne le
montant du bénéfice en capital que le moment de la réalisa-
tion du revenu soumis à cotisation (ATF 122 V 291 ss con-
sid. 5). Les caisses n'ont pas, d'autre part, la possibili-
té de prélever une cotisation spéciale dans des cas où
l'autorité fiscale n'a pas procédé à une imposition spécia-
le selon l'art. 43 AIFD (ATF 124 V 156 consid. 3a et les
références), disposition qui est aujourd'hui remplacée par
l'art. 47 LIFD.
Alors que la cotisation spéciale était due, jusqu'au
31 décembre 1994, sur l'année durant laquelle le bénéfice
en capital avait été réalisé (art. 23bis al. 2 aRAVS), elle
est, depuis le 1er janvier 1995, due pour l'année pour
laquelle celui-ci a été taxé par l'impôt fédéral direct,
conformément à l'art. 23bis al. 2 RAVS (arrêt non publié B.
du 23 juin 1998, H 226/97, consid. 6). Pour le reste, cette
disposition n'a subi, par rapport à son ancienne teneur,
que des modifications d'ordre rédactionnel nécessitées par
l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1995, de la loi fédéra-
le du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD)
qui a remplacé l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre
1940 sur la perception d'un impôt fédéral direct (AIFD). En
revanche, dès le 1er janvier 2001, à la suite du changement
de régime consacré par la novelle du 1er mars 2000 (RO 2000
1441), il n'y aura plus lieu de percevoir une cotisation
spéciale sur le bénéfice en capital soumis à la LIFD (cf.
VSI 2000, p. 116ss).

4.- a) Selon les premiers juges, dès l'instant où le
recourant n'a pas démontré en quoi la taxation fiscale
ayant servi de base au calcul de la cotisation spéciale
était erronée, ni même allégué avoir entrepris cette taxa-
tion, il n'y a pas de motif de s'en écarter.
Or, le recourant leur reproche une constatation mani-
festement inexacte et incomplète des faits sur ce point.
Dans la mesure, fait-il valoir, où tant la communication
fiscale du 11 janvier 2000 que la taxation du 14 janvier
2000 sont des actes postérieurs à la décision entreprise et
au dépôt de son recours, il ne pouvait pas valablement en
contester le bien-fondé devant la juridiction cantonale. Il
relève par ailleurs que la décision de taxation fait l'ob-
jet d'une procédure de réclamation, si bien qu'elle n'est
pas revêtue de la force de la chose décidée, contrairement
à ce qu'ont implicitement retenu les premiers juges.

b) Lorsque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des
assurances est, comme en l'espèce, limité par l'art. 105
al. 2 OJ, la possibilité d'alléguer des faits nouveaux ou
de faire valoir de nouveaux moyens de preuve est très res-
treinte.
Selon la jurisprudence, seules sont admissibles dans
ce cas les preuves que l'instance inférieure aurait dû
réunir d'office, et dont le défaut d'administration consti-
tue une violation de règles essentielles de procédure. A
plus forte raison les parties ne peuvent-elles invoquer
devant le Tribunal fédéral des assurances des faits nou-
veaux, qu'elles auraient été en mesure - ou qu'il leur
appartenait, en vertu de leur devoir de collaborer à l'ins-
truction de la cause - de faire valoir devant la juridic-
tion inférieure déjà. De tels allégués tardifs ne permet-
tent pas de qualifier d'imparfaites, au sens de l'art. 105
al. 2 OJ, les constatations des premiers juges (ATF
121 II 100 consid. 1c, 102 Ib 127).

c) Par ailleurs, l'administration de l'AVS et, en cas
de recours, le juge des assurances sociales sont en droit
de présumer que la communication du fisc concernant le
revenu pour le calcul des cotisations d'assurance se fonde
sur une taxation passée en force de l'IFD; en principe, une
vérification d'office n'est donc pas requise et il incombe
à l'assuré de renverser cette présomption, pour le moins en
alléguant devant l'autorité de recours en matière de coti-
sations AVS/AI/APG qu'il a recouru contre la taxation de
l'IFD et que celle-ci n'est pas entrée en force (arrêt non
publié D. du 6 novembre 1991, H 105/91).

d) En l'espèce, le dossier ne contient pas la communi-
cation du 22 novembre 1999 sur laquelle prétend s'appuyer
la décision litigieuse du 23 novembre 1999. Par ailleurs,
dans sa réponse au recours cantonal, la caisse a invoqué la
communication fiscale du 11 janvier 2000 comme seul fonde-
ment de sa décision.
Au vu de ces circonstances qui sont pour le moins
curieuses, les premiers juges ne pouvaient pas présumer,
sans autre examen, que la communication fiscale du 11 jan-
vier 2000 se basait sur une taxation en force de l'IFD.
Cela devait bien plutôt les inciter à instruire plus avant
les griefs du recourant (art. 85 al. 2 let. c LAVS), notam-
ment en interpellant l'autorité fiscale sur l'existence
d'une taxation en force et sur les bases de calcul de
celle-ci, singulièrement le montant retenu comme bénéfice
en capital. En outre, le recourant se plaint également avec
raison du fait que le tribunal administratif a, lui aussi,
fondé son jugement sur une pièce postérieure à la décision
litigieuse, datée du même jour que son mémoire de recours
et dont il ne pouvait dès lors avoir eu connaissance.
Le recours s'avère ainsi bien fondé dans sa conclusion
subsidiaire et il convient, par conséquent, d'annuler le

jugement attaqué et de renvoyer la cause à la Cour canto-
nale pour qu'elle procède aux mesures d'instruction adé-
quates et rende un nouveau jugement.

5.- Succombant, l'intimée supportera les frais de
justice (art. 156 al. 1 en relation avec l'art. 134 OJ a
contrario) et versera une indemnité de dépens au recourant
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 15 mars 2000 du
Tribunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel est annulé, la cause étant renvoyée à cette
autorité pour instruction complémentaire et nouveau
jugement au sens des motifs.

II. Les frais de justice, d'un montant de 1600 fr., sont
mis à la charge de l'intimée.

III. L'avance de frais effectuée par le recourant, d'un
montant de 1600 fr., lui est restituée.

IV. La caisse intimée versera au recourant la somme de
2500 fr. (y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à
titre de dépens pour l'instance fédérale.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif de la République et canton de
Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances socia-
les.

Lucerne, le 13 septembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.150/00
Date de la décision : 13/09/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-13;h.150.00 ?
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