La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/09/2000 | SUISSE | N°C.113/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 septembre 2000, C.113/00


«AZA 7»
C 113/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 13 septembre 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

X.________ Ingénieurs-conseils SA, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- X.________ Ingénieurs-conseils SA (l'entreprise)
est un bureau d'ingénieurs-conseils en génie civil. Son
champ d'activités s'éte

nd aux ponts et ouvrages d'art,
structures de bâtiments, constructions industrielles, in-
frastructures routières et ferroviaires, infr...

«AZA 7»
C 113/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 13 septembre 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

X.________ Ingénieurs-conseils SA, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- X.________ Ingénieurs-conseils SA (l'entreprise)
est un bureau d'ingénieurs-conseils en génie civil. Son
champ d'activités s'étend aux ponts et ouvrages d'art,
structures de bâtiments, constructions industrielles, in-
frastructures routières et ferroviaires, infrastructures de
viabilités, ouvrages souterrains, fondations spéciales,
coordination multidisciplinaire, transformations et rénova-
tions.
Le 16 juillet 1999, l'entreprise a déposé un préavis
de réduction de l'horaire de travail pour la période

s'étendant du 1er août au 31 octobre 1999, indiquant que
12 employés (sur un total de 21) seraient touchés par une
réduction de l'horaire de 50 %. Dans sa demande, elle a
indiqué qu'elle avait divers mandats en portefeuille,
qu'elle a désignés comme suit : stade Pontaise agrandisse-
ment, Lutrive déformation, SIVA, FORUM, tunnel Grandvaux,
tunnel Cornallaz, chantier naval Wissmer, viaduc des Vaux,
contrôles de ponts au Liban, stade de Sarajevo, stade de
Bangui, stade de Bamako, stade de Erevan, stade de Bakou,
pont du Leb, Novartis, pont de Ballaigues, PME, locatif
Villardiez 20, collège Denens. A l'appui de son préavis,
l'entreprise a allégué que ses clients connaissaient des
problèmes de financement, ce qui retardait la réalisation
desdits projets; en outre, certains mandats importants
étaient dans l'attente de décisions. En chiffres d'affai-
res, les travaux en souffrance représentaient environ la
moitié des mandats qui lui avaient été confiés. Par
ailleurs, l'entreprise avait indiqué que sept projets se
trouvaient au stade de la prospection, dont trois hôtels en
Ouzbékistan.
Par décision du 13 août 1999, le Service de l'emploi
du canton de Vaud n'a pas fait opposition au principe du
versement de l'indemnité pour la période en cause.

B.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) a déféré
cette décision au Tribunal administratif du canton de Vaud,
en concluant à son annulation.
Par jugement du 15 mars 2000, la juridiction cantonale
a rejeté le recours.

C.- Le seco interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont il demande l'annulation.
L'entreprise intimée n'a pas fait usage de la faculté
de répondre qui lui a été offerte. Le service cantonal de
l'emploi a renoncé à se déterminer sur le recours.

Considérant en droit :

1.- Les travailleurs dont la durée normale du travail
est réduite ou l'activité suspendue ont droit à l'indemnité
en cas de réduction de l'horaire de travail, si, entre
autres conditions, la perte de travail doit être prise en
considération (art. 31 al. 1 let. b LACI). Selon l'art. 33
al. 1 LACI, elle ne peut pas l'être, notamment, lorsqu'elle
est due à des circonstances inhérentes aux risques normaux
d'exploitation que l'employeur doit assumer (let. a) ou
lorsqu'elle est habituelle dans la branche, la profession
ou l'entreprise ou encore si elle est causée par des fluc-
tuations saisonnières de l'emploi (let. b).
Selon la jurisprudence, doivent être considérées comme
des risques normaux d'exploitation, les pertes de travail
habituelles, c'est-à-dire celles qui, d'après l'expérience
de la vie, surviennent périodiquement et qui, par
conséquent, peuvent faire l'objet de calculs prévisionnels.
Les pertes de travail susceptibles de toucher chaque em-
ployeur sont des circonstances inhérentes aux risques
d'exploitation généralement assumés par une entreprise; ce
n'est que lorsqu'elles présentent un caractère exceptionnel
ou extraordinaire qu'elles ouvrent droit à une indemnité en
cas de réduction de l'horaire de travail. Par ailleurs, la
question du risque normal d'exploitation ne saurait être
tranchée de manière identique pour tous les genres d'entre-
prises, ce risque devant au contraire être apprécié dans
chaque cas particulier, compte tenu de toutes les circons-
tances liées à l'activité spécifique de l'exploitation en
cause.
De manière générale, la jurisprudence considère que
des délais d'exécution reportés à la demande du maître de
l'ouvrage ne représentent pas des circonstances exception-
nelles dans le domaine de la construction. Même les pertes
de travail dues à l'annulation de travaux ensuite de l'in-
solvabilité du maître de l'ouvrage ou provoquées par le

retard d'un projet en raison d'une procédure d'opposition
constituent des risques normaux d'exploitation. Quant aux
variations du taux d'occupation dans une entreprise en
raison d'une situation concurrentielle tendue, elles sont
susceptibles de toucher chaque employeur d'une même branche
économique et sont donc, elles aussi, inhérentes à de tels
risques (DTA 1999 n° 10 pp. 50 ss consid. 2 et 4, 1998
n° 50 pp. 291-292 consid. 1 et les références citées).
Par ailleurs, l'expérience prouve que des fluctuations
du carnet de commandes sont absolument habituelles dans les
entreprises de construction, tant en hiver que pendant les
autres saisons (DTA 1999 n° 10 p. 51 consid. 4a). En outre,
dans une situation conjoncturelle difficile pour les finan-
ces publiques, on ne saurait tenir le report de délais
d'ouvertures de chantiers par des collectivités publiques
pour des circonstances exceptionnelles. Les pertes de tra-
vail qui peuvent en découler doivent donc être considérées
comme des circonstances inhérentes aux risques normaux
d'exploitation d'une entreprise de construction (arrêt non
publié F. du 18 mars 1997, C 316/96).

2.- Les premiers juges ont considéré que les reports
de délais de plusieurs grands projets, ou l'attente de
réalisation d'autres projets ont entraîné pour l'entreprise
intimée une perte de travail inévitable, dont on peut dif-
ficilement nier, compte tenu de l'ensemble des circons-
tances, qu'elle soit due principalement à des facteurs
économiques. Ils ont ajouté que même si une telle perte
devait être considérée comme usuelle dans la branche, elle
revêtirait un caractère exceptionnel dès lors que le marché
pousse actuellement les entreprises à calculer leurs prix
au plus juste, voire parfois à travailler à perte, ce qui
ne leur permet plus d'y inclure des charges consécutives au
manque de travail.
Dans le cas d'espèce, la juridiction de recours a
estimé que l'accumulation de retards dans la réalisation

des projets de l'intimée ne saurait être assimilée à des
risques normaux d'exploitation au point qu'on puisse lui
imposer de les prendre en considération dans sa gestion,
ses prévisions budgétaires et la planification de son pro-
gramme de travail.
Enfin, les juges cantonaux ont considéré que l'intimée
avait démontré qu'elle avait fait des efforts de prospec-
tion évidents, de sorte que l'évolution de son chiffre
d'affaires paraissait satisfaisante, en tout cas à court
terme. Quant à la réduction de l'horaire de travail, elle
ne devrait être que passagère, dès lors que les grands
chantiers prévus devraient s'ouvrir prochainement.

3.- De son côté, le seco soutient derechef, comme en
première instance, que les pertes de travail dont l'entre-
prise intimée demande l'indemnisation par l'assurance-
chômage résultent de circonstances inhérentes aux risques
normaux d'exploitation que l'employeur doit assumer, de
sorte qu'elles ne revêtent pas le caractère exceptionnel
requis par la loi et la jurisprudence. Il estime que les
problèmes de financement rencontrés par un client, l'atten-
te d'une décision d'adjudication, d'un permis de construire
ou de la finalisation d'un financement d'un projet, sont
des risques habituels avec lesquels les employeurs de la
branche du génie civil doivent compter.
Le recourant ajoute que la couverture de tels risques
par l'assurance-chômage fausserait les règles d'une saine
concurrence. A cet égard, les difficultés inhérentes à la
guerre des prix à laquelle se livrent les entreprises de la
branche ne sauraient davantage être prises en considéra-
tion, sous peine de contraindre finalement les entreprises
saines à solliciter à leur tour le versement d'indemnités
en cas de réduction de l'horaire de travail pour survivre.

4.- Les objections du seco sont pertinentes. Comme
dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt publié au

DTA 1998 n° 50 p. 290, les circonstances du cas d'espèce
sont précisément celles que la jurisprudence considère
comme faisant partie des risques normaux de l'exploitation
d'une entreprise de construction. En raison des difficultés
que traverse notoirement, depuis plusieurs années déjà, la
branche de la construction, une telle perte de travail est
susceptible de toucher de la même manière chaque employeur
de la branche. Elle ne présente donc pas de caractère ex-
ceptionnel dans la conjoncture actuelle.
Il suit de là que le recours est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis. Le jugement du Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud du 15 mars 2000 ainsi que la
décision du Service de l'emploi du canton de Vaud du
13 août 1999 sont annulés.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud et au Service de
l'emploi du canton de Vaud.

Lucerne, le 13 septembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.113/00
Date de la décision : 13/09/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-13;c.113.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award