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07/09/2000 | SUISSE | N°4P.79/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 septembre 2000, 4P.79/2000


«AZA 3»

4P.79/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

7 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Saurer AG, à Arbon, représentée par Me Philipp Ganzoni, avo-
cat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 18 février 2000 par la Chambre civile de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose la re

courante à Eugène Patry, à Collonge-Bellerive,
représenté par Me Jean Patry, avocat à Genève, et Prodexim
Establishment S.A., à Pa...

«AZA 3»

4P.79/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

7 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Saurer AG, à Arbon, représentée par Me Philipp Ganzoni, avo-
cat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 18 février 2000 par la Chambre civile de
la Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui
oppose la recourante à Eugène Patry, à Collonge-Bellerive,
représenté par Me Jean Patry, avocat à Genève, et Prodexim
Establishment S.A., à Panama (République de Panama), repré-
sentée par Me Cédric Dumur, avocat à Genève;

(art. 9, 29 al. 2, 30 al. 2 et 49 Cst.; procédure civile)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Eugène Patry a été actionnaire et adminis-
trateur de 1987 à 1995 de Saurer AG, société, domiciliée à
Arbon (TG), qui est active dans la production de machines
textiles. C'est dans le cadre de ces fonctions que Patry se
serait adressé à Abdallah Tamari, président du conseil d'ad-
ministration de Prodexim Establishment S.A. (ci-après: Pro-
dexim), afin que celui-ci intervienne en faveur de Saurer AG
auprès d'une tierce société, à propos d'une vente internatio-
nale de machines textiles. Saurer AG a payé des honoraires à
Prodexim pour les deux premières interventions, mais non
pour
la troisième.

b) Le 2 juin 1998, Prodexim a formé une demande en
paiement contre Patry devant le Tribunal de première
instance
de Genève. Elle a conclu à ce que le défendeur soit condamné
à lui payer la somme de 820 600 fr., plus intérêts. Ayant ré-
clamé en vain le paiement de ses honoraires à Saurer AG, la
demanderesse a actionné Patry, au motif qu'il avait joué un
rôle actif dans cette affaire dès l'instant où c'était lui
qui avait mandaté Prodexim. Patry a communiqué à Saurer AG
copie de la demande déposée par Prodexim à son encontre.
Saurer AG a contesté le bien-fondé de cette demande et du
droit de recours que Patry entendait faire valoir contre el-
le.

Après avoir fait savoir à Saurer AG qu'il entendait
l'inviter à intervenir dans la procédure au sens des art.
109
ss de la loi de procédure civile genevoise (LPC gen.),
Patry,
par courrier du 23 juillet 1998, a dénoncé formellement le
litige à cette société; il lui a en outre précisé que le ré-
sultat de la procédure lui serait opposé et qu'il lui deman-

derait de l'en indemniser, ajoutant que les faits allégués
par la demanderesse étaient conformes à ses souvenirs.

Par courrier du 21 septembre 1998, Saurer AG a con-
testé la prétention de Prodexim à l'égard d'Eugène Patry ain-
si que l'éventuel droit de recours de ce dernier contre elle-
même. Elle a informé le Tribunal de première instance, le 15
octobre 1998, qu'elle contestait le rapport de garantie sur
la base duquel Patry voudrait se retourner contre elle et
qu'elle n'entendait d'aucune manière renoncer à son for natu-
rel. S'appuyant sur un avis de droit constatant une lacune
de
la loi de procédure civile genevoise, Saurer AG sollicitait
sa participation à la procédure sous une forme à définir,
mais qui soit néanmoins distincte de l'appel en cause et de
l'intervention.

Le Tribunal de première instance a accusé réception
de l'écriture de Saurer AG, qu'il lui a retournée au motif
qu'elle n'était pas partie à la procédure. Saurer AG a alors
déposé devant le même Tribunal, le 3 novembre 1998, des con-
clusions motivées par lesquelles elle lui a demandé l'autori-
sation de participer aux côtés d'Eugène Patry à la procédure
pendante entre Prodexim et Patry, notamment en lui notifiant
toutes décisions et ordonnances et en lui donnant la possibi-
lité de s'exprimer et de prendre des conclusions tant orale-
ment que par écrit; elle a toutefois requis du Tribunal
qu'il
dise que cette participation à la procédure n'impliquait pas
pour Saurer AG une renonciation à son for naturel, pas plus
que la reconnaissance de la validité du droit de recours de
Patry contre elle-même, ce qui impliquait que ni Prodexim ni
Patry ne pourraient prendre de conclusions directes à son en-
contre, sauf en ce qui concernait les dépens. A nouveau, le
Tribunal a renvoyé à Saurer AG ses conclusions, expliquant
qu'il ne voulait pas entrer en matière sur des conclusions
de
"dénoncé au litige", car la loi de procédure genevoise igno-
rait cette institution.

Saurer AG a appelé auprès de la Cour de justice du
canton de Genève contre cette décision du Tribunal. De son
côté, Prodexim a fait appel incident et sollicité la recon-
naissance de la qualité d'intervenant principal de Saurer AG
dans la procédure en cours. Par arrêt du 7 janvier 1999, la
Cour de justice a renvoyé la cause au Tribunal de première
instance en l'invitant à rendre une décision dûment et suffi-
samment motivée sur les conclusions de Saurer AG.

B.- Lors de l'audience que le Tribunal de première
instance a tenue en présence de Prodexim, Patry et Saurer
AG,
celle-ci a déclaré qu'elle n'entendait pas renoncer à sa ga-
rantie du juge naturel.

Par jugement du 30 avril 1999, le Tribunal de pre-
mière instance a débouté Saurer AG de toutes ses
conclusions.
Il a jugé qu'il serait contraire au principe fondamental de
la contradiction des débats et donc aux droits constitution-
nels des deux parties principales de permettre à Saurer AG
de
prendre des conclusions personnelles à l'encontre de la de-
manderesse, sans qu'elle-même puisse se voir opposer le
droit
des parties de prendre des conclusions à son encontre.

Saurer AG a appelé de ce jugement; ses conclusions
d'appel étaient identiques à celles qu'elle avait prises et
le 3 novembre 1998 et dans son précédent mémoire d'appel.
Sur
appel incident, Prodexim a conclu à ce que la Cour de
justice
constate que Saurer AG a qualité d'intervenante dans la pro-
cédure pendante entre elle-même et Patry devant le Tribunal
de première instance.

Par arrêt du 18 février 2000, la Cour de justice a
confirmé le jugement du Tribunal de première instance.

C.- Saurer AG forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral. A titre principal, elle requiert l'annula-
tion de l'arrêt de la Cour de justice et reprend les conclu-
sions qu'elle avait déposées le 3 novembre 1998 devant le
Tribunal de première instance. Subsidiairement, la
recourante
conclut à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice et
au
renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelle déci-
sion dans le sens des considérants.

Prodexim conclut au rejet du recours dans la mesure
où il est recevable.

Eugène Patry conclut à la confirmation de l'arrêt
attaqué et au rejet de toutes les conclusions de Saurer AG.

La Cour de justice déclare se référer aux considé-
rants de son arrêt.

Par ordonnance du 16 mai 2000, le Président de la
Ie Cour civile du Tribunal fédéral a rejeté une requête d'ef-
fet suspensif de la cause divisant Prodexim d'avec Patry
jusqu'à droit connu sur le recours de droit public, ainsi
qu'une requête tendant à la suspension d'une procédure dis-
tincte ouverte à la suite d'un appel en cause formé par
Patry
à l'encontre de Saurer AG.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La Cour de justice a considéré que la question
litigieuse est celle de savoir si Saurer AG peut participer
à
la procédure pendante entre Prodexim et Patry sous une forme
distincte de l'appel en cause et de l'intervention, qui lui
permettrait de prendre des conclusions contre les parties à
ce différend sans que celles-ci puissent en faire de même à
son encontre. Elle a rappelé que le problème de la participa-
tion d'un tiers à une instance déjà introduite est réglé,
dans la procédure genevoise, par les institutions de l'appel
en cause (art. 104 ss LPC gen.) et de l'intervention (art.
109 ss LPC gen.).

Par l'appel en cause, la partie à une instance déjà
introduite dénonce le litige à un tiers et l'oblige à parti-
ciper à la même procédure. La compétence du tribunal saisi
au
fond pour connaître de l'appel en cause est régie par la loi
sur l'organisation judiciaire (art. 57 LOJ gen.), qui ne per-
met pas d'attraire devant les tribunaux du canton une person-
ne suisse non domiciliée dans le canton de Genève. Comme, en
l'espèce, Saurer AG n'est pas domiciliée à Genève et qu'elle
n'entend pas renoncer au droit d'être jugée par le tribunal
de son domicile, sa participation comme appelée en cause ne
peut entrer en considération.

Quant à l'intervention, il s'agit d'une institution
qui a pour but de permettre à un tiers de faire valoir, dans
un procès pendant entre d'autres plaideurs, les intérêts lé-
gitimes qui lui sont propres et que la procédure en cours
risquerait de mettre en péril (Bertossa/Gaillard/Guyet/
Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile
genevoise,
n. 1 ad art. 109 LPC gen.). On distingue l'intervention ac-
cessoire (où l'intervenant ne fait que soutenir la position
de l'une des parties et n'est donc pas formellement partie à
la procédure) de l'intervention principale (où l'intervenant
prend des conclusions personnelles ayant un rapport avec le
litige pendant entre les parties et prétend ainsi à l'exis-
tence d'un rapport juridique entre lui-même et la partie qui
conteste ses droits). Cette dernière forme d'intervention ne
met pas en cause la compétence territoriale du tribunal sai-
si, puisque celui qui intervient lui-même dans un procès
déjà
pendant en prenant des conclusions personnelles, notamment
contre le demandeur, peut agir de ce fait devant un tribunal

qui n'aurait peut-être pas été territorialement compétent.
In
casu, il est constant que Saurer AG, qui entend prendre des
conclusions personnelles autres que celles soumises au juge
par les parties principales, pourrait a priori faire valoir
ses intérêts par l'institution de l'intervention principale.
Mais, dès l'instant où elle a déclaré ne pas vouloir
renoncer
à la garantie constitutionnelle du juge naturel et ainsi re-
fuser que les parties principales l'actionnent directement,
ont poursuivi les magistrats genevois, l'intervention princi-
pale ne saurait être admise.

Dès lors que les formes de participation des tiers
à la procédure prévues en droit genevois ne peuvent être uti-
lisées en l'occurrence, l'autorité cantonale a encore
examiné
si, comme le prétend Saurer AG, la loi de procédure civile
de
ce canton présenterait une lacune proprement dite. Elle a
nié
que ce soit le cas, étant donné que le législateur genevois,
en choisissant les institutions de l'appel en cause et de
l'intervention, a exhaustivement réglé cette question procé-
durale. Pour la Cour de justice, le juge n'est pas compétent
pour créer, par voie jurisprudentielle, un troisième moyen
d'intervention qui revêtirait la forme de la dénonciation du
litige, consacrée dans certaines lois de procédure cantona-
les.

2.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et li-
brement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126 I 81 consid. 1; 126 III 274 consid. 1; 125 III 461 con-
sid. 2).

b) Il convient tout d'abord d'examiner la recevabi-
lité du présent recours de droit public au regard de la natu-
re de la décision attaquée.

Si l'arrêt cantonal a été rendu avant l'entrée en
vigueur, le 1er mars 2000, de la novelle du 8 octobre 1999

modifiant l'art. 87 OJ (RO 2000 p. 416), le recours de droit
public a été déposé après le 1er mars 2000. En l'absence de
disposition transitoire dans ladite novelle, il n'apparaît
pas exclu d'appliquer le nouvel art. 87 OJ aux actes de pro-
cédure, tels le dépôt d'un mémoire de recours, accomplis
après son entrée en vigueur (ATF 126 I 203 consid. 1b).
Selon
cette disposition, le recours de droit public n'est receva-
ble, quel que soit le grief invoqué, qu'à l'encontre des dé-
cisions finales ou des décisions incidentes causant à l'inté-
ressé un préjudice irréparable.

Constitue une décision finale, au sens de l'art. 87
OJ, celle qui met un point final à la procédure, qu'il
s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision qui
clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure
(ATF 123 I 325 consid. 3b et les arrêts cités). L'arrêt atta-
qué met un point final à la procédure de dénonciation, soit
de participation de la recourante à la procédure pendante de-
vant un tribunal genevois entre Prodexim et Patry; il ne per-
met plus à l'intéressée de soumettre derechef la même préten-
tion à cette juridiction et revêt donc le caractère d'une dé-
cision finale, en sorte que la voie du recours de droit pu-
blic est ouverte.

Cette solution est identique dans son résultat à
celle à laquelle on parviendrait par l'application de l'an-
cien droit constitutionnel. Comme, dans son recours de droit
public, la recourante invoque la violation de plusieurs
droits constitutionnels, dont les art. 9 Cst (protection con-
tre l'arbitraire) et 29 al. 2 Cst. (droit d'être entendu)
qui
étaient protégés par l'art. 4 aCst., l'art. 87 aOJ aurait
trouvé application. Or, cette norme prévoyait que le recours
pour violation de l'art. 4 aCst était recevable notamment
contre les décisions finales prises en dernière instance, at-
tributs que possède l'arrêt déféré.

c) A considérer la fonction purement cassatoire du
recours de droit public, qui ne peut tendre qu'à
l'annulation
de la décision attaquée (ATF 125 II 86 consid. 5a; 124 I 231
consid. 1d; 123 I 87 consid. 5), on peut sérieusement douter
de la recevabilité des conclusions principales du recours,
qui tendent à ce que des mesures positives soient
ordonnées.
Seule apparaît recevable la conclusion subsidiaire du re-
cours, qui conclut à l'annulation de l'arrêt, étant
toutefois
précisé qu'il était inutile de requérir le renvoi de la
cause
à l'autorité cantonale pour qu'elle se prononce à nouveau
dans le sens des considérants, dans la mesure où l'admission
du recours de droit public obligerait précisément l'autorité
cantonale de dernière instance à statuer en tenant compte
des
considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral (ATF 112 Ia 353
consid. 3c/bb).

3.- a) La recourante invoque en premier lieu la
violation de la force dérogatoire du droit fédéral, soit la
violation de la primauté et du respect du droit fédéral,
principe consacré à l'art. 49 al. 1 Cst., qui était aupara-
vant rattaché à l'art. 2 Disp. trans. aCst.

La recourante, décrivant les effets que déploie à
son sens la dénonciation du litige, affirme qu'il s'agit là
d'un principe de droit fédéral, auquel ne pourrait faire
obstacle le droit de procédure, lequel relève, en
application
de l'art. 46 Cst., de la compétence des cantons. Elle
allègue
que, confronté à une lacune de droit proprement dite, le
juge
doit la combler à la lumière des dispositions des autres can-
tons. En retenant que le législateur genevois a réglementé
exhaustivement la question de la participation de tiers à la
procédure, alors que le droit de procédure genevois ne con-
tient pas de disposition permettant à un dénoncé au litige
non domicilié à Genève d'intervenir sauf à renoncer à la ga-
rantie constitutionnelle du for naturel, la Cour de justice
aurait fait une entorse au principe de la force dérogatoire

du droit fédéral, qui oblige le juge à combler toute lacune
de droit proprement dite.

On doit d'emblée se demander si le principe de la
subsidiarité absolue du recours de droit public (art. 84 al.
2 OJ) ne fait pas obstacle à l'entrée en matière sur ce
grief, dès l'instant où le motif de nullité de l'art. 68 al.
1 let. a OJ permet de contrôler la conformité du droit can-
tonal de procédure au droit fédéral. Il n'est nul besoin de
trancher ce point, car le moyen est irrecevable pour une au-
tre raison.

b) Saisi d'un recours de droit public pour viola-
tion de la règle de la force dérogatoire du droit fédéral,
le
Tribunal fédéral statue avec un plein pouvoir d'examen (ATF
109 Ia 72 consid. 3; 106 II 283 consid. 3). Mais le recou-
rant, dans son mémoire, a l'obligation d'indiquer quelles
dispositions de droit fédéral seraient à ses yeux touchées
par la disposition cantonale contestée (Saladin, Commentaire
de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 29
mai 1874, vol. IV, n. 62 ad art. 2 Disp. trans. aCst.).

Or, le grief de la recourante n'est pas motivé se-
lon les exigences posées par l'art. 90 OJ. Bien qu'elle cite
une jurisprudence du Tribunal fédéral (ATF 90 II 357/358) -
qui est absolument sans rapport avec le problème de la parti-
cipation d'un tiers dénoncé au procès - la recourante omet
d'indiquer quelles dispositions du droit fédéral seraient,
selon elle, concernées par les dispositions cantonales con-
testées ou par l'application qu'en a faite la cour
cantonale.
En l'absence de ces éléments essentiels, le moyen concernant
une éventuelle violation de l'art. 49 Cst. doit être déclaré
irrecevable (cf. ATF 111 Ia 86 consid. 3c).

On peut relever, au demeurant, qu'on ne voit pas
quelle disposition de droit fédéral pourrait contraindre les

cantons à autoriser un dénoncé au litige non domicilié dans
le canton, qui se prévaut de la garantie constitutionnelle
du
for naturel, à intervenir dans un procès pendant.

4.- a) La recourante invoque la violation du droit
d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. A l'en croi-
re, puisque la dénonciation du litige opérée par Patry à son
encontre pourrait affecter sa situation juridique, elle doit
disposer d'un moyen procédural pour participer au procès
principal dans les limites des conclusions qu'elle a déposées
le 3 novembre 1998. Pour lui avoir refusé ce droit, la Cour
de justice aurait violé son droit d'être entendue.

b) Dans le cadre de la procédure ouverte par le
Tribunal de première instance, sur injonction de la Cour de
justice, pour qu'il soit statué sur la requête de Saurer AG
de participer au procès divisant Prodexim d'avec Patry, le
droit d'être entendu de la recourante n'a en rien été violé.
Elle a en effet pu exercer tous les droits que la jurispru-
dence a déduits du droit d'être entendu à savoir, en parti-
culier, le droit pour le justiciable de s'expliquer avant
qu'une décision ne soit prise à son détriment, celui de
fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur
le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier,
celui
de participer à l'administration des preuves, d'en prendre
connaissance et de se déterminer à leur propos (cf. ATF 126
I
15 consid. 2a; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2). Du
reste,
la recourante ne prétend pas que ces droits ont été violés.

Le droit de la recourante de participer au procès
opposant Prodexim à Patry n'a rien à voir avec le droit
d'être entendu, qui n'existe en principe que dans des pro-
cédures qui conduisent à l'adoption de décisions individuel-
les et concrètes; en sont titulaires toutes les personnes
qui
sont parties à ces procédures et qui sont touchées dans
leurs
intérêts personnels par la décision future (Auer/Malinverni/

Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, n. 1287 p.
610). La recourante n'étant pas partie à la procédure à la-
quelle elle voudrait participer, elle ne saurait être
touchée
dans ses intérêts personnels par une décision dont elle ne
démontre pas qu'elle lui serait opposable.

Enfin, contrairement à ce que semble soutenir la
recourante, le droit constitutionnel d'être entendu ne lui
confère pas le droit de participer à une procédure dans des
conditions qui ne sont pas prévues par le droit cantonal de
procédure.

5.- a) La recourante invoque ensuite la violation
de l'interdiction de l'arbitraire consacrée par l'art. 9
Cst.
Elle fait valoir confusément qu'elle entend intervenir au
procès ouvert par Prodexim contre Patry aux côtés de ce der-
nier, même si l'on ignore quelle sera la position adoptée
par
Patry dans ce litige puisqu'il n'a pas procédé sur la deman-
de. Déduire dans ces conditions, comme l'a fait l'autorité
cantonale, que la recourante avait l'intention de prendre
des
conclusions distinctes de celles de Patry blesserait le sen-
timent de la justice et contredirait le texte même des con-
clusions qu'elle a prises le 3 novembre 1998.

b) Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en
considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que lorsque
celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se trouve
en
contradiction claire avec la situation de fait, qu'elle
viole
gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou
encore lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité; pour qu'une décision soit annu-
lée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motiva-
tion formulée soit insoutenable, il faut encore que la déci-
sion apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166
consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b; 124 I 247
consid. 5; 124 V 137 consid. 2b).

Les développements de la recourante ne démontrent
pas que la cour cantonale a violé de façon manifeste la loi
de procédure cantonale applicable. Il apparaît même assez
clairement que la décision attaquée est tout à fait défenda-
ble. Il appartient à la procédure cantonale de régler la dé-
nonciation d'instance quant à la forme et à la manière de
procéder (ATF 120 III 143 consid. 3a; 90 II 404 consid. 1a).
Dès lors, face à une loi de procédure cantonale qui ne con-
naît, comme forme de participation des tiers au procès, que
l'intervention et l'appel en cause, il n'est pas
insoutenable
de considérer que la forme de dénonciation au litige requise
par la recourante est inconnue en droit genevois. De fait,
il
n'y a nul arbitraire à opposer un refus à la recourante qui
veut fixer elle-même, à la carte, les conditions de sa parti-
cipation au procès, d'autant moins qu'elles sont totalement
étrangères aux dispositions du droit cantonal.

6.- a) La recourante se prévaut enfin de la viola-
tion de la garantie du for du domicile, au sens de l'art. 30
al. 2 Cst. Elle relève qu'il n'existe aucune loi fédérale ni
genevoise qui aurait instauré une exception au principe cons-
titutionnel du for du domicile en matière de dénonciation du
litige. Elle soutient que les parties principales au litige,
Prodexim et Patry, visent clairement à obliger Saurer AG à
renoncer à son for naturel. Les parties voudraient en
réalité
éviter, par le truchement d'une action contre l'administra-
teur, d'être obligées de s'attaquer à la société elle-même,
à
son for naturel. Il s'agirait d'une manoeuvre évidente pour
faire à Genève un procès qui devrait en réalité se faire à
un
autre for. En confirmant que la recourante ne saurait parti-
ciper à la procédure pendante en dehors des deux seules ins-
titutions de procédure existantes, institutions qui ne peu-
vent être utilisées que moyennant renonciation à la garantie

du for du domicile, la Cour de justice aurait transgressé
cette disposition constitutionnelle.

b) On ne constate en l'espèce aucune violation de
la garantie constitutionnelle du for du domicile. Celui qui
demande à intervenir dans un procès, voire à se faire dénon-
cer un procès, accepte une dérogation aux règles de compéten-
ce territoriale et choisit de se soumettre volontairement à
la décision du juge saisi (cf. Bertossa/Gaillard/Guyet/
Schmidt, op. cit., n. 4 ad art. 109 LPC gen.). En outre,
l'art. 30 al. 2 Cst. prévoit que la personne qui fait
l'objet
d'une action civile a droit à ce que sa cause soit portée
devant le tribunal de son domicile. Or, la recourante ne
fait
l'objet d'aucune action civile, si bien qu'elle ne peut pas
invoquer la garantie du for du domicile.

7.- Il suit de là que le recours, non exempt de
témérité, doit être rejeté. Vu l'issue du litige, les frais
et dépens seront mis à la charge de la recourante (art. 156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met un émolument judiciaire de 8000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à chacun des deux
intimés une indemnité de 10 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice genevoise.

___________

Lausanne, le 7 septembre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.79/2000
Date de la décision : 07/09/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-07;4p.79.2000 ?
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