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07/09/2000 | SUISSE | N°2A.294/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 septembre 2000, 2A.294/2000


2A.294/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

7 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Müller et Yersin. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

M.________,

contre

la décision prise le 26 mai 2000 par le Département fédéral
de justice et police;

(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation)

Vu les pièce

s du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- M.________, ressortissante de la République dé-
mocratique ...

2A.294/2000
«»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

7 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Müller et Yersin. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

M.________,

contre

la décision prise le 26 mai 2000 par le Département fédéral
de justice et police;

(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- M.________, ressortissante de la République dé-
mocratique du Congo, est arrivée en Suisse au mois d'octobre
1996, alors qu'elle était âgée de plus de dix-neuf ans, et a
immédiatement sollicité l'autorisation de vivre avec sa
tante
maternelle, T.________. Elle a fait valoir que, selon la cou-
tume, cette tante avait épousé son père au décès de sa mère
biologique, en 1978, l'avait élevée jusqu'à son départ en
Suisse, en 1991, et l'avait finalement adoptée le 26 janvier
1996, avec l'accord du père biologique, lequel avait comparu
à l'audience du Tribunal de paix de Kinshasa, alors qu'il
avait disparu depuis le 3 décembre 1990.

Le 18 janvier 1998, le Service de la population et
des migrations du canton de Vaud a rejeté la requête de re-
groupement familial de M.________. Le 12 avril 1999, il a
toutefois proposé à l'Office fédéral des étrangers de mettre
l'intéressée au bénéfice d'une autorisation annuelle de sé-
jour, sur la base de l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6
octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS
823.21).

L'Office fédéral des étrangers a refusé d'exempter
M.________ des mesures de limitation, par décision du 17
juin
1999.

B.- Saisi d'un recours contre ce prononcé, le Dé-
partement fédéral de justice et police l'a rejeté, par dé-
cision du 26 mai 2000. Doutant de l'adoption de M.________,
il a retenu en bref que celle-ci n'avait légalement aucun
lien de parenté avec T.________ et ses enfants, qu'elle
était
majeure et ne se trouvait pas dans un rapport de dépendance

envers ces derniers; partant, elle ne pouvait prétendre à
une
autorisation de séjour en raison de motifs d'ordre familial.
Par ailleurs, son intégration en Suisse n'était pas excep-
tionnelle et son état de santé ne nécessitait pas impérative-
ment un suivi médical dans ce pays.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, M.________ demande au Tribunal fédéral, sous
suite
de frais et dépens, d'annuler la décision du Département fé-
déral de justice et police du 26 mai 2000 et de constater
qu'elle n'est pas assujettie aux mesures de limitation.

Le Département fédéral de justice et police a été
invité à produire le dossier sans échange d'écritures.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La voie du recours de droit administratif est
en principe ouverte contre les décisions relatives à l'assu-
jettissement aux mesures de limitation en vertu des art. 97
ss OJ (ATF 122 II 403 consid. 1 p. 404/405; 119 Ib 33
consid.
1a p. 35; 118 Ib 81 consid. 1 p. 82). Dans la mesure où il
tend à l'annulation de la décision attaquée et à faire cons-
tater que la recourante remplit les conditions d'exemption
aux mesures de limitation, le présent recours, qui satisfait
en outre aux exigences formelles des art. 97 ss OJ, est donc
recevable.

b) L'autorité intimée étant une autorité administra-
tive, le Tribunal fédéral peut revoir d'office les constata-
tions de fait (art. 105 OJ). Rien ne s'oppose dès lors à la
prise en considération du jugement du 26 janvier 1996, dont
la recourante a fait légaliser la copie, dès lors que ce do-
cument ne porte pas sur un fait nouveau, mais vise
uniquement
à démontrer la légalité de son adoption (ATF 115 II 213 con-
sid. 2 p. 215/216; 113 Ib 327 consid. 2b p. 331 et les
arrêts
cités; Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und
Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., Zurich 1998, no
940 ss p. 333 ss).

2.- La recourante reproche à l'autorité intimée
d'avoir
constaté de manière inexacte les faits pertinents en ne te-
nant pas compte de ses liens familiaux avec T.________. Elle
estime ainsi qu'elle se trouve dans une situation
personnelle
d'extrême gravité, puisqu'elle n'a plus de famille dans son
pays d'origine et qu'elle est atteinte dans sa santé.

a) La question de savoir si le jugement produit
constitue un document valable pour reconnaître que la recou-
rante a bien été adoptée le 26 janvier 1996 par T.________
n'est pas déterminante en l'espèce, du moment qu'il est de
toute façon établi que celle-ci a des liens familiaux et af-
fectifs étroits avec l'intéressée. Bien qu'elle soit partie
en Suisse au mois de septembre 1991, elle a en effet élevé
la
recourante dès son plus jeune âge, après le décès de sa mère
biologique, et a vécu avec son père biologique en sa qualité
de tante du côté maternelle, devenue épouse selon la
coutume.
Ces liens de parenté ne permettent cependant pas à la recou-
rante de se prévaloir directement de l'art. 8 CEDH, qui n'a
pas de portée propre dans le cadre d'une procédure relative
aux mesures de limitation, car la décision qui est prise ne
porte pas sur le droit de séjourner en Suisse. En revanche,
les critères découlant de l'art. 8 CEDH peuvent être pris en
considération pour examiner si l'on est en présence d'un cas
personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f
OLE, dans la mesure où des motifs d'ordre familial seraient
liés à cette situation (voir arrêts non publiés du 9 mars

1994 en la cause Jedaied et du 5 décembre 1989 en la cause
Chiotelis).

En l'espèce, la recourante est arrivée en Suisse en-
viron cinq ans après sa mère adoptive, alors qu'elle était
âgée de plus de dix-neuf ans. Elle vit actuellement seule
dans un studio et ne se trouve pas dans un état de
dépendance
par rapport à T.________ et à ses enfants, même si elle en-
tretient des relations très proches avec eux. Dans ces condi-
tions, il ne s'impose pas de soustraire la recourante aux me-
sures de limitation sur la base de critères relevant de
l'art. 8 CEDH. Reste à examiner si elle se trouve dans une
situation d'extrême gravité qui justifierait l'octroi d'une
autorisation de séjour sur la base de l'art. 13 f OLE.

3.- a) Les mesures de limitation visent, en premier
lieu, à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la
population en Suisse et celui de la population étrangère ré-
sidente, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du tra-
vail et à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi
(cf. art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE,
selon lequel un étranger n'est pas compté dans les nombres
maximums fixés par le Conseil fédéral, a pour but de facili-
ter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, se-
raient comptés dans ces nombres maximums, mais pour lesquels
cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport
aux circonstances particulières de leur cas et pas souhaita-
ble du point de vue politique.

Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f
OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère
exceptionnel et que les conditions pour une reconnaissance
d'un cas de rigueur doivent être appréciées restrictivement.
Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une
situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses con-

ditions de vie et d'existence, comparées à celles de la
moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de
manière
accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'intéressé
aux restrictions des nombres maximums comporte pour lui de
graves conséquences. Pour l'appréciation du cas d'extrême
gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des cir-
constances du cas particulier. La reconnaissance d'un tel
cas
n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une
situation
de détresse. D'un autre côté, le fait que l'étranger ait sé-
journé en Suisse pendant une assez longue période et s'y
soit
bien intégré ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas
d'extrême gravité; il faut encore que sa relation avec la
Suisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille
vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine.
A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisi-
nage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne cons-
tituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse
qu'ils justifieraient une exemption des mesures de
limitation
du nombre des étrangers (ATF 124 II 110 consid. 2 p. 112 et
la jurisprudence citée).

Pour l'appréciation du cas personnel d'extrême gra-
vité, seules entrent en ligne de compte les circonstances
qui
sont propres à l'intéressé personnellement ou à ses proches
vivant avec lui en Suisse.

b) Dans le cas particulier, la recourante est arri-
vée illégalement en Suisse au mois d'octobre 1996, alors
qu'elle était âgée de plus de dix-neuf ans. Elle a donc
passé
son enfance et son adolescence dans son pays d'origine. Ce
fait est très important, car c'est précisément durant ces an-
nées que se forge la personnalité, en fonction notamment de
l'environnement culturel. Il paraît en outre inexact de pré-
tendre qu'elle n'aurait plus de famille en République démo-
cratique du Congo, dès lors qu'il ressort du jugement du 26

janvier 1996 que son père a expressément consenti à son adop-
tion à cette époque. Quant à son état de santé, les
séquelles
de la poliomyélite dont elle a souffert l'empêchent certes
de
porter de lourdes charges, mais rien ne permet d'affirmer
que
cela nécessiterait, encore actuellement, un traitement médi-
cal suivi qui ne pourrait être poursuivi qu'en Suisse (sur
ce
point, voir Alain Wurzburger, La jurisprudence récente du
Tribunal fédéral en matière de police des étrangers, in RDAF
1997, p. 294).

Dans ces circonstances, une exception aux mesures de
limitation au sens de l'art. 13 lettre f OLE n'est pas justi-
fiée. Une telle exception n'a en effet pas pour but de sous-
traire une personne aux conditions de vie de son pays d'ori-
gine, mais implique que celle-ci se trouve dans une
situation
si rigoureuse qu'on ne saurait exiger d'elle qu'elle tente
de
se réadapter à son existence passée. On peut cependant atten-
dre ici de la recourante qu'elle s'habitue à la situation,
même précaire ou difficile, à laquelle elle pourra être con-
frontée si elle retourne en République démocratique du
Congo,
à l'instar de ses compatriotes qui y sont restés ou d'ores
et
déjà retournés.

En définitive, le Département fédéral de justice et
police n'a donc pas violé le droit fédéral, ni abusé de son
pouvoir d'appréciation en refusant d'exempter la recourante
des mesures de limitation, même s'il n'a, cas échéant, pas
suffisamment tenu compte de ses liens de parenté avec
T.________.

3.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit
être rejeté, avec suite de frais à la charge de la
recourante
(art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie à la recou-
rante et au Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 7 septembre 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.294/2000
Date de la décision : 07/09/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-07;2a.294.2000 ?
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