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06/09/2000 | SUISSE | N°1P.193/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 septembre 2000, 1P.193/2000


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1P.193/2000/viz

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

6 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Favre. Greffier: M. Jomini.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, à Euseigne, représenté par Me Daniel Imsand,
avocat à Sion,

contre

l'arrêt rendu le 28 janvier 2000 par la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais, d

ans la cause qui
oppose le recourant au Conseil municipal de la commune
d' H é r é m e n c e et à B.________, à Euseigne,...

«»

1P.193/2000/viz

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

6 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Favre. Greffier: M. Jomini.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________, à Euseigne, représenté par Me Daniel Imsand,
avocat à Sion,

contre

l'arrêt rendu le 28 janvier 2000 par la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui
oppose le recourant au Conseil municipal de la commune
d' H é r é m e n c e et à B.________, à Euseigne, représen-
tée par Me Maurice Chevrier, avocat à Sion;

(autorisation de construire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________ est propriétaire de la parcelle n° XXX
du cadastre de la commune d'Hérémence, dans la localité
d'Euseigne. Une scierie a été construite en 1950 sur cette
parcelle; son exploitation a cessé à une date indéterminée.
En 1970, le toit du bâtiment a été arraché par le vent. De-
puis lors, la scierie est désaffectée - il n'en reste que
des vestiges - et le local principal, muni d'une couverture
en plaques de tôle, a été utilisé comme dépôt de matériel
agricole. Actuellement, la parcelle n° XXX est classée en
zone résidentielle.

B.- Le 18 juin 1998, la commission de salubrité de la
commune d'Hérémence a demandé à A.________ de démolir les
vestiges de l'ancienne scierie et de remettre en état les
lieux avant le 31 juillet 1998.

Donnant partiellement suite à cette injonction,
A.________ a évacué les restes de maçonnerie de la scierie,
ne laissant subsister que les murs du local occasionnelle-
ment utilisé comme dépôt.

C.- Le 21 octobre 1998, A.________ a soumis au conseil
municipal d'Hérémence une demande d'autorisation de cons-
truire en vue de réparer le local précité (soubassement de
l'ancienne scierie, partiellement enterré) et de le recou-
vrir d'une dalle en béton, afin de l'utiliser comme "réduit
pour matériel et outillage".

Mis à l'enquête publique, ce projet a suscité l'opposi-
tion de B.________, propriétaire d'une parcelle voisine, qui
dénonçait sa non-conformité à l'affectation de la zone rési-

dentielle ainsi qu'une violation des règles relatives aux
distances entre constructions et limites de propriété.

Le 3 décembre 1998, le conseil municipal d'Hérémence a
refusé l'autorisation de construire.

D.- A.________ a recouru contre la décision communale
auprès du Conseil d'Etat du canton du Valais. Une inspection
locale a été organisée par le service chargé de l'instruc-
tion de ce recours. Le 23 juin 1999, le Conseil d'Etat a
admis le recours, annulé la décision du conseil municipal et
octroyé l'autorisation de construire demandée, en considé-
rant en substance que le propriétaire pouvait se prévaloir
de la protection de la situation acquise pour transformer un
bâtiment existant, conformément à l'art. 3 al. 1 de la loi
cantonale sur les constructions (LC).

E.- B.________ a recouru au Tribunal cantonal contre
le prononcé du Conseil d'Etat.

Par un arrêt rendu le 28 janvier 2000, la Cour de droit
public du Tribunal cantonal a admis le recours et annulé le
prononcé du Conseil d'Etat. Elle a considéré que l'art. 3
LC, protégeant la situation acquise, ne pouvait pas s'appli-
quer dans le cas d'un immeuble démoli, délabré ou en ruine;
en outre, le projet, qu'il faudrait donc traiter de la même
manière qu'une construction nouvelle, contrevient à la ré-
glementation de la zone résidentielle.

F.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation de l'art. 9 Cst., A.________ demande au Tri-
bunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu par la Cour de droit
public. Il prétend que la juridiction cantonale n'a pas été
en mesure d'apprécier correctement les caractéristiques des
éléments de l'ancienne scierie qu'il a laissé subsister. Il

soutient par ailleurs que la Cour de droit public a appliqué
de façon arbitraire l'art. 3 al. 1 LC en refusant d'autori-
ser les travaux projetés.

B.________ conclut au rejet du recours.

Le Conseil d'Etat se détermine dans le sens de l'admis-
sion du recours.

Le conseil municipal et la Cour de droit public ont re-
noncé à répondre au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Propriétaire de l'installation litigieuse et re-
quérant de l'autorisation de construire, A.________ a mani-
festement qualité pour recourir au sens de l'art. 88 OJ (cf.
ATF 126 I 81 consid. 3b p. 85 et les arrêts cités). Son acte
de recours répond aux exigences de recevabilité des art. 84
ss OJ. Il y a donc lieu d'entrer en matière.

2.- Le recourant se plaint d'une constatation arbi-
traire des faits par la juridiction cantonale, au sujet du
degré de délabrement des locaux de son ancienne scierie, et
d'une application arbitraire de l'art. 3 al. 1 LC. En intro-
duction de son recours, il évoque également une application
arbitraire d'une autre disposition du droit cantonal -
l'art. 4 LC - mais, en l'absence de toute motivation à ce
propos dans l'acte de recours, il n'y a pas lieu d'examiner
ce dernier grief (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492
consid. 1b p. 495).

a) Une décision est arbitraire et, partant, contraire
à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle méconnaît gravement une norme
ou un principe juridique clair et indiscuté ou lorsqu'elle
heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de
l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution re-
tenue en dernière instance cantonale que si elle est insou-
tenable, en contradiction manifeste avec la situation effec-
tive, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en viola-
tion d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation
de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle
soit arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a
p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134;
124 V 137 consid. 2b p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88 et
les arrêts cités).

b) aa) L'art. 3 al. 1 LC, sous le titre "Droits ac-
quis", a la teneur suivante:

"Les constructions et installations existantes réali-
sées conformément au droit antérieur mais devenues
contraires aux plans ou aux prescriptions en vigueur
peuvent être entretenues et modernisées, transformées
ou agrandies pour autant que les travaux n'engendrent
pas une aggravation de leur non-conformité au droit."

Cette règle consacre, en droit public cantonal des
constructions, la garantie de la protection de la situation
acquise, qui découle du droit constitutionnel (cf. ATF 113
Ia 119 consid. 2a p. 122). En l'espèce, elle a été interpré-
tée par la Cour de droit public en ce sens qu'elle ne s'ap-
plique qu'aux "constructions et installations existantes"
qui doivent être maintenues dans leur utilisation ou struc-
tures actuelles, et non pas à celles qui sont en ruine, inu-
tilisables ou destinées à la démolition, après avoir été
abandonnées depuis de nombreuses années. En d'autres termes,
un bâtiment en ruine ne peut pas être entretenu, modernisé,
transformé ou agrandi sur la base de l'art. 3 al. 1 LC.

Le recourant ne prétend pas que cette interprétation de
l'art. 3 al. 1 LC serait en elle-même arbitraire. On peut du
reste relever que, pour les constructions hors des zones à
bâtir, la portée de la protection de la situation acquise
est limitée dans la même mesure, en vertu de l'art. 24 al. 2
de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS
700 - cf. DFJP/OFAT, Etude relative à la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire, Berne 1981, n. 44 ad art. 24;
Christoph Bandli, Bauen ausserhalb der Bauzonen, 2e éd.
Coire/Zurich 1991, p. 206). Il arrive que le droit cantonal
exclue expressément cette protection pour les bâtiments en
ruine (cf. art. 80 al. 3 de la loi cantonale vaudoise sur
l'aménagement du territoire et les constructions; cf. en ou-
tre Nicolas Michel, Droit public de la construction, Fri-
bourg 1996, p. 90).

bb) Le recourant conteste en revanche que le local
principal de son ancienne scierie puisse être considéré com-
me un bâtiment en ruine, prêt à la démolition. A l'encontre
de l'appréciation de la juridiction cantonale, il se prévaut
d'une longue utilisation de ce local comme dépôt ainsi que
de son intention de le réparer, et non pas de le supprimer;
en conséquence, il devrait pouvoir bénéficier des possibili-
tés de transformation ou de rénovation de l'art. 3 al. 1 LC.

La Cour de droit public s'est fondée sur l'aspect de
l'ancienne scierie dans son ensemble. Elle disposait de pho-
tographies prises sous divers angles, avant et après les
travaux de remise en état partielle ordonnés par les autori-
tés communales le 18 juin 1998. Ces photographies, avec les
descriptions figurant dans différentes pièces du dossier,
étaient suffisantes pour déterminer si cette scierie était
ou non en ruine; on ne voit pas en quoi une inspection loca-
le par les juges cantonaux aurait pu permettre la constata-
tion d'autres éléments décisifs. Sur la base du dossier et

des arguments du recourant, l'appréciation de la Cour de
droit public n'apparaît pas en contradiction manifeste avec
la situation effective, car il ne restait de l'ancienne
scierie, abandonnée pendant plusieurs décennies, que quel-
ques éléments de maçonnerie disparates. Peu importe, de ce
point de vue, que le recourant puisse envisager d'utiliser
encore certaines structures qui ont été conservées.

Le recourant critique la description faite, dans l'ar-
rêt attaqué, du local principal qu'il souhaite rénover ou
transformer: la Cour de droit public aurait retenu de façon
arbitraire que trois de ses murs subsistaient, alors qu'il y
en aurait en réalité quatre. Il apparaît cependant que ce
local, implanté sur un terrain en pente, est partiellement
enterré; trois murs seulement dépassent du sol. On ne peut
donc pas reprocher à la Cour cantonale d'avoir sur ce point
constaté les faits de façon insoutenable. Cela étant, cette
juridiction pouvait ne pas accorder une importance détermi-
nante à l'état de ce petit local - dans toute construction
abandonnée, certains éléments sont mieux conservés que d'au-
tres et peuvent, moyennant quelques aménagements de fortune,
servir de dépôt - et se borner à constater que la scierie,
dans son ensemble, était une ruine. Le recourant ne parvient
pas à démontrer le contraire. Dans ces conditions, il
n'était pas arbitraire de considérer que toute transforma-
tion, même partielle, de cette installation ne pouvait pas
être autorisée sur la base du seul art. 3 al. 1 LC. Le re-
courant ne conteste au demeurant pas que, si cette disposi-
tion n'est pas applicable, son projet ne satisfait pas aux
exigences ordinaires du droit des constructions, puisqu'il
n'a été jugé conforme ni à l'affectation ni à la réglementa-
tion de la zone résidentielle.

Le recours de droit public est en conséquence mal fon-
dé.

3.- Ses conclusions étant rejetées, le recourant doit
payer l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 al. 1
OJ). Il aura en outre à verser des dépens à l'intimée
B.________, assistée d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ). La
commune d'Hérémence et l'Etat du Valais n'ont pas droit à
des dépens (art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge du recourant A.________:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 1'000 fr. à payer à l'intimée
B.________, à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
du recourant et de l'intimée, au conseil municipal de la
commune d'Hérémence, au Conseil d'Etat et au Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 6 septembre 2000
JIA

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.193/2000
Date de la décision : 06/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-06;1p.193.2000 ?
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