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05/09/2000 | SUISSE | N°5C.127/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 septembre 2000, 5C.127/2000


«/2»
5C.127/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

5 septembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, M. Weyermann,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, Juges.
Greffière: Mme Bruchez.

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Olivier
Boillat, avocat à Genève,

et

L.________ , demandeur et intimé, représenté par son
curateur
ad interim, Dominique André Fiore, juriste auprès du Service<

br> du Tuteur Général, à Genève;

(contribution à l'entretien de l'enfant)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les ...

«/2»
5C.127/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

5 septembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, M. Weyermann,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, Juges.
Greffière: Mme Bruchez.

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Olivier
Boillat, avocat à Genève,

et

L.________ , demandeur et intimé, représenté par son
curateur
ad interim, Dominique André Fiore, juriste auprès du Service
du Tuteur Général, à Genève;

(contribution à l'entretien de l'enfant)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) L.________ est né le 29 juillet 1997 de la
relation entre A.________, né en 1957, et dame L.________,
née R.________ en 1964, lesquels ont vécu ensemble de la fin
1996 au mois de juin 1997. Il a été reconnu par son père le
14 août 1997. Le 25 novembre suivant, le Tribunal tutélaire
du canton de Genève lui a désigné un curateur en la personne
de la Tutrice générale adjointe du canton de Genève aux fins
de faire valoir - au besoin par la voie judiciaire - sa cré-
ance alimentaire.

b) Dame L.________ - qui est en outre mère d'un gar-
çon de neuf ans, pour lequel elle perçoit une contribution
d'entretien - s'est mariée avec B.________ le 6 novembre
1998. Elle a eu un autre fils, J.________, le 24 avril 1999.
En septembre de la même année, elle est partie vivre au Pana-
ma avec L.________ et le reste de sa famille.

D'un précédent mariage dissous en 1993, A.________ a
eu deux enfants, C.________, né le 13 avril 1986, et
D.________, née le 11 octobre 1989, qui vivent avec leur
mère. Il a été condamné à leur verser des contributions men-
suelles s'échelonnant entre 800 et 1'500 fr. selon l'âge.

B.- Le 27 août 1998, L.________, représentée par la
Tutrice générale, a ouvert action contre son père, concluant
au versement, dès le 27 août 1997, de contributions mensuel-
les, indexées et échelonnées selon l'âge.

Par jugement du 28 octobre 1999, le Tribunal de pre-
mière instance du canton de Genève a rejeté cette demande.

Statuant le 14 avril 2000 sur l'appel interjeté par
L.________, représenté par son curateur, la Chambre civile
de
la Cour de justice a condamné A.________ à verser pour l'en-
tretien de son fils 650 fr. dès le 27 août 1997 jusqu'à
l'âge
de huit ans, 850 fr. jusqu'à douze ans, 1'050 fr. jusqu'à
l'âge de seize ans et 1'350 fr. jusqu'à la majorité. Elle a
en outre prévu l'indexation de ces montants.

C.- A.________ exerce un recours en réforme contre
cet arrêt. Il conclut, principalement, au rejet de la
demande
d'aliments et, subsidiairement, au renvoi de la cause pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. L'intimé
propose le rejet du recours; l'autorité cantonale a renoncé
à se déterminer.

Chaque partie sollicite par ailleurs le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêt attaqué tranche une contestation civile
portant sur des droits de nature pécuniaire, dont la valeur
litigieuse atteint manifestement 8'000 fr. Interjeté en
temps
utile contre une décision finale prise par le tribunal suprê-
me du canton, le recours est donc recevable au regard des
art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été consta-
tés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dis-
positions fédérales en matière de preuve n'aient été violées
ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance ma-
nifeste (art. 63 al. 2 OJ). Il ne peut pas être présenté de
griefs contre les constatations de fait (art. 55 al. 1 let.
c

OJ) ni contre l'appréciation des preuves à laquelle s'est li-
vrée l'autorité cantonale (ATF 122 III 61 consid. 2c/cc p.
66; 120 II 97 consid. 2b p. 99; 119 II 84). Les faits nou-
veaux sont irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ). Ces prin-
cipes sont également applicables à la réponse (art. 59 al. 3
OJ). Dès lors, la cour de céans ne peut notamment pas tenir
compte de l'allégation de l'intimé selon laquelle la famille
B.________ serait de retour en Suisse depuis le mois de mai
2000.

3.- Le recourant se plaint d'une fausse interpréta-
tion du principe de l'égalité de traitement posé en matière
de contribution d'entretien et d'une violation de la règle
selon laquelle le minimum vital du débirentier doit être pré-
servé.

a) Aux termes de l'art. 276 CC, les père et mère
doivent pourvoir à l'entretien de l'enfant et assumer, par
conséquent, les frais de son éducation, de sa formation et
des mesures prises pour le protéger (al. 1); l'entretien est
assuré par les soins ou l'éducation ou, lorsque l'enfant
n'est pas sous la garde de ses père et mère, par des presta-
tions pécuniaires (al. 2). Selon l'art. 285 al. 1 CC, dans
sa
teneur en vigueur depuis le 1er janvier 2000 (RO 1999 1118),
la contribution d'entretien doit correspondre aux besoins de
l'enfant ainsi qu'à la situation et aux ressources des père
et mère, compte tenu de la fortune et des revenus de l'en-
fant, ainsi que de la participation de celui des parents qui
n'a pas la garde de l'enfant à la prise en charge de ce der-
nier. Les enfants d'un même débiteur doivent être financière-
ment traités de manière identique, proportionnellement à
leurs besoins objectifs, ce qui signifie que des frais éduca-
tifs, médicaux ou de formation spécifiques à chacun d'eux
peuvent être pris en considération. L'allocation de montants
distincts n'est dès lors pas d'emblée exclue, mais commande
une justification particulière. La quotité de la
contribution
ne dépend en outre pas uniquement de la capacité
contributive

du parent débiteur d'aliments, mais aussi des ressources fi-
nancières du parent qui a obtenu la garde. Le parent auquel
incombe l'entretien de plusieurs enfants dont les besoins
sont semblables peut ainsi avoir à payer des montants diffé-
rents, si ces enfants vivent dans des foyers disposant de
moyens financiers dissemblables (ATF 126 III 353 consid. 2b
p. 358-359 et les références mentionnées). En vertu du droit
à des conditions minimales d'existence garanti par l'art. 12
Cst. (cf. ATF 121 I 367 consid. 2 p. 370 ss), l'obligation
d'entretien trouve sa limite dans la capacité contributive
du
débirentier, en ce sens que le minimum vital de celui-ci
doit
être préservé (ATF 123 III 1 consid. 3b/bb p. 5 et consid. 5
p. 9; 121 I précité; Hausheer/Reusser/Geiser, Berner Kommen-
tar, nos 27 et 53 ad art. 176 CC; Breitschmid, op. cit., nos
12 et 19 s. ad art. 285 CC; Hegnauer, op. cit., nos 51 et 62
ad art. 285 CC).

Dans les litiges relatifs à l'obligation d'entretien
envers l'enfant, le juge doit en outre examiner d'office les
faits pertinents et apprécier librement les preuves, et ce
pour tous les ménages concernés (cf. ATF 126 III 353 consid.
2b/bb p. 360 et consid. 3b non publié); il n'est en outre
pas
lié par les conclusions des parties (art. 280 al. 2 CC; ATF
122 III 404 consid. 3d p. 408-409; 120 II 229 consid. 1c
p. 231-232; 119 II 201 consid. 1 p. 203; 118 II 93 consid.
1a). Les faits et conclusions nouveaux sont, par ailleurs,
en
principe admis devant l'autorité cantonale supérieure (Breit-
schmid, op. cit., nos 5 et 6 ad art. 280 CC; Hegnauer, op.
cit., nos 112 s. ad art. 279/ 280 CC).

b) En l'espèce, l'autorité cantonale a retenu que le
recourant a réalisé mensuellement 3'869 fr. en 1997 et 4'482
fr. en 1998, ses revenus pour l'année 1999 étant inconnus.
Les charges incompressibles s'étaient quant à elles élevées
à
4'476 fr. jusqu'au 11 octobre 1997, à 4'676 fr. dès cette
date et en 1998, et à 4'876 fr. en 1999, ces montants compre-

nant le minimum vital (2'676 fr.) augmenté des aliments dus
aux deux aînés de l'intéressé en vertu du jugement de
divorce
(respectivement 1'800 fr., 2'000 fr. et 2'200 fr.). Après
avoir constaté, au vu de ces chiffres, une situation de dé-
couvert ("Unterdeckung"), la Chambre civile a tout de même
alloué les montants réclamés par l'intimé, pour le motif
qu'en vertu du principe d'égalité celui-ci doit bénéficier
du
même traitement que ses demi-frère et soeur. Elle a renvoyé,
pour le surplus, le débirentier à agir en modification du ju-
gement de divorce pour le cas où il ne pourrait assumer l'en-
semble de ses obligations alimentaires. Elle n'a, en revan-
che, pas examiné en détail la capacité contributive de la
mère de l'intimé ni les ressources de son mari (cf. l'obliga-
tion d'assistance découlant de l'art. 278 al. 2 CC; ATF 120
II 285) ni même les besoins et les conditions de vie du
créancier d'aliments. Sur ces points, l'arrêt entrepris ne
contient en effet, tant en ce qui concerne la période précé-
dent le départ au Panama que celle qui a suivi, que des cons-
tatations lacunaires. Il se borne à constater qu'avant l'été
1998 la mère de l'intimé disposait de 3'000 fr. par mois,
qu'elle s'acquittait mensuellement de 1'096 fr. pour son
loyer et de 156 fr., respectivement 195 fr., pour deux
places
de parc et qu'elle a gagné par la suite 4'000 fr. par mois.
Il relève en outre qu'elle a cessé de travailler pour cause
de maladie dès novembre 1999 (recte 1998), qu'elle a perçu à
titre d'indemnités journalières 3'600 fr. en janvier 1999 et
qu'elle reçoit pour l'entretien de son fils aîné de neuf ans
677 fr. par mois, plus 177 fr. d'allocations familiales, con-
tribution qui passera à 850 fr. lorsque l'enfant aura dix
ans. S'agissant de la situation financière de son mari, les
juges cantonaux se sont contentés de faire état des pièces
déposées par le curateur de l'intimé, à savoir une attesta-
tion de salaire pour le mois de février 1999 (5'010 fr.30)
et
un bail au nom de dame L.________ et de son époux
mentionnant
un loyer de 3'200 fr. comprenant le loyer commercial de ce
dernier. L'arrêt querellé ne dit par ailleurs mot de la si-

tuation des prénommés depuis leur départ au Panama en septem-
bre 1999, alors que l'action était déjà pendante, ni ne cons-
tate les conditions de vie des deux premiers enfants du re-
courant. A cet égard, il est seulement indiqué que ceux-là
ont droit, en vertu du jugement de divorce, à des contribu-
tions échelonnées selon l'âge qui s'élevaient à 1'800 fr.
jusqu'au 11 octobre 1997, à 2000 fr. jusqu'en 1998 et à
2'200
fr. dès 1999, sans que l'on sache si celles-ci visent la sa-
tisfaction de besoins particuliers qui justifieraient une
inégalité de traitement (ATF 116 précité).

Dans de telles conditions, la cour de céans n'est
pas en mesure de vérifier si les contributions allouées sont
conformes au droit fédéral, notamment si elles sont propor-
tionnées à la capacité contributive des parents du créancier
d'aliments et aux besoins de ce dernier, et si elles respec-
tent le principe de l'égalité de traitement. La cause doit
dès lors être renvoyée à l'autorité cantonale pour
complément
de l'état de fait sur la situation des personnes concernées,
et nouvelle décision (art. 64 al. 1 OJ; ATF 93 II 213
consid.
1 p. 216-217).

4.- En conclusion, le recours apparaît partiellement
fondé, dans la mesure où la cour de céans ne s'est pas pro-
noncée sur le chef de conclusions tendant à la libération du
recourant. Il convient par ailleurs d'admettre les requêtes
d'assistance judiciaire des parties. La condition de l'indi-
gence est en effet manifestement remplie tant pour le recou-
rant que pour l'intimé; leurs conclusions respectives n'appa-
raissaient en outre pas d'emblée vouées à l'échec (art. 152
al. 1 OJ). Le recourant étant assisté d'un mandataire profes-
sionnel, il y a lieu de désigner celui-ci comme avocat d'of-
fice et de prévoir son indemnisation par la Caisse du Tribu-
nal fédéral (art. 152 al. 2 OJ). Les frais judiciaires
seront
répartis par moitié entre les parties (art. 156 al. 1 OJ),

mais seront provisoirement supportés par la Caisse du Tribu-
nal fédéral (art. 152 al. 3 OJ). Les dépens seront compensés
(art. 159 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours en réforme, annule
l'arrêt de la Cour de justice du 14 avril 2000 et renvoie la
cause à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le
sens des considérants.

2. a) Admet la demande d'assistance judiciaire du
recourant et lui désigne, Me Olivier Boillat, avocat à Genè-
ve, comme avocat d'office.

b) Admet la demande d'assistance judiciaire de l'in-
timé.

3. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. pour
moitié à la charge du recourant et pour moitié à la charge
de
l'intimé.

Dit que la part des frais incombant à chaque partie
est provisoirement supportée par la Caisse du Tribunal fédé-
ral.

4. Compense les dépens.

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera au
mandataire du recourant une indemnité de 1'000 fr. à titre
d'honoraires d'avocat d'office.

6. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève.

Lausanne, le 5 septembre 2000
BRU/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.127/2000
Date de la décision : 05/09/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-05;5c.127.2000 ?
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