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04/09/2000 | SUISSE | N°1P.305/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 septembre 2000, 1P.305/2000


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1P.305/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
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4 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ , représentée par Me Paul Marville, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 13 avril 2000 par le Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, dans

la cause qui
oppose la recourante à Y.________ , actuellement détenu à
la prison de la Croisée, à Orbe, représenté...

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1P.305/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

4 septembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________ , représentée par Me Paul Marville, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 13 avril 2000 par le Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, dans la cause qui
oppose la recourante à Y.________ , actuellement détenu à
la prison de la Croisée, à Orbe, représenté par Me Michel
Mordasini, avocat-stagiaire à Morges;

(procédure pénale; refus de lever le séquestre)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Y.________ a été arrêté le 8 novembre 1999 et pré-
venu d'escroquerie, d'usure, de faux dans les titres et
d'abus de cartes-chèques et de cartes de crédit. Il est
soupçonné d'avoir détourné à son profit un montant total
d'au moins 125'000 fr. au préjudice de X.________, qui
l'avait engagé en qualité de secrétaire particulier, et de
la soeur de celle-ci, Z.________. Il aurait également opéré
de nombreux paiements au moyen d'une carte de crédit qu'il
aurait frauduleusement obtenue en contrefaisant la signature
de X.________.

B.- Par ordonnance du 16 décembre 1999, le Juge d'ins-
truction de l'arrondissement de Lausanne (ci-après, le Juge
d'instruction) a informé le prévenu qu'il ordonnait le sé-
questre de la voiture de marque Ferrari Testarossa de cou-
leur noire, qu'il aurait reçue en cadeau de la part de
X.________.

Le 14 février 2000, il a ordonné le séquestre en mains
de celle-ci des clés de contact du véhicule.

C.- Par ordonnance du 8 mars 2000, le Juge d'instruc-
tion a levé le séquestre opéré sur la Ferrari Testarossa et
ordonné sa restitution à X.________. Il a considéré en sub-
stance que cette dernière avait offert le véhicule au préve-
nu alors qu'elle ignorait tout de l'activité délictueuse de
celui-ci et que la restitution de l'objet séquestré permet-
trait de la rétablir dans une partie de ses droits.

Statuant le 13 avril 2000 sur recours du prévenu, le
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(ci-après, le Tribunal d'accusation) a réformé cette déci-

sion et maintenu le séquestre portant sur la Ferrari Testa-
rossa de couleur noire, saisie en mains de Y.________ le 16
décembre 1999. Il a retenu qu'en l'état, ce dernier était
propriétaire du véhicule incriminé, que le séquestre était
justifié pour des motifs conservatoires, dans la mesure où
il pourrait notamment faciliter le recouvrement d'une créan-
ce compensatrice éventuelle, que les conditions posées par
la jurisprudence à la restitution de l'objet saisi à un
tiers n'étaient pas réalisées et que le séquestre n'aurait
ainsi pas dû être levé.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation de l'art. 9 Cst., X.________ demande au Tri-
bunal fédéral d'annuler cet arrêt et de retourner la cause
au Tribunal d'accusation pour nouvelle décision dans le sens
des considérants. Selon elle, l'autorité intimée aurait fait
preuve d'arbitraire en admettant que Y.________ était le lé-
gitime propriétaire de la Ferrari Testarossa et en considé-
rant que les conditions posées par la jurisprudence à la le-
vée du séquestre de ce véhicule n'étaient pas réunies.

Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants de
son arrêt. Y.________ conclut principalement au rejet du re-
cours, subsidiairement à son rejet dans la mesure où il est
recevable. Le Juge d'instruction a renoncé à se déterminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement
la recevabilité des recours et des écritures qui lui sont
soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83 et les arrêts cités).

a) L'arrêt attaqué maintient le séquestre d'un véhicule
automobile ordonné en application de l'art. 223 du Code de

procédure pénale vaudois (CPP vaud.). Il ne s'agit pas d'une
confiscation définitive au sens des art. 58 et 59 CP, dont
la violation devrait être invoquée par la voie du pourvoi en
nullité (art. 269 PPF; ATF 126 I 97 consid. 1c p. 101/102;
108 IV 154). Seule la voie du recours de droit public est en
l'occurrence ouverte.

b) Selon l'art. 87 OJ, le recours de droit public est
recevable contre les décisions préjudicielles et incidentes
sur la compétence et sur les demandes de récusation, prises
séparément. Ces décisions ne peuvent être attaquées ulté-
rieurement (al. 1). Le recours de droit public est recevable
contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes pri-
ses séparément s'il peut en résulter un préjudice irrépara-
ble (al. 2; sur cette dernière notion, voir ATF 124 I 255
consid. 1b p. 259).

La saisie d'objets à titre conservatoire doit être con-
sidérée comme une décision incidente, car elle ne met pas
fin à la procédure pénale dans laquelle elle a été prise
(ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327 et les arrêts cités). Une
telle décision est de nature à causer un dommage irréparable
à la recourante en tant qu'elle porte à son prétendu droit
de propriété sur le véhicule saisi une atteinte qui ne sau-
rait être réparée par une décision finale favorable (ATF 126
I 97 consid. 1b p. 101 et les arrêts cités).

Le recours est donc recevable au regard de l'art. 87
OJ. Sous réserve des conclusions qui vont au-delà de la seu-
le annulation de l'arrêt attaqué (ATF 125 I 104 consid. 1b
p. 107; 125 II 86 consid. 5a p. 96), il répond au surplus
aux autres exigences des art. 84 ss OJ, de sorte qu'il con-
vient d'entrer en matière sur le fond.

c) L'allégation de faits nouveaux n'est pas admissible
dans un recours de droit public soumis à l'exigence de

l'épuisement des instances cantonales (ATF 118 Ia 20 consid.
5a p. 26; 114 Ia 204 consid. 1a; 113 Ia 225 consid. 1b/bb
p. 229 et les arrêts cités). La lettre que X.________ a
adressée le 3 mai 2000 à Y.________ aux termes de laquelle
elle déclare révoquer la donation de la Ferrari Testarossa
faite à celui-ci en 1998, postérieure à l'arrêt attaqué, ne
peut être prise en considération. Il en va de même du pro-
cès-verbal d'audition de la recourante du 13 avril 2000 au
contenu duquel cette dernière se réfère dans son mémoire de
recours.

2.- La recourante tient pour arbitraire le maintien du
séquestre ordonné le 16 décembre 1999 par le Juge d'instruc-
tion sur la Ferrari Testarossa; selon elle, l'autorité inti-
mée aurait retenu, au terme d'une appréciation arbitraire
des faits, que Y.________ était propriétaire du véhicule.

a) Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole grave-
ment une règle ou un principe juridique clair et indiscuté
ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le senti-
ment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne
s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de
dernière instance que si elle est insoutenable ou en contra-
diction évidente avec la situation de fait, si elle a été
adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit cer-
tain; par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la
décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que
celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166
consid. 2a p. 168 et la jurisprudence citée).

b) La recourante voit des éléments suffisants pour dé-
montrer son droit de propriété sur la Ferrari Testarossa in-
criminée dans les propres déclarations de l'intimé, dans le
fait que la quittance d'achat, le permis de circulation et
les plaques de contrôle du véhicule ont été établis à son
nom et qu'elle en détenait les clés de contact.

Il est constant que le permis de circulation, annulé le
24 novembre 1999, et les plaques de contrôle de la Ferrari
Testarossa ont été établis au nom de X.________. Ces docu-
ments n'établissent cependant pas indubitablement qu'elle
serait propriétaire du véhicule, mais tendent tout au plus à
présumer qu'elle en était la détentrice et qu'elle en avait
la maîtrise de fait (cf. art. 78 OAC; ATF 121 III 85 consid.
2b p. 88; 60 III 219). Ils n'excluent en particulier pas une
éventuelle donation à l'intimé comme l'a retenu l'autorité
intimée. Il en va de même du fait que la recourante dispo-
sait des clés de contact du véhicule et qu'elle en a payé le
prix d'achat.

Il est exact que le prévenu aurait déclaré au Juge
d'instruction avoir décliné l'offre de sa patronne visant à
lui donner en cadeau une voiture de luxe, mais que celle-ci
aurait néanmoins décidé d'en acheter une, à son nom. Il a
toutefois précisé par la suite que X.________ lui avait of-
fert la Ferrari Testarossa. La recourante a pour sa part
également indiqué avoir offert le véhicule incriminé à son
secrétaire particulier afin de le "récompenser pour son bon
travail". Dans ces conditions, l'autorité intimée n'a pas
fait preuve d'arbitraire en retenant qu'en l'état,
Y.________ était propriétaire du véhicule séquestré.

Dans la mesure où la recourante ne conteste pas l'exis-
tence d'un motif de séquestre, il reste à examiner si la
cour cantonale a considéré à juste titre que les conditions
posées à la levée de cette mesure et à la restitution du vé-
hicule séquestré n'étaient pas remplies.

3.- En l'occurrence, le Tribunal d'accusation a consi-
déré que les conditions posées à la restitution d'un objet
saisi à un tiers n'étaient pas réalisées parce que, d'une
part, Y.________ s'était opposé à ce que la Ferrari Testa-
rossa saisie par le magistrat instructeur soit remise à

X.________ et que, d'autre part, l'enquête n'était pas suf-
fisamment avancée pour qu'il soit possible de déterminer le
montant exact du dommage subi par les différents plaignants.

En présence d'une décision se fondant, comme en l'espè-
ce, sur deux motivations indépendantes, alternatives ou sub-
sidiaires, il appartient au recourant de démontrer que cha-
cune d'entre elles viole ses droits constitutionnels, à pei-
ne d'irrecevabilité (ATF 121 I 1 consid. 5a p. 10; 121 IV 94
consid. 1b p. 95; 119 Ia 13 consid. 2 p. 16; 118 Ib 26 con-
sid. 2b p. 28 et les arrêts cités; arrêt du 25 mai 1998 dans
la cause X. contre Président du Tribunal cantonal valaisan,
reproduit à la RVJ 1999 p. 230 consid. 3a p. 231; cf. aussi
Jean-François Poudret, La pluralité de motivations, condi-
tion de recevabilité des recours au Tribunal fédéral ?, in:
Le droit pénal et ses liens avec les autres branches du
droit, Mélanges en l'honneur du Professeur Jean Gauthier,
RDS 114/1996 p. 205 et les références citées).

Si elle s'attache à démontrer que Y.________ n'était
pas le détenteur du véhicule au moment du séquestre et qu'il
n'y avait ainsi pas lieu de requérir son consentement préa-
lable, la recourante ne cherche en revanche pas à établir en
quoi l'autorité intimée aurait fait preuve d'arbitraire en
considérant qu'il n'était pas possible de déterminer le mon-
tant exact du dommage subi par chacune des plaignantes, pas
plus qu'elle ne conteste la légalité de cette exigence au
regard de l'art. 261 CPP vaud. ou son aptitude à conduire au
rejet de sa demande de restitution du véhicule concerné,
comme il lui appartenait de le faire. Le recours ne répond
dès lors pas sur ce point aux exigences de motivation de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ et est irrecevable.

4.- Le recours doit par conséquent être rejeté dans la
mesure où il est recevable, aux frais de la recourante qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Cette dernière versera en ou-

tre une indemnité de dépens à l'intimé qui obtient gain de
cause avec l'assistance d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble;

2. Met à la charge de la recourante un émolument judi-
ciaire de 4000 fr.;

3. Alloue à Y.________ une indemnité de 2000 fr. à ti-
tre de dépens, à la charge de la recourante;

4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties, au Juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 4 septembre 2000
PMN/mnv

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.305/2000
Date de la décision : 04/09/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-04;1p.305.2000 ?
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