La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/09/2000 | SUISSE | N°5P.165/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 septembre 2000, 5P.165/2000


«»

5P.165/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

1er septembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Weyermann et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame M.________, née N.________, représentée par Me Georges
Reymond, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 22 mars 2000 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qu

i oppose
la recourante à M.________, représenté par Me Nicolas
Perret,
avocat à Lonay;

(art. 8, 9 et 29 Cst.; procé...

«»

5P.165/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

1er septembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Weyermann et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Dame M.________, née N.________, représentée par Me Georges
Reymond, avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 22 mars 2000 par la Chambre des recours du
Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause qui oppose
la recourante à M.________, représenté par Me Nicolas
Perret,
avocat à Lonay;

(art. 8, 9 et 29 Cst.; procédure civile vaudoise)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les époux M.________-N.________ sont en instance
de divorce depuis le 22 mai 1996. A la requête du président
du Tribunal civil du district de Nyon, une expertise
médicale
a été mise en oeuvre afin d'évaluer une nouvelle fois la si-
tuation de leurs filles C.________ et M.________, nées res-
pectivement le 16 février 1991 et le 1er septembre 1993, qui
étaient alors placées dans un foyer d'accueil. Ensuite du
rapport rendu par l'expert le 15 février 1999, chacun des
époux a déposé une requête de mesures provisoires tendant no-
tamment à ce que la garde sur les enfants lui soit
attribuée.

Par ordonnance de mesures provisionnelles du 21 mai
1999, le président du Tribunal civil du district de Nyon a
attribué au père le droit de garde sur les enfants dès juil-
let 1999; confié au Service de protection de la jeunesse
(SPJ) un mandat de curatelle éducative; fixé le droit de vi-
site de la mère; dit que le mari contribuera à l'entretien
de
son épouse par le versement d'une pension de 600 fr. par
mois, dès et y compris le 1er avril 1999, et qu'il paiera dé-
sormais les cotisations d'assurance maladie et accidents des
enfants; enfin, rejeté toutes autres ou plus amples conclu-
sions.

L'appel interjeté par l'épouse contre cette ordon-
nance a été rejeté le 29 juin 1999 par le Tribunal civil du
district de Nyon.

B.- Contre ce jugement, dame M.________ a déposé à
la fois un recours en réforme cantonal et un recours de
droit
public au Tribunal fédéral pour violation de l'art. 4 aCst.

Par ordonnance du 6 septembre 1999, le président de
la cour de céans a suspendu la procédure de recours de droit
public jusqu'à droit connu sur le recours cantonal. Le 22
mars 2000, la Chambre des recours du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a déclaré celui-ci irrecevable.

C.- Agissant derechef par la voie du recours de
droit public, pour violation des art. 8, 9 et 29 Cst., dame
M.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de
la Chambre des recours du 22 mars 2000. Elle sollicite en
outre l'octroi de l'assistance judiciaire.

L'intimé propose le rejet du recours.

La Chambre des recours a déclaré se référer aux con-
sidérants de son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours de droit public formé contre la déci-
sion d'irrecevabilité doit être examiné en premier lieu, dès
lors qu'en cas d'admission de ce recours, le jugement sur ap-
pel devrait être à nouveau soumis au Tribunal cantonal avant
que le Tribunal fédéral ne puisse l'examiner. Pendant ce
temps, le recours de droit public dirigé contre ledit juge-
ment reste suspendu.

2.- Le litige porte sur la recevabilité du recours
en réforme de la procédure civile vaudoise contre les déci-
sions de mesures provisionnelles rendues sur appel par un
tribunal de district. La Chambre des recours a considéré que
le recours en réforme n'était pas ouvert contre de telles dé-
cisions, qui pouvaient en revanche faire l'objet d'un
recours
en nullité pour tous les motifs prévus par l'art. 444 al. 1
du Code de procédure civile vaudois (CPC vaud.). La recouran-
te soutient que cette opinion est arbitraire.

a) Le législateur vaudois réserve non seulement le
recours en nullité, mais en règle générale aussi le recours
en réforme aux seuls jugements principaux (cf. art. 444 al.
1
et 451 al. 1 CPC vaud.), sauf dans les cas exceptionnels vi-
sés aux art. 451 al. 1 ch. 7 et 451b CPC vaud. En ce qui con-
cerne les décisions de mesures provisionnelles, la jurispru-
dence cantonale a d'abord limité la recevabilité du recours
en nullité aux deux premiers motifs prévus par l'art. 444
al.
1 CPC vaud., correspondant à l'art. 519 aCPC vaud., ou au
premier seulement, à l'exclusion du troisième, puis, à
partir
de 1980, a introduit "praeter legem", en lieu et place de ce-
lui de l'art. 444 al. 1 ch. 3 CPC vaud., un recours en nulli-
té pour violation des règles de procédure d'ordre public ou
ayant rang de droits constitutionnels, afin d'éviter un re-
cours de droit public directement au Tribunal fédéral. Bien
qu'il admît dans certains cas la recevabilité du recours en
nullité contre des prononcés de mesures provisionnelles, le
Tribunal cantonal ne les considérait pas comme des jugements
principaux au sens de cette disposition (Poudret/Wurzburger/
Haldy, Procédure civile vaudoise, 1996, n. 1 ad art. 108
CPC;
Eric Eckert, Compétence et procédure au sujet de l'autorité
parentale dans les causes matrimoniales, thèse Lausanne
1990,
p. 103 ss et les références citées).

Cette jurisprudence a été critiquée par les commen-
tateurs, qui estimaient qu'elle était inconciliable avec le
texte légal: soit on reconnaissait à la décision provision-
nelle le caractère d'un jugement principal et le recours en
nullité était recevable dans tous les cas prévus par l'art.
444 CPC vaud.; soit on lui déniait ce caractère et ce
recours
était totalement irrecevable. Optant pour la première solu-
tion, ces auteurs soutenaient qu'il fallait en conséquence
admettre la recevabilité du recours en nullité pour tous les
moyens prévus par cette disposition, contre une ordonnance
de
mesures provisionnelles non susceptible d'appel - cf. JdT
1991 III 79 - ou un arrêt sur appel (Poudret/Wurzburger/

Haldy, op. cit., loc. cit.; Poudret/Wurzburger, Code de pro-
cédure civile vaudois, 2e éd., rem. ad art. 108 CPC; Jean-
François Poudret, notes au JdT 1988 III 114 ss; 1987 III 27
s.; 1985 III 58; 1984 III 72 ss; 1982 III 116; 1979 III 95
s.
et 101; 1977 III 114 et 126; du même avis: Patrice Girardet,
Le recours en nullité en procédure civile vaudoise, thèse
Lausanne 1985, p. 103 ss et note au JdT 1987 III 114 ss;
Eckert, op. cit., p. 107; Paul Bonard, La sanction des
règles
de compétence, thèse Lausanne 1985, p. 147). Un arrêt de
1993
(JdT 1994 III 29), confirmé en 1995 (JdT 1995 III 120), a ad-
mis la recevabilité du recours en nullité de l'art. 444 al.
1
ch. 3 CPC vaud. contre une ordonnance de mesures provision-
nelles non susceptible d'appel ou contre un arrêt sur appel,
au motif que tous les moyens de nullité de l'art. 444 CPC
vaud. "correspondent au grief de déni de justice formel" et
que la sécurité du droit exige un tel recours; cette juris-
prudence ne reconnaît cependant pas le caractère de jugement
principal des prononcés de mesures provisionnelles.

b) En droit vaudois, constitue un jugement principal
toute décision qui met fin à l'instance ou qui statue sur
des
conclusions tendant à invalider l'instance totalement ou par-
tiellement (Bulletin du Grand Conseil du 7 décembre 1966, p.
752; JdT 1987 III 98; 1985 III 57; 1981 III 47; 1979 III 90
et 99; 1943 III 112). Selon la jurisprudence cantonale, l'or-
donnance de mesures provisionnelles ne tranche pas sur le
fond et ne met donc pas fin à l'instance au fond; on ne sau-
rait par ailleurs admettre qu'elle met fin à une "instance
provisionnelle", indépendante de l'instance au fond, car une
telle instance provisionnelle indépendante n'existe pas (JdT
1979 III 90 et les arrêts cités).

Il est incontestable que la décision de mesures pro-
visionnelles dont il est question dans la présente affaire
ne
met pas fin à l'action en divorce ouverte entre les parties.
Il n'en demeure pas moins qu'elle résout un litige
parallèle,

à savoir l'attribution provisoire des enfants et l'entretien
de l'épouse pendant la procédure de divorce, abstraction fai-
te des droits au fond qui sont en cause. Il s'agit là d'une
instance en soi, qui a son objet propre, et dans laquelle il
est possible de prendre une décision indépendamment du sort
qui sera réservé à l'action au fond, dont l'objet est autre.
Le prononcé de mesures provisionnelles rendu, comme en l'es-
pèce, en application de l'art. 145 aCC, ne concerne pas une
question de procédure permettant de faire avancer l'instruc-
tion du procès et ne préjuge en rien de la décision au fond;
il a seulement pour objet de fixer le sort des parties
durant
le procès, ce sort devant être réglé pour des motifs tenant
à
l'objet du conflit, sur la base de considérations qui ne pré-
jugent pas de l'issue du divorce. Dans cette mesure, on peut
se demander s'il ne s'agit pas d'un jugement final (en ce
sens: Poudret, note au JdT 1979 III 95 s.; 1977 III 114;
Girardet, op. cit., p. 105-107 et note au JdT 1987 III 114;
Bonard, op. cit., p. 147).

c) La question peut toutefois rester indécise. Il
appartient en effet aux cantons d'organiser comme ils l'en-
tendent leurs voies de recours, sauf dans les causes suscep-
tibles d'un recours en réforme au Tribunal fédéral (ATF 119
II 183 ss), ce qui n'est pas le cas ici. Selon le Tribunal
cantonal vaudois, le recours en réforme n'est pas ouvert con-
tre les décisions de mesures provisionnelles rendues en pre-
mière instance ou sur appel (JdT 1994 III 29; 1979 III 90
ss;
1977 III 113 et 126; 1948 III 75; 1924 III 142; 1914 III 107
et 112 et les arrêts cités). Or, la jurisprudence n'a appa-
remment jamais été critiquée sur ce point (Poudret/Wurzbur-
ger/Haldy, op. cit., n. 3 ad art. 451 al. 1 ch. 2 CPC). Dans
une note au Journal des Tribunaux (JdT 1972 III 4 ss), Pou-
dret relève d'ailleurs que l'arrêt qu'il commente, déniant
au
prononcé de mesures provisionnelles le caractère de jugement
principal, n'est nullement décisif car il énonce sa solution
par rapport au recours en réforme de l'art. 526 aCPC vaud.

(art. 451 CPC vaud.). La controverse opposant la doctrine au
Tribunal cantonal ne concerne en effet que la recevabilité
du
recours en nullité. Même si les art. 444 et 451 CPC vaud. pa-
raissent consacrer une notion de jugement principal
identique
(Poudret, note au JdT 1979 III 95), le fait de reconnaître
cette qualité à l'ordonnance de mesures provisionnelles et à
l'arrêt sur appel n'impliquerait cependant pas que le
recours
en réforme de l'art. 451 al. 1 ch. 2 CPC vaud. soit ouvert.
Il est ainsi implicitement exclu contre l'ordonnance de mesu-
res provisionnelles, l'appel tenant lieu dans ce cas de re-
cours en réforme (Poudret, notes aux JT 1987 III 27 et 1979
III 95; Eckert, op. cit., p. 107). Selon Eckert, il est éga-
lement exclu contre l'arrêt sur appel, la triple instance
n'étant garantie ni par le droit cantonal, ni par le droit
fédéral (op. cit., p. 107).

Dans ces conditions, l'autorité cantonale ne saurait
se voir reprocher d'avoir rendu une décision arbitraire, à
savoir une décision qui viole gravement une norme ou un prin-
cipe juridique clair et indiscuté, ou qui contredit de maniè-
re choquante le sentiment de la justice et de l'équité (ATF
125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10 consid. 3a p. 15; 124
I 247 consid. 5 p. 250; 124 V 137 consid. 2b p. 139 et les
arrêts cités). Il n'y a en effet pas arbitraire du seul fait
qu'une autre interprétation de la loi soit possible, ou même
préférable (ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 121 I 113
consid. 3a p. 114; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373). Au demeu-
rant, il paraît admissible de limiter les voies de recours
en
matière de mesures provisoires de divorce, qui ont un carac-
tère urgent et qui n'ont qu'une portée limitée dans le
temps.
Le grief se révèle par conséquent mal fondé.

3.- La recourante se plaint en outre d'une inégalité
de traitement au sens de l'art. 8 Cst. et d'une violation
des
garanties minimales déduites de l'art. 29 Cst.

On ne voit toutefois pas en quoi ces dispositions
seraient pertinentes en l'espèce; du moins, la recourante ne
le démontre pas; elle n'établit pas davantage leur violation
(art. 90 al. 1 let. b OJ). Ces moyens doivent dès lors être
rejetés, en tant que recevables.

4.- Vu ce qui précède, le recours apparaît mal fondé
et doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Les
conclusions de la recourante n'étaient pas d'emblée vouées à
l'échec et ses ressources sont faibles; l'assistance judi-
ciaire peut ainsi lui être accordée (art. 152 OJ). La requé-
rante n'est pas dispensée pour autant de payer des dépens à
sa partie adverse (ATF 112 Ia 18).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Admet la requête d'assistance judiciaire de la
recourante et lui désigne Me Georges Reymond, avocat à
Lausanne, comme conseil d'office.

3. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 1'500 fr., mais dit que cet émolument est provi-
soirement supporté par la Caisse du Tribunal fédéral.

4. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 1'500 fr. à titre de dépens.

5. Invite la Caisse du Tribunal fédéral à verser au
conseil de la recourante la somme de 1'500 fr. à titre d'ho-
noraires d'avocat d'office.

6. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 1er septembre 2000
MDO/frs


Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.165/2000
Date de la décision : 01/09/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-01;5p.165.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award