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01/09/2000 | SUISSE | N°5A.4/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 septembre 2000, 5A.4/2000


«/2»
5A.4/2000
IIe C O U R C I V I L E
*************************

1er septembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, Mme Nordmann et
M. Merkli, Juges. Greffière: Mme Bruchez.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

L'Office fédéral de la justice, à Berne,

contre

l'arrêt rendu le 30 décembre 1999 par la IIIe Cour adminis-
trative du Tribunal administratif du canton de Fribourg sta-
tuant sur le recours formé par l'Hoirie X.________, repré-
sentée p

ar Me Rinaldo Maderni, avocat à Chiasso;

(assujettissement d'un immeuble
à la loi fédérale sur le droit foncier r...

«/2»
5A.4/2000
IIe C O U R C I V I L E
*************************

1er septembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, Président, Mme Nordmann et
M. Merkli, Juges. Greffière: Mme Bruchez.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

L'Office fédéral de la justice, à Berne,

contre

l'arrêt rendu le 30 décembre 1999 par la IIIe Cour adminis-
trative du Tribunal administratif du canton de Fribourg sta-
tuant sur le recours formé par l'Hoirie X.________, repré-
sentée par Me Rinaldo Maderni, avocat à Chiasso;

(assujettissement d'un immeuble
à la loi fédérale sur le droit foncier rural)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1984, feu X.________ a acquis l'immeuble
article 121 du Registre Foncier de la Commune de Y.________.
A l'époque, le domaine d'une surface de 23'749 m2, sis en
zone agricole, ne comportait qu'une ferme traditionnelle.
Depuis l'exécution, en 1984, d'importants travaux autorisés,
celle-ci a été transformée en une maison d'habitation de
prestige avec piscine et en un centre équestre avec écuries.
Le reste de l'immeuble est formé d'un jardin de loisirs amé-
nagé et arborisé, d'une zone d'équitation clôturée et d'une
prairie. Cette dernière sert d'aire de mouvement aux chevaux
qui occupent les stalles et leur offre l'affouragement et le
pâturage; un agriculteur l'entretient durant l'absence des
propriétaires.

B.- Le 20 mai 1996, les hoirs de X.________ ont
requis l'Autorité foncière cantonale de constater que l'im-
meuble n'est pas assujetti à la loi fédérale sur le droit
foncier rural (LDFR).

Par décision du 4 juillet 1996, cette autorité a
soustrait à l'assujettissement de la LDFR l'unité formée par
les bâtiments transformés et l'enclos à chevaux (13'000 m2).
S'agissant du reste de l'immeuble (10'700 m2 de prairie),
elle a considéré qu'il restait soumis à la loi, dès lors
qu'il servait à la production de fourrage et était, par con-
séquent, approprié à un usage agricole au sens de l'art. 6
ch. 1 LDFR.

Le 30 décembre 1999, la IIIe Cour administrative du
Tribunal administratif du canton de Fribourg a notamment ad-
mis le recours interjeté par les hoirs contre cette décision
et a constaté le non-assujettissement de la parcelle liti-
gieuse à la LDFR.

C.- L'Office fédéral de la justice forme un recours
de droit administratif au Tribunal fédéral, concluant, avec
suite de dépens, à l'annulation de l'arrêt cantonal.

Les hoirs de X.________ proposent le rejet du re-
cours. L'autorité cantonale se réfère à ses considérants.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêt de l'autorité cantonale constatant le
non-assujettissement de l'immeuble à la LDFR est une
décision
au sens de l'art. 5 de la loi fédérale sur la procédure admi-
nistrative (PA; RS 172.021); prononcé en dernière instance
cantonale, il peut en principe faire l'objet d'un recours de
droit administratif au Tribunal fédéral (art. 97 al. 1 et 98
let. g OJ), dès lors qu'un tel recours n'est pas exclu par
les art. 99 à 102 OJ. L'art. 89 LDFR prévoit d'ailleurs ex-
pressément cette voie de droit contre les décisions sur re-
cours prises par les autorités cantonales de dernière instan-
ce au sens de l'art. 88 al. 1 et 90 let. f LDFR. Déposé en
temps utile, le recours est aussi recevable au regard de
l'art. 106 al. 1 OJ. L'Office fédéral de la justice a en ou-
tre qualité pour recourir, conformément aux art. 103 let. b
OJ et 5 al. 1 let. a de l'Ordonnance du 4 octobre 1993 sur
le
droit foncier rural (RS 211.412.110).

2.- Le Tribunal administratif a soustrait l'immeuble
litigieux à l'application de la LDFR. Il a en bref considéré
que l'habitation de prestige, le jardin de loisirs aménagé
et
arborisé, ainsi que la zone d'équitation clôturée avec écu-
ries (13'000 m2) forment un ensemble cohérent auquel est
liée
de façon indissociable la prairie (10'700 m2). En servant
d'aire de mouvement et de pâturages aux chevaux depuis
quinze

ans, celle-ci participerait en effet à l'activité de l'unité
bâtie, à savoir la détente et la pratique de sports éques-
tres. Ce mode d'utilisation effectif depuis de nombreuses an-
nées serait prépondérant par rapport à l'usage agricole au-
quel les 10'700 m2 pourraient objectivement être affectés.

a) Se fondant sur les art. 2 al. 2 let. d et 6 al. 1
LDFR, l'Office fédéral de la justice soutient d'abord que la
parcelle litigieuse est un immeuble à usage mixte non encore
partagé en une partie agricole et en une partie non
agricole;
elle serait ainsi entièrement soumise à la LDFR. En bref,
les
surfaces non construites entourant l'habitation et ses an-
nexes, l'enclos pour les chevaux ainsi que la prairie, se
prêteraient incontestablement à un usage agricole. Leur af-
fectation durant seulement quinze ans à des fins de loisirs
ne suffirait pas à reléguer à l'arrière-plan ce critère ob-
jectif d'utilisation. Admettre le contraire reviendrait à ré-
duire considérablement le champ d'application de la loi.

b) La LDFR s'applique notamment à des immeubles
agricoles isolés qui sont situés en dehors d'une zone à
bâtir
au sens de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire
et
dont l'utilisation agricole est licite (art. 2 al. 1 LDFR).
Est agricole l'immeuble approprié à un usage agricole ou hor-
ticole (art. 6 al. 1 LDFR), à savoir celui qui, par sa situa-
tion et sa composition, peut être exploité sous cette forme
(cf. Eduard Hofer, in: Le droit foncier rural, Brugg 1998,
nos 7 ss ad art. 6 LDFR). La caractéristique de l'aptitude
est donc d'abord d'ordre objectif. Dans certaines
situations,
il y a cependant lieu de tenir compte d'un critère
subjectif,
à savoir l'utilisation effective durant de longues années.
Ainsi, le Message du Conseil fédéral à l'appui des projets
de
la LDFR cite le cas d'un parc attenant à une villa située en
zone agricole; un tel immeuble ne saurait être considéré com-
me agricole, alors même que le parc se prêterait à un usage
agricole ou horticole (FF 1988 III 917, n. 221.3; Hofer, op.

cit., n. 16 ad art. 6 LDFR; Yves Donzallaz, Commentaire de
la
loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le nouveau droit foncier
rural, n. 81, p. 44). En résumé, est approprié à l'agricultu-
re l'immeuble effectivement exploité selon un mode agricole
et ne l'est pas celui qui, objectivement apte à un tel
usage,
n'a plus été utilisé pour l'agriculture depuis de nombreuses
années et ne le sera vraisemblablement plus à l'avenir. Par
contre, et pour reprendre l'exemple précité, si le parc
était
effectivement utilisé pour l'agriculture, l'ensemble de la
parcelle devrait être qualifié d'immeuble à usage mixte et,
partant, serait soumis à la LDFR en vertu de l'art. 2 al. 1
let. d de cette loi (FF 1988 et les auteurs susmentionnés).
Il y a également usage mixte lorsque des bâtiments d'habita-
tion et d'économie rurale utilisés à l'origine pour l'agri-
culture ne sont plus nécessaires à cet usage ou servent à
d'autres fins, notamment d'habitation, contrairement aux
buts
de la loi (cf. ATF 125 III 175 consid. 2c p. 179).

c) En l'espèce, il est constant que la parcelle li-
tigieuse, qui est située en zone agricole, ne fait pas
partie
d'une entreprise agricole au sens de l'art. 7 al. 1 LDFR. Il
n'est par ailleurs pas contesté - à juste titre, s'agissant
de la maison d'habitation (cf. Hofer, op. cit., n. 21 ad
art.
6 LDFR) - qu'elle revêt, en partie, un caractère non agrico-
le. En revanche, comme le prétend l'Office fédéral de la jus-
tice, à l'instar des champs, des prés, des pâturages ou des
vergers, la prairie se prête, par nature, à l'agriculture
(cf. Hofer, op. cit., nos 7 ss ad art. 6 LDFR). En outre,
elle est actuellement réellement exploitée en cette forme;
la
production de fourrage - qu'elle soit destinée à des chevaux
de loisirs ou à du bétail - constitue à l'évidence une acti-
vité agricole. Même si l'on devait admettre qu'elle est uti-
lisée à des fins de loisirs, un tel usage n'aurait pas duré
assez longtemps pour reléguer à l'arrière-plan la
possibilité
objective d'une affectation agricole. Par ailleurs, rien ne
laisse supposer que l'espace en question ne sera pas destiné

à l'agriculture dans un proche avenir. Dans ces conditions,
la parcelle litigieuse doit être qualifiée d'immeuble à
usage
mixte au sens de l'art. 2 al. 2 let. d LDFR. Selon la juris-
prudence, un tel immeuble reste entièrement assujetti à la
LDFR aussi longtemps qu'il n'est pas partagé en une partie
agricole et une partie non agricole. Si le partage tombe
sous
le coup de l'interdiction de morcellement posée par l'art.
58
al. 2 LDFR, une autorisation exceptionnelle doit être
requise
(cf. art. 60 al. 1 let. a LDFR; ATF 125 III 175 consid. 2c
p.
178).

3.- Le recourant prétend ensuite que la prairie ne
saurait être considérée comme une aire environnante appro-
priée à la partie non agricole, dès lors que l'autorité can-
tonale a fixé la surface de cette dernière à 13'000 m2 et
que
l'art. 60 let. d LDFR (recte: art. 60 al. 1 let. d LDFR en
vigueur depuis le 1er janvier 1999; RO 1998 3009, spéc.
3011)
- applicable par analogie - limite l'arrondissement d'un im-
meuble non agricole à 1000 m2 au plus. Cet avis doit être
suivi (cf. Christophe Bandli, in: Le droit foncier rural,
Brugg 1998, n. 11 ad art. 60 LDFR).

4.- Vu ce qui précède, le recours doit être admis,
l'arrêt du Tribunal administratif annulé et la requête des
hoirs rejetée. Ces derniers, qui succombent, supporteront
les
frais de justice (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a, en revanche,
pas lieu d'allouer de dépens à l'Office fédéral de la
justice
(art. 159 al. 2 OJ). Enfin, la cause doit être renvoyée à
l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et
dépens de la procédure cantonale (art. 159 al. 6 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours de droit administratif, annule
l'arrêt attaqué et rejette la requête du 20 mai 1996.

2. Met à la charge de l'intimée un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nou-
velle décision sur les frais et dépens de la procédure canto-
nale.

4. Communique le présent arrêt en copie au Départe-
ment de justice et police (Office fédéral de la justice,
OFRF/KAR/LDFR 6.4.4.3-1-5), au mandataire de l'hoirie
X.________ et à la IIIe Cour administrative du Tribunal admi-
nistratif du canton de Fribourg.

Lausanne, le 1er septembre 2000
JOR/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE,
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5A.4/2000
Date de la décision : 01/09/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-09-01;5a.4.2000 ?
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