La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/08/2000 | SUISSE | N°5C.80/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 août 2000, 5C.80/2000


«»
5C.80/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

31 août 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, Président,
Weyermann, Bianchi, Raselli et Merkli.
Greffière: Mme Bruchez.

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Maurice
Favre, avocat à La Chaux- de-Fonds,

et

Y.________ SA, demanderesse et intimée, représentée par Me
Yvan Zender, avocat à La Chaux-de-Fonds;

(inscription définitive

d'une hypothèque légale
des artisans et entrepreneurs; reconnaissance de la créance
selon l'art. 839 al. 3 CC)

Vu les pièces...

«»
5C.80/2000

IIe C O U R C I V I L E
*************************

31 août 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Reeb, Président,
Weyermann, Bianchi, Raselli et Merkli.
Greffière: Mme Bruchez.

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Maurice
Favre, avocat à La Chaux- de-Fonds,

et

Y.________ SA, demanderesse et intimée, représentée par Me
Yvan Zender, avocat à La Chaux-de-Fonds;

(inscription définitive d'une hypothèque légale
des artisans et entrepreneurs; reconnaissance de la créance
selon l'art. 839 al. 3 CC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La société anonyme Y.________ a effectué, en
qualité de sous-traitant de l'entrepreneur V.________, des
travaux de rénovation dans la tour "Z.________" sise sur la
parcelle no 0052 du cadastre des Eplatures à La Chaux-de-
Fonds, propriété de la société anonyme immobilière
Z.________
(ci-après: la SI Z.________ SA).

V._________ ne s'étant pas acquitté d'un solde de
facture de 29'300 fr., Y.________ SA a requis et obtenu, les
26 février et 1er avril 1998, l'inscription provisoire, à
concurrence du même montant, d'une hypothèque légale des ar-
tisans et entrepreneurs sur l'immeuble précité. Le juge a en
outre imparti au requérant un délai de 90 jours pour ouvrir
action au fond.

Après avoir déposé, le 25 mai 1998, une première de-
mande en inscription définitive de l'hypothèque devant le
Tribunal du district de La Chaux-de-Fonds, Y.________ SA
s'est désistée de l'instance (art. 177 CPC neuch.), se réser-
vant toutefois le droit de mieux agir. Agissant en temps uti-
le devant la Cour civile du Tribunal cantonal, elle a conclu
à l'inscription définitive de l'hypothèque légale pour le
montant de 29'300 fr., avec intérêts à 5% dès le 3 mars
1998,
et à la condamnation du propriétaire à payer 408 fr., plus
intérêts à 5% dès le 9 septembre 1998, ainsi que les frais
et
dépens. La SI Z.________ SA a conclu au rejet de l'action
et,
reconventionnellement, à ce qu'il soit donné ordre au conser-
vateur du registre foncier de radier l'annotation provisoire.

Dans l'intervalle, Y.________ SA a fait notifier à
V.________ un commandement de payer la somme de 29'300 fr.,

plus intérêts, que le poursuivi a frappé d'opposition. Lors
de l'audience de mainlevée du 5 mai 1998, les parties ont
toutefois passé une convention, aux termes de laquelle elles
se sont engagées à discuter, en présence de la SI Z.________
SA, d'une solution amiable, tout en réservant expressément
leurs droits sur le fond.

X.________ ayant acquis la parcelle no 0052, il a
succédé en qualité de partie à la SI Z.________ SA.

B.- Le 25 février 2000, la Ie Cour civile du Tribu-
nal cantonal du canton de Neuchâtel a ordonné l'inscription
définitive d'une hypothèque légale d'un montant maximum de
29'300 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 3 mars 1998. Elle
a en outre invité le conservateur du registre foncier à pro-
céder à cette opération et condamné le défendeur à
rembourser
à Y.________ SA la somme de 408 fr., plus intérêts à 5% dès
le 9 septembre 1998. Elle a enfin rejeté la demande reconven-
tionnelle.

C.- X.________ exerce un recours en réforme au Tri-
bunal fédéral contre cet arrêt, concluant au rejet de la de-
mande en inscription définitive et à l'admission de son ac-
tion reconventionnelle en radiation de l'annotation provi-
soire.

Y.________ SA propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale rendue en dernière instance par le tribunal suprême du
canton, dans une contestation civile portant sur des droits
de nature pécuniaire, le recours est recevable au regard des

art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ. Il l'est aussi selon l'art. 46
OJ, la valeur litigieuse atteignant manifestement 8'000 fr.

2.- Le recourant reproche à la cour cantonale
d'avoir commis une inadvertance manifeste en retenant que
les
travaux ont été effectués à la satisfaction du propriétaire,
conformément à l'allégué 26 admis par ce dernier. Cette allé-
gation se rapporterait, non à l'exécution de la commande
principale, mais à des travaux de retouche (ou supplémentai-
res) de moindre importance. Le recourant en veut pour preuve
l'allégué 25 ainsi formulé: "en outre, le coût de ces
travaux
n'excède pas 1'500 francs".

Cette argumentation est à l'évidence impropre à dé-
montrer l'existence d'une inadvertance manifeste. Le grief
tiré de l'art. 63 al. 2 OJ n'est en effet recevable que si
l'acte de recours contient l'indication exacte de la consta-
tation attaquée et de la pièce du dossier qui la contredit
(art. 55 al. 1 let. d OJ; ATF 115 II 484 consid. 2a p. 485/
486; 100 II 200 consid. 1 p. 205 et les références citées
dans ces arrêts). Or, en l'espèce, le recourant se contente
de citer l'allégué 25 qu'il a précisément déclaré ignorer
dans sa réponse et dont la seule teneur ne contredit pas le
fait constaté.

3.- Selon le recourant, l'autorité cantonale aurait
méconnu que la mise en oeuvre du droit à l'inscription de
l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est subor-
donnée à la condition, posée par les art. 839 al. 3 CC et 22
al. 2 ORF, de la reconnaissance de la créance par le proprié-
taire ou par le juge. Se référant à Steinauer (Les droits
réels, T. III, 2e éd., nos 2886 ss), il prétend en résumé
que
l'hypothèque légale ne pouvait être inscrite définitivement,
puisqu'il n'a pas reconnu la dette de l'entrepreneur général
ni autorisé l'inscription, et que le sous-traitant n'a pas
davantage fait reconnaître sa créance; en d'autres termes,

l'intimée aurait dû, simultanément à son action en inscrip-
tion définitive contre le propriétaire, agir en paiement con-
tre l'entrepreneur général pour faire établir le montant de
sa créance.

a) La cour cantonale a considéré que l'action en
inscription définitive de l'hypothèque légale des artisans
et
entrepreneurs dirigée contre le propriétaire de l'immeuble
n'est pas indissolublement liée à une action ouverte parallè-
lement contre le débiteur des travaux. Si l'action en ins-
cription définitive se double, en règle générale, d'une de-
mande en paiement pour le montant faisant l'objet de l'ins-
cription, cette éventualité ne se présente toutefois que
dans
l'hypothèse où le propriétaire a lui-même commandé les tra-
vaux. Lorsque l'entrepreneur est un sous-traitant, la loi
n'imposerait donc pas comme condition de l'inscription que
celui-ci soit au bénéfice d'une créance reconnue par le pro-
priétaire ou l'entrepreneur général, voire établie judiciai-
rement.

b) L'inscription de l'hypothèque légale des artisans
et entrepreneurs "n'aura lieu" que si l'une des conditions -
alternatives (Steinauer, op. cit., n. 2885) - posées par
l'art. 839 al. 3 CC, en relation avec l'art. 22 al. 2 ORF,
est remplie, à savoir si la créance garantie par gage a été
reconnue par le propriétaire ou par le juge, ou si le pro-
priétaire a autorisé l'inscription. La doctrine est divisée
quant à l'interprétation à donner à ces dispositions. La
controverse trouve notamment sa source dans les termes utili-
sés dans ces normes et dans l'alinéa premier de l'art. 839
CC, qui autorise l'inscription dès le début des travaux (cf.
Damien Vallat, L'hypothèque légale des artisans et entrepre-
neurs et l'exécution forcée, thèse Lausanne 1998, p. 168, n.
192; Schumacher, Das Bauhandwerkerpfandrecht, 2e éd., nos
787
s.; Frédéric-E. Simond, L'hypothèque légale de
l'entrepreneur
en droit suisse, thèse Lausanne 1924, p. 92 s.).

aa) D'aucuns sont en effet d'avis que l'inscription
définitive ne peut avoir lieu que si la créance en tant que
telle est reconnue par le propriétaire ou arrêtée par le
juge
(Simond, op. cit., p. 98 ss, dont la position s'explique par
le refus d'admettre l'inscription définitive tant que la
créance reste indéterminée vis-à-vis du débiteur des
travaux;
Jean-Claude de Haller, L'hypothèque légale de
l'entrepreneur,
Des solutions nouvelles à de vieux problèmes?, in: RDS 1982
II p. 227 ss, spéc. 228/229, qui soutient que la créance
doit
être liquide, c'est-à-dire établie par titres et reconnue ou
fixée judiciairement quant à son montant). S'agissant plus
particulièrement de l'inscription requise par le sous-trai-
tant, Simond considère qu'il appartient au propriétaire de
reconnaître la créance, cette reconnaissance constituant un
titre exécutoire propre à lever, le moment venu,
l'opposition
du propriétaire, mais n'impliquant pas de responsabilité per-
sonnelle pour ce dernier (op. cit., p. 104/105). Ce courant
doctrinal apparaît toutefois minoritaire.

bb) Ainsi, de nombreux auteurs, pour la plupart alé-
maniques - qui se fondent sur le texte allemand de l'art. 22
al. 2 ORF - distinguent les notions de "Schuldsumme" et de
"Pfandsumme". Ils soutiennent en bref qu'il faut comprendre
la condition de la reconnaissance de la "créance" ("Forde-
rung") posée à l'art. 839 al. 3 CC comme la reconnaissance
du
montant du gage ("Pfandsumme")(Schumacher, op. cit., nos 786
ss; Vallat, op. cit., p. 169, n. 193; Dieter Zobl, Das Bau-
handwerkerpfandrecht de lege lata und de lege ferenda, in:
RDS 1982 II p. 152/153 et les références citées par ces au-
teurs; Paul Brügger, Genügt zur Errichtung des Bauhandwerker-
pfandrechts die richterliche Feststellung der massgebenden
Pfandsumme?, in: RNRF 1980 p. 62; Jürg Schmid, Das Bauhand-
werkerpfandrecht im Konkurs, in: FS 75 Jahre Konferenz der
Betreibungs- und Konkursbeamten der Schweiz, p. 73 ss, spéc.
75 et 76 ss; Reinmar Füllemann, Durchsetzung und Voll-
streckung des Bauhandwerkerpfandrechts unter besonderer Be-

rücksichtigung der Dritteigentümerverhältnisse, thèse Zurich
1984, p. 11); en d'autres termes, le propriétaire ou le juge
n'ont pas à reconnaître, respectivement à fixer, la créance
en paiement des prestations de l'entrepreneur ("Werklohnfor-
derung"; "Pfandforderung"), mais le montant à concurrence du-
quel l'immeuble devra répondre ("Pfandsumme"; "Haftungssum-
me")(notamment: Schumacher, op. cit., nos 783, 794 et 800;
Zobl, ibidem). Pour l'action en inscription définitive, cela
signifie qu'il n'est pas nécessaire que l'entrepreneur ait
également ouvert action en paiement contre le débiteur des
travaux (Schumacher, op. cit., n. 783); plus précisément,
l'objet de l'action en validation de l'inscription
provisoire
est de confirmer le principe de l'hypothèque légale (respect
des conditions du droit à l'inscription et de l'inscription
elle-même) ainsi que la somme garantie par le gage (cf. DC
1986 p. 69, n. 98 commenté par Steinauer). La reconnaissance
par le propriétaire ou par le juge n'emporte aucun effet sur
l'existence et le montant de la créance elle-même, mais avec
les conséquences qui en découlent lors de la réalisation du
gage: l'entrepreneur ne pourra faire écarter l'opposition
que
s'il est au bénéfice d'un titre de mainlevée, provisoire ou
définitif, non seulement pour le gage, mais aussi pour le
montant de la créance (Vallat, op. cit., p. 160 ss; Schuma-
cher, op. cit., n. 719; cf. aussi dans le cadre de la failli-
te: Schmid, op. cit., p. 82 ss). Tel sera le cas lorsque le
propriétaire - maître de l'ouvrage - aura, après l'exécution
des travaux, reconnu non seulement le montant de garantie,
mais aussi, explicitement, la créance en tant que telle
(Steinauer, op. cit., n. 2886a et les auteurs cités). Schuma-
cher ne voit dans le cumul des deux types d'action, lorsque
le propriétaire est le débiteur des travaux, ou dans la dé-
nonciation d'instance ("Litisdenunziation"), lorsqu'un entre-
preneur général est le débiteur, qu'un moyen d'éviter des
procès en chaîne ou de faciliter la procédure (op. cit., n.
768; implicitement nos 694 et 769). Zobl ne dit pas autre
chose, lorsqu'il présente les différentes manières de mener

le procès en inscription définitive; lorsque, comme en l'es-
pèce, le propriétaire ne se confond pas avec le débiteur, il
estime que des motifs d'économie de procédure plaident en fa-
veur d'un procès unique au même for, bien qu'avec des conclu-
sions séparées contre le propriétaire et le débiteur (op.
cit., p. 159/160).

cc) Nombre d'autorités cantonales font également la
distinction entre les notions de "Schuldsumme" et de "Pfand-
summe" (cf. la jurisprudence cantonale citée in: DC 1982 p.
61, n. 62; RNRF 1978 p. 31, 1973 p. 263, 1960 p. 292). Le
Tribunal fédéral - certes implicitement, lorsqu'il
s'agissait
de déterminer si la reconnaissance de la créance au sens de
l'art. 839 al. 3 CC valait titre de mainlevée - partage
aussi
cette manière de voir (cf. toutefois: ATF 40 II 197 consid.
1
p. 199 s. et consid. 3 p. 201-202, qui, distinguant l'ins-
cription provisoire de l'inscription définitive, semble exi-
ger pour cette dernière le caractère "liquide" de la créan-
ce); dans un arrêt publié aux ATF 111 III 8, il a en effet
considéré que l'accord du sous-traitant avec le propriétaire
portant sur l'inscription et la limitation du montant de
l'hypothèque, ne constitue en général pas une reconnaissance
de la créance garantie par gage, mais n'a pour objet que
l'hypothèque en tant que telle (consid. 3b in fine p. 12).
Il
avait par ailleurs jugé auparavant que l'objet d'une action
en validation d'une inscription provisoire n'est pas de
faire
constater la créance de l'entrepreneur
("Werklohnforderung"),
mais le droit à l'inscription définitive du gage en fonction
de la rémunération ("Werklohn") et seulement en tant que mon-
tant du gage ("Pfandsumme"); le droit de gage ne supposait
pas une créance de constructeur exigible
("eine fällige Werk-
lohnforderung") ni l'exécution d'un travail ("Arbeitsleis-
tung"); dans ce contexte, un jugement en inscription défini-
tive, ou le retrait de l'action contre le propriétaire, ne
faisait pas obstacle, sous l'angle de l'exception de la
chose
jugée, à un procès ultérieur contre le débiteur ("Werklohn-

schuldner")(ATF 105 II 149 consid. 2b p. 152 et les référen-
ces). Dans une jurisprudence non publiée rendue le 27 juin
1985 dans la cause W. contre P., le Tribunal fédéral a con-
firmé un arrêt cantonal posant le principe qu'il suffit que
la question de l'étendue de la créance soit débattue et tran-
chée à titre préjudiciel dans le procès opposant le sous-
traitant au propriétaire; à l'appui de leur opinion, les ju-
ges cantonaux renvoyaient à un arrêt publié aux ATF 106 II
22; dans ce dernier, le Tribunal fédéral, après avoir admis
que le délai de l'art. 839 al. 2 CC n'avait pas été outrepas-
sé, avait renvoyé la cause à l'autorité cantonale afin
qu'elle se prononce sur le principe et le montant de la
créance contre l'entrepreneur général, alors même que le
sous-traitant n'avait apparemment pas pris de conclusions en
paiement contre celui-ci (cf. le commentaire de Jacques
Matile in: DC 1985 p. 74 ss).

dd) Sur le vu de ce qui précède, on ne saurait sui-
vre le recourant lorsqu'il prétend que le sous-traitant au-
rait dû aussi agir en paiement contre l'entrepreneur général
pour être légitimé à obtenir l'inscription définitive de son
droit de gage. Au contraire, il pouvait se contenter d'intro-
duire la seule action en inscription définitive de l'hypothè-
que légale, ce qu'il a fait dans le délai qui lui était im-
parti (90 jours) dans l'ordonnance du Président du Tribunal
de district.

4.- Le recourant conteste en outre la forme sous
laquelle l'inscription a été opérée.

a) Sur ce point, la cour cantonale a considéré
que, hormis le cas où la créance serait "inventée de toute
pièce", elle devait au moins pouvoir faire l'objet d'une
inscription à concurrence d'un montant maximum. Elle a ainsi
"ordonné l'inscription définitive [...] d'une hypothèque lé-

gale d'artisans et entrepreneurs d'un montant maximum de
29'300 francs, avec intérêts à 5% l'an dès le 3 mars 1998".

b) Aux termes de l'art. 794 al. 1 CC, un gage immo-
bilier ne peut être constitué que pour une créance détermi-
née, dont le montant doit être indiqué en monnaie suisse (hy-
pothèque en capital). Il garantit alors le paiement du capi-
tal (art. 818 al. 1 ch. 1 CC), des frais de poursuite et des
intérêts moratoires (art. 818 al. 1 ch. 2 CC), ainsi que des
intérêts des trois années échus au moment de l'ouverture de
la faillite ou de la réquisition de vente et ceux qui ont
couru depuis la dernière échéance (art. 818 al. 1 ch. 3 CC).
Selon l'art. 794 al. 2 CC, les parties peuvent cependant aus-
si garantir par un gage immobilier une créance indéterminée,
en indiquant une somme fixe représentant le maximum de la ga-
rantie (hypothèque maximale). Dans ce cas, l'inscription du
taux d'intérêt au registre foncier n'est pas admise; la
somme
fixe inscrite correspond en effet au montant maximum
garanti,
y compris les intérêts et accessoires prévus à l'art. 818 CC
(ATF 75 I 337).

c) La doctrine est divisée sur l'application de ces
règles à l'hypothèque légale des artisans et entrepreneurs.
Si Wieland admet l'inscription d'une hypothèque maximale à
titre provisoire, il est d'avis qu'elle doit être remplacée
par un droit de gage fixe lors de l'inscription définitive
(Les droits réels dans le Code civil suisse, T. II, trad.
Bovay, Lausanne et Paris 1914, ch. 2 let. i ad art. 839 CC).
De Haller n'envisage que l'hypothèque en capital, puisqu'il
pose comme condition à l'inscription définitive l'existence
d'une créance liquide; il concède cependant l'inscription
d'un montant maximum, conformément à l'art. 794 al. 2 CC,
dans le cadre de l'art. 22 al. 2 in fine ORF (op. cit., p.
227 ss, spéc. 229). Pour Zobl, le juge peut ordonner l'ins-
cription soit d'un montant déterminé correspondant à la
créance de l'ayant droit, soit d'une somme fixe représentant

le maximum de la garantie accordée (op. cit., p. 163 ainsi
que la doctrine mentionnée aux notes 682 et 683). Cette af-
firmation doit toutefois être comprise au regard des auteurs
auxquels il se réfère, dont l'un consent à l'inscription de
l'hypothèque maximale dans l'éventualité visée par l'art.
839
al. 1 CC (Hugo Rosenstiel, Die Maximalhypothek nach dem
schweizerischen Zivilgesetzbuch, thèse Zurich, 1917, p. 50),
et l'autre considère que l'hypothèque maximale ne doit être
admise que si l'inscription est requise immédiatement après
la conclusion du contrat (Paul Hofmann, Die gesetzlichen
Grundpfandrechte des Art. 837 ZGB, insbesondere das Bauhand-
werkerpfandrecht, thèse St-Gall 1940, p. 69 et 78). La posi-
tion de Schumacher est équivoque: il indique certes que l'hy-
pothèque légale des artisans et entrepreneurs porte, comme
tout gage immobilier conventionnel et selon l'art. 794 al. 1
CC, sur un montant déterminé en espèces (op. cit., nos 785
et
794); lorsqu'il définit la notion de "Pfandsumme", il ajoute
toutefois que celle-ci correspond à la charge maximale ("die
oberste Belastungsgrenze"), ce terme devant être compris com-
me la somme de toutes les créances que l'entrepreneur pour-
rait exiger et qui peuvent faire l'objet du gage après la
prise en considération des exceptions du propriétaire (op.
cit., nos 796 et 801 ss). Examinant la question sous l'angle
des intérêts moratoires, Füllemann rejette l'éventualité
d'une inscription à concurrence d'un montant maximum;
partant
du principe que le dommage résultant de la demeure doit
aussi
bénéficier - en tant qu'élément de la créance de l'entrepre-
neur - de la garantie immobilière (cf. aussi sur ce point
précis: LGVE 1989 I p. 16 n. 8, publié également in: SJZ 87/
1991 p. 246 ss), il estime que seule une hypothèque en capi-
tal peut servir ce but (op. cit., p. 21 ss).

d) Comme on l'a vu ci-dessus (supra, consid. 3b/bb-
dd), l'objet de l'action en inscription de l'hypothèque léga-
le des artisans et entrepreneurs n'est pas de fixer la créan-
ce en tant que telle, mais le montant du gage ou, en
d'autres

termes, l'étendue de la garantie hypothécaire. A cet égard,
est décisive la rémunération prévue contractuellement entre
l'entrepreneur général et le sous-traitant et non la valeur
objective des travaux. Comme le dispose l'art. 837 al. 1 ch.
3 CC, le droit à l'inscription découle en effet de la
fourniture de travail et de matériaux. Autrement dit, si
l'entrepreneur, en l'occurrence le sous-traitant, démontre
avoir exécuté ses obligations, il peut prétendre à ce que la
rémunération convenue soit garantie par gage, indépendamment
du sort définitif de sa créance contre l'entrepreneur géné-
ral. Même si celle-là n'est, en tant que telle, pas définiti-
vement établie, elle l'est, en tant que montant de la garan-
tie ("Pfandsumme"), à l'égard du propriétaire. Dans ce con-
texte, où les travaux ont été exécutés, il faut admettre que
seule l'inscription d'une hypothèque en capital selon l'art.
794 al. 1 CC peut être opérée. Il convient de réserver l'hy-
pothèque maximale aux cas où, notamment, l'inscription est
requise antérieurement à l'exécution des prestations prévues
contractuellement, à savoir avant même que l'entrepreneur ne
dispose d'une créance au sens de l'art. 837 al. 1 ch. 3 CC.

En l'espèce, il résulte de l'arrêt entrepris (art.
63 al. 2 OJ) que l'intimée a adressé à l'entrepreneur
général
un devis d'un montant de 64'119 fr.95 net pour des travaux
de
rénovation de stores; ce devis, à l'exception du prix, a été
repris intégralement dans le contrat de "vente de travaux im-
mobiliers" passé par l'entrepreneur général avec le proprié-
taire. Il est en outre constant que ces travaux ont commencé
en 1997 et se sont achevés en mai 1998, à la satisfaction du
propriétaire. Si ce dernier a réglé la moitié du prix
convenu
avec l'entrepreneur général en avril 1997, et le reste en
mai
1997 sur un compte bloqué, le sous-traitant n'a, quant à
lui,
perçu de son cocontractant que trois acomptes totalisant
35'000 fr. sur une facture s'élevant à 64'300 fr. Il subsis-
tait ainsi un solde impayé de 29'300 fr. qui, en lui-même,
n'a pas été contesté. L'intimée ayant ainsi démontré avoir

exécuté pour le prix convenu les prestations prévues, il
faut
admettre que le montant de la garantie requise a été suffi-
samment établi. Conformément à ce qui vient d'être dit,
l'inscription devait dès lors revêtir la forme d'une hypothè-
que en capital au sens de l'art. 794 al. 1 CC. A cet égard,
il faut admettre que, en dépit des termes utilisés ("à con-
currence d'un montant maximum"), l'autorité cantonale - qui
a
ordonné l'inscription du taux d'intérêt (cf. ATF 75 I 337) -
a statué en ce sens. Dans ces conditions, il y a lieu de re-
jeter le recours dans le sens des considérants.

Vu l'issue de la procédure, les conclusions - impro-
prement qualifiées de reconventionnelles - tendant à la ra-
diation de l'annotation provisoire deviennent sans objet.

5.- Le recourant, qui succombe, doit être condamné
aux frais et dépens de la procédure (art. 156 al. 1 et 159
al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours en réforme dans le sens des
considérants et confirme l'arrêt entrepris.

2. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 1'500 fr. à payer à l'intimée à
titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Ie Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 31 août 2000
BRU/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE,
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.80/2000
Date de la décision : 31/08/2000
2e cour civile

Analyses

Art. 839 al. 3 CC, 22 al. 2 ORF; reconnaissance de la créance par le propriétaire ou par le juge; forme de l'inscription définitive. Le sous-traitant n'a pas à agir simultanément en paiement contre l'entrepreneur général pour être légitimé à obtenir l'inscription définitive de son droit de gage (consid. 3). Au stade de l'inscription définitive et dans l'hypothèse où les travaux ont été exécutés, seule l'inscription d'une hypothèque en capital au sens de l'art. 794 al. 1 CC peut être opérée (consid. 4).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-31;5c.80.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award