La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/08/2000 | SUISSE | N°C.57/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 août 2000, C.57/00


«»
C 57/00 Co

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 30 août 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

F.________, intimé,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- F.________ exerçait la fonction de directeur
auprès de la société I.________ SA jusqu'au 31 décembre
1996, date à laquelle il a é

té licencié en raison de la
cessation d'activité de l'entreprise. Il a requis des
indemnités de chômage à partir du 1er janvier 1997.

Du mo...

«»
C 57/00 Co

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 30 août 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

F.________, intimé,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- F.________ exerçait la fonction de directeur
auprès de la société I.________ SA jusqu'au 31 décembre
1996, date à laquelle il a été licencié en raison de la
cessation d'activité de l'entreprise. Il a requis des
indemnités de chômage à partir du 1er janvier 1997.

Du mois de janvier au mois de septembre 1997, l'assuré
a néanmoins continué à travailler au service
d'I.________ SA à un taux d'occupation variable, s'étant vu
confier la charge de liquider la société. Parallèlement à
cette activité, il a constitué, le 1er mai 1997, avec deux
autres partenaires, la société D.________ SA, dont il
détient les 30 % du capital social. L'assuré a régu-
lièrement annoncé auprès de la Caisse cantonale genevoise
de chômage (ci-après : la caisse) les gains intermédiaires
qu'il a réalisés au service de ces deux sociétés.
A la suite d'un contrôle opéré par l'Office fédéral du
développement économique et de l'emploi (OFDE; actuelle-
ment, Secrétariat d'Etat à l'économie - seco), la caisse a,
par décision du 4 mars 1998, dénié à F.________ le droit à
l'indemnité de chômage du 1er janvier au 30 novembre 1997.
Elle a considéré que la perte de travail subie par l'inté-
ressé durant cette période ne pouvait pas être indemnisée
par l'assurance-chômage, au motif que ce dernier réunissait
en sa personne la double qualité d'employeur et d'employé.
L'assuré a contesté cette décision devant le Groupe
réclamations de l'Office cantonal de l'emploi (ci-
après : Groupe réclamations). Il s'est déclaré étonné du
comportement adopté par la caisse, dans la mesure où il
avait fondé sa société en accord avec son conseiller en
placement, lequel l'avait même autorisé à présenter ses
offres d'emploi en qualité de technicien indépendant; par
ailleurs, il n'avait eu d'autre intention que de réduire
son chômage.
Par décision du 22 septembre 1998, le Groupe réclama-
tions a admis la réclamation de l'assuré.

B.- L'OFDE a recouru contre cette décision, en faisant
valoir que l'indemnisation de l'assuré - compte tenu de sa
qualité d'organe dirigeant - aurait pour résultat d'éluder
les dispositions relatives à la réduction de l'horaire de

travail; en outre, l'intéressé ne remplissait pas non plus
l'exigence de l'aptitude au placement, dès lors qu'il avait
entrepris une activité indépendante et n'était plus en
mesure d'offrir à un employeur toute la disponibilité exi-
gible.
Par jugement du 13 janvier 2000, la Commission canto-
nale genevoise de recours en matière d'assurance-chômage
(ci-après : la commission) a rejeté le recours.

C.- Reprenant ses arguments développés en première
instance, le seco interjette recours de droit administratif
contre ce jugement, dont il requiert l'annulation.
L'intimé conclut au rejet du recours, tandis que la
caisse propose son admission.

Considérant en droit :

1.- Le Tribunal fédéral des assurances n'étant pas lié
par les motifs que les parties invoquent (art. 114 al. 1 en
corrélation avec l'art. 132 OJ), il examine d'office si le
jugement attaqué viole des normes de droit public fédéral
ou si la juridiction de première instance a commis un excès
ou un abus de son pouvoir d'appréciation (art. 104
let. a OJ). Il peut ainsi admettre ou rejeter un recours
sans égard aux griefs soulevés par le recourant ou aux rai-
sons retenues par le premier juge (ATF 124 V 340 consid. 1b
et les références).

2.- Selon la commission, l'intimé a droit aux indemni-
tés compensatoires durant toute la période litigieuse. Le
fait qu'il a continué à travailler au service de la société
I.________ SA après son licenciement et, dans le même
temps, requis des indemnités de chômage, ne constitue pas,
aux yeux des premiers juges, un comportement assimilable à

une fraude à la loi. En effet, à partir du 1er janvier
1997, celui-ci n'avait plus exercé la même fonction qu'au-
paravant, s'étant contenté, sur mandat des actionnaires, de
procéder à la liquidation de la société en vue de sa ferme-
ture définitive. Par ailleurs, la commission a considéré
l'assuré comme apte au placement durant la période s'éten-
dant du 1er janvier au 30 novembre 1997.

3.- Sous la rubrique «Remarques» de sa demande d'in-
demnité de chômage du 13 janvier 1997, l'intimé a indiqué
qu'il était en train de mener - parallèlement à son occupa-
tion temporaire auprès d'I.________ SA - des pourparlers en
vue de faire «redémarrer» la société en liquidation à
partir du 1er mars 1997. On peut ainsi en déduire qu'il a
voué, dès son inscription au chômage, son temps libre à
l'élaboration d'une nouvelle société. De fait, les dé-
marches qu'il a entreprises ont abouti à la création, le
1er mai 1997, de la société D.________ SA, dont il a cumulé
les fonctions d'administrateur-président, de directeur et
de technicien. Or, selon la jurisprudence, doit être consi-
déré comme inapte au placement l'assuré qui n'a pas
l'intention ou qui n'est pas à même d'exercer une activité
salariée, parce qu'il a entrepris - ou envisage
d'entreprendre - une activité lucrative indépendante, cela
pour autant qu'il ne puisse plus être placé comme salarié
ou qu'il ne désire pas ou ne puisse pas offrir à un em-
ployeur toute la disponibilité normalement exigible
(ATF 112 V 327 consid. 1a et les références; DTA 1998 no 32
p. 176 consid. 2).
Comme il l'a lui-même exposé dans ses écritures suc-
cessives, l'intimé a pris la décision de se mettre à son
compte car, alors âgé de 62 ans, il estimait peu probable
de trouver un poste de travail équivalant à celui qu'il
occupait précédemment. Ce nonobstant, les premiers juges
ont estimé qu'il était disposé et en mesure, à chaque
instant, d'accepter un emploi salarié. On ne saurait les

suivre. D'une part, l'exploitation de la société repose sur
la seule activité de l'intimé et d'autre part, celui-ci a
consacré, de son propre aveu, un temps considérable à la
mise sur pied de son projet, si bien que l'on peut forte-
ment douter qu'il fût prêt à l'abandonner abruptement. Par
ailleurs, la société a pu, grâce à un important bénéfice
réalisé en 1998, lui octroyer rétroactivement un salaire
dès le 1er janvier 1998; c'est dire que l'intimé a dû plei-
nement s'investir, en 1997 déjà, dans sa nouvelle activité,
n'étant ainsi plus à même d'offrir une disponibilité suffi-
sante sur le marché du travail.
Au regard de ces circonstances et compte tenu de la
jurisprudence précitée, on doit admettre que l'intimé était
inapte au placement dès son inscription au chômage, ce qui
exclut la prise en considération d'un gain intermédiaire.
Que durant la phase de lancement de D.________ SA, il n'a
pas pu bénéficier d'un revenu régulier n'y change rien, car
il n'appartient pas à l'assurance-chômage de couvrir le
risque d'entrepreneur. Vu l'inaptitude au placement de
l'intimé, il n'est pas nécessaire d'examiner encore si
celui-ci a contourné les dispositions sur l'indemnité en
cas de réduction de l'horaire de travail.

4.- Dans sa réclamation formée contre la décision li-
tigieuse de la caisse, l'intimé se prévaut du droit à la
protection de la bonne foi. Il allègue avoir informé l'ad-
ministration de toutes ses démarches et s'être enquis
auprès d'elle des conséquences que la prise d'une activité
indépendante pouvait avoir sur son droit aux indemnités
journalières; deux employés du Service de placement
l'auraient alors assuré de la poursuite du versement des
prestations, tant que le gain obtenu au moyen de cette
activité demeurait modeste. Toutefois, comme il vient
d'être dit, cette circonstance n'a aucune influence sur la
question de l'aptitude au placement d'un assuré qui exerce
une activité indépendante.

Dans le cadre de l'instruction du recours, le Groupe
réclamations a procédé à l'audition des employés concernés,
qui ont confirmé les allégations de l'intimé. Sur la base
de cette constatation, l'autorité cantonale a admis que les
conditions mises à la protection de la bonne foi étaient,
en l'espèce, réalisées, si bien que le droit de l'assuré
aux indemnités de chômage devait être maintenu. On peut
effectivement se demander si les organes de l'assurance-
chômage n'ont pas mal renseigné l'intimé dès lors qu'il
existe depuis le 1er janvier 1996 des indemnités spécifi-
ques pour soutenir les chômeurs qui projettent d'entrepren-
dre une activité indépendante (art. 71a ss LACI) - indem-
nités que celui-ci aurait vraisemblablement requises s'il
avait été correctement informé. Toutefois, le dossier ne
contient aucun procès-verbal de l'audition qui s'est tenue
devant le Groupe réclamations, de sorte qu'on en ignore la
teneur exacte. Par ailleurs, il semble que la caisse n'a
pas été instruite de l'existence de ces démarches, ni
invitée à prendre position sur ceux-ci. En conséquence, il
n'est pas possible de se prononcer en l'état sur
l'application éventuelle du droit à la protection de la
bonne foi et il convient donc de renvoyer la cause à la
commission pour qu'elle instruise cette question.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
13 janvier 2000 de la Commission de recours genevoise
en matière d'assurance-chômage est annulé, la cause
étant renvoyé à cette autorité pour instruction
complémentaire au sens des considérants et nouveau
jugement.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage et à la Caisse cantonale genevoise
de chômage.

Lucerne, le 30 août 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.57/00
Date de la décision : 30/08/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-30;c.57.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award