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30/08/2000 | SUISSE | N°4C.155/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 août 2000, 4C.155/2000


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4C.155/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

30 août 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

Société Immobilière X.________, défenderesse et recourante,
représentée par Me Christian Buonomo, avocat à Genève,

et

les époux R.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Pierre Rüttimann, avocat à Genève;

(

contrat de bail; annulation de congé; sous-location)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 28...

«»

4C.155/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

30 août 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

Société Immobilière X.________, défenderesse et recourante,
représentée par Me Christian Buonomo, avocat à Genève,

et

les époux R.________, demandeurs et intimés, représentés par
Me Pierre Rüttimann, avocat à Genève;

(contrat de bail; annulation de congé; sous-location)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 28 octobre 1985, la Société immobilière
X.________ a conclu un contrat de bail à loyer avec sieur
R.________. Il portait sur un appartement de trois pièces
avec chambrette situé à Genève, que le locataire occupait
depuis le 21 avril 1977.

Établi pour une durée d'une année du 1er novembre
1985 au 31 octobre 1986, le bail était renouvelable d'année
en année, sauf résiliation donnée trois mois avant l'échéan-
ce. Le loyer mensuel s'élevait en dernier lieu à 645 fr.
charges comprises.

Par avenant du 30 juin 1990, le bail a été trans-
féré aux noms des époux R.________, à la suite de leur maria-
ge.

Le 7 mars 1997, les époux R.________ ont sous-loué
l'appartement à dame A.________ à partir du 1er avril 1997
pour une durée indéterminée. Le loyer a été fixé à 645 fr.
par mois charges comprises. Le bail pouvait être résilié
quatre fois l'an, en novembre, février, mai et août, moyen-
nant un préavis de trois mois.

Le 10 mars 1997, les locataires ont demandé à la
société Y.________, qui représentait la bailleresse, l'au-
torisation de sous-louer l'appartement, en lui transmettant
le bail de sous-location.

Il s'en est suivi un échange de courriers entre la
société Y.________ et les époux R.________. La régie n'admet-
tait une sous-location que pour une année au maximum et sou-
haitait connaître la durée de l'absence des locataires;

ceux-ci persistaient pour leur part dans leur volonté de
sous-louer l'appartement.

Par lettre du 4 juin 1997, la société Y.________ a
pris note que l'appartement litigieux serait occupé par dame
A.________ jusqu'à la fin août 1997 et a indiqué qu'elle re-
prendrait contact avec les locataires au début du mois de
septembre 1997.

Le 24 février 1998, la société Y.________ a relancé
les locataires pour connaître leurs intentions au sujet de
la
sous-location. Ceux-ci ont répondu, le 7 mars 1998, que la
situation n'avait pas évolué depuis l'été précédent et
qu'ils
ne manqueraient pas de signaler à la régie tout changement.

Le 31 mars 1998, la société Y.________ a informé
les époux R.________ que la société propriétaire souhaitait
disposer de tout objet pouvant devenir disponible dans son
immeuble, de sorte qu'elle ne pouvait tolérer la sous-
location. La bailleresse était prête à accepter une résilia-
tion anticipée du bail moyennant un préavis de 30 jours pour
le quinze ou la fin d'un mois.

Le 18 avril 1998, les locataires ont confirmé que,
pour des raisons personnelles, ils n'entendaient pas
résilier
le bail.

Par avis du 23 avril 1998, la société propriétaire
a résilié le contrat de bail des époux R.________ pour le 31
octobre 1998 ou pour toute autre échéance légale.

B.- Après l'échec de leur requête en conciliation
le 7 septembre 1998, les locataires ont saisi, le 7 octobre
1998, le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève
d'une demande en annulation de congé.

La SI X.________ a conclu au rejet de la requête
des locataires et, reconventionnellement, à leur évacuation.

Par jugement du 31 mai 1999, le Tribunal des baux
et loyers a annulé le congé du 23 avril 1998.

Ce jugement a été confirmé, le 10 avril 2000, par
la Cour d'appel en matière de Baux et Loyers, statuant sur
appel de la SI X.________.

C.- Contre l'arrêt du 10 avril 2000, la SI
X._______ (la défenderesse) interjette un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à la
réforme
de la décision attaquée, en ce sens qu'il soit dit que le
contrat de bail a été valablement résilié avec effet au 31
octobre 1998 et que les époux R.________ soient condamnés à
évacuer l'appartement en cause. A titre subsidiaire, elle
demande que la cause soit renvoyée à l'autorité cantonale
pour qu'elle statue dans le sens des considérants.

Les époux R.________ (les demandeurs) proposent le
rejet du recours et la confirmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Contrairement à ce que soutient la défende-
resse, la contestation d'une résiliation de bail, qu'il y
ait
ou non sous-location, est de nature pécuniaire. La valeur li-
tigieuse se détermine selon le loyer dû pour la période pen-
dant laquelle le contrat subsiste nécessairement, en suppo-
sant que l'on admette la contestation, et qui s'étend jus-
qu'au moment pour lequel un nouveau congé aurait pu être
donné ou l'a été effectivement (arrêt du Tribunal fédéral du

16 avril 1997 dans la cause D. contre SI M., publié in SJ
1997 p. 493, consid. 2a; Bernard Corboz, Le recours en ré-
forme au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 28 et les ar-
rêts cités sous note 226). En l'espèce, si le congé du 23
avril 1998 devait être annulé, une nouvelle résiliation ne
pourrait pas intervenir dans un délai inférieur à trois ans
(art. 271a al. 1 let. e CO). Le loyer versé par les locatai-
res étant de 645 fr. par mois, soit de 7'740 fr. par an, la
limite de 8'000 fr. prévue à l'art. 46 OJ est ainsi
dépassée.

b) Le mémoire de recours, ainsi que la réponse, ont
été déposés en temps utile compte tenu des féries (art. 32,
34 al. 1 let. b et 54 OJ).

c) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral, mais non pour violation directe d'un droit
de rang constitutionnel (cf. art. 43 al. 1 OJ). Dans la mesu-
re où la défenderesse soutient que l'arrêt attaqué irait à
l'encontre de son droit de propriété garanti par la Constitu-
tion, son recours est irrecevable (cf. ATF 122 III 404 con-
sid. 2).

2.- Reprochant à la cour cantonale d'avoir admis
que le congé donné le 23 avril 1998 était annulable, la dé-
fenderesse invoque une violation des art. 262 et 271a al. 1
let. a CO, ainsi que de l'art. 27 al. 2 CC. Elle soutient en
substance que les demandeurs sous-louaient l'appartement en
cause de manière abusive, dès lors que le contrat de sous-
location était conclu pour une durée indéterminée et que le
retour des locataires était suspendu à la survenance d'un
événement totalement incertain. Une telle situation revenait
à lui imposer une relation contractuelle d'une durée illimi-
tée.

a) L'art. 271a al. 1 let. a CO prévoit que le congé
est annulable lorsqu'il est donné par le bailleur parce que
le locataire fait valoir de bonne foi des prétentions décou-
lant du bail. Le droit de sous-louer aux conditions de
l'art.
262 CO compte parmi les prétentions bénéficiant de la protec-
tion de l'art. 271a al. 1 let. a CO (Higi, Commentaire zuri-
chois, art. 271a CO no 24; SVIT-Kommentar, Schweizerisches
Mietrecht, 2e éd. Zurich 1998, art. 271a CO no 11). Pour que
le congé soit annulable, il faut qu'il existe un rapport de
cause à effet entre l'exercice de la prétention et la rési-
liation (SVIT-Komm., op. cit., art. 271a CO no 13; David
Lachat, Le bail à loyer, Lausanne 1997, p. 475). Le motif
pour lequel le bail a été résilié relève du fait (ATF 115 II
484 consid. 2b p. 486).

En l'espèce, l'arrêt attaqué constate que le congé
a été donné en relation avec la sous-location, ce que la
bailleresse a du reste expressément admis. Il convient donc
d'examiner si les demandeurs avaient le droit de sous-louer
et, le cas échéant, s'ils ont exercé leur droit conformément
aux règles de la bonne foi.

b) En vertu de l'art. 262 al. 1 CO, le locataire ne
peut sous-louer qu'avec le consentement du bailleur. Ce der-
nier ne peut cependant refuser son consentement que dans les
hypothèses prévues à l'art. 262 al. 2 CO (ATF 125 III 62 con-
sid. 2a), à savoir si le locataire refuse de lui communiquer
les conditions de la sous-location (let. a), si les condi-
tions de la sous-location, comparées à celles du contrat de
bail principal, sont abusives (let. b) et, enfin, si la sous-
location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs
(let. c). Il s'agit de limites qualifiées d'étroites par la
jurisprudence (arrêt du Tribunal fédéral du 11 octobre 1994
dans la cause C. contre époux E. publié in Cahiers du bail
1995 p. 19, consid. 4b in fine).

Il résulte de l'arrêt attaqué que les demandeurs
ont communiqué à la défenderesse les conditions de la sous-
location et que le loyer de la sous-location était identique
à celui du bail principal, ce qui exclut l'existence de con-
ditions abusives (cf. ATF 119 II 353 consid. 5a). Reste à se
demander si la sous-location en cause pourrait représenter
des inconvénients majeurs pour la défenderesse. Celle-ci
fait
valoir que les demandeurs ont conclu un contrat de sous-loca-
tion pour une durée indéterminée et que leur retour dans
l'appartement en question n'était que très incertain.

Sur le premier point, la jurisprudence a clairement
indiqué que l'on ne peut soutenir que la durée limitée de la
sous-location serait une condition de celle-ci, dès lors cet-
te opinion ne trouve aucune assise dans le texte clair de
l'art. 262 CO (arrêt du 11 octobre 1994, op. cit., Cahiers
du
bail 1995 p. 19, consid. 4b). En d'autres termes, le fait
que
les demandeurs aient sous-loué l'appartement pour une durée
indéterminée ne constitue pas un inconvénient majeur pour la
bailleresse.

Quant au caractère provisoire de la sous-location,
le Tribunal fédéral a mis en doute l'idée, soutenue par quel-
ques auteurs (cf. Claudio Rollini, Le caractère provisoire
de
la sous-location et les limites imposées en la matière au lo-
cataire, Cahiers du bail 1995 p. 14 ss), que la
sous-location
ne serait admissible que si le sous-bailleur envisageait de
reprendre un jour la chose pour lui-même. Il n'a toutefois
pas tranché expressément la question, considérant qu'en tous
les cas, il suffit que le sous-bailleur n'ait pas perdu
toute
idée de reprendre l'usage de l'appartement en cause, même si
ses intentions ne sont que vagues (cf. arrêt du 11 octobre
1994, op. cit., Cahiers du bail 1995 p. 19, consid. 4c). Tel
est précisément ce qui se produit en l'espèce, dès lors
qu'il
a été constaté en fait, d'une manière qui lie le Tribunal fé-
déral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que les de-

mandeurs n'excluaient pas de reprendre dans le futur les lo-
caux en question, en fonction de l'évolution de leur situa-
tion familiale. C'est la raison pour laquelle ils ont sous-
loué l'appartement à une personne qui est restée domiciliée
dans un autre canton.

Enfin, on ne discerne pas d'engagement excessif de
la défenderesse qui pourrait être contraire à l'art. 27 al.
2
CC et, par voie de conséquence, tomber sous le coup de
l'art.
262 al. 2 let. c CO. En effet, la sous-location ne modifie
pas les droits et obligations des parties au contrat de bail
principal (Higi, op. cit., art. 262 CO no 26; Lachat, op.
cit., p. 384 s.). S'il respecte les exigences légales, le
bailleur conserve donc la faculté de résilier le bail princi-
pal aux conditions convenues avec le locataire. Le sous-loca-
taire doit alors restituer la chose louée, sans avoir la pos-
sibilité de réclamer une prolongation du contrat principal
(art. 262 al. 3 et 273b al. 1 CO). Si celui-ci tarde à libé-
rer les locaux, le locataire principal répond envers le bail-
leur, sur la base de l'art. 101 CO, de tous les faits domma-
geables du sous-locataire en relation avec la violation de
restituer la chose louée à la fin du bail (ATF 117 II 65 con-
sid. 2b et les références citées). En outre, si le locataire
continue de sous-louer les locaux après l'extinction du bail
principal, il doit restituer au bailleur les profits résul-
tant de cette gestion d'affaires imparfaite (ATF 126 III 69
consid. 2a et b).

Les limites fixées à la sous-location par l'art.
262 al. 1 CO n'ont donc pas été dépassées par les demandeurs.

c) Il convient encore de se demander si les loca-
taires étaient de bonne foi en exerçant les droits découlant
de la sous-location. Tel ne serait notamment pas le cas
s'ils
avaient utilisé la sous-location dans un but étranger, par
exemple pour procéder à une substitution détournée de loca-

taires (cf. SVIT-Komm., op. cit., art. 262 CO no 27). Comme
on vient de le relever, les demandeurs n'ont pas perdu toute
idée de retourner un jour dans le logement sous-loué. Ils
n'ont ainsi pas définitivement renoncé à disposer de leur
droit d'usage sur la chose, ce qui exclut qu'ils aient cher-
ché à se libérer de leur bail en procédant, par le biais de
la sous-location, à un transfert de locataires. Par
ailleurs,
la défenderesse ne fait état d'aucun autre élément
permettant
d'en conclure que les demandeurs auraient émis des préten-
tions issues de la sous-location de façon abusive.

Par conséquent, on ne discerne pas d'obstacle empê-
chant les locataires de se prévaloir de l'art. 271a al. 1
let. a CO. Il n'est dès lors pas nécessaire de renvoyer la
cause à l'autorité cantonale pour qu'elle complète ses cons-
tatations en application de l'art. 64 al. 1 OJ, comme le de-
mande à titre subsidiaire la défenderesse.

Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où
il est recevable et l'arrêt attaqué confirmé.

3.- Les frais et dépens seront mis à la charge de
la défenderesse, qui succombe (art.
156 al. 1 et 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la défenderesse;

3. Dit que la défenderesse versera aux demandeurs
une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
Baux
et Loyers du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 30 août 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.155/2000
Date de la décision : 30/08/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-30;4c.155.2000 ?
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