La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/08/2000 | SUISSE | N°5P.246/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 août 2000, 5P.246/2000


«»
5P.246/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

29 août 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Merkli, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________ SA, représentée par Me Douglas Hornung, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 25 mai 2000 par la 1ère Section de la Cour
de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la
recourante à S._______

_ Corporation, représentée par Me
Bernard Vischer, avocat à Genève;

(mainlevée d'opposition)

Vu les pièces du dossier...

«»
5P.246/2000

IIe C O U R C I V I L E
*****************************

29 août 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Merkli, juges. Greffier: M. Braconi.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________ SA, représentée par Me Douglas Hornung, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 25 mai 2000 par la 1ère Section de la Cour
de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose la
recourante à S.________ Corporation, représentée par Me
Bernard Vischer, avocat à Genève;

(mainlevée d'opposition)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par sentence partielle du 15 août 1997, un tribunal
arbitral londonien a condamné B.________ SA à verser à
S.________ Corporation la somme de 1'146'663,58 US$, sous
suite d'intérêts et de dépens (arrêtés à 6'005 £). Se
fondant
sur cette sentence, S.________ Corporation a requis la Haute
Cour de Justice de Londres d'ordonner la mise en liquidation
de la débitrice, requête qui fut admise le 2 février 1998;
la
Cour d'appel de Londres a, toutefois, annulé cette décision
le 31 juillet 1998.

B.- Le 15 mars 1999, S.________ Corporation a fait noti-
fier à B.________ SA un commandement de payer les sommes de
1'685'486 fr.60 et 14'021 fr.68, toutes deux avec intérêts à
7,5% l'an dès le 16 août 1997, auquel la poursuivie a formé
opposition totale. Par jugement du 10 juin 1999, le Tribunal
de première instance de Genève a prononcé l'exequatur de la
sentence arbitrale ainsi que la mainlevée définitive; saisie
d'un appel de la poursuivie, la Cour de justice du canton de
Genève a, le 2 septembre 1999, annulé la décision entreprise
et rejeté la requête de mainlevée. A la suite d'un recours
de
droit public de la poursuivante, cet arrêt a été cassé le 21
mars 2000 par le Tribunal fédéral (5P.371/1999).

C.- Statuant après renvoi le 25 mai suivant, la Cour de
justice a confirmé le jugement de mainlevée définitive rendu
en première instance.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public au
Tribunal fédéral, B.________ SA sollicite préalablement l'oc-
troi de l'effet suspensif et, sur le fond, conclut à l'annu-
lation de cet arrêt ainsi qu'au refus de la mainlevée.

L'intimée s'en remet à justice sur l'octroi de l'effet
suspensif et propose le rejet du recours au fond.

Par ordonnance du 20 juillet 2000, le Président de la
cour de céans a accordé l'effet suspensif.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Selon l'art. 66 al. 1 OJ - applicable par analogie
au recours de droit public (ATF 122 I 250 consid. 2 p. 251
et
les références citées) -, l'autorité cantonale à laquelle
une
affaire est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle
décision
sur les considérants de droit de l'arrêt du Tribunal
fédéral;
elle ne saurait, par conséquent, se fonder sur des motifs
que
celui-ci a expressément ou implicitement rejetés (ATF 112 Ia
353 consid. 3c/bb p. 354); le Tribunal fédéral est aussi lié
par son arrêt de renvoi (ATF 125 III 421 consid. 2a p. 423
et
la jurisprudence citée).

Dans sa décision du 21 mars 2000, la IIe Cour civile a
considéré, d'une part, que la sentence arbitrale anglaise ne
contrevenait pas à l'ordre public, pas plus qu'elle n'avait
été suspendue par une autorité compétente du pays dans
lequel
elle avait été prononcée (art. V al. 1 let. e et al. 2 let.
b
Convention de New York), et, d'autre part, que cette
sentence
n'était pas subordonnée à la condition (suspensive) du rejet
des conclusions reconventionnelles prises par la recourante
actuelle dans la procédure arbitrale (5P.371/1999, consid. 2
let. a - c); ces points sont donc définitivement acquis.

2.- La recourante reproche d'abord à la Cour de justice
d'avoir violé la «Convention de Lugano»; elle fait valoir,
en

substance, que l'arrêt de la Cour d'appel de Londres
annulant
l'ordonnance de liquidation («winding up order») devait, aux
termes de l'art. 26 al. 1 CL, être automatiquement reconnu
en
Suisse, «où il a acquis l'autorité de la chose jugée».

D'après la doctrine, la procédure de «winding up» n'est
soustraite au champ d'application de la convention (art. 1er
al. 2 ch. 2 CL) que si le motif qui a présidé à son
ouverture
est l'insolvabilité de la société (Donzallaz, La Convention
de Lugano, vol. I, N 955; Gaudemet-Tallon, Les Conventions
de
Bruxelles et de Lugano, 2e éd., N 35 et les références
citées
par ces auteurs); cette interprétation découle, d'ailleurs,
de la version anglaise du traité («[...] proceedings
relating
to the winding up of insolvent companies [...]»). Le dossier
ne permet toutefois pas de résoudre ce point, sur lequel les
plaideurs sont, du reste, en désaccord: tout ce qu'on peut
en
tirer - faute de documents comptables relatifs à la
situation
financière de la société -, c'est que l'intimée avait
allégué
l'insolvabilité de la débitrice à l'appui de sa requête de
mise en liquidation, à laquelle le tribunal avait donné
suite
en application de l'«Insolvency Act 1986»; la Cour d'appel
de
Londres ne s'est, quant à elle, pas penchée sur cet aspect.

Quoi qu'il en soit, le titre fondant la poursuite est
la
sentence arbitrale rendue le 15 août 1997. Or, comme l'a
jugé
le Tribunal fédéral (5P.371/1999, consid. 2b), l'arrêt de la
Cour d'appel de Londres n'en remet aucunement en question le
caractère obligatoire («binding»), mais uniquement
l'aptitude
à provoquer la liquidation de la société; en d'autres
termes,
cette décision n'affecte pas la force exécutoire qui découle
de la sentence. L'«autorité de la chose jugée» attachée à la
décision en cause pourrait s'opposer à une nouvelle demande
de liquidation en Grande-Bretagne à raison de la même
créance

et sur la base des mêmes faits; elle ne saurait, en
revanche,
avoir pour effet de priver l'intimée du droit de poursuivre
l'exécution de ses prétentions sur les biens de la débitrice
en Suisse par les voies et aux conditions posées par le
droit
suisse (cf. ATF 111 III 38 consid. 2 p. 42/43).

3.- La recourante se plaint, en outre, d'une violation
arbitraire des art. 99, 100 et 292 al. 1 let. d LPC/GE; elle
soutient que la requête de mainlevée «aurait dû être écartée
pour exception de chose jugée», puisqu'elle est fondée sur
la
même cause et oppose les mêmes parties que dans la procédure
devant la Cour d'appel de Londres.

Avec l'intimée, on ne voit pas où résiderait l'identité
d'objet entre une demande de «winding up» et une requête en
mainlevée d'opposition (art. 100 al. 1 LPC/GE), encore moins
l'identité de moyens (art. 292 al. 1 let. d LPC/GE). De
toute
manière, ce grief repose sur la prémisse, non démontrée, que
l'arrêt de la Cour d'appel de Londres est susceptible d'être
reconnu en Suisse (art. 26 al. 1 CL;
Bertossa/Gaillard/Guyet,
Commentaire de la loi de procédure civile genevoise, N 3 ad
art. 100; Sträuli/Messmer, Kommentar zur Zürcherischen ZPO,
2e éd., N 23 ad § 191 et les références), de sorte qu'il n'y
a pas lieu d'en débattre plus avant.

4.- Dans un dernier moyen - qui ressortit au seul droit
interne (ATF 125 III 386 consid. 3b p. 390) -, la recourante
se prévaut d'un «sursis», au sens de l'art. 81 al. 1 LP, que
la Cour d'appel de Londres lui aurait octroyé.

Il est vrai que, d'après un arrêt vaudois, le juge de
la
mainlevée doit tenir compte d'un sursis à l'exécution
accordé
par l'autorité étrangère compétente (JdT 1974 II 94); cette

jurisprudence, par ailleurs critiquée (Panchaud/Caprez, La
mainlevée d'opposition, 2e éd., § 152 N 5), n'entre
toutefois
pas en considération ici. Dans son arrêt de renvoi, la cour
de céans a jugé que les magistrats d'appel anglais n'avaient
pas formellement suspendu la sentence, mais uniquement dénié
à l'intimée le droit de faire liquider la société débitrice,
dont la demande reconventionnelle n'a pas fait l'objet d'une
décision définitive (5P.371/1999, consid. 2b et c). Dès
lors,
il n'est pas arbitraire d'admettre que ce «sursis» - jusqu'à
droit jugé sur les conclusions reconventionnelles - pourrait
tout au plus s'opposer à l'ouverture en Grande-Bretagne
d'une
procédure tendant à la liquidation générale du patrimoine de
la société, sans préjudice d'autres moyens d'exécution.

5.- En conclusion, le recours, manifestement mal fondé,
doit être rejeté et l'émolument judiciaire mis à la charge
de
son auteur (art. 156 al. 1 OJ). L'intimée s'en est remise à
justice quant à l'octroi de l'effet suspensif; elle a
répondu
sur le fond sans y avoir été invitée, occasionnant des frais
inutiles qu'il lui incombe de supporter (art. 159 al. 5, en
relation avec l'art. 156 al. 6 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 12'000 fr. à la
charge
de la recourante.

3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens à l'intimée.

4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la 1ère Section de la Cour de justice du
canton de Genève.

__________

Lausanne, le 29 août 2000
BRA/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.246/2000
Date de la décision : 29/08/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-08-29;5p.246.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award